CyclOpe 2024

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Attendre et espérer"

Publication du Rapport

Cyclope 2024

14 Mai 2024 - Paris

CyclOpe 2023

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Les cavaliers de l'Apocalypse"

Publication du Rapport

Cyclope 2023

23 Mai 2023 - Paris

CyclOpe 2022

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Le monde d'hier »

Publication du Rapport

Cyclope 2022

8 Juin 2022 - Paris

CyclOpe 2021

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Cette obscure clarté qui

tombe des étoiles »

Publication du Rapport

Cyclope 2021

26 Mai 2021 - Paris

 

CyclOpe 2020

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Allegoria ed effetti
del Cattivo Governo -Ambrogio Lorenzetti 
»

Publication du Rapport

Cyclope 2020

09 juin 2020 - Paris

CyclOpe 2019

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Les illusions perdues »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2019

15 mai 2019- Paris

CyclOpe 2018

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Le ciel rayonne, la terre jubile »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2018

16 mai 2018 - Paris

CyclOpe 2017

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Vent d'Est, Vent d'Ouest »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2017

15 mai 2017 - Paris

CyclOpe 2016

 

LES MARCHES MONDIAUX

« A la recherche des sommets perdus »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2016

24 mai 2016 - Paris

CyclOpe 2015

LES MARCHES MONDIAUX

Pour qui sonne le glas ?

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2015

20 mai 2015 - Paris

CyclOpe 2014

LES MARCHES MONDIAUX

Dans le rêve du Pavillon Rouge

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2014

14 mai 2014 - Paris

1er mars

          La Banque Centrale européenne se déchaîne… ! L’institution de Francfort, encore prudente sur le front des taux fait très fort pour refinancer les banques et donc les inciter à ouvrir bien grandes les portes des crédits à l’économie. Après une première opération en décembre 2011, la BCE vient de donner à quelque 800 banques européennes 529 milliards d’euros de crédit à trois ans à un taux de 1 %. En tenant compte des restructurations de dette, cela représente quand même plus de 300 milliards d’euros dont bénéficie un système bancaire européen bien éprouvé par la crise.

          C’est bien sûr un apport massif de liquidités à l’économie européenne, un exercice au fond semblable au « quantitative easing » auquel s’est livrée la Fed en 2010 et 2011. En dehors de l’arme des taux, la seule mesure à la disposition des banques centrales est bien de jouer sur la disponibilité du crédit. Le problème est qu’il faut que les banques jouent le jeu à un moment où nombre d’entre elles sont affaiblies et où toutes sont en plein nettoyage de bilan pour passer sous les fourches caudines de Bâle III et de ses ratios prudentiels (LCR et NSFR). Le pari de la BCE est celui de banques moins frileuses vis-à-vis de l’économie « réelle ». C’est un pari risqué et ce d’autant plus qu’avec un bilan qui pèse désormais 32 % du PIB de la zone euro (contre 18 % pour la Fed), la BCE n’a plus guère de marges de manœuvre.

 

5 mars

          La victoire de Poutine en Russie avait beau être programmée et une quasi-certitude, elle n’en laisse pas moins un goût amer. Ceci étant, on ne peut négliger le fait que pour de très nombreux Russes « de la rue », Poutine est l’homme qui a ramené un peu d’ordre après le chaos des années Yeltsin (et même Gorbatchev) qui a repris le contrôle des oligarques et qui les a fait rentrer dans le rang. C’est surtout lui qui a –un peu– rétabli les services publics et mieux réparti la manne du pétrole, du gaz et des métaux. Pour tout cela, on peut comprendre que les Russes aient « vraiment » voté pour lui plutôt que pour un Mikhail Prokhorov, un de ces profiteurs qui ont saigné la Russie sur les deux dernières décennies.

          Mais quand même, quel gâchis! La Russie n’est au fond qu’un gigantesque émirat pétrolier doublé de gaz naturel et de bien d’autres matières premières. Elle peut faire illusion comme ces « villages de Potemkine », façades illusoires bâties par le favori de Catherine II pour impressionner sa maîtresse. L’échec de Poutine est celui d’un véritable développement économique, c’est l’illustration parfaite de la malédiction des matières premières. Ancien du KGB, Poutine s’est replié sur ce qu’il connaissait – le complexe militaro-industriel et sa capacité à entretenir des lambeaux d’État-providence. Mais au XXIe siècle ce n’est plus suffisant.

 

7 mars

          Rencontre avec une députée britannique, membre du Labour et « shadow » ministre de l’Agriculture de l’opposition. Son parcours est un peu celui de Margaret Thatcher : milieu modeste, père au chômage au moment de son adolescence, boursière à Oxford où elle apprend le « bon » accent, mais approfondit aussi la conscience des inégalités sociales au cœur de la société britannique, et puis un passage à Bruxelles et son élection comme MP en profitant largement à l’époque de la féminisation forcée du Parlement. Elle est socialiste, plutôt européenne et puis aussi anglaise!

          Elle me fait découvrir « The House », l’hebdomadaire du Parlement, stupéfiant pour un français par sa liberté de ton. Un article par exemple y fait la liste de toutes les maîtresses des hommes politiques britanniques de la célèbre Christine Keller de l’affaire Profumo aux compagnes de Lloyd George ou d’Harold Mac Millan. Dans le climat français du moment, voilà une lecture rafraîchissante qui montre que nos amis britanniques savent prendre quelque recul (sans oublier le pouvoir de la presse à scandales, les fameux « tabloïds »).

          Cette institution aussi du « shadow cabinet » (le gouvernement de l’ombre, celui de l’opposition) est intéressante, mais implique qu’il y ait une opposition unique. La France n’en est pas là!

 

8 mars

          À Rabal se tient le « World Food Security Forum » organisé en partie par l’Office Chérifien des Phosphates. Encore un colloque international me direz-vous, une de ces conférences durant laquelle on brasse de grandes idées plus ou moins fumeuses sans aucune conclusion concrète…

          Cette fois-ci, le déroulement a été un peu différent : plus de deux cents participants pour leur très grande majorité de pays du Sud (Inde, Afrique, Brésil, mais pratiquement pas de chinois…), quelques conférences ex-cathédra certes, mais surtout des séances de créativité en petits groupes : sur les tables des « I-pads » permettant à chacun de lancer des idées soumises ensuite au vote des groupes; et puis des échanges se poursuivant dans les couloirs, des expériences que l’on partage…

          À l’arrivée, rien de bien révolutionnaire, mais du bon sens qui correspond d’ailleurs à ce que l’on disait la semaine dernière dans les couloirs du Salon de l’Agriculture à Paris : rendre l’agriculture « sexy », en faire une activité qui attire les jeunes, hommes et femmes. Le thème des femmes est venu naturellement et de manière presque évidente : oui le progrès agricole passe par les femmes… Et puis ceux qu’il faut vraiment former ce sont moins les agriculteurs que les bureaucrates. Une politique agricole, c’est très difficile à gérer : le ministère le plus important dans un gouvernement devrait être celui de l’agriculture!

 

 

 

12 mars

          La campagne électorale prend un tour anti-européen très net, et cela, non seulement chez les candidats comme Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon qui en ont fait depuis longtemps leur fond de commerce, mais aussi chez Nicolas Sarkozy et François Hollande qui, tous deux, promettent une fois élus de renégocier des traités, de Schengen à Bruxelles. Nul doute que les spécialistes en sondages qui conseillent les candidats estiment que ces attitudes anti-européennes touchent des cordes sensibles d’un électorat qui cède facilement à la désespérance européenne.

          Les Français n’ont plus guère la foi en l’Europe et il faut bien dire que l’image qu’ils en ont est de plus en plus négative : le temps des grandes avancées, des politiques fondatrices semble bien révolu : au contraire on « détricote » les dernières politiques communes à l’image emblématique de la PAC. Ce que l’on voit de « Bruxelles », ce sont des réglementations parfois absurdes sur la chasse ou le contenu des aliments, c’est une ouverture souvent aveugle des marchés, c’est un libéralisme bureaucratique qui frise parfois l’irresponsabilité. La campagne électorale française montre qu’il faut réenchanter l’Europe. Mais comment ?

 

13 mars

          Mario Draghi est à Paris : c’est au fond le vrai visage de l’Europe, un visage qui parle un américain parfait comme tout ancien de Goldman Sachs qui se respecte.

          Son discours devant un parterre de patrons est d’une parfaite orthodoxie : son mandat est de maintenir la stabilité des prix et donc de lutter contre l’inflation. Il défend ses décisions de crédit aux banques (on le surnomme « Monsieur mille milliards ») estimant que c’est là le meilleur moyen de réinjecter de l’argent vers les ménages et les entreprises.

          Il insiste surtout sur le problème majeur à son avis que sont les différences de compétitivité à l’intérieur de la zone euro. Sans la nommer, il met en avant l’Allemagne et montre clairement du doigt le Portugal qui aurait dû diminuer ses salaires il y a quatre ou cinq ans déjà. Ex post, la démonstration tient de l’évidence, mais il est bien difficile de l’admettre sur le moment.

          Mario Draghi est au fond bien dans son rôle comme son collègue Ben Bernanke. Mais le patron de la Fed a en face de lui le Congrès et la Maison Blanche. Draghi, lui, est seul…

 

15 mars

          Il est en train de se passer des événements très importants en Chine, probablement une révolution de palais d’une ampleur presque aussi importante que lorsque Deng Hsiao Ping réussit à éliminer la bande des Quatre au lendemain de la mort de Mao. Alors que le Premier ministre Wen Jia Bao, qui doit céder son poste en septembre prochain, livrait une sorte de testament politique prônant la poursuite de l’ouverture politique et économique, on apprenait la chute de Bo Xilai, le secrétaire général du Parti pour la municipalité de Chongqing, le tenant d’une ligne conservatrice dure, qui devait normalement faire son entrée au comité permanent du bureau politique du Parti, les neuf « sages » qui dans les faits gouvernent la Chine. Au-delà des détails qui commencent à fuiter, il semble bien qu’une coalition de modérés ait profité d’un moment de faiblesse de Bo Xilai (un de ses collaborateurs avait cherché refuge au consulat américain de Chongqing) pour l’éliminer brutalement : Bo Xilai aurait été en effet démis de toutes ses fonctions.

          On peut lire dans ces événements le choc frontal entre la « vieille » Chine communiste, mais intègre et la nouvelle Chine, plus moderne, mais aussi marquée par une corruption devenue endémique. Attendons une vraie crise économique en Chine pour le voir s’envenimer encore.

16 mars

          Conférence à Marrakech devant un parterre d’entrepreneurs, de banquiers et d’hommes politiques marocains. À la fin de mon intervention consacrée aux tensions économiques mondiales et à leurs conséquences sur un pays émergent comme le Maroc, une seule question de l’animateur : comment interpréter la polémique française sur la viande « halal ».

          Voilà donc la première question que des Marocains posent à un économiste français ! Pris un peu au dépourvu, j’esquive le coup du mieux que possible : j’appelle même à ma rescousse Roland Barthes et ses « Mythologies » pour montrer la place toute particulière de la viande et du « bifsteak » dans l’imaginaire et la symbolique des Français. Étant donné la place centrale de la viande de bœuf dans les pratiques alimentaires françaises, l’accaparement de cette viande par ce qui est une culture – et une religion – étrangère apparaît comme une sorte de sacrilège : sacrilège à la fois contre les chrétiens, mais aussi contre la laïcité dominante de la société française.

          Que la question du halal soit devenue une des polémiques majeures de la campagne électorale serait dérisoire si, à cette occasion, le débat ne rebondissait sur la coexistence de plus en plus difficile entre des communautés que plus rien n’unit. Les Marocains au fond ne sont pas seuls à ne pas comprendre…

 

18 mars

          Jean-Luc Mélenchon à la Bastille : quel talent, quel orateur ! Sous un temps gris et froid, le candidat du Front de Gauche s’est livré à un grand numéro, celui d’un tribun capable d’enflammer les foules nous ramenant à l’époque d’avant la télévision et ses débats aseptisés. On imaginait Jaurès en ce même lieu, une centaine d’années plus tôt. Le verbe était lyrique, légèrement emphatique comme il se doit pour un texte qui se proclame plus qu’il ne se lit.

          Mélenchon, en ce dimanche de mars, a repris à son compte toutes les mythologies révolutionnaires de la France, de Robespierre au Printemps des Peuples. Son cri final « Vive la Sociale » sent bon le mythe quarante-huitard. Au passage, il aura ouvert les portes aux homosexuels et au droit à l’avortement, renforcé la laïcité en mettant fin au concordat en Alsace-Lorraine, et mis fin aussi « aux privilèges du capital ». Tout ceci s’est terminé après une référence au « Temps des Cerises » (la Commune) par l’Internationale le poing levé avant une Marseillaise qui, en de pareilles circonstances, était bien un chant révolutionnaire !

          Tout ceci avait un délicieux parfum nostalgique pour sexagénaires se rappelant leurs aventures de Mai 68. Que cela ait pu avoir lieu en 2012 en France pose quand même un peu problème. On ne peut vivre éternellement dans l’émotion de ses souvenirs !

 

19 mars

          On fête les cinquante ans des Accords d’Evian et donc de l’indépendance de l’Algérie : en France, de l’amertume, celle des pieds noirs et des harkis qui eurent l’impression de l’abandon ; en Algérie, de la déception face à l’immense gâchis qu’est devenu ce pays mal développé, paupérisé et dirigé par une nomenklatura corrompue.

          De Gaulle fit aux Algériens le pire des cadeaux en cédant à leur revendication sur le Sahara et son pétrole. En réalité, la domination arabe ne s’était jamais étendue au désert et le Sahara aurait pu rester un espace libre, partagé entre ses pays limitrophes tant au Nord qu’au Sud (il n’avait pas de vocation non plus à rester français…). Soucieux de tourner rapidement la page, le général de Gaulle laissa donc à l’Algérie nouvelle la souveraineté sur le Sahara et la propriété de son pétrole.

          C’est le pétrole, puis le gaz naturel qui est à l’origine de tous les malheurs de l’Algérie et des Algériens. Il permit de financer toutes les folies socialisantes de Ben Bella puis de Boumédienne. Il permit surtout d’entretenir une classe dirigeante, issue du FLN et de l’armée qui constitue aujourd’hui une oligarchie incontournable. En 2011, l’Algérie a importé 7 millions de tonnes de blé, le chiffre le plus élevé depuis l’indépendance. Quel constat d’échec !

 

21 mars

          Le Monsanto 810 est à nouveau interdit en France ! Comme prévu, la France vient d’activer une nouvelle fois une clause de sauvegarde pour interdire la mise en culture du Mon 810 en France. Il faut y voir la volonté de l’ex-ministre de l’Écologie (et porte-parole de Nicolas Sarkozy) qui s’y était engagée. La classe politique, de droite comme de gauche peut respirer, et au fond, il est vrai que la campagne électorale n’avait pas besoin d’un débat sur les OGM qui eut été, comme à l’habitude, biaisé et qui aurait pu relancer – qui sait – une Éva Joly en perte de vitesse (Éva Joly et ses lunettes roses face à des producteurs de maïs du Sud-Ouest, cela vaut tous les JT…)

          Au fond, il vaut mieux en sourire, se dire que de toute manière c’est trop tard et que dans une certaine mesure c’est bien Monsanto qui a gagné ! La recherche en génétique végétale en France – qu’elle soit publique ou privée – a pris un retard considérable et la France est désormais en situation de dépendance dans un domaine dont elle fut une championne. Il faudra beaucoup de temps pour remettre en cause le monopole « naturel » de Monsanto sur les bases du droit de la concurrence. Que de temps perdu !