PARUTIONS

CyclOpe 2023

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Les cavaliers de l'Apocalypse"

Publication du Rapport Cyclope 2023

23 Mai 2023 - Paris

CyclOpe 2022

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Le monde d'hier »

Publication du Rapport Cyclope 2022

8 Juin 2022 - Paris

CyclOpe 2021

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Cette obscure clarté qui

tombe des étoiles »

Publication du Rapport Cyclope 2021

26 Mai 2021 - Paris

 

CyclOpe 2020

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Allegoria ed effetti
del Cattivo Governo -Ambrogio Lorenzetti 
»

Publication du Rapport Cyclope 2020

09 juin 2020 - Paris

CyclOpe 2019

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Les illusions perdues »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2019

15 mai 2019- Paris

CyclOpe 2018

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Le ciel rayonne, la terre jubile »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2018

16 mai 2018 - Paris

CyclOpe 2017

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Vent d'Est, Vent d'Ouest »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2017

15 mai 2017 - Paris

CyclOpe 2016

 

LES MARCHES MONDIAUX

« A la recherche des sommets perdus »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2016

24 mai 2016 - Paris

CyclOpe 2015

LES MARCHES MONDIAUX

Pour qui sonne le glas ?

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2015

20 mai 2015 - Paris

CyclOpe 2014

LES MARCHES MONDIAUX

Dans le rêve du Pavillon Rouge

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2014

14 mai 2014 - Paris

 

  

31 décembre 2016

Voeux

 

Il y avait une certaine solennité dans les derniers vœux aux Français de François Hollande, un exercice codifié de dix minutes sur toutes les chaines de télévision à 20 heures. En l’écoutant se féliciter de son bilan et donner aux Français d’ultimes recommandations pour les échéances 2017, on ne pouvait s’empêcher d’une certaine mélancolie teintée de regrets. Ces cinq années ont été perdues pour la France et aucune des réformes nécessaires n’a été menée à bien. François Hollande a réussi le prodige de mécontenter tout le monde, en dehors peut-être d’un carré de fidèles qu’il a quand même souvent désorienté. Ses cadeaux fiscaux aux entreprises ont choqué à gauche sans convaincre à droite faute de véritable « pensée fiscale ». À l’international, à l’exception de son volontarisme au Mali et dans une moindre mesure en Syrie, on le sentait « à la remorque » en particulier de la chancelière allemande. Son ministre le plus populaire, Jean-Yves le Drian à la Défense, illustre bien le seul domaine où il s’est montré capable de chausser les bottes du Général de Gaulle.

Et pourtant, il avait tous les pouvoirs. Il était un « souverain » au sens propre du mot. Comment un homme intelligent et fin a-t-il pu sombrer ainsi dans la médiocrité, incapable de donner à ceux qui l’avaient élu au moins leur part de rêve. Et au fond, c’est peut-être ce qui frappait le plus l’auditeur ce soir : ni rêve, ni projet, simplement un honnête homme un peu dépassé par sa fonction, conscient enfin que sa place dans les livres d’histoire de France sera bien mince. Voilà de bien tristes vœux.

 

 

26 décembre 2016

Chomâge

 

François Hollande en avait fait le marqueur symbolique de son quinquennat et, mois après mois, il n’a cessé de le décevoir, le chômage (catégorie A) se rapprochant même de la barre des 4 millions de personnes. Et voilà que depuis trois mois le mouvement semble enfin inversé : 31 800 chômeurs de moins en novembre, 133 000 depuis le début de l’année. Trop tard certes pour François Hollande qui a décidé de ne pas se représenter, mais cette légère amélioration lui permettra au moins une sortie honorable. Pourtant, que cette baisse du chômage s’est faite attendre malgré tous les moyens qui ont été concentrés : baisser les charges sur les bas salaires, prime à l’embauche pour les PME, CICE, formations de chômeurs… c’est toute l’artillerie dont dispose l’état en France qui a été concentrée sur le traitement et la réduction du chômage. Au moins, cela commence à donner des résultats que la seule conjoncture économique serait insuffisante à justifier.

Il y a là bien sûr beaucoup d’artificiel et le marché du travail demeure en France marqué au coin de trop de rigidités. Ceci étant, ne boudons pas ce joli résultat, ce beau cadeau de Noël pour un président qui n’en espérait pas tant. Le coût en est élevé et on ne pourra s’en offrir d’autres avant de longs mois. Mais pour un soir de Noël…

 

 

 

21 décembre 2016

Uber

 

Longtemps oser critiquer Uber était faire preuve de l’obscurantisme le plus absolu. N’était-ce pas le nec plus ultra de l’économie collaborative susceptible de transformer des milliers d’inactifs en auto-entrepreneurs. Et voilà ces derniers qui osent faire grève et qui comparent leur situation à celle de véritables esclaves.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit. D’un côté une société valorisée en bourse $ 69 milliards ($ 15 milliards de plus que General Motors) mais qui a perdu $ 2 milliards sur les trois premiers trimestres de 2016 soit à peu près la moitié de son chiffre d’affaires et qui vend aux investisseurs le rêve de voitures autonomes sans chauffeurs. De l’autre, des chauffeurs justement, souvent exploités en cascade par des intermédiaires sans scrupules, bien loin de l’image idyllique véhiculée par Uber. Un chauffeur nous confiait qu’il louait son véhicule avec la « licence » Uber pour € 2500 par mois pour 12 heures par jour. La voiture rapporte donc € 5000 par mois ce qui l’amortit en quatre mois ! Le propriétaire avait ainsi quatre voitures « travaillant » pour Uber et cette forme de sous-traitance représenterait plus de la moitié des effectifs d’Uber.

Nous sommes bien là dans un monde de maîtres et d’esclaves. Les maîtres contrôlent les algorithmes, tirent les ficelles digitales et vendent du rêve à des maquignons et à leurs esclaves. Mais de défenseurs de la liberté d’entreprendre les voilà accusés d’exploitation. La roue tourne.

 

 

 

19 décembre 2016

Attentats

 

Attentat au camion fou au cœur d’un marché de Noël à Berlin ; assassinat de l’ambassadeur de Russie à Ankara ; voilà deux événements qui n’ont à priori rien à voir l’un avec l’autre si ce n’est qu’ils sont la conséquence des tensions accumulées au Moyen-Orient. À Ankara, l’assassin a voulu venger Alep. À Berlin, il s’est attaqué à l’Occident, mais dans le pays qui s’est révélé le plus accueillant pour les réfugiés du Moyen-Orient et il a probablement affaibli la chancelière Angela Merkel.

Les armes se sont tues à Alep, mais la guerre se poursuit au nord de la Syrie et en Irak et puis en fait un peu partout où les haines religieuses restent des braises sous une cendre bien fugace. D’un côté, il y a le « grand jeu », celui des Russes et des Américains dont les avions et les drones tuent et massacrent à l’aveugle sans se mouiller sur le terrain. De l’autre, il y a l’Europe devenue le rêve de tant de désespérés, mais surtout l’enjeu de tous les extrémismes. L’honneur de l’Allemagne – et tout particulièrement d’Angela Merkel – est d’avoir été – et d’être encore – une terre d’accueil pour les désespérés du Moyen-Orient. Dans une certaine manière, l’Allemagne s’est purifiée une ultime fois de sa culpabilité et des horreurs de la période nazie. L’attentat de Berlin est injuste, mais il faut saluer la détermination allemande de ne pas céder aux peurs. Il y aura demain d’autres marchés de Noël en Allemagne.

 

 

16 décembre 2016

Primaire socialiste

 

Décidément, le chiffre sept – l’un des plus symboliques de la Bible – est une des clefs permettant de déchiffrer les arcanes de la politique française. Après les « sept républicains », il y aura donc les « sept socialistes et apparentés » : quatre socialistes, deux écologistes compatibles et là aussi une seule femme radicale de gauche. Le « casting » est un peu moins relevé qu’à droite, mais on compte quand même un ancien premier ministre et quatre anciens ministres de François Hollande. Trois d’entre eux (Valls, Montebourg et Hamon) étaient déjà candidats aux primaires du PS en 2011, ce qui montre bien qu’à gauche aussi on peine à se renouveler, la seule candidature bouleversant un peu les règles – celle d’Emmanuel Macron, quand même ancien ministre – se situant d’emblée à l’écart de ces primaires.

Seul Arnaud Montebourg a bâti sa candidature depuis relativement longtemps. Tous les autres se jetant à peine dans l’arène, on comprendra qu’à la différence des primaires de droite, les programmes soient à peine esquissés ; les vieilles haines remâchées de congrès en congrès sont bien suffisantes pour motiver les troupes moins nombreuses et motivées qu’à droite dans cette ambiance de fin de règne qui va caractériser le dernier hiver de François Hollande. Celui-ci doit bien tirer encore quelques ficelles même si la plupart des membres du gouvernement Cazeneuve soutiennent Manuel Valls. Au-delà du vainqueur de cette primaire, c’est cependant le taux de participation qui permettra de mesurer son audience face aux « dissidents » Macron et Mélenchon.

 

 

13 décembre 2016

Alep

 

C’était à l’été 1972, il y a donc quarante-deux ans. De jeunes Français, sac à dos, découvraient le Moyen-Orient : Damas, Hama, Palmyre et puis Alep : Alep, la ville de tous les rêves, au carrefour de l’Orient des croisés et de celui de l’Islam, Alep et ses fabuleux souks, les plus beaux qu’il m’ait été permis de découvrir au pied de la vieille citadelle,  Alep et son carrefour de civilisations où coexistaient encore chrétiens, Arméniens, Kurdes et bien d’autres… De tout cela, il ne reste rien et pour reprendre l’expression d’un journaliste du New York Times, Alep n’est plus qu’un champ de ruines comme « Dresde en 1945 ». La ville est tombée : les troupes gouvernementales, mais surtout les bataillons libanais du Hezbollah, afghans et russes et puis surtout le pilonnage de l’aviation russe, comme autrefois à Grozny, sont parvenus à leur fin pour un bilan humain que l’on peine à mesurer. La soi-disant « communauté internationale » n’a rien fait se heurtant à l’ONU aux vétos indien et chinois (sans parler des Russes) et puis surtout aux lâchetés des dirigeants occidentaux à commencer par un Barack Obama dont Alep sera l’ultime tâche sur un bilan déjà si médiocre.

Dresde 1945, ou plutôt Varsovie 1944, lorsque les troupes soviétiques restèrent l’arme au pied pour laisser le temps aux Allemands de liquider l’insurrection polonaise afin de préparer le terrain pour la prise de pouvoir par les communistes. De Staline à Poutine, reconnaissons au moins une certaine continuité dans la stratégie « russe ».

 

 

 

9 décembre 2016

 

« Ce qu’on fait avec du pétrole ? De la misère, de la guerre, de la laideur. Un monde misérable ». Telle est la réponse faite à une question de la Folle de Chaillot dans la pièce de Jean Giraudoux dont la première eut lieu quelques mois après sa mort en 1945. A l’époque la grande aventure du pétrole, matière première stratégique par excellence du XXème siècle, commençait à peine et le développement de sa production, encore étroitement contrôlée par les « majors » semblait devoir être une bénédiction pour les pays producteurs. Mais soixante-dix ans plus tard, le constat de Giraudoux se révèle d’une cruelle réalité et la malédiction du pétrole pèse sur des producteurs qui en sont désormais captifs. Entre temps, il y a eu trois chocs pétroliers, deux contrechocs, la fin de deux cartels, celui des compagnies et celui de l’OPEP, de multiples tentatives de replâtrage dont la dernière fin novembre 2016 peut susciter quelque scepticisme. Entre temps la manne du pétrole a été la plupart du temps gâchée et perdue tandis qu’elle corrompait les économies et les hommes.

Le constat est malheureusement sans appel tant les vapeurs du pétrole sont montées à la tête d’hommes comme Saddam Hussein, Khadaffi, Chavez et tant de généraux algériens ou nigérians, tant l’argent du pétrole a pu financer toutes les folies somptuaires dans le Golfe, en Asie Centrale ou en Afrique. La Norvège – et dans une moindre mesure le Royaume Uni – sont les seuls contre-exemples quelque peu vertueux de pays qui ont su se préserver en isolant la rente du pétrole et, pour la Norvège, en la consacrant aux générations futures. A contrario la Russie n’a cessé d’augmenter ces dernières années son addiction au pétrole et aux hydrocarbures en général quitte à hypothéquer quelques bijoux de famille (19,5 % de Rosneft début décembre 2016) pour tenir son train de vie.

Dans ce contexte, les promesses faites à Vienne le 30 novembre 2016 ressemblent un peu à celles de drogués en état de manque jurant un peu tard, à l’image de l’Arabie Saoudite de leur prochaine désintoxication. Sur le papier l'accord est séduisant avec une baisse d’au moins 1,5 million de barils-jour qui correspond grosso modo à l’excédent qui a pesé sur le marché mondial en 2016. Mais le diable étant dans les détails on peut se demander sur quelle base de production vont être calculées ces coupures : entre octobre et novembre 2016,  la production des membres de l’OPEP a augmenté de 370 000 bj et celle de la Russie de plus de 100.000 bj. Quel crédit apporter aussi aux engagements de l’Irak dont le contrôle effectif sur la production et les expéditions du Kurdistan est tout théorique. Et puis il y a bien sûr l’hypothèque américaine : les Etats Unis ont vu leur production diminuer d’un million de barils/jour depuis le début de 2015 à la suite de la baisse des prix. Depuis les coûts de production des pétroles « captifs » n’ont cessé de diminuer et sont désormais bien inférieurs à 50 dollars le baril. L’administration Trump promet d’être moins sourcilleuse en matière d’environnement et sera dès janvier confrontée à l’épineux dossier de la construction d’un oléoduc qui pour sortir le pétrole du Dakota traverserait les territoires de tribus indiennes qui y sont fortement opposées (toute comparaison avec des affaires en France comme Sivens ou Notre Dame des Landes est largement valable…). Les Etats Unis seront en 2017 le producteur d’appoint du marché pétrolier mondial et pour eux au moins la malédiction du pétrole est à peu près maîtrisée.

2017 sera donc encore une année d’incertitudes pétrolières. Les pays producteurs vont devoir apprendre à vivre avec du pétrole quelque part autour de 50$ le baril et guère plus. On est loin des équilibres budgétaires qui pour la plupart d’entre eux se situent autour de 80$ à 90$ le baril. Certains ont encore des poches profondes mais pour les autres, du Venezuela à l’Afrique subsaharienne et à l’Asie Centrale ce sera un temps de vaches encore bien maigres. Peut-être pourront-ils alors méditer la phrase de Giraudoux et trouver les moyens d’en desserrer l’étreinte. Pour le reste du monde ce pétrole à 50$ est aussi une autre forme de malédiction qui menace les belles intentions de transition énergétique harmonieuse. Giraudoux, en ce sens, avait tort : le pétrole a été un maillon essentiel d’une croissance économique qui a permis à la planète de triompher des défis démographiques et sociaux qui furent les siens dans la deuxième partie du XXème siècle. Le grand enjeu du XXIème siècle sera lentement de s’en détacher.

 

 

7 décembre 2016

Pétrole  de schiste

 

Il n’y a pas qu’en France que des manifestants bien organisés peuvent bloquer des projets d’infrastructures controversées comme le fut le cas à Sivens ou encore à Notre-Dame des Landes. Les États-Unis sont en train de vivre la même expérience dans le Dakota, au nord du pays à propos d’un projet de pipe-line destiné à évacuer la production locale de pétrole de schiste. La construction déjà bien entamée bute sur un passage d’un barrage de retenue, traversant par ailleurs des territoires sacrés de la tribu des Sioux « Standing Rocks » (rochers debout ?). Comme en France, des activistes de tout poil se sont retrouvés sur le terrain dans un vaste village improvisé, ont quelque peu débordé les responsables locaux et ont affronté les forces de l’ordre. Mais le blizzard et la neige dans ce Grand Nord américain ont peu perturbé les manifestants.

Comme en France aussi, les experts sont divisés et l’US Corps of Army Engineers a refusé ainsi de donner les autorisations nécessaires à la poursuite des travaux.

Pourtant, là aussi, ce pipe-line apparaît bien nécessaire. Avec le développement de la production de pétrole de schiste dans le Dakota du Nord se pose le problème de plus en plus crucial de son évaluation. Celle-ci se fait pour l’instant surtout par wagons-citernes ce qui ne manque pas de poser nombre de problèmes étant donné l’état du réseau ferré et du parc ferroviaire américain. La solution de l’oléoduc semble la plus rationnelle quitte à trouver le bon itinéraire. Mais l’opposition ici – tout comme en France – est plus fondamentale et c’est l’exploitation même des pétroles de schiste qui est contestée. Voilà un joli dossier pour Donald Trump, une fois passés les frimas de l’hiver.

 

 

5 décembre 2016

Manuel Valls

 

Le cadre était parfait : la mairie d’Évry et derrière Manuel Valls, un échantillon subtilement composé de Français de toutes origines, races et couleurs, vraiment trop représentatif de la France du candidat pour être spontané. Le Premier ministre a donc annoncé sa candidature à la primaire du Parti socialiste et sa démission de Matignon. La primaire socialiste est donc bien lancée, mais force est de constater que l’annonce de Manuel Valls n’a pas suscité l’enthousiasme des barons d’un parti quelque peu déboussolé et dont la géographie des « courants » est devenue d’une lecture bien difficile.

A priori, cette primaire « de la gauche et de ses alliés » devrait compter au moins autant de candidats que la primaire de la droite et du centre, mais ils se battront pour un gâteau nettement moins fourni, diminué qu’il sera des « parts » d’Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon : 15 à 20 % de l’électorat français dans le meilleur des cas, pas assez a priori pour figurer au second tour de la présidentielle. Manuel Valls, s’il tient à imprimer sa marque au sein du PS, a probablement d’autres ambitions : reprendre à Emmanuel Macron l’aile sociolibérale des socialistes et puis, et c’était très clair dans son discours récupérer la gauche du parti par des accents presque « mélenchoniens ». C’est là un grand écart qu’il lui sera difficile de tenir d’autant qu’il est aussi porteur – qu’il le veuille ou non – d’un héritage hollandais bien encombrant. Résultat des courses, sans vrai favori, à la fin janvier.

 

 

4 décembre 2016

Europe

 

L’Europe était aux urnes en ce dimanche. En Autriche, le candidat de l’extrême droite a été assez largement battu par un écologiste soutenu sans grande conviction par les partis traditionnels. Tout est dans le symbole dans la mesure où le président autrichien occupe avant tout une fonction de représentation.

Le vote italien a été d’une tout autre importance. Matteo Renzi avait fait de ce referendum constitutionnel un véritable plébiscite pour la politique qu’il mène depuis un millier de jours (une éternité en Italie). Il a été sèchement désavoué et dans la foulée a annoncé sa démission. Renzi est tombé victime, certes des mouvements populistes et notamment de l’inclassable Beppe Grillo et de ses « Cinq Étoiles », mais aussi des manœuvres de certains de ses adversaires à l’image d’un Mario Monti qui, en son temps, avait été tout aussi réformateur. Le bilan de Renzi est pourtant largement positif : l’Italie n’est plus l’homme malade de l’Europe et quelques-unes de ses réformes font l’envie d’une France bien immobile. Ces derniers mois, cependant, il peinait à convaincre et nombre de décrets d’application de ses textes les plus emblématiques tardaient à sortir. Mais son départ est une mauvaise nouvelle tant pour l’Italie, qui risque de nouvelles élections, que pour l’Europe qui se serait bien passée de ce nouveau maillon faible.

Et pendant ce temps-là, Ségolène Royal vantait à Cuba la « démocratie » castriste. Là au moins, il n’y a pas d’élection.

 

 

2 décembre 2016

Hollande 2

 

« Sans moi ». C’est ce que disent les joueurs de poker pour passer lorsqu’ils estiment que, même en bluffant, leur main est insuffisante et qu’ils ont vraiment peu de chances de remporter le pot. « Sans moi », c’est ce matin la une de Libération avec bien sûr la photo de François Hollande. Lentement, la France se remet du choc que, malgré son impopularité, a représenté la décision de François Hollande de ne pas chercher un second mandat.

« Sans moi », c’est surtout à gauche que la place est vide même si Manuel Valls est prêt à l’occuper. Pas de doutes, il y aura bien une primaire de la gauche socialiste avec déjà au moins cinq candidats déclarés et probablement quelques autres. À cela il faut ajouter Macron et Mélenchon et puis même Jadot pour les Verts et Sylvia Pinel pour les radicaux de gauche. On le voit, le « vide » laissé par François Hollande sera vite comblé même si les perspectives électorales de tout ce petit monde demeurent bien limitées. Seul en réalité Emmanuel Macron peut vraiment jouer un rôle de troisième homme derrière Le Pen et Fillon en récupérant les centristes qui jugent le discours de François Fillon trop conservateur. De toutes les combinaisons, François Hollande sera l’absent, déjà oublié.

Qu’il est loin le temps du « Moi président ». « Sans moi » en est le triste écho : le constat d’un échec au-delà d’un bilan économique, certes médiocre, mais moins catastrophique que certains se sont plus à le décrire. Mais sans lui, la gauche déchirée se prépare à des lendemains difficiles.

 

 

1er décembre 2016

Hollande 1

 

20 heures. Télévisions et radios sont en alerte. L’Elysée est à l’antenne. François Hollande parle : après un long panégyrique de son action de ces cinq dernières années, la chute est brutale : pour la première fois de l’histoire de la Ve République, un président sortant ne se représentera pas. Valéry Giscard d’Estaing et Nicolas Sarkozy avaient été battus, François Mitterrand et Jacques Chirac avaient obtenu leur second mandat, François Hollande s’en va donc…

Les sondages du début de la semaine étaient – il est vrai – bien cruels et – pour parler golf – François Hollande était bien loin de passer le « cut », crédité de moins de 10 % de voix. Sa candidature n’avait plus guère de sens, et le fin politique qu’il est, avait certainement anticipé le concert de louanges – de tous côtés – qui a accueilli une sortie aussi élégante !

Il est trop tôt – à chaud – pour faire le bilan de sa mandature. Convenons simplement que cet homme, d’une incontestable bonne volonté, s’est révélé un piètre dirigeant et que la France sort de ces cinq années plus faible et plus divisée qu’elle ne l’était en 2012. Comme nombre de souverains, accablés par l’ampleur de leur tâche, François Hollande n’a pas supporté le carcan de l’étiquette républicaine, en vérité régalienne. Son livre d’entretien avec des journalistes était une forme de fuite. Il est désormais libre et va pouvoir à nouveau jouer et tirer les fils d’une scène socialiste qui est un véritable champ de ruines.

François Hollande ou le destin refusé.

 

30 novembre 2016

Pétrole

 

À Vienne vers cinq heures, les pays membres de l’OPEP sont parvenus à un accord : une diminution de 1,2 million de barils/jour de la production des membres de l’organisation (33,8 mbj en octobre 2016). L’Arabie Saoudite a fait une grosse partie du chemin (500 000 bj) avec les Émirats du Golfe (300 000 bj) et aussi l’Irak (200 000 bj) malgré ses besoins liés au financement de la guerre. Dans un geste politique qui a dû lui coûter, l’Arabie Saoudite a accepté que l’Iran plafonne à peine sa production. Mais la Russie, alliée de l’Iran en Syrie, a quelque peu compensé le geste saoudien en annonçant une réduction de 300 000 bj dans le courant du premier semestre 2017.

1,5 million bj donc, voilà qui avait de quoi séduire les marchés qui, en fin de soirée, payaient le Brent au-delà de $ 50 le baril. Mais peut-on aller beaucoup plus loin ? Le diable étant dans les détails, il va falloir bien sûr analyser tous les éléments de cet accord dont il ne faut quand même pas exagérer l’ampleur : en janvier 2017, la production de l’OPEP retrouvera son niveau de janvier 2016 (32,6 mbj). Néanmoins, même en tenant compte de quelques nouveaux gisements comme Kashagan au Kazakhstan, le marché devrait se rééquilibrer en 2017 après un excédent moyen de 1,5 mbj en 2016. Il reste cependant une inconnue véritable : au-delà de $ 50 les pétroles de schiste américains retrouvent toute leur compétitivité dans un système de production très souple. En toute logique, les marchés devraient rester dans plage $ 50/60 ce qui n’est pas mal avec en plus un dollar fort !

 

 

27 novembre 2016

Primaires

 

François Fillon a donc largement remporté la primaire de la droite et du centre avec deux tiers de plus de 4 millions de suffrages : un résultat net qui renvoie en sa mairie de Bordeaux un Alain Juppé qui avait fait la course en tête jusqu’au début du mois de novembre. Ce score massif fait désormais de lui le favori de la présidentielle, une position qu’il va occuper durant cinq mois et qui l’expose désormais à tous les coups de ses adversaires. Les attaques ont d’ailleurs commencé dès la soirée électorale sur le thème du conservatisme d’une part, du libéralisme d’autre part.

Dans l’un et l’autre cas, la posture est bien sûr exagérée. Le conservatisme de François Fillon se limite à des prises de position sur les dérives les plus récentes concernant le droit de la famille. En son temps, Lionel Jospin eut des opinions encore plus marquées et n’aurait probablement jamais laissé passer un texte comme la loi Taubira. Quant au libéralisme – le crime absolu en France –, constatons que le programme de François Fillon est fort loin du modèle thatchérien auquel on a trop vite tendance à l’assimiler. Là aussi, Jacques Delors, Pierre Beregovoy et encore Lionel Jospin furent à cette aune des libéraux qui l’ignoraient. De tous les candidats, François Fillon avait le programme le plus cohérent et le plus abouti. Sa victoire est légitime et lui apporte le soutien populaire nécessaire aux fameux « cent jours » sur lesquels l’histoire le jugera. Nous n’en sommes pas là et il reste à voir qui l’affrontera en avril 2017.

 

 

26 novembre 2016

Castro

 

La mort de Fidel Castro tourne une page, empreinte d’une certaine nostalgie, celle des années romantiques de la révolte de la jeunesse des années soixante qui contestait la société de consommation des Trente Glorieuses finissantes. Qu’il était beau ce jeune révolutionnaire descendant de sa montagne à la tête d’une poignée de « barbudos » et renversant le régime honni de Batista qui avait laissé la mafia américaine mettre La Havane en coupe réglée. L’ancien élève des jésuites promettait de libérer Cuba de l’emprise américaine et d’en faire un havre de liberté. Poussé par la maladresse des États-Unis dans les bras de l’URSS, il parvint quand même à garder une certaine indépendance et dans nombre de domaines, l’éducation et la santé en particulier, le modèle cubain fut même exemplaire. Que n’en est-il resté là ! Che Guevara dut le comprendre, lui qui chercha, dans d’improbables aventures révolutionnaires, une fin qui le porta au panthéon des héros romantiques. René Dumont en avait douté dès la fin des année soixante.

Mais voilà Fidel s’enfonça à Cuba dans une logique sécuritaire et dictatoriale ; l’île devint une immense prison à ciel ouvert, l’hostilité américaine renforçant chaque jour un peu plus la paranoïa castriste. Il fallait les œillères de quelques compagnons de route, dont beaucoup de Français, pour voir encore en Cuba un paradis socialiste.

Fidel ne mérite guère les éloges qui l’ont célébré ce matin. Au contraire, il fait partie de ceux qui ont brisé les illusions de toute une génération qui avait cru en sa flamme de révolutionnaire. Cela ne vaut guère de larmes.

 

 

24 novembre 2016

Primaires

 

« Au secours, Jésus revient ! » La une de Libération de ce matin consacré à la primaire de la droite et du centre interpelle avec le contour de la France dessiné avec un chapelet. La France serait donc à nouveau la proie des « lobbys catholiques ». Et il est vrai qu’en ce début de semaine les deux candidats se sont disputés pour savoir lequel était le plus en phase avec la pensée du pape François. Alain Juppé en a profité pour attaquer son adversaire sur ses positions anciennes à propos de l’avortement.

N’en déplaise aux laïcards de tout poil, la France reste un pays de culture catholique. Certes, entre 1986 et 2013, le pourcentage de Français se déclarant catholiques est passé de 81 % à 56 % dont seulement 12 % sont des pratiquants réguliers (une fois par mois à la messe), ce qui ne représente donc que 6 % de la population française (un peu plus de 3 millions de personnes). Près de 20 millions de personnes sont des pratiquants occasionnels, sensibles toutefois au message de l’Église comme le montre l’accueil fait au message des papes et notamment à des encycliques comme Laudato Si. Réduire le catholicisme français à quelques réseaux traditionalistes est un véritable contresens que n’aurait certainement pas commis un François Mitterrand dont la recherche spirituelle se fondait sur le terreau de son éducation catholique. Le quotidien français le plus équilibré dans ses analyses politiques et sociales n’est-il pas La Croix !

Il est vrai qu’il y a probablement une dimension catholique dans le vote pour François Fillon. Mais elle ne correspond pas à un repli frileux vers le conservatisme social. Les catholiques ne sont-ils pas dans bien des domaines à la pointe du combat social tant l’amour du prochain peut être révolutionnaire !

 

 

 

22 novembre 2016

Doha

 

La World Policy Conference organisée par Thierry de Montbrial se tenait dans le même hôtel, le Sheraton de Doha, où – il y a quinze ans exactement – avait eu lieu la conférence de l’OMC, quelques semaines à peine après le 11 septembre. À l’époque, on rêvait encore d’une mondialisation heureuse sous-tendue par la croissance de la production et des échanges. À Doha fut lancé un nouveau cycle de négociations : le Doha Round qui devait être celui du développement. Et puis la Chine devint membre de l’OMC. Sur ce dernier point, on peut estimer que c’est alors vraiment que le monde changea de siècle et passa du XXe, qui avait commencé en août 1914 au XXIe marqué ainsi par le début de l’émergence chinoise.

Pour le reste, le cycle de Doha est pratiquement mort. Un temps, on put croire que ce serait au profit d’accords bilatéraux plus ou moins élargis. Mais avec l’élection de Donald Trump, le plus ambitieux de tous, le TPP, transpacifique, a de fortes chances de ne jamais être ratifié. Quant à l’accord transatlantique, il resterait à l’état de projet. Au contraire, confronté à des tensions géopolitiques sans équivalent depuis la fin de la guerre froide, le monde se replie et se fracture à nouveau de barrières tant pour les hommes que pour les marchandises. C’est que le « doux commerce », s’il a aidé au maintien d’une croissance mondiale supérieure à 3 %, a contribué aussi à creuser les inégalités et à broyer des classes sociales dont le résultat des votes en 2016 a surpris et choqué des élites mondialisées qui ont peu à peu perdu contact avec les réalités de cette nouvelle « lutte des classes ». Alors c’est le Brexit, Trump, Podemos et les cinq étoiles italiennes, peut-être même un peu Fillon et puis aussi les communautarismes et même l’islamisme : aux portes de Doha…

 

 

21 novembre 2016

Quatar

 

Doha, la capitale du Qatar, frappe le visiteur par son caractère artificiel. Le long de la corniche s’alignent des immeubles impeccables des plus grands architectes de la planète dominant des pelouses d’un vert admirable et d’une étonnante propreté. Même le souk a quelque chose de suisse !

Le pétrole et surtout le gaz ont transformé une péninsule désertique en un curieux pays dont 95 % des habitants sont étrangers. Aucun autre pays du golfe ne connaît pareille situation : au sommet de la hiérarchie, il y a les 250 000 Qataris « de souche » ; ensuite viennent les mercenaires occidentaux qui font tourner l’économie ; et puis en descendant, on trouve les travailleurs importés du sous-continent indien et d’Afrique dont le statut est parfois encore proche de l’esclavage. Mais derrière un vernis de modernité, derrière l’image du Qatar qui s’est acheté les plus grandes compétitions sportives de la planète, il y a une société rétrograde tenante d’un islam intégriste issu du wahabisme saoudien.

Le Qatar ressemble un peu aux anciennes cités grecques : quelques citoyens laissant leurs femmes dans leurs gynécées, des étrangers (les métèques) et puis des esclaves, beaucoup d’esclaves. La comparaison bien sûr s’arrête là, mais le visiteur ne peut s’empêcher de s’interroger sur la capacité d’évoluer et même de survivre pour cet émirat sorti du néant par la grâce de ses réserves en hydrocarbures.

Pour l’instant, tout n’est que courbettes pour ces élégants Qataris accompagnés par les ombres noires de leurs épouses. Un peuple d’esclaves (terme utilisé par un chauffeur de taxi kenyan, prisonnier de son contrat) les sert et des mercenaires les flattent tandis qu’ils rêvent d’être la Suisse d’un Moyen-Orient qui finira peut-être par les broyer.

 

 

20 novembre 2016

Élections

 

Ce fut la première soirée électorale de la présidentielle 2017, vécue dans un bar d’un hôtel du golfe arabo-persique avec quelques compatriotes penchés sur leurs portables pour obtenir les premiers résultats. Et quelle surprise ! Certes, depuis quelques jours le mouvement en faveur de François Fillon se confirmait, mais de là à imaginer qu’il sortirait en tête avec plus de 43 % des suffrages d’un « corps électoral » qui a dépassé les 4 millions de votants, il y a un pas que même ses plus ardents supporters n’avaient pas franchi. Et puis il y a l’élimination de Nicolas Sarkozy et l’anéantissement des espoirs des « petits » candidats à commencer par Bruno Le Maire et Jean-François Copé qui finit bon dernier.

En quelques semaines François Fillon a rattrapé plus de vingt points de retard sur des sondages rendus il est vrai sujets à caution par le caractère aléatoire de la composition d’un corps électoral au sein duquel il fallait tenir compte de votes venant des marges du PS et du FN. Ce qui est clair c’est qu’il a fait le plein de voix d’une sorte de majorité silencieuse de droite, provinciale, sensible à ses racines chrétiennes sans être pour autant conservatrice qui ne souhaitait ni l’agressivité et le côté affairiste de Nicolas Sarkozy, ni les tendances technocratiques d’Alain Juppé. Il est probablement exagéré d’en faire un vote « anti-establishment » à la Trump, mais il y a eu certainement un rejet des élites « bobos » et énarchiques par une sorte de majorité morale longtemps laissée de côté.

Le second tour verra donc s’affronter Fillon et Juppé avec un net avantage pour le premier. Mais il y a eu tant de surprises électorales en 2016…

 

 

19 novembre 2016

COP22

 

La COP22 vient de se terminer à Marrakech. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle aura eu peu d’échos au-delà du cercle des « afficionados » qui ne rateraient pour aucun empire ces rendez-vous quitte à faire exploser leur compte-carbone.

Marrakech devait permettre de travailler les détails de l’accord de Paris et n’avait pas d’autre ambition : le rêve d’un accord effectif sur le prix du carbone était repoussé à des COP ultérieures (heureusement, il y en a tous les ans ce qui permet de donner un objectif – au moins touristique – au militantisme vert…).

Mais bien sûr, c’est Donald Trump qui a été l’acteur principal de cette COP22, malgré la présence lénifiante d’un John Kerry sur le départ. À vrai dire, il n’a presque rien dit si ce n’est de nommer à la tête de l’EPA (agence de l’environnement) un climatosceptique notoire qui avait été brûlé en effigie à Paris l’an dernier. Mais bien sûr, tout le monde pense à l’accord de Paris, signé par le président Obama sous la forme d’un « executive agreement » et non d’un traité, ce qui avait permis à l’époque d’éviter l’obstacle du Congrès. Mais c’est aujourd’hui la faiblesse de cet engagement sur lequel Donald Trump a la possibilité de revenir de manière unilatérale. Au-delà des arguties juridiques, il est clair que les États-Unis vont désormais freiner des quatre fers en matière climatique. Soyons honnêtes : le processus engagé était tellement lent que certains doivent se réjouir d’avoir trouvé en Donald Trump un parfait bouc émissaire pour leurs propres limites.

 

 

18 novembre 2016

Trump

 

Une bonne semaine après l’élection de Donald Trump, il est temps d’en établir un premier bilan au moins en ce qui concerne les marchés financiers. Le premier moment de panique n’a duré que quelques heures et au contraire il a été suivi par la prise de conscience que la partie la plus facile à réaliser du programme économique de Donald Trump (grands travaux et infrastructures) se traduirait au moins à court terme par une relance de la croissance américaine. La Fed n’aurait dès lors aucune raison de reculer encore le resserrement de sa politique monétaire et donc la hausse des taux annoncée comme quasi certaine dès le mois de décembre. Devant le Congrès, Janet Yellen a implicitement confirmé un scénario qui n’a que trop tardé.

Le résultat ne s’est pas fait attendre avec la hausse du dollar et certains n’hésitent pas déjà à parler de parité avec l’euro. En tout cas, Donald Trump aura permis l’accélération d’un mouvement en réalité déjà à l’œuvre depuis le début de l’été 2016 : la remontée des taux longs et la fin de la gratuité de l’argent. En soi, c’est une bonne nouvelle tant le monde des taux négatifs était bien anormal, mais on ne peut écarter le risque d’un atterrissage difficile voire d’un krach obligatoire.

Remontée des taux, dollar plus fort, voilà en tout cas quelques bonnes nouvelles pour une Europe qui continue à se boucher le nez en parlant de Trump et qui préfère célébrer un Obama qui aura été l’image même du « faux ami » prêt à toutes les trahisons et à toutes les lâchetés.

 

 

17 novembre 2016

Primaire

 

Dernier débat télévisé avant le premier tour de la primaire de « droite et du centre » : à nouveau nos sept personnages devant des journalistes dont le seul souci semble être de limiter l’espace de parole et puis aussi de faire saigner un peu. Jusqu’à il y a quelques jours, les jeux semblaient faits : le second tour se jouerait entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, serait remporté par le premier, qui, en deuxième position derrière Marine Le Pen au premier tour des présidentielles, sortirait vainqueur en mai 2017 et serait le prochain président de la République. Les ralliements en cascade à la bannière d’Alain Juppé semblaient confirmer cette mécanique que même la présence d’Emmanuel Macron ne paraissait pas susceptible de perturber.

Et puis voilà depuis quelques jours la remontée de François Fillon qui ce soir l’a nettement emporté aux points. Le duel attendu est devenu une triangulaire et au-delà de programmes relativement proches sur le fond, c’est le caractère des hommes que l’on juge maintenant. L’un des trois sera éliminé dimanche soir (et bien sûr les quatre autres…) et l’incertitude est d’autant plus grande que la géométrie du corps électoral de cette première primaire de droite est variable rendant bien aléatoires sondages et pronostics. Quant à la suite, gardons-nous de certitudes que la lassitude des Français pourrait bien bouleverser.

 

 

16 novembre 2016

Macron

 

François Hollande est à Marrakech pour la COP22. À droite, les candidats à la primaire jettent leurs dernières forces pour contrer le duo Juppé/Sarkozy. Et voilà Emmanuel Macron qui se lance et qui officialise – depuis Bobigny (un symbole un peu facile) – sa candidature indépendante de tout parti.

Ce n’est bien sûr pas la première fois que se présente en France un candidat indépendant des partis. Mais jusque-là, il s’agissait de candidatures de témoignage plus ou moins fantaisistes. Tel n’est pas le cas d’Emmanuel Macron, même si ses chances de l’emporter apparaissent objectivement limitées.

Certes, il vient de la gauche quoiqu’il n’ait jamais été membre du parti socialiste. Mais il a fait sa fulgurante carrière auprès de François Hollande, à l’Élysée d’abord (après avoir été une des plumes de la commission Attali, sous Sarkozy) puis comme ministre. Mais l’originalité de sa démarche est de refuser tout héritage de ce côté-là, de ne pas participer aux futures primaires socialistes et « d’y aller tout seul » hors parti en cherchant à élargir son électorat potentiel au centre et à droite.

Candidature de rupture pour un personnage qui jusque-là était parfaitement représentatif de « l’establishment » : inspecteur des finances, banquier chez Rothschild… Mais une citadelle ne se prend-elle pas mieux de l’intérieur ? C’est en tous cas un moment de fraîcheur dans un climat politique pesant. Le créneau d’Emmanuel Macron demeure étroit. Il ne tient qu’à lui de l’élargir.

 

 

13 novembre 2016

Anniversaire

 

Le Bataclan, un an après… Alors que l’État islamique est bousculé à Mossoul, la France se réveille après une longue année marquée par d’autres attentats collectifs comme à Nice ou individuels comme près de Rouen : une année d’état d’urgence et de banalisation des tensions islamistes, une année de fractures aussi dans la société française, bien loin de l’élan fraternel des lendemains de l’attentat de Charlie Hebdo.

On connaît à peu près maintenant les principaux fils des réseaux franco-belges qui montèrent les attentats du 13 novembre 2015 puis ceux de Bruxelles. On sait aussi que les autres attentats furent le fait d’isolés, recrutés au hasard et que la menace a changé de nature, qu’elle s’est enracinée en quelque sorte dans les villes et les quartiers. Au-delà en effet de la guerre au Moyen-Orient, c’est la France qui affronte le défi majeur de l’intégration de populations de plus en plus marginalisées dont l’expression religieuse n’est qu’une preuve supplémentaire de désespérance.

Force est cependant de constater que ce sujet-là, celui de la fracture sociale, est à peine abordé par les différents candidats à la présidentielle de 2017. Depuis la campagne de Jacques Chirac élu sur ce thème il y a près de vingt ans pour l’oublier immédiatement, la situation n’a cessé de se dégrader, les fossés de se faire plus profonds. Ni la répression et le tout-sécurité, ni l’aveuglement de l’état providence ne sont des solutions là où il s’agit de rebâtir une société et même une nation. Malheureusement personne ne semble avoir mesuré l’ampleur du défi auquel est confronté la France dans les prochaines années. La messe à Notre-Dame de Paris ce soir ne suffira pas à panser nos plaies.

 

 

11 novembre 2016

Crèches

 

Noël approche et donc le temps de l’Avent, celui de ses calendriers (déclinés maintenant en chocolat par quelques « épiciers » avisés) et aussi celui des crèches.

Pour mettre un terme aux polémiques à propos de l’installation de crèches dans l’espace public, le Conseil d’État vient de rendre un véritable jugement de Salomon dans lequel il s’efforce de distinguer le culturel du religieux. Les crèches sont autorisées dès lors qu’elles appartiennent à une tradition culturelle (assimilée en quelque sorte à un innocent folklore). Mais elles ne peuvent en aucune manière avoir une dimension religieuse et restent proscrites dans les bâtiments publics.

Doit-on quand même rappeler ce que commémore de manière naïve la crèche : c’est la naissance de Jésus, le fils de Dieu, et le point de départ du Christianisme qui fut longtemps la spiritualité partagée par la plupart des Français et à partir de laquelle s’est bâtie une grande partie de l’identité française. La symbolique de la crèche est chrétienne et ne peut se comprendre que dans la lecture du mystère chrétien. Noël va bien au-delà des seules « fêtes de fin d’année » et ne peut se limiter au seul sapin et au père Noël dérivé lui-même de Saint-Nicolas. La crèche est un tout, et il n’y a pas seulement « le bœuf et l’âne gris ». Mais en ce domaine, la bêtise laïcisante n’a, on le voit, pas de limite.

 

 

10 novembre 2016

La France et Trump

 

L’élection américaine ne pouvait manquer d’avoir des conséquences en Europe et en particulier sur la scène politique française. Bien sûr, une grande partie des commentaires s’est engouffrée dans la vulgate populiste. L’essentiel de la classe politique, comme la plupart des Français d’ailleurs souvent prisonniers d’une vision caricaturale de la vie politique américaine, avait soutenu Hillary Clinton et traité avec dédain le phénomène Trump.

Fort logiquement, c’est Marine Le Pen qui la première a cherché à tirer les marrons du feu : cependant il ne faut pas exagérer la comparaison entre le FN et l’électorat de Donald Trump. En perte de vitesse, Nicolas Sarkozy a lui aussi insisté sur la capacité d’un candidat populaire à renverser l’establishment, et dans son esprit il avait bien entendu Alain Juppé qui pour l’instant fait figure de favori de la primaire de « droite et du centre » et donc, de facto, de la présidentielle. À la limite, François Hollande peut lui aussi penser que les jeux ne sont pas faits. Et puis, la victoire de Trump, contre l’appareil des partis peut inspirer Emmanuel Macron qui est sur le point de se lancer, à l’écart – semble-t-il – des primaires de droite comme de gauche. Au fond, un candidat maitrisant bien les médias peut bousculer les appareils. N’est-ce pas de cela qu’a besoin aussi la France ?

 

 

9 novembre 2016

Donald Trump

 

Donald Trump sera donc le prochain président des États-Unis. La surprise est totale, un peu identique à celle que nous avions éprouvée au petit matin du Brexit. Trump l’emporte sans contestation y compris en termes de nombre de voix du vote populaire. Au passage, il permet aux républicains de conserver le contrôle absolu du Congrès, Chambre des représentants et surtout Sénat.

En quelques jours, il a rattrapé le retard que lui attribuait des sondages qui avaient probablement surévalué la mobilisation des noirs et des latinos en faveur de Clinton et sous-évalué le rejet par l’électorat blanc de cette Amérique de Washington représentée par Hillary Clinton et même Barack Obama qui doit vivre aussi cette élection comme un échec personnel que l’on peut estimer mérité.

Voilà donc Donald Trump, celui dont la perspective de l’élection faisait frémir à l’image du dernier éditorial de « The Economist », le voilà président des États-Unis. Il a certainement des qualités et en a fait preuve durant la campagne. Il a aussi dévoilé des aspects bien inquiétants et notamment sa propension à exagérer, voire à mentir. Comme autrefois pour « Tricky Dicky » (Richard Nixon) lui achèteriez-vous une voiture d’occasion.

Pour le reste, comme pour Nixon ou Reagan, peut-être Donald Trump se révèlera-t-il un bon président pour les États-Unis et le monde, après une présidence Obama qui, répétons-le, a été particulièrement médiocre. Tout est possible, même l’imprévisible, saluons l’artiste et… espérons !

 

 

8 novembre 2016

Élections américaines

 

Aux États-Unis, les Américains votent et mettent un terme à une bien curieuse campagne électorale : un populiste doublé d’un homme d’affaires assez peu recommandable opposé à la femme d’un ancien président dont la vie conjugale ne fut pas exemplaire… Franchement, les États-Unis ont connu mieux que ce soit avec John Kerry chez les démocrates ou John Mac Cain chez les Républicains.

Vu de l’extérieur pourtant, tout devrait aller bien aux États-Unis : un chômage très faible presque à la limite du plein emploi, une croissance régulière à un niveau presque deux fois plus élevé que celui de l’Europe, des entreprises prospères qui restent à la pointe de l’innovation technologique et même une nouvelle indépendance énergétique. Tout serait rose dans l’Amérique d’Obama s’il n’y avait pas une inquiétante montée des inégalités qui en deux décennies a broyé une bonne partie de la classe moyenne  la « lowermiddleclass » des cols bleus (les « blue collars ») qui a l’impression d’être exclue du rêve américain et qui a écouté les sirènes populistes de Donald Trump pour les uns, les accents presque socialistes de Bernie Sanders pour les autres.

Ce soir, les derniers sondages donnent Hillary Clinton gagnante… quand même, serait-on tenté d’ajouter. Mais il s’agit bien d’un vote à reculons tant la candidate a eu du mal à imposer une image de renouveau, tant aussi l’héritage d’Obama, qu’il lui faudra bien assumer, est médiocre. La nuit risque d’être plus longue que nous le pensons.

 

 

7 novembre 2016

Mélenchon et le PCF

 

La Conférence nationale du PCF vient d’infliger un cinglant désaveu à son secrétaire général, Pierre Laurent, en refusant d’endorser la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Bien entendu, cela peut prêter à sourire : le parti communiste ne pèse guère plus que quelques pour cent d’un électorat qui l’a majoritairement délaissé. Il tient encore quelques bastions historiques souvent d’ailleurs assez bien gérés. Par contre, Jean-Luc Mélenchon a su prospérer sur une frange non négligeable de l’échiquier politique, de la gauche du parti socialiste aux nostalgiques de l’extrême gauche, en utilisant un registre populiste non dénué de talent. Mais le PCF lui apporte la force d’un réseau sur le terrain avec de véritables militants et puis la garantie des fameuses 500 signatures. Ceci étant, on peut comprendre les cadres du parti, ceux qui sont restés fidèles malgré les purges et les déceptions, ceux qui n’ont renié ni Lénine ni même Staline. Ils n’ont rien de commun avec ce Mélenchon qui parle encore de révolution. En 1936, en Espagne, Mélenchon aurait probablement, comme George Orwell, adhéré au POUM dont les dirigeants furent décimés par les staliniens dans une stratégie suicidaire. Les cadres du PCF préfèrent disparaître ainsi… la tête haute.

 

 

5 novembre 2016

François Hollande

 

Jamais un président de la République n’a été aussi bas dans les sondages de cotes de popularité : 4 % seulement des Français s’en estiment satisfaits. François Hollande est au plus bas et la publication de son livre d’entretiens plus ou moins autorisés avec des journalistes du Monde n’a fait qu’aggraver la chose, du moins pour l’instant.

Il y a pourtant une certaine logique chez ce président « normal » qui poursuit méthodiquement son entreprise de désacralisation de la fonction présidentielle. Là, il est allé très loin même si ses saillies sur les magistrats (lâches) ou sur les joueurs de football (décérébrés) ne manquent pas d’une certaine vérité. Au mieux, il amuse, au pire, il incite au crime de lèse-majesté.

Car tous républicains qu’ils soient depuis plus de deux siècles, les Français restent profondément monarchistes. Avec la Ve République, ils élisent un Prince auquel ils accordent un pouvoir sans équivalent dans les démocraties occidentales. En retour, ils lui demandent un comportement quasi régalien et peu de faiblesses, au moins connues. Il en fut ainsi de De Gaulle et de Mitterrand qui, tous deux, renouvelèrent leurs mandats, ce que ne firent ni Giscard, ni Sarkozy qui, de manière différente, avaient essayé de rejeter ou moins d’atténuer la monarchie présidentielle. François Hollande est allé beaucoup plus loin et est tombé logiquement beaucoup plus bas.

 

 

4 novembre 2016

Ken Loach

 

 

La palme d’or à Cannes pour le dernier film de Ken Loach « I, Daniel Blake » était bien méritée. On reconnaît bien la patte d’un maître qui revient sur ses sujets de prédilection : l’Angleterre des pauvres, des exclus du modèle thatchérien. Daniel Blake est un menuisier qui, à la suite d’un accident de santé, est balloté entre invalidité et chômage, aux prises avec une bureaucratie privatisée, victime aussi de la difficulté à s’adapter à une société dominée par des technologies de communication qui sont autant d’obstacles pour ceux qui ne les maîtrisent pas.

Ken Loach parle de gueux, un président français aurait – dit-on – parlé de « sans dents ». Le spectateur français en regardant ce film peut se rassurer quelque peu. Vraisemblable au Royaume-Uni, avec les purges réalisées depuis Margaret Thatcher jusqu’à David Cameron, il est assez loin d’un univers français où au contraire on accuse facilement l’état providence d’en faire trop et par le biais de multiples programmes d’assistance de créer de véritables « trappes à pauvreté ».

Au sortir de ce film, on ne peut s’empêcher de penser à cette phrase de Jean-Paul II dans son encyclique économique de 1991, Centesimus Annus : « avant toute logique de marché, il y a un dû à l’homme parce qu’il est homme en raison de son éminente dignité ». Admirable logique et bien difficile politique.

 

 

1er novembre 2016

Toussaint

 

Fête de la Toussaint pour les quelques pratiquants catholiques, long week-end avec un « pont » au milieu des vacances scolaires pour les autres et éventuellement passage rituel dans les cimetières. La Toussaint est vécue comme la fête des Morts, le jour où l’on honore les défunts familiaux. Il y a certes de cela, mais ce serait oublier la célébration des vivants ponctuée par le merveilleux évangile des Béatitudes de l’office de ce jour : « Heureux les pauvres… » En ces temps marqués par l’afflux des réfugiés, des « pauvres » de la planète entière, ce texte prend une résonance toute particulière. Dans sa traduction de la Bible, André Chouraqui a préféré à « Heureux », « En marche ». Et là, la signification est bien différente : « En marche, les pauvres… », c’est bien ce qu’ils font, ceux qui n’ont pas d’état providence, pas de protection sociale, plus de pays non plus. « En marche… » vers un monde meilleur sous le regard du Créateur. Les Béatitudes prennent ici tout leur sens : ce n’est plus de l’angélisme promettant un au-delà meilleur, c’est « ici et maintenant » que se construit le Royaume : c’est le cœur du message révolutionnaire du christianisme. Il est bon d’honorer la mémoire de nos défunts, mais que faisons-nous pour les vivants. Tous saints ?

  

 

31 octobre 2016

Primaires

 

Le temps des primaires révèle quelques perles : il y a d’abord ce duel de titans entre deux candidats verts tout émus encore du meurtre de la mère, de l’élimination de Cécile Duflot. Reconnaissons quand même que Yannick Jadot admet qu’il n’a aucune chance de remporter la présidentielle. Voilà une jolie preuve de réalisme…

Du côté des Républicains, l’heure est au centre. Certes, il n’y a pas de candidat centriste aux primaires et en réalité le centre est éclaté en de multiples chapelles, entre le Modem, l’UDI et quelques autres, sa seule figure nationale, François Bayrou, étant plus ou moins retiré en sa principauté de Béarn. Mais voilà, les centristes ont fait allégeance à Alain Juppé et Nicolas Sarkozy les soupçonne – peut-être avec quelque raison – d’avoir monnayé leur ralliement.

Mais que représente bien le centre en France ? Rien au-delà de quelques notables élus avec la bienveillance du RPR de l’époque. L’âge d’or du centre est bien lointain : ce fut la démocratie chrétienne et le MRP repoussés au centre (contrairement à l’Allemagne et à l’Italie) par l’irruption du gaullisme. Entre la droite gaullienne puis chiraquienne et la gauche socialiste, le centre a périclité, parfois utilisé comme tremplin par Giscard ou Barre sans parvenir à exister. François Bayrou, qui l’avait fait rêver en 2007, en aura été l’ultime fossoyeur. Il n’est pas certain qu’Alain Juppé gagne quelque chose de ces fréquentations.

 

 

26 octobre 2016

François Mitterrand

 

Centenaire de François Miterrand. Thuriféraires et hagiographes s’en donnent à cœur joie et ils n’ont pas tort, car François Miterrand a été, avec le général de Gaulle, le président le plus marquant de la Ve république : étonnant destin que celui de ce politicien madré qui avait traversé avec bonheur la période de la guerre et celle de la IVe république. Qui aurait cru alors en son destin, en sa capacité d’unir la gauche pour finalement l’emporter en 1981. Et là, alors que d’autres ont été broyés par une fonction qui en France fait du président un monarque de droit presque divin, il s’est révélé et a été littéralement transcendé au point d’incarner la France et toutes ses contradictions. Lui, dont l’économie n’était guère une passion, a vite tourné la page des illusions du Programme commun et a orchestré le grand virage libéral qui a marqué la France en ces années. Cet agnostique chrétien a su contenir les excès les plus laïcards de ses troupes et on sait maintenant quelle fut la richesse de sa vie intérieure.

Il y a certes bien des choses que l’on peut lui reprocher : à l’international, il n’a pas imaginé ni compris vraiment la chute de l’URSS lui qui pourtant avait contribué à marginaliser le communisme en France. En France, il a laissé prospérer un climat affairiste marqué au coin d’une insidieuse corruption quotidienne. Détaché à sa manière des problèmes d’argent, il eut autour de lui un cercle de « roués » à la manière du Régent qui fut au XVIIIe siècle le meilleur dirigeant que la France ait connu. Il aurait probablement aimé cette comparaison qui l’eut fait sourire.

 

 

25 octobre 2016

Guerres au Moyen Orient

 

Au Moyen-Orient, le « grand jeu » se poursuit, cette fois entre la Russie et les États-Unis. Le « grand jeu » ce fut, à la fin du XIXe siècle, l’affrontement feutré entre la Russie et le Royaume-Uni en Asie centrale, autour de l’Afghanistan, entre la vallée de Khyber tenue par les Britanniques aux portes de l’Inde et celle de la Ferghana gagnée par la poussée russe.

Le grand jeu aujourd’hui se passe entre Alep et Mossoul par Syriens et Irakiens interposés. À Alep, c’est la Russie qui pousse la médiocre armée de Bachar el Assad soutenue aussi par des contingents chiites libanais et iraniens. Malgré d’intenses bombardements russes, l’offensive piétine. À Mossoul, ce sont les États-Unis et quelques autres (dont la France…) qui poussent la médiocre armée irakienne heureusement associée aux troupes kurdes. Malgré l’aide occidentale et les frappes aériennes, l’offensive avance peu face à un ennemi qui se révèle insaisissable.

Officiellement, l’ennemi est le même : l’EI à Mossoul, Al Qaeda à Alep, mais en Syrie la situation est beaucoup plus complexe. Mais ne nous trompons pas : l’affrontement est aussi désormais celui de la Russie et des États-Unis, de Poutine et d’Obama. Officiellement, on ne se salit pas les mains : des drones, des frappes aériennes, du matériel pour de la chair à canon… C’est le « grand jeu » moderne ! Mais une fois Alep et Mossoul prises, il restera l’anarchie irakienne et le désordre syrien. Le grand jeu pourra continuer.

 

 

23 octobre 2016

La Bohème

 

Il y a cent vingt ans au Teatro Regio de Turin était donnée la première de « La Bohème » de Puccini. Ce soir, dans un Teatro Regio reconstruit après l’incendie de 1936, c’était l’ouverture d’une nouvelle saison avec justement une nouvelle mise en scène de la Bohème.

On connaît le livret de cette bluette inspirée de scènes de la vie de la bohème parisienne de la fin du XIXe siècle. L’histoire en est bien mince et est surtout destinée à mettre en valeur quelques grands moments du bel canto. Pourtant, le metteur en scène, Alex Ollé, a donné un coup de jeune et d’actualité à cette Bohème en la transposant dans les « quartiers » et en utilisant une distribution volontairement multiculturelle (Musette, la cocotte, est africaine) à l’image du grand marché qui se tient à quelques centaines de mètres de là. L’Italie qui est en première ligne face aux migrations au travers de la Méditerranée fait preuve d’une assez remarquable cohésion surtout quand on la compare à la situation de la France où justement demain va être évacuée la désormais célèbre « jungle de Calais ».

Nous sommes là bien sûr loin de la Bohème et pourtant cette mise en scène contemporaine nous plonge dans ces réalités bien cruelles. Il y a cent vingt ans, les Piémontais émigraient aux Amériques. Aujourd’hui, comme Mimi, les migrants meurent en rêvant d’Europe. Triste bohème.

 

 

20 octobre 2016

Chine

 

Pour le troisième trimestre consécutif, la Chine aurait eu un taux de croissance de 6,7 %, pile au milieu de la fourchette (6,5/7) annoncée par le gouvernement chinois en mars dernier. Pour nombre d’analystes, c’est trop beau pour être vrai.

Les statisticiens et économistes chinois font en effet des merveilles : aucun autre pays ne sort aussi rapidement ses données trimestrielles et surtout les corrige aussi peu. Autrefois, on soupçonnait les chiffres d’être surévalués, aujourd’hui on a des doutes inverses sur la fabrique statistique chinoise. Cette fois-ci, le moteur chinois serait la consommation des ménages, ce qui est plausible, alors que la croissance de la production industrielle se maintient à peine au-dessus de 6 %.

Des chiffres donc à manier avec des pincettes d’autant plus qu’ils sont dopés par les mesures procycliques du gouvernement. Cependant, force est de constater que les importations de matières premières ont atteint ces dernières semaines des niveaux record qu’il s’agisse du minerai de fer, du pétrole ou même de la viande porcine ! Les importations de charbon sont aussi en progression, et cela parce que les autorités ont volontairement limité la production des mines trop polluantes ce qui a provoqué la flambée des cours sur les marchés mondiaux. Dans un autre domaine, Pékin essaie de ralentir et de calmer l’euphorie immobilière qui règne aujourd’hui.

Alors, certes on peut douter de cette apparente stabilité à 6,7 %. La réalité est plus complexe, mais faut-il s’en inquiéter ?

 

 

19 octobre 2016

CETA

 

La Belgique fait donc des siennes et le parlement wallon bloque la signature finale de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada (CETA) qui doit avoir lieu normalement la semaine prochaine. Il avait fallu sept ans de négociations pour parvenir à un accord en septembre 2014 et les Wallons (ainsi que Bruxelles) remettent en cause quelques points à priori secondaires notamment en matière d’environnement. En réalité, les vraies raisons sont plutôt à chercher dans les méandres de la politique belge (les socialistes wallons en l’occurrence).

Ceci étant, le CETA pose un problème bien plus fondamental. Il a été négocié du côté européen par 28 pays, mais il ne sera mis en place que pour 27 puisque le Royaume-Uni n’en sera pas partie prenante, une fois le Brexit entériné. Or c’est avec le Royaume-Uni que les échanges du Canada sont les plus importants pour des raisons historiques bien compréhensibles. Qu’adviendra-t-il des clauses spécifiques que contient l’accord ? Les producteurs français de viande bovine peuvent s’inquiéter du devenir du quota d’exportation de plus de 50 000 tonnes de viande canadienne normalement destiné au marché britannique et qui risque de se retrouver sur un marché continental qui n’en a guère besoin. Mais ce n’est là qu’un exemple.

Au-delà des drames belges, il faut accepter l’idée que le CETA devrait être remis sur la table à 27 et en tirer toutes les conséquences.

 

 

17 octobre 2016

Pétrole

 

Kashagan a commencé enfin à produire du pétrole pour l’exportation et les premiers barils de ce gisement du nord de la Caspienne devraient arriver dans quelques jours sur le marché mondial.

Kashagan ? Un véritable serpent de mer, un gisement géant qui depuis plus d’une vingtaine d’années a accumulé tous les déboires à la fois techniques et politiques. Certes, le nord de la Caspienne est une région difficile au climat particulièrement rude en hiver lorsque la mer est prise par les glaces. Le pétrole extrait s’est révélé aussi difficile à exploiter ce qui a entraîné des dépassements budgétaires considérables. Finalement, le coût total du projet a bondi en deux décennies à $ 55 milliards !

Mais le cauchemar a été aussi politique avec un gouvernement kazakh qui s’est révélé être un partenaire peu fiable et velléitaire. Enfin, l’opérateur initial, l’italien ENI, a été incapable de gérer toutes ces contraintes. Il a fallu ouvrir le capital du consortium aux autres grandes compagnies pétrolières : Total, Shell, Exxon, qui détiennent comme ENI et la compagnie nationale kazakhe 16,1 % du projet chacun, le reste revenant à des Japonais et à des Chinois.

Plus de vingt ans donc : le temps du pétrole est un temps long, mais voilà le brut de Kashagan qui va enfin arriver sur les marchés en un moment où il n’est pas vraiment le bienvenu : 30 000 bj d’ici la fin de l’année, 370 000 bj à la fin de 2017. C’est à peu près la moitié de ce que l’OPEP a l’intention de réduire sa production en novembre à Vienne. Voilà un caviar de la Caspienne dont le marché se serait bien passé.

 

 

14 octobre 2016

Primaires

 

Ils étaient donc sept hier soir devant les caméras de télévision pour un exercice inédit, les premières primaires de la droite en France : du beau et du vieux linge : un ancien président, deux anciens premiers ministres, trois anciens ministres et un simple député (le seul véritable « inconnu »). Sept, chacun derrière son pupitre, quelque peu crispés, face à trois journalistes censés refléter les attentes des Français.

Autant le dire, ce ne fut pas un grand moment ni de politique ni même de télévision. Le corset était bien trop étroit dans une illusoire égalité horaire (15 minutes chacun au total) et avec des questions qui n’ont guère élevé le débat : on a en effet donné dans le pointillisme le plus absurde qu’il s’agisse de l’âge de la retraite, de la durée du travail ou des déficits. À aucun moment, il n’y a eu de souffle sur la vision de la France et de ses blocages, sur le chantier immédiat des réformes : Jean-François Copé a parlé d’ordonnances, Alain Juppé de dialogue social, mais il n’y avait là rien de bien approfondi. Un peu de boue est remontée des bas fonds que l’ouvrage de deux journalistes du Monde sur les « confidences » de François Hollande avait quelque peu agités. Mais les fleurets étaient mouchetés.

Au sortir de ce débat insipide, pour l’essentiel du fait de la médiocrité de son animation, les premiers sondages n’indiquent guère de changement dans la cote des candidats et l’affrontement reste entier entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy qui pourtant ne furent ni l’un ni l’autre au meilleur de leur forme. Un débat pour rien ?

 

 

13 octobre 2016

Bob Dylan

 

Bob Dylan, prix Nobel de littérature ! Ces dernières années, les académiciens suédois nous avaient habitués à des choix obscurs destinés à mettre en valeur des littératures peu connues et traduites. Les Prix Nobel passaient sans qu’on les remarque vraiment (mais qui se souvient que le premier Nobel fut décerné au Français Sully-Prudhomme aujourd’hui totalement oublié y compris en France). Il y a une vingtaine d’années, il y avait eu le précédent Dario Fo (décédé aujourd’hui même), mais il avait au moins une grande œuvre théâtrale.

Avec Bob Dylan on change de registre. Certes poète, il est avant tout un interprète de ses œuvres, mais aussi de tout un répertoire populaire américain (le folk) dans lequel il a baigné. C’est au fond toute une génération, celle de la culture contestataire américaine des années soixante qui est ainsi distinguée. On aurait pu aussi bien nommer Joan Baez ou même Leonard Cohen.

Les puristes se demanderont si c’est bien là de la littérature : car les textes de Dylan sont avant tout des chansons, comme dans la Grèce Antique lorsque les poètes s’accompagnaient de la lyre. La littérature devient là orale pour des générations qui ne savent plus guère lire et qui se limitent aux raccourcis brutaux de leurs écrans.

Célébrer Dylan et tous les autres (et pourquoi pas Brassens et ses contemporains en France) à l’heure du rap, c’est là un parti pris courageux que l’on ne peut que saluer d’autant qu’il nous renvoie en une époque bien oubliée.

 

 

10 octobre 2016

Jeux Olympiques

 

Il y a quelques jours, le président du Comité International Olympique (CIO) était en visite à Paris et on l’a même vu chevauchant fièrement un Vélib. La candidature de Paris aux JO de 2024 aurait le vent en poupe et réunit en tout cas en France une rare unanimité. C’est là bien dommage tant ce projet dépasse les bornes du raisonnable et ressemble à une véritable fuite en avant.

Les J.O font-ils en effet encore rêver ? La prédominance des intérêts financiers et de la marchandisation du sport, le cynisme des apparatchiks qui en tiennent les clés en faisant de la guimauve coubertinnienne un fonds de commerce, la montée des nationalismes au-delà d’un serment olympique que plus personne n’écoute, tout cela a de quoi donner la nausée. On est depuis longtemps passé d’Olympie aux Jeux du Cirque à Rome.

Parlons justement de Rome et de la sage décision de ses édiles de renoncer à la candidature de leur ville. Ils sont réalistes, savent que c’est là au-dessus de leurs moyens, que les budgets sont toujours dépassés, que le somptuaire est bien éphémère. À Londres même, dont les Jeux furent cités en exemple, combien d’infrastructures gisent aujourd’hui à l’abandon. Il en sera de même à Paris alors qu’il y a tant à faire dans les quartiers et les banlieues.

 

 

7 octobre 2016

Migrants

 

Il y a deux jours, les navires qui patrouillent au large de la Sicile ont sauvé, en une seule journée, plus de 6000 migrants. Alors qu’Alep flambe, l’essentiel de cette immigration n’est plus syrienne, ni même du Moyen-Orient. Par la Libye, ce sont des migrants africains qui cherchent à gagner l’Europe : des réfugiés en provenance d’Érythrée et du Soudan, mais surtout des migrants « économiques » d’Afrique de l’Ouest et du Centre, notamment du Nigeria. C’est là une immigration beaucoup plus classique liée aux crises économiques et à la malgouvernance. L’Europe reste l’espoir insensé de tous ces subsahariens qui se sentent prisonniers de l’échec de leurs propres pays.

L’Italie les sauve et les accueille, mais après ? Au Royaume-Uni, Theresa May tient un discours s’alignant sur le vote du Brexit : l’immigration y est bloquée. Partout ailleurs, on atteint la saturation et les discours populistes deviennent un peu partout la règle plus que l’exception.

Dans la campagne électorale française, on s’en tient à l’hypocrisie des textes et des règlements : on peut accueillir quelques demandeurs d’asile c’est-à-dire les situations d’urgence. Mais les autres qui forment désormais les plus gros bataillons des migrants, de ceux que l’on repêche au large de l’Italie : les reconduire, les renvoyer, fermer les yeux, les laisser s’enfoncer à la marge ? L’Europe doit répondre sachant qu’il n’y aura jamais une seule bonne réponse. Et puis au-delà, chacun d’entre nous peut et doit agir.

 

 

6 octobre 2016

Pétrole et acier

 

À Genève, un groupe bancaire réunit quelques experts pour parler de l’avenir des marchés de matières premières. Pour le pétrole, les experts d’Argus, l’une des sociétés spécialisées dans la publication de cotations de référence, sont plutôt optimistes estimant que les membres de l’OPEP seront contraints d’ajuster tôt ou tard leurs niveaux de production. Néanmoins leurs prévisions, un peu au-delà de $ 50 le baril restent fort mesurées. A leur avis, la mutation la plus importante est le développement des importations de pétrole brut par les « petites » raffineries chinoises du Shandong, les désormais célèbres « Teapot refineries » qui sur les sept premiers mois de l’année ont acheté 2,4 millions de bj contre 1,5 l’année précédente. À suivre.

La Chine est bien sûr au premier plan sur le marché de l’acier : sa production a probablement atteint son pic, mais sa consommation s’inscrit désormais en forte baisse : plus de 700 millions de tonnes en 2014, moins de 600 en 2020, de 500 en 2030. la différence ce sont des exportations qui explosent, les fermetures de capacités annoncées demeurant bien insuffisantes. Sur les huit premiers mois de 2016, la production chinoise a diminué de 0,11 %, la consommation de 3,6 % et les exportations ont augmenté de 6,2 %. On comprend le marasme du marché mondial d’autant plus que la flambée des prix du charbon à coke n’arrange pas les choses. Difficile de garder un moral… d’acier !

 

 

5 octobre 2016

Alstom

 

À tout prix éviter un nouveau Florange ! La mission du gouvernement était claire pour Alstom à Belfort. La solution trouvée est certes d’une remarquable cohérence, mais le prix de cet électoralisme forcené est considérable non seulement en termes financiers, mais aussi en crédibilité politique. L’état va donc acheter des rames TGV qu’il fournira ensuite à la SNCF pour circuler sur des lignes classiques à la place de trains intercités bien moins onéreux… mais que l’on ne construit pas à Belfort ! Ces « Ferraris du rail » vont donc rouler comme de modestes « Clios » en attendant l’hypothétique construction des lignes TGV concernées. On aimerait en rire si ce n’était pas là le symbole d’un mal français bien au-delà des clivages politiques. Bien sûr, il y avait Belfort, sa citadelle qui avait résisté aux Prussiens, son passé industriel et l’image aussi du rail, cher aux Français. Mais on ne supprimait pas d’emplois : les 400 postes concernés étaient déplacés de 200 kilomètres vers une Alsace devenue soudain un goulag.

Confrontés à une baisse de charge qu’ils auraient peut-être pu anticiper, les dirigeants d’Alstom ont en tout cas admirablement réussi leur opération de chantage. Ils ne doivent pas en être fiers, mais cela a marché jusqu’au plus haut sommet de l’état. Manuel Valls a osé parler de politique industrielle. La méthode Coué trouve là ses limites.

 

 

28 septembre 2016

Pétrole

 

Accord surprise à Alger. Les membres de l’OPEP ont annoncé qu’ils envisageaient de reconduire leur production d’une quantité indéterminée à un horizon indéfini, le tout devant être précisé à Vienne à la fin novembre. On peut difficilement faire plus flou et pourtant marchés et analystes ont « acheté » cet accord hâtivement qualifié d’historique. En réalité, la seule chose à mentionner est que l’Arabie Saoudite et l’Iran se sont parlés sans passer par le canal de quelques missiles yéménites ou syriens. Mais pour le reste il n’y a rien à dire : face à un marché excédentaire de quelques 1,5 million de barils par jour (bj) auxquels il faut ajouter au moins 200 000 bj de production nouvelle en 2017, notamment du champ de Kashagan au Kazakhstan, l’OPEP va de record en record alors même que deux de ses membres – la Libye et le Nigéria – perdent au moins un million bj du fait du chaos politique qui y règne. Et dans le meilleur des cas, on parle d’une réduction de production de 700 000 bj qui retomberait pour l’essentiel sur l’Arabie Saoudite et les émirats vassaux du Golfe. Non seulement il y a peu de chances que l’Arabie Saoudite se prête au jeu et même que l’Iran et l’Irak acceptent de geler leur production à ses niveaux actuels, mais tout ceci restera bien insuffisant et les excédents pétroliers persisteront. En tout état de cause les $ 50 le baril de Brent devraient longtemps rester un plafond.

 

 

27 septembre 2016

Le Gallion de Manille

 

À Madrid, au Musée Naval, se tient une exposition sur le « Gallion de Manille », l’une des pièces maîtresses et peu connues de l’empire colonial espagnol. Après la découverte de l’Amérique, les Espagnols cherchèrent en effet à aller plus loin et à trouver le chemin vers « les Indes ». Magellan passa par le Sud et trouva la mort aux Philippines. Mais c’est aux Philippines qu’abordèrent d’autres navigateurs partis du Mexique, d’Acapulco. Rapidement, la traversée du Pacifique fut maîtrisée en une volte profitant des vents porteurs et les Espagnols s’installèrent à Manille dont ils firent un lieu d’échanges privilégiés avec la Chine : des épices, des porcelaines, de l’or surtout payé avec de l’argent du Mexique. Car l’économie du système était fondée sur la différence de parité de l’or et de l’argent entre la Chine et l’Europe. L’argent produit dans les mines mexicaines était beaucoup mieux valorisé en Chine où il était à la base du système monétaire. Par contre, l’or était prédominant en Europe. Pendant deux cent cinquante ans, le commerce entre Acapulco et Manille fit l’objet d’un monopole, un seul navire assurant les échanges : le Gallion de Manille.

Le système disparut avec la chute des Bourbons en Espagne au début du XIXe siècle. L’arrêt des flux d’argent vers la Chine y provoqua une crise monétaire majeure qui précipita le déclin de l’Empire chinois. Le Gallion de Manille a été ainsi un maillon essentiel de la première mondialisation, celle de la Renaissance.

 

 

26 septembre 2016

Chômage

 

50 000 chômeurs de plus… Alors que la campagne des primaires bat son plein à droite (et chez les Verts que l’on aurait garde d’oublier…) et qu’à gauche François Hollande multiplie les annonces martiales pour préparer sa probable candidature, ce chiffre glace un peu plus l’optimisme de ceux qui ont pensé un peu vite que la France sortait enfin de la crise. 3,5 millions de chômeurs et au total 5,5 millions de « mal employés » (en additionnant toutes les catégories) et cela malgré un traitement social important et pléthore de formations en tout genre, le constat est accablant et il faudra au futur candidat Hollande encore plus de souplesse et de subtilité qu’à son habitude pour s’affranchir de ses promesses.

Certes, nul ne commande la conjoncture et la croissance zéro enregistrée ces derniers mois pèse lourd dans la balance. Mais la France est aussi l’un des plus mauvais élèves de l’Europe et malgré d’indéniables atouts traine une image déplorable d’un vieux pays arcbouté sur son modèle et incapable du moindre changement si ce n’est pour le pire. De ce point de vue, le bilan des cinq années qui viennent de s’écouler se passe de commentaires. Et malheureusement, il n’y a rien à attendre des mois à venir. Bâti sur des hypothèses « optimistes » (1.5 % de croissance en 2017), le budget fait la part belle aux cadeaux électoraux et une fois de plus la barre des 3 % des déficits publics risque d’être franchie. Mais en France les promesses n’engagent que ceux qui y croient.

 

 

25 septembre 2016

Négationnisme économique

 

Le petit monde des économistes frémit sous les coups assénés par deux d’entre eux dans un pamphlet évocateur : le négationnisme économique. La thèse des auteurs (Cahuc et Zylbelberg) est simple : l’économie est désormais une science expérimentale fondée sur la collecte et le traitement de données dans d’énormes machines à modéliser. Le résultat en est la publication de travaux à forte teneur en mathématiques dans des revues internationales de référence sous le contrôle de la profession elle-même. Que ces « papiers » soient en général illisibles, que ces revues de toute manière soient de toute manière peu lues, que les conclusions en soient en général d’une banalité affligeante, tout ceci est secondaire pour nos modernes Trissotin qui se rengorgent de leurs vérités « scientifiques ».

En face, il y a des « idéologues » qui professent des théories et réclament le droit à penser autrement. Même si on ne partage pas leurs idées (ce sont en France par exemple « les économistes atterrés »), il faut soutenir leur droit à ne pas penser comme la « doxa » d’une pseudoscience.

L’auteur de ces lignes étant historien, il ne peut que sourire de la vanité de ces économistes qui se croient à la tête d’une science exacte alors que justement l’économie n’est que l’art de gérer la maison commune et bute en permanence sur l’irrationalité profonde du comportement humain. L’économie est un art. C’est bien plus beau.

 

 

22 septembre 2016

Afrique

 

Présentation à Dakar de l’édition du rapport CyclOpe 2016 consacrée à l’Afrique. Si l’Afrique dépend encore cruellement des matières premières, force est de constater qu’à quelques exceptions comme les phosphates du Maroc, le cacao de Côte d’Ivoire et du Ghana et quelques métaux précieux d’Afrique australe, elle ne pèse plus guère sur les grands équilibres mondiaux des marchés.

La discussion porte sur un des mythes les plus tenaces de la pensée politique et économique africaine : l’Afrique devrait cesser d’exporter ses matières premières et les transformer sur place. Au Sénégal, on parle de l’arachide, en Côte d’Ivoire du cacao, ailleurs des minerais voire du pétrole. Autant la première transformation peut se justifier pour satisfaire des besoins locaux – le cas du raffinage du pétrole alors que le Nigéria importe de l’essence – autant il est absurde de faire de la première transformation, sans véritable valeur ajoutée, un objectif en soi. Ainsi le Sénégal produit du coton qu’il exporte à l’état de fibre. Il n’y a guère de sens à imaginer une industrie du coton sénégalaise (la production de filés) alors que par contre la main-d’œuvre disponible permettra de développer une production de vêtements délocalisée de l’Asie. L’intérêt de l’Afrique est d’exporter – le mieux possible – ses matières premières. Mais son développement est ailleurs.

 

 

20 septembre 2016

Hinkley Point

 

Finalement, Theresa May a donné son feu vert au projet de centrale EPR d’Hinkley Point. Le Premier ministre britannique a préféré éviter une crise diplomatique avec la Chine, alors même que l’opinion de la plupart des analystes – à commencer par ceux du Financial Times – était partagée entre le scepticisme et l’opposition marquée pour un projet qui s’annonce fort coûteux pour le Trésor britannique.

EDF l’emporte donc par défaut, mais, si les Chinois financent, c’est bien l’entreprise française qui va devoir construire cet EPR alors même que le calvaire de Flamanville est encore loin d’être consommé.

En signant Hinkley Point, EDF reste dans la course du nucléaire mondial. Mais c’est presque du quitte ou double : un échec ou même un retard face à des Britanniques qui ne feront pas de cadeaux (encore moins que les Finlandais avec Areva) mettrait presque un terme à l’aventure nucléaire française. Après les échecs d’Areva, c’est EDF qui concentre l’essentiel de l’expertise de la France dans ce domaine. Réussir Hinkley Point est avant tout un pari technologique, mais aussi managérial, un véritable chantier de Sisyphe. C’est au fond tout ce qui reste du complexe industriel public pompidolien. Il fallait jouer, mais… pourvu qu’ils gagnent.

 

 

19 septembre 2016

Russie

 

Voilà une élection dont on a peu parlé tant son résultat paraissait acquis d’avance : Vladimir Poutine a renforcé un peu plus son contrôle sur la Douma où l’opposition est réduite à une portion encore un peu plus congrue. Certes, il y a eu du bourrage d’urnes, mais il n’est pas certain qu’il ait été nécessaire au-delà des mauvaises habitudes d’un ex-membre du KGB. Car les Russes dans leur immense majorité (plus de 80 %) soutiennent et ont confiance en Vladimir Poutine qui a redonné à la Russie sa place sur la scène internationale en montrant, de la Crimée à la Syrie, une détermination qui manque cruellement à Barack Obama. Même sur le dossier pétrolier, la Russie s’est révélée comme l’interlocuteur privilégié de l’Arabie saoudite dans ce qui reste un dialogue de sourds.

Il y a bien sûr un parallèle fascinant entre Vladimir Poutine et les « grands » tsars impérialistes du XIXe siècle, comme Nicolas I, qui avaient repoussé les frontières russes au sud du Caucase et en Asie Centrale. Il s’inspire de leur exemple pour renforcer l’alliance du trône et de l’autel avec une Église orthodoxe dont le patriarcat de Moscou est à son entière dévotion. Certes l’économie russe souffre de sa dépendance aux matières premières (pétrole, gaz, métaux, grains), mais Poutine offre aux Russes la part de rêve dont ils étaient privés presque depuis Staline. Le rêve vaut bien une élection !

 

 

15 septembre 2016

Monsanto

 

Monsanto a finalement dit « oui » à Bayer pour $ 60 milliards payés en numéraire. Le monde de l’agro-fourniture poursuit donc sa concentration après DuPont/Dow, ChemChina/Syngenta et dans le domaine des engrais l’annonce de la fusion entre Potash Corp et Agrium. Bien entendu toutes ces opérations devront passer sous les fourches caudines des autorités de la concurrence, mais entre Monsanto et Bayer les complémentarités l’emportent sur les doublons. Bayer est le numéro deux mondial des phytosanitaires et Monsanto le leader incontesté du monde des semences. Au-delà des discours classiques sur les synergies, le partenariat entre égaux ou la co-entreprise, c’est quand même le rachat de Monsanto qui est la grande surprise, un peu comme si Google rachetait Microsoft. Monsanto occupe en effet une place centrale dans l’univers des biotechnologies végétales qui sont une des clefs de l’avenir alimentaire des hommes au XXIe siècle. Mais à la différence des technologies de l’information qui vivent au rythme d’innovations dont la vitesse de propagation ne cesse de s’accélérer, le temps des biotechnologies est un temps lent parsemé d’obstacles tant culturels et éthiques que réglementaires. Monsanto en a pâti tout comme d’une communication déplorable. Le mariage avec Bayer peut se comprendre, mais on peut être dubitatif quant à ses chances de succès.

 

 

13 septembre 2016

Alstom

 

À peine lancée la campagne des primaires à droite, voilà une affaire comme les politiques – de quelque bord que ce soit – les adorent : Alstom menace de fermer son usine de locomotives de Belfort et de transférer cette activité – en recul en termes de charge de travail – sur un autre site… en Alsace, à quelques dizaines de kilomètres de là ! Et tous, comme à la belle époque de Florange et de Gandrange, de se lever pour sauver Alstom à Belfort. Le président et le Premier ministre ont fait assaut de promesses de commandes publiques, de la RATP ou de la SNCF, et on peut même se demander si ce n’était pas là l’objectif ultime de la direction d’Alstom en lançant ce pavé dans la mare aux symboles à quelques mois des échéances électorales de 2017 : obtenir quelques commandes publiques accélérées. Mais est-ce là bien raisonnable que de transférer le fardeau sur des entreprises aux finances elles-mêmes bien chancelantes. On comprend bien sûr le désarroi des salariés d’Alstom et au-delà de toute une région qui perd un de ses derniers pôles industriels, et bien au-delà encore d’une France dont la désindustrialisation se poursuit. Derrière ce transfert de Belfort à Reichshoffen, il y a le constat cruel de l’échec des politiques industrielles menées en France depuis au moins deux décennies. A soutenir des champions nationaux gonflés aux hormones des commandes publiques, on ne récolte que des déceptions.

 

 

11 septembre 2016

 « nine eleven »

 

À la sortie de la messe dominicale au Pays basque, notre curé regrette : « nous avons oublié de prier pour les victimes du 11 septembre ». « 9.11 », quinze ans déjà ! Il y a quinze ans, en fin de matinée, nous regardions ébahis ces avions s’enfoncer dans les tours du World Trade Center et ces symboles orgueilleux de Manhattan s’effondrer dans la poussière et le sang. C’était le « vieux monde » qui s’écroulait et l’islamisme qui semblait triompher. Rien ne serait plus comme avant disaient les experts et analystes convoqués à la chaine sur les écrans de télévision.

Quinze ans ce sont écoulés : la guerre s’est poursuivie en Afghanistan, a repris en Irak, s’est propagée à la Libye et à la Syrie au gré d’improbables printemps arabes. Ben Laden a été finalement éliminé et Al Qaeda bien fragilisée. Mais l’islamisme combattant est plus vigoureux que jamais avec Daesh et son califat, sa capacité aussi de frapper à Madrid, Paris ou Bruxelles.

Le 11 septembre a bien marqué une entrée en guerre, jusque-là sourde et confinée de l’Afghanistan à la Bosnie. Cette guerre a cependant peu à peu changé de visage en s’intégrant aux banlieues de l’Occident. Elle est une guerre classique en Syrie et en Irak, mais elle est de plus en plus avant tout un conflit culturel dans un Occident qui doute de lui-même. C’est là bien plus dangereux que « 9.11 ».

 

 

5 septembre 2016

Allemagne

 

« Mutti » vient de prendre une gifle ! Dans le petit Land du Mecklembourg dans l’ancienne Allemagne de l’Est dont est originaire Angela Merkel, son parti, la CDU, est arrivé péniblement en troisième position derrière le SPD, mais surtout derrière un nouveau parti de droite, plus nationaliste et surtout ouvertement opposé à la politique de la chancelière en matière d’immigration, l’AfD. L’AfD créé en 2013 a réuni un peu plus de 20 % des voix, coiffant sur le fil la CDU. En réalité, tous les partis « classiques » ont perdu quelques pourcentages au profit du nouveau venu qui rejoint ainsi la longue liste des partis populistes européens, de droite comme de gauche.

Pour autant, il y a peu de chances qu’Angela Merkel ne puisse constituer une nouvelle majorité aux élections de 2017 pour ce qui serait son quatrième mandat de chancelière. Curieusement en effet, malgré ce vote, de l’un des Länder parmi les plus pauvres, les Allemands continuent à la soutenir et près de la moitié partagent son optimisme quant à la capacité d’intégration des réfugiés : « nous pouvons le faire », ne cesse-t-elle de marteler. Et de l’autre côté du Rhin, entre polémiques sur le Burkini et manifestations à Calais, on ne peut qu’admirer cette Allemagne, qui non seulement dégage des excédents budgétaires, mais a été capable en 2015 d’accueillir un million de réfugiés. « Alles ist so gemütlich » !

 

 

4 septembre 2016

Mère Teresa

 

À Rome, canonisation de Mère Teresa. De tous les saints canonisés depuis le pontificat de Jean-Paul II, Mère Teresa est sans conteste l’un des plus fascinants, portant un message bien proche de ce François d’Assise dont le pape actuel porte le nom.

Catholique albanaise née à l’époque de l’empire ottoman, religieuse enseignante aux enfants de la bonne société de Calcutta et puis se plongeant au cœur de la pauvreté indienne, parmi les plus pauvres, mis à l’écart d’une société de castes profondément inégalitaire. Aujourd’hui 5000 missionnaires de la Charité perpétuent son apostolat, vêtues d’un sari blanc brodé de bleu, portant un voile qui est pour elle symbole d’espérance et non pas d’aliénation. En ces temps de guerres et d’incompréhension religieuse, y compris en Inde, Mère Teresa a simplement par son action su apporter un peu d’amour sans quelque prosélytisme que ce soit.

Le plus admirable peut-être, est que l’on sait aujourd’hui que la vie de cette femme fut marquée par le doute, par la sécheresse de son rapport à Dieu, que l’amour qu’elle a su porter aux autres n’a pas eu d’équivalent dans son itinéraire spirituel. En cela, elle est plus proche de nous qui cheminons bien souvent à l’aveugle.

En canonisant Mère Teresa, l’Église catholique a ouvert les bras à tous ces pauvres qui butent sur les frontières européennes et s’entassent dans des bidonvilles. Elle est entrée dans Saint-Pierre de Rome avec leur cortège.

 

 

1er septembre 2016

Apple

 

Peu d’entreprises ont autant qu’Apple atteint un statut d’icône à l’échelle de la planète. Et Steve Jobs, son « double » fondateur, compte parmi les hommes les plus admirés de la fin du XXe siècle. Apple est le modèle même de ces entreprises de Californie qui se gaussent de la « vieille » économie et n’hésitent pas à donner des leçons en termes de gestion, de management de l’innovation et même d’éthique. Sur ce dernier point au moins Apple peut effectivement servir de modèle, ou plutôt de repoussoir y compris du point de vue du contribuable américain. Avec Apple (mais il en est quelques autres), l’optimisation fiscale est devenue un art et parvenir à ne payer que 0,005 % d’impôts au malheureux Trésor irlandais tient du chef-d’œuvre. On apprend ainsi qu’Apple a $ 215 milliards de liquidités hors des États-Unis et qu’il va falloir les rapatrier et donc payer des impôts aux autorités fédérales. Quant à Bruxelles, la Commission a donné l’ordre à l’Irlande de faire payer € 13 milliards d’arriérés d’impôts à Apple. Et l’on découvre que les gentils bobos californiens sont aussi peu recommandables que les golden boys de Wall Street, que ces prétendus agneaux œuvrant pour le bien commun ne sont que des loups qui ne connaissent que la loi du plus fort. Saluons – pour une fois – l’initiative de la Commission et espérons qu’elle maintiendra sa fermeté.

 

 

 

30 août 2016

Emmanuel Macron

 

Démission d’Emmanuel Macron ! Le ministre de l’Économie brûle donc ses vaisseaux et décide de se lancer dans la campagne à la présidentielle de 2017. En réalité, il n’avait guère le choix et tous ceux qui lui conseillaient d’attendre 2022 faisaient fausse route tant en cinq années, les Français auraient oublié celui qui reste un homme sans parti. Sa seule fenêtre de tir est sans conteste la présidentielle de 2017 qu’il va aborder dans une configuration nouvelle pour la Ve république : jusque-là, en effet, les candidats indépendants n’avaient d’ambition que de témoigner et se partageaient quelques maigres pour cent de l’électorat. Pour la première fois, un homme sans parti peut ambitionner un score élevé, voire même, une présence au second tour. Dans un « petit » pays comme la France, plus que de réunions politiques et de manifestations, un candidat a besoin de réussir ses grands oraux télévisés et là, Emmanuel Macron peut faire mouche.

Il permet en tous cas de sortir d’un clivage gauche-droite qui n’a plus guère de sens, alors même que le centre a cessé d’exister. A priori, il ne mordra pas dans les électorats populistes, mais il devrait attirer tous ceux qui se refusent à un affrontement Sarkozy-Hollande arbitré par Le Pen. Les chances de succès sont minces, mais sa seule candidature est un bel acte de courage et d’audace politique. La fortune ne sourit-elle pas aux audacieux.

 

 

25 août 2016

Primaire

 

Il n’y aura pas cette année d’universités d’été des grands partis politiques français. Il est vrai que l’heure n’est plus à l’union, mais à la fébrilité des candidatures aux primaires de droite ou de gauche, ou même directement au scrutin de 2017 : Hamon, Montebourg d’un côté, Sarkozy (enfin !), Juppé, Le Maire de l’autre sans oublier Duflot puisqu’il y aura aussi une primaire chez les Verts.

La course est donc lancée ! Elle l’est presque avec les mêmes chevaux qu’en 2012 au moins en ce qui concerne la gauche. À droite, il y aura bien sûr, Nicolas Sarkozy confronté – seule nouveauté de cette campagne – à une forte opposition menée par l’instant par Alain Juppé qui n’est pas exactement un homme nouveau. Ailleurs, de Le Pen à Mélenchon, on prend les mêmes et ceci a quelque chose de désespérant comme si en cinq années de médiocrité politique, rien n’avait changé en France, comme si les Français devaient se contenter de tous ces hommes qui en leur temps ont brillé par leur incapacité à faire évoluer notre pays.

Alors, saluons au moins le sang neuf, celui de Bruno Le Maire pour l’instant distancé dans la primaire de droite et puis celui de la seule véritable inconnue de cet automne, Emmanuel Macron qui aura peut-être le courage de se lancer seul, en dehors des partis, dans une aventure certes suicidaire, mais qui aurait le mérite d’apporter un peu de fraîcheur à une campagne qui s’annonce bien terne.

 


 

20 août 2016

Burkini

 

Alors que la chaleur – et même la canicule – saisit la France, la polémique autour du « burkini » ne cesse de grossir et est en passe de devenir la grande cause politique de l’été. Curieux destin pour un vêtement inventé, semble-t-il, en 2004 par une styliste australienne d’origine libanaise dans le but initial de libérer la femme musulmane et de lui permettre de s’adonner à des loisirs dans l’espace public. Car c’est bien là le paradoxe : pour les plus rigoristes des musulmans, le burkini marque une intolérable émancipation de la femme avec en particulier son visage découvert.

Instrument de libération et même d’émancipation pour les uns, le burkini est perçu en France comme un indicateur de radicalisation religieuse, ce qu’il est dans certains cas. Mais faut-il pousser le ridicule jusqu’à l’interdire et en faire un symbole ? Ne ressemble-t-il pas aux tenues des baigneuses du début du XXe siècle et dans la mesure où il ne cache pas les formes, on peut même lui trouver une certaine dimension érotique. Que n’a-t-on dit d’ailleurs au moment de l’apparition des premiers bikinis !

En 1905, les plus extrêmes des laïcards voulaient interdire le port de la soutane ! Il en est un peu de même de ce malheureux burkini devenu un symbole de repli identitaire par la grâce de quelques édiles en mal de reconnaissance populiste. Le burkini doit rester du champ de la sphère privée, identitaire peut-être pour certains, émancipé pour d’autres. Qui sommes-nous pour juger ?

 

 

 

17 août 2016

Révolte laitière

 

La colère gronde dans l’ouest de la France chez les producteurs de lait. Depuis la suppression des quotas en 2015, l’Europe n’est plus isolée et subit de plein fouet les aléas d’un marché mondial dominé à l’exportation par la Nouvelle-Zélande dont les prix font autorité et soumis aux aléas des humeurs de quelques importateurs comme la Chine et la Russie. Sur un marché étroit par rapport à la production mondiale, le moindre écart climatique, économique ou politique peut avoir des conséquences dramatiques sur les grandes matières premières laitières comme le beurre et la poudre de lait dont les prix ont évolué entre $ 2 500 et $ 4 500 la tonne ces dernières années. Actuellement on est proche des points les plus bas et les prix payés aux producteurs par les industriels couvrent difficilement leurs coûts de production. Cette situation qui concerne toute l’Europe prend en France une tournure dramatique tant les relations entre producteurs laitiers et industriels y sont marquées au coin du féodalisme et même du servage : aucune transparence dans la fixation des prix, aucune confiance entre les acteurs, aucun dialogue au-delà des manifestations de force.

Le premier industriel français, Lactalis, est emblématique de cette attitude qui rappelle le patronat du XIXe siècle sans même l’approche sociale de l’époque. Dans ces terres de l’Ouest, où se concentre la production française de lait, règne une ambiance de jacquerie qui vient battre les murs des châteaux… non des usines !

 

 

14 août 2016

Forum social mondial

 

À Montréal, plutôt ignoré des médias, se tient le quatorzième Forum Social Mondial. On est bien loin de l’enthousiasme du premier Forum tenu en 2000 à Porto Alegre, dans le seul état brésilien que contrôlait alors le PP de Lula. Porto Alegre fut presque un moment l’anti Davos. Et puis tout cela s’est étiolé non seulement parce qu’au Brésil, le PP, arrivé au gouvernement, a été condamné à un réalisme bien éloigné des rêves de Porto Alegre, mais aussi parce que le principal initiateur du Forum, l’association française ATTAC, qui avait connu son heure de gloire, s’est embourbé dans la dérivé « castro-chaviste » du Monde diplomatique dont les dirigeants avaient joué un rôle déterminant dans l’émergence d’ATTAC et du Forum Social Mondial.

Ayant quitté Porto Alegre, le FSM a navigué sur plusieurs continents dans une indifférence de plus en plus grande. Comme la plupart des mouvements « altermondialistes » (une expression bien passée de mode), le FSM s’est recentré sur les questions environnementales et sur la lutte contre l’énergie nucléaire qui reste « payante » en termes médiatiques. C’est là une évolution déjà constatée dans les grandes conférences internationales : on ne se déplace plus pour les réunions de l’OMC par contre on noyaute la « société civile » pour les COP.C’est donc la fraction dure de cette société civile qui était à Montréal, sans grand écho, mais pour préparer d’autres échéances comme la COP 22 à Marrakech

 

 

11 août 2016

Pogba et Airbnb

 

Quelques chiffres glanés dans l’actualité estivale sans grands liens entre eux si ce n’est leur caractère improbable en rupture complète avec nos vies quotidiennes.

Ce sont d’abord les € 120 millions que le club de football anglais Manchester United a payés à la Juventus de Turin pour l’achat du jeune joueur français, Pogba. C’est là un nouveau record historique et lentement le prix du joueur de football se rapproche de ceux du marché de l’art dominé pour l’instant par les $ 175 millions payés en 2015 pour un Picasso. Au moment où quelques vrais « amateurs » disputent les Jeux olympiques dans des disciplines confidentielles pareille somme peut laisser songeur (que vaudrait Ussein Bolt ?)

Et puis, il y a les $ 30 milliards de valorisation d’Airbnb, l’une des étoiles de cette économie « collaborative » qui fait tant rêver au côté d’Uber ou de Blablacar. Le concept a remarquablement pris notamment en France, mais à ce niveau de prix cela fait quand même très cher de l’algorithme !

Il y a bien là l’univers des « manipulateurs de symboles » capable de vendre une image ou une idée pour des sommes démesurées quand on les compare aux revenus des supporters de football ou des loueurs de chambres avec petit déjeuner. Là où le vase déborde, c’est lorsque l’on ose parler d’idéal sportif ou d’économie collaborative. L’appât du gain n’est jamais pire que lorsqu’il se pare de bons sentiments.

 

 

9 août 2016

Ressources disponibles

 

Aujourd’hui, la planète vient d’épuiser ses ressources renouvelables et jusqu’à la fin de l’année elle puisera dans le patrimoine par essence limité de l’humanité. Sans chercher à contester les détails d’un calcul aléatoire, l’image est forte et le message a le mérite de la clarté. En termes de ressources naturelles et d’environnement, nous vivons à crédit et chaque année nous tirons un peu plus sur un actif limité.

Qu’il s’agisse d’énergies fossiles, de minerais et métaux ou de la couche d’ozone, notre horizon se chiffre en décennies, les écueils majeurs se situant quelque part au début du siècle prochain. Pourtant, à considérer les niveaux actuels des marchés qu’il s’agisse du pétrole, du charbon ou même des métaux et surtout l’incapacité internationale à donner un prix réaliste au carbone, on ne peut dire que les acteurs économiques subissent quelque pression que ce soit pour modifier leur comportement. Or c’est bien de la pression des marchés dont nous avons besoin pour accélérer les évolutions technologiques pour aller vers un monde « durable ». C’est de pétrole à $ 100 le baril, de carbone à $ 100 aussi la tonne de CO2 que le monde à besoin pour accélérer la transition énergétique et le recours à une économie de plus en plus circulaire.

Par le passé, ce sont les bonds technologiques qui ont permis à l’humanité de répondre aux défis qui furent les siens. Il n’y a pas de fatalité au déclin, mais on aurait bien besoin d’un coup de pouce de la main invisible des marchés !

 

 

8 août 2016

Céréales en France

 

Mauvaise nouvelle pour l’agriculture française : la récolte de céréales – et notamment de blé – s’annonce catastrophique avec des rendements en baisse en moyenne de 30 % (et même de 50 % dans certaines régions) et une production qui serait inférieure de plus de 10 millions de tonnes à 2015. Le problème est que le mauvais temps n’a vraiment touché que la France et qu’au niveau mondial la production de blé devrait battre un nouveau record grâce notamment aux États-Unis et à la Russie : résultat les cours des céréales continuent à baisser et les producteurs français ne pourront compenser par les prix leur diminution de production. Aux niveaux actuels (€ 165/170 la tonne fob Rouen ce qui fait moins de € 150 bord champ) de nombreux céréaliers ne couvrent pas leurs frais de production.

Bien sûr dans de tels cas on se tourne vert l’état (Bruxelles ou Paris) mais celui-ci est quelque peu démuni. Et puis on peut faire valoir que les céréaliers viennent de connaître – depuis 2007 – quelques belles années. Le problème est qu’ils n’ont pas la possibilité, comme des entreprises normales, de constituer des provisions pour fluctuations des cours. Malgré les demandes réitérées, « Bercy » s’est toujours refusé à cette réforme de bon sens. Alors, les agriculteurs achètent du matériel pour se faire des amortissements. Mais il faut bien payer un jour lorsque les prix sont bas et les rendements faibles…

 

 

6 août 2016

Jo à Rio

 

Ouverture des Jeux olympiques à Rio. Rarement, le contraste aura été aussi grand entre la vanité hypocrite de ce rassemblement commercial au nom de valeurs sportives bafouées au quotidien et le désarroi d’un pays confronté à une crise politique et économique majeure. Les Jeux auraient dû être le couronnement et l’apothéose de l’ère Lula, l’homme qui avait transformé le Brésil en un pays émergent et qui avait tourné la page du populisme et de la corruption. Le Brésil était le troisième grand émergent de la planète et après la coupe du monde de football, les Jeux apparaissaient comme une légitime consécration. Et au fond y avait-il une grande différence entre le Carnaval de Rio et des Jeux Olympiques saisis de mégalomanie ?

Mais voilà, tout s’est retourné : Dilma Roussef a été « empêchée » ; l’économie brésilienne est en récession depuis maintenant près de deux ans ; les prix des matières premières – pétrole, fer, grains – se sont effondrés ; le chômage a plus que doublé. La fête olympique aura bien lieu, mais sur des sites hâtivement bâtis en expropriant quelques favelas.

Certes, pour quelques sports peu médiatisés, les jeux représentent un rendez-vous essentiel et bienvenu. Mais pour les autres, il ne s’agit souvent – à l’image du tennis, du golf ou du basket – que d’une compétition secondaire qui ne mérite guère pareille célébration. Et là, à Rio, encore moins qu’ailleurs. La France est candidate pour les jeux de 2024. N’y a-t-il pas dans notre pays de chantiers plus urgent que pareille illusion ?

 

 

 

1er août 2016

Le « terrorisme » de l’argent

 

De retour des Journées mondiales de la Jeunesse de Cracovie, le pape François s’est entretenu à bâtons rompus avec les journalistes dans l’avion à propos du terrorisme et des religions. Avec juste raison, il a souligné que la violence n’était pas un monopole de l’islam et que toutes les religions avaient eu ou avaient encore leurs violences. Mais il est allé plus loin : « quant au centre de l’économie mondiale il y a le dieu argent et pas la personne c’est cela le premier terrorisme qui s’attaque à la merveille de la création. C’est un terrorisme de base contre toute l’humanité ».

Voilà un raccourci qui rappelle un peu trop les blocages du catholicisme romain face aux questions économiques et aux relations à l’argent : cette image de l’argent sale et corrupteur que l’on retrouve tout au long de l’histoire de l’Église non sans une certaine ambiguïté. Les encycliques de Jean-Paul II et surtout de Benoît XVI avaient permis de tourner un peu la page, mais François revient en arrière comme peut le faire un jésuite argentin marqué par la faillite de son pays et même en partie du continent. Comme le dit le Christ dans la parabole du serviteur infidèle ou dans celle des talents, l’argent est un outil au service de la création : il n’est ni dieu ni diable. Bien sûr, l’homme compte avant toute chose, mais l’histoire nous enseigne que c’est durant les périodes d’économie de marché que la condition matérielle des hommes a progressé. Difficile de voir là quelque terrorisme…

 

 

 

 

26 juillet 2016

Mort d’un prêtre

 

Mort d’un prêtre. En un petit matin dans une banlieue ouvrière de Rouen, un prêtre a été égorgé alors qu’il célébrait la messe, par deux adolescents en mal de djihad. L’horreur qui nous apparaissait lointaine et irréelle dans les vidéos de l’état islamique est maintenant proche et presque quotidienne. Quelle dérision que de s’attaquer ainsi à un vieux prêtre d’une paroisse particulièrement engagée dans le dialogue avec l’Islam. Non bien sûr, ce n’est pas là l’Islam et cet islamisme-là n’en est que la caricature. Mais il ne suffit plus maintenant de le dire comme l’ont fait tous les responsables musulmans français. Il ne suffit pas de s’en laver les mains de ces hérétiques et de compatir avec les chrétiens et les juifs. Il faut maintenant que la communauté musulmane réagisse, qu’elle fasse la police de ses mosquées, qu’elle cesse de fermer les yeux sur les radicaux sous le prétexte qu’ils sont des frères, qu’elle ne tolère plus des imams étrangers sous le prétexte de financements plus ou moins obscurs.

Les catholiques ne peuvent réagir que par l’amour et le pardon. La république a atteint ses limites en matière de répression et d’état d’urgence. La dernière carte est dans les mains des musulmans eux-mêmes qui doivent rejeter la chape du néocolonialisme religieux qui les paralyse aujourd’hui. C’est à l’Islam de combattre l’islamisme.

 

 

25 juillet 2016

Un milliard d’Iphones

 

Il y aura bientôt un milliard d’Iphones dans le monde, ou au moins un milliard vendus depuis 2007 sachant que certains utilisateurs en sont probablement à leur troisième ou quatrième version. Et si à l’iPhone on rajoutait toutes les copies et imitations à l’image de Samsung et quelques autres, on doit reconnaître le génie de Steve Jobs qui a mis au monde ce que l’on peut considérer comme l’icône de ce début de XXIe siècle, le Smartphone. Alors que tour à tour Motorola, Nokia, BlackBerry disparaissaient, Apple a su créer un produit vite devenu indispensable alliant une certaine beauté du contenant à l’infinie variété des contenus. Alors que le Mac n’avait pu détrôner les ordinateurs utilisant Microsoft, l’iPhone a fait longtemps le vide autour de lui. Ce succès porte cependant ses signes de faiblesse : l’iPhone représente 60 % des revenus d’Apple et il est maintenant imité et dans certains cas presque dépassé. La « rente » de l’iPhone ne durera plus longtemps et ce sera le vrai test pour les successeurs de Steve Jobs. Quelle nouvelle icône inventer ? Jusqu’où pousser la digitalisation de notre société ? Le temps des innovations dans le champ des technologies de l’information est de plus en plus court et le terrain de jeu est mondial. Pour l’instant Apple fait encore la course en tête. Pour combien de temps ?

 

 

20 juillet 2016

CNUCED

 

Personne n’en parle et aucun journal n’a pris la peine d’envoyer même un pigiste courir à Nairobi la quatorzième Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED ou UNCTAD en anglais). Pourtant, c’est à Nairobi que s’était tenu en 1976, il y a quarante ans, la quatrième CNUCED. C’était alors la grande époque du dialogue nord-sud et on était en plein choc sur les marchés des matières premières (un choc un peu identique à celui que les marchés ont connu de 2006 à 2014). À Nairobi fut lancé un grand programme de stabilisation des marchés de matières premières dans une optique de garantie des revenus des producteurs : c’était la célèbre révolution 93 (dite 93-IV) qui prévoyait la mise en place s’un « programme intégré des produits de base » (PIPB) avec un Fonds Commun qui aurait été presque l’équivalent de la Banque Mondiale et dix-huit accords spécifiques pour les matières premières essentielles au Tiers-Monde : agriculture et métaux, le pétrole – alors cartellisé par m’OPEP – n’étant pas concerné.

Ce fut un gigantesque échec à la fois sur le plan de la méthode, des conflits politiques et de la conjoncture des marchés. Plus aucun accord-produit ne fonctionne aujourd’hui et la CNUCED peine à trouver encore quelque légitimité, à l’ombre de l’OMC. Le temps des accords internationaux semble bien révolu et manifestement la CNUCED n’intéresse plus guère. Dommage quand même !

 

 

 

17 juillet 2016

Turquie

 

L’attentat de Nice a occulté un événement majeur dont on n’a pas fini de mesurer les conséquences : la tentative de coup d’État militaire en Turquie et la victoire du président Erdogan, devenu en quelques heures un parangon de toutes les vertus démocratiques.

D’où venait le coup d’État ? Des milieux islamiques de l’ancien mentor d’Erdogan ou bien de la vieille garde des militaires Kemalistes, et peut-être des deux à la fois. Mal préparé, le coup a échoué et Erdogan en est sorti renforcé, fort même du soutien de tous les partis représentés au Parlement, y compris les Kurdes. Rien ne s’oppose plus à ce qu’Erdogan instaure en Turquie un régime présidentiel quasi dictatorial et pousse un peu plus loin les pions de son islamisme modéré, mais bien ambigu.

Il serait en effet trop simple de réduire le problème turc à un affrontement entre une laïcité soutenue par l’Armée et un islamisme même modéré. Il faut y introduire le nationalisme turc et ses relations ambiguës avec l’Europe et surtout la Grèce (et le problème de Chypre), l’héritage ottoman et le non-dit du génocide arménien sans oublier bien entendu les Kurdes. Erdogan fait un peu le grand écart entre le « Grand Turc » (au zénith de l’Empire ottoman) et Mustapha Kemal qui sauva la Turquie de la honte de Versailles. L’échec du coup d’État le renforce, mais il n’est pas sûr qu’il saura profiter de cet état de grâce.

 

 

15 juillet 2016

Nice

 

Sinistre rappel à l’état de guerre que vit désormais la France depuis bientôt deux ans : Nice, la promenade des Anglais, juste après les feux d’artifice du 14 juillet, 84 morts…

L’horreur est là totale d’autant plus qu’il n’y a pas de mise en scène sophistiquée, de bombes ou d’armes de guerre : un simple camion lâché au milieu de la foule, un homme peut-être seul, l’entrée dans la folie ordinaire, celle des « assassins » au sens le plus historique de la secte de XIIe siècle.

Et au lendemain de Nice, la même horreur que le Bataclan ou Charlie, mais  l’union nationale a fait long feu, les politiques se fustigeant les uns et les autres alors que seul le silence serait convenable.

Pourtant des trois grands attentats, celui de Nice est celui dont les répercussions pourraient être les plus profondes : il n’y a pas là de cellules dormantes, de prédicateur commandité par Daesh. Il y a ce monde bien connu de la petite délinquance des cités, de la fracture sociale, d’une religion mal comprise et digérée débouchant sur la violence aveugle de pulsions suicidaires. L’attentat de Nice nous touche par sa cruelle banalité qui a permis à son auteur de déjouer tous les systèmes de sécurité. Il fait peur tant au fond il serait facile à reproduire, tant le passant, le voisin, l’inconnu peuvent frapper à tout moment de manière aussi aveugle.

C’est en cela que la banalité porte l’horreur absolue qui a frappé la Promenade des Anglais en ce 14 juillet.

 

 

13 juillet 2016

Irlande

 

L’Irlande vient de réviser ses comptes pour 2015. Finalement, la croissance économique aura été cette année-là de +26,3 % ! C’est un record historique, mais aussi un chiffre presque ubuesque mettant simplement en évidence l’avantage comparatif du parasitisme fiscal.

On compte en effet dans le PIB irlandais en 2015, le chiffre d’affaires de toutes les multinationales qui utilisent l’Irlande comme boîte postale et fiscale en y localisant de manière artificielle leur siège européen. Il n’y a pas là d’activité réelle. Par contre, l’Irlande a profité de véritables délocalisations, plus anciennes celles-là, liées là aussi à des considérations fiscales et sociales et puis à la culture anglo-saxonne : sans espérer attirer la City à Dublin, l’Irlande devrait prendre sa part des migrations économiques post-Brexit.

Alors tant mieux pour l’Irlande et puis tant pis pour l’Europe. Car ce chiffre aberrant c’est la démonstration par l’absurde du détricotage européen. L’absence de règles ne peut qu’encourager les passagers clandestins et les comportements opportunistes. Il ne sert à rien de condamner Google ou l’Irlande qui se contentent d’optimiser l’inexistant.

Jusque-là, les dirigeants européens se réfugiaient derrière une – réelle – opposition britannique. Celle-ci, disparue, il va falloir agir. Pour l’instant, l’Irlande en profite…

 

 

11 juillet 2016

Le Royaume Uni

Theresa May sera donc après demain la cinquante-quatrième premier ministre de sa gracieuse majesté, la reine d’un Royaume encore uni. Reconnaissons au système politique britannique un incontestable pragmatisme qui a permis au pays de sortir d’une crise institutionnelle majeure et de lui éviter de s’embourber dans des primaires dont les relents n’auraient pas manqué d’être fort nauséabonds.

Curieux hasard, une fille de pasteur, sans enfants, va se retrouver face à Angela Merkel, elle aussi fille de pasteur et sans enfants. Comme Margaret Thatcher, Theresa May est un fruit d’une méritocratie britannique moins limitée qu’on ne le croit en France : elle est passée par Oxford et a même fait un peu de finance.

Elle va avoir la lourde tâche de gérer le Brexit, ce qui va se traduire par un recul de la croissance britannique et par le renforcement de déséquilibres à la fois économiques, budgétaires et surtout sociaux : derrière l’apparent succès d’un taux de chômage à 5 %, la misère est réelle dans l’Angleterre profonde que filme Ken Loach et qui vient de voter massivement pour le Brexit, peut-être moins contre l’Europe que contre le libéralisme à la Cameron. Dans ses premiers propos, la nouvelle « dame de fer » a marqué nettement une inflexion sociale dans son discours. À suivre.

 

 

10 juillet 2016

Lecture d’été

 

L’agrément d’un séjour quelque peu forcé dans une chambre d’hôpital est que l’on peut y lire, en oubliant même les étapes pyrénéennes du Tour de France à la télévision.

Il s’est agi d’abord de terminer la trilogie romanesque de Marc Dugain consacrée à la vie politique française : médiocre et sans grand intérêt. Certes, tous les personnages existent – ou au moins des parties d’entre eux – et l’on s’amuse à épingler Henri Proglio, Anne Lauvergeon et nombre de politiques plus ou moins emblématiques. Mais il n’y a pas de souffle et Dugain se contente d’un vernis cultureux qui lasse à la longue. Passons et oublions…

La révélation de mon séjour ce fut « La septième fonction du langage » de Laurent Binet qui est un merveilleux délire partant d’une enquête improbable au lendemain de la mort de Roland Barthes en 1980. C’est une occasion de plonger dans le monde des intellectuels français de l’époque, le jeune BHL côtoyant Althusser ou Derrida, de rire avec une bonne trentaine d’années de recul de leurs ridicules (seul Umberto Eco échappe à peu près au massacre). Voilà un livre comme je n’en avais pas lu depuis des années.

Et puis un petit bijou : un court texte retrouvé d’Hermann Hesse sur Saint François d’Assise. Laudato Si !

 

 

8 juillet 2016

Barroso

 

José Manuel Barroso, l’ancien président de la Commision Européenne rentre chez Goldman Sachs. Ce pantouflage suscite l’indignation à peu près générale de la classe politique française et un peu européenne. Et cette indignation est parfaitement justifiée.

Barroso n’aura certes guère marqué l’histoire européenne. Premier ministre portugais, il était parvenu à la présidence de la Commission parce qu’il représentait un « plus petit commun dénominateur » et qu’il ne risquait pas de faire de l’ombre aux « grands pays ». Ce n’était pas de sa faute, mais le temps n’était plus aux visionnaires à la Delors. Il ne fit là aucune vague, affronta la crise grecque plutôt bien que mal (les Grecs qui avaient été conseillés par Goldman Sachs…), mais se révéla incapable de porter quelque projet que ce soit. C’est avec Barroso que la Commission s’est vraiment enlisée dans sa dérive bureaucratique.

Voilà donc Barroso qui s’imagine un destin affairiste à la Blair et qui pousse la pire des portes, mais celle où le denier de Judas est le plus confortable.

Aux États-Unis, pareil pantouflage serait culturellement impossible : un homme politique à la retraite s’engage dans le caritatif ou les fondations, donne des cours. Imaginerait-on un ancien vice-président américain travaillé pour une banque chinoise ? Quel coup de pied de l’âne pour l’Europe !

 

 

5 juillet 2016

CyclOpe Afrique

 

 

Présentation de l’édition spéciale que CyclOpe consacre à l’Afrique en 2016. Ce « CyclOpe-Afrique » est sous-titré d’une phrase d’un poète et diplomate sénégalais Birago Diop : « Leurres et lueurs ».

Pour l’Afrique, les matières premières demeurent essentielles, voire fondamentales pour l’économie d’une bonne moitié des pays du continent. Pourtant l’Afrique pèse peu sur les marchés mondiaux à l’exception de quelques produits comme le cacao ou le thé. Ainsi l’Afrique ne pèse-t-elle que 3 % de la consommation mondiale d’énergie ; elle a perdu de beaucoup de son importance dans le domaine minier (à l’exception des phosphates du Maroc) malgré l’importance de son potentiel ; et elle est toujours loin de l’autosuffisance alimentaire. Même du point de vue environnemental, la situation est inquiétante : la déforestation en République Démocratique du Congo est plus importante chaque année que dans l’Amazonie brésilienne !

Bien entendu, le problème le plus fondamental reste celui de l’état de droit qui existe bien peu et qui est menacé par l’exploitation de ces matières premières dont le pouvoir corruptif demeure entier. Ce n’est pas là propre à l’Afrique, mais c’est en Afrique que le problème est le plus aigu comme une cruelle illustration de la malédiction des matières premières.

 

 

4 juillet 2016

Michel Rocard

 

Avec Michel Rocard, c’est encore un pan de nos illusions de jeunesse qui disparaît : on a un peu oublié en effet le temps où le leader du PSU, partisan de l’autogestion et du « modèle » yougoslave, campait, lors des élections présidentielles de 1969, presque à l’extrême gauche de l’échiquier politique.

Pourtant, il eut le parcours le plus classique du monde politique français de l’époque : Sciences Po ; Ena, inspection des finances, un moule qui a formé certes les meilleurs, mais pas forcément les plus pragmatiques. Michel Rocard était, avant tout, un intellectuel : j’ai eu le privilège de débattre avec lui un soir au Temple de l’Étoile sur un thème qui deviendra fondamental quelques années plus tard : « Y a-t-il des inégalités légitimes ? » Il était brillant, mais, à l’époque en tous cas, se réfugiait plus que de raison dans l’univers de la théorie.

On ne pouvait pas ne pas aimer Michel Rocard tant intellectuellement il représentait le modèle français dans sa meilleure, mais aussi dans sa pire expression. Son bilan politique est bien maigre, à l’image d’ailleurs d’un Pierre Mendes France, l’autre fulgurance de la gauche française.

C’est l’honneur de la France que de produire des élites politiques pareilles. C’est aussi son problème.

 

 

3 juillet 2016

40 ans de mariage

 

C’était le 3 juillet 1976, l’année de la sécheresse et de son impôt. Il faisait très chaud en Béarn dans une petite église sur le chemin de Saint-Jacques où nous nous sommes mariés, Agnès et moi, il y a quarante ans donc.

Quarante années se sont écoulées et nous voilà encore passant le relais à nos trois filles et à nos neuf petits-enfants : quarante années de bonheur avec bien sûr des crises, des hésitations, mais que de moments forts aussi et puis au cœur de nous-mêmes la force de cet engagement dans la durée, dans cette indissolubilité qui fait la grandeur du mariage dans l’Église catholique.

En une époque où trop souvent l’engagement a une durée de vie aussi courte qu’une génération de « smart phones » et où la recomposition des familles est célébrée comme une nouvelle norme, tout ceci peut paraître un peu anachronique. Il n’y a bien sûr aucun modèle absolu, mais l’union d’un homme et d’une femme, la fondation d’une famille représentent encore aujourd’hui une des plus belles aventures de l’existence, une aventure qui vaut d’être entreprise et qui dure encore quarante ans plus tard.

Tolstoï, dans Anna Karenine, disait que « tous les couples heureux se ressemblent alors que les malheureux le sont de manière différente ». C’est toujours d’actualité.

 

 

1er juillet 2016

La Somme

 

Le centenaire de la bataille de la Somme tombe au beau milieu du Brexit et alors que les partis politiques britanniques se déchirent : pourtant c’est bien ce genre d’horreur que la lente construction de l’Europe à partir de 1951 (le 18 avril et la signature du traité de Paris créant la communauté du charbon et de l’acier) a permis d’éviter pour ma génération et celles qui nous suivent.

Le 1er juillet 1916 s’ouvrit la bataille la plus sanglante – et la plus vaine – de toute la Première Guerre mondiale : 20 000 Britanniques furent tués ce jour-là et en quatre mois c’est plus d’un million d’hommes qui disparurent (1,2 million de tués et blessés en 141 jours). La Somme fut bien pire que Verdun, plus internationale aussi avec toutes les troupes de l’Empire britannique dont le souvenir marque tant la cathédrale d’Amiens.

Peut-on imaginer pareille boucherie, pareil mépris de l’humanité par tant de galonnés « viandards » avides de gagner quelques mètres de tranchées. Et comment, en songeant à la Somme ou à Verdun, peut-on vouloir aujourd’hui tourner le dos à l’Europe ? Ce sont ces mêmes Britanniques qui ont tenu sur la Somme, et craqué à Dunkerque quelques années plus tard, qui viennent de poignarder un peu l’Europe dont l’origine tient dans la réconciliation franco-allemande. Cette année les coquelicots sont bien fanés.

 

 

 

29 juin 2016

Europe

 

On aurait aimé être une petite souris hier soir et assister au dernier dîner de David Cameron avec ses 27 collègues de l’UE : un dîner qui – dit-on – fut assez gai, mais marqué quand même au coin de l’amertume avec un Cameron accusant implicitement ses collègues de ne pas l’avoir assez soutenu sur le dossier de l’immigration et de la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’UE. L’amertume était compréhensible même si elle fait encore moins regretter le calvaire qu’aurait été la négociation de la mise en œuvre des accords de février 2016 si le Bremain l’avait emporté.

La balle est maintenant dans le camp des 27 qui ne doivent pas attendre le déclenchement formel du départ britannique avec le recours à l’article 50. Au contraire, la fermeté européenne et les difficultés britanniques doivent être un message fort pour tous ceux qui en Europe rêvent, eux aussi, de sortir. Le Brexit a au moins le mérite de mettre un terme à une situation ambiguë et de montrer aussi que la sortie de l’Europe implique des ruptures fortes aux conséquences économiques majeures.

Ceci étant, l’Europe ne peut être une prison. Il faut lui redonner le souffle nécessaire, aller plus loin en utilisant un principe de subsidiarité trop souvent bafoué par la technocratie bruxelloise. À 27, cela reste compliqué et c’est probablement du noyau dur de la zone euro que pourra venir la dynamique nécessaire. Au moins, espérons-le !

 

 

27 juin 2016

Brexit bis répétât

 

Il est des symboles bien cruels. Ce soir, c’est l’élimination-surprise de l’Angleterre par l’Islande en huitième de finale de l’Euro de football : l’Islande, un pays minuscule au bord de la faillite en 2009 et qui, il y a quelques mois avait décidé de mettre un terme à sa candidature à l’Union européenne ! Après le Brexit, cette défaite a remué un peu plus le couteau dans la plaie de tous ces Britanniques qui se sont réveillés un peu orphelins au lendemain du referendum. Il est en effet frappant de constater que ni les vaincus, ni surtout les vainqueurs de ce scrutin n’avaient envisagé de manière réaliste et pragmatique les conséquences d’une victoire du Brexit. Boris Johnson semble tout aussi désarmé face à l’Europe que les malheureux footballeurs anglais face à l’Islande : passes incertaines, déclarations maladroites. La fin du match a été sifflée, mais personne ne veut quitter la pelouse rêvant d’une improbable troisième mi-temps ou d’un deuxième referendum, voire d’un vote au Parlement. Tel est d’ailleurs le ton, non des journalistes sportifs, mais des analystes politiques britanniques et même américains. Malheureusement, il n’y aura pas de match retour au moins pour l’Angleterre, car il pourrait y avoir un rattrapage pour nos vaillants Écossais. Mais pour Albion, « It’s game over ».

 

 

25 juin 2016

L’Europe au pied du mur

 

Le Royaume-Uni parti, l’Europe a perdu son bouc émissaire préféré ! Que de fois en effet n’a-t-on accusé les Britanniques de la responsabilité de la paralysie des institutions européennes. Certes Londres a bloqué nombre de dossiers et a contribué à l’affaiblissement de l’Europe. Une assez jolie « uchronie » nous a été proposée : que se serait-il passé si le non l’avait emporté au referendum britannique de 1975 ? L’Europe sans le Royaume-Uni aurait-elle su se bâtir une légitimité institutionnelle suffisante pour réussir les différentes phases de l’élargissement : la dernière – celle des PECO – aurait-elle eu lieu ?

Mais l’heure n’est pas à l’uchronie alors que partout en Europe, les adversaires de l’Union se réjouissent. La balle est maintenant dans le camp des dirigeants européens. Tout ce que les Britanniques ont combattu doit être relancé : l’Europe fiscale, sociale et puis surtout – au moins pour la zone euro – l’approfondissement institutionnel. Il faut donner au fait européen une légitimité politique et aller en fait vers plus de fédéralisme. Le problème est que les dirigeants européens font bien pâle figure à la notable exception de la chancelière allemande. Italie, Espagne, Benelux ne pèsent guère et en France, la paralysie politique s’ajoute à la médiocrité des hommes. Les Britanniques partis, l’Europe doit aller de l’avant ou disparaître.

 

 

24 juin 2016

Brexit 2

 

Brexit ! À la surprise générale, aux premières heures du jour, c’est donc le refus de l’Europe qui l’a emporté et de manière suffisamment importante (presque 52 %) pour qu’il n’y ait pas de contestation. Les tenants de l’Europe, l’establishment politique et économique, les milieux académiques, les jeunes sont « KO debout » alors que les vainqueurs ont le souffle coupé de leur audace et de ce que cela signifie pour le Royaume-Uni : un Royaume qui risque de l’être de moins en moins. Les Écossais ont voté pour rester européens et les tentations indépendantistes vont certainement refaire surface.

Avec le Brexit, l’Angleterre – et c’est le vote anglais qui a été déterminant – a tout à perdre sur le plan économique et bien sûr peu à gagner même en ce qui concerne les migrations. Mais qui parle de raison ? Le précédent « Brexit » avait eu lieu en 1534 lorsque Henry VIII décida de rompre avec Rome pour régler ses problèmes matrimoniaux. En 2016, Boris Johnson a joué le Brexit pour éliminer Cameron et il a gagné au moins la première manche.

Laissons les Britanniques régler leur problème et acceptons leur vote y compris dans ce qu’il comprend de critiques – fondées – sur une Europe qui n’a pas su faire rêver ni d’un côté ni de l’autre de la Manche.

 

 

23 juin 2016

Brexit 1

 

 

Actualité oblige, le vote britannique sur le « Brexit » fait la une et nombre de médias ont fait le voyage de Londres pour essayer de comprendre les curieuses mœurs politiques d’outre-Manche. La tenue de ce referendum est une promesse de David Cameron qui l’avait utilisée pour se rallier la frange eurosceptique des conservateurs, neutraliser l’UKIP et écraser le labour aux dernières élections. Et voilà qu’il a contre lui quelques-uns des poids lourds des tories et le premier d’entre eux, le flamboyant ancien maire de Londres, Boris Johnson. Le soutien bien tiède du travailliste Jeremy Corbin ne lui sera d’aucun secours.

En toute logique, les Britanniques devraient pourtant voter pour rester dans l’Europe : certainement pas par passion, mais par raison : l’accord de février 2016 leur a donné tous les avantages de l’Europe en gommant l’essentiel des contraintes. Ils ont tout à perdre avec le Brexit et franchement pas grand-chose à gagner. Ce serait là se tirer une balle dans le pied et les marchés n’y croient guère comme le montre la bonne tenue du sterling aujourd’hui probablement encouragée par les sondages commandés par les banques.

À 23 h 30, alors que l’on quitte les studios de télévision après un ultime débat, le « Bremain » semble devoir l’emporter assez largement même si les sondages « sorties des urnes » n’existent pas vraiment au Royaume-Uni. La nuit promet d’être longue.

 

 

21 juin 2016

Edgard Pisani

 

Avec Edgard Pisani, c’est un des pères fondateurs de l’Europe agricole qui disparaît. Ministre de l’Agriculture du général de Gaulle au début des années soixante, s’il ne négocia pas les principes fondateurs de la Politique agricole commune, il en détermina  la mise en œuvre et notamment en 1962 la mise en place des premiers règlements européens. Mais surtout en France, il fut à l’origine des grandes lois qui au début des années soixante contribuèrent à la modernisation de l’agriculture française, à cette « révolution silencieuse » dont parlait Michel Debatisse qui fut – en face de lui – le président des Jeunes Agriculteurs, puis de la FNSEA.

Par la suite, commissaire européen en charge du développement et des relations avec ce que l’on appelait le Tiers Monde, puis ministre responsable de la Nouvelle-Calédonie, il garda un intérêt marqué pour les questions agricoles. À la fin des années quatre-vingt-dix, il réunit ainsi un groupe d’une vingtaine de responsables agricoles et de chercheurs pour réfléchir à ce que pourraient être l’agriculture et les politiques agricoles dans l’Europe du XXIe siècle. Le document que nous avons alors publié de ce « groupe de Seillac » fut à l’origine des grandes évolutions de la PAC même si sa logique en fût trop souvent trahie par des contingences politiques. Mais là aussi Edgard Pisani avait été un visionnaire.

 

 

20 juin 2016

Rente pétrolière

 

La chute du prix du pétrole continue à faire des victimes : après le Vénézuéla qui n’en finit pas de s’effondrer, voilà le Nigéria contraint de dévaluer la naira en la laissant flotter : résultat, en quelques heures, un effondrement de 40 %. Le Nigéria, dont on célébrait la résilience il y a quelques mois encore, tombe victime de cette inexorable malédiction des matières premières qui frappe les producteurs en particulier d’hydrocarbures.

Bien sûr, il n’y a pas que le Nigeria. En 2015, les producteurs membres de l’OPEP ont enregistré un déficit public combiné de $ 99 milliards après un excédent de $ 238 milliards en 2014. C’est là le premier déficit enregistré depuis 1998. En 2015, leurs recettes d’exportation furent de $ 518 milliards (en baisse de 45 %) et 2016 ne s’annonce guère plus favorable avec un baril de Brent pour l’instant en moyenne au-dessous de $ 40.

Or là où il y a du pétrole – et du gaz –, il n’y a en général rien d’autre : industrie et même agriculture ont disparu. Quelques émirats de pacotille peuvent faire illusion, mais pas les pays les plus peuplés bien souvent ravagés par des conflits ethniques, ou religieux, mais en fait liés à la répartition de la manne pétrolière comme c’est le cas aujourd’hui au Nigéria, ce qui contribue à faire remonter le cours du baril : du pétrole et des larmes.

 

 

16 juin 2016

Orthodoxie

 

Cela aurait dû être un événement historique comme il n’y en avait pas eu depuis un millénaire, depuis le temps où à Constantinople, un patriarche – fortement lié à l’empereur – était le pasteur de l’Église orthodoxe. Depuis 1453, le patriarche de Constantinople n’est plus dans l’orthodoxie que « primus inter pares » et plus d’une dizaine d’églises autocéphales ont vu le jour, souvent turbulentes et fort nationalistes. Et puis Moscou est devenue la nouvelle Constantinople et là au moins il y avait un empereur sur lequel s’appuyer. Depuis plusieurs siècles déjà, l’histoire de l’orthodoxie est celle de querelles de clocher, de relations ambiguës avec les pouvoirs politiques, de persécutions aussi, de compromis un peu.

Alors la nouvelle de la tenue d’un concile panorthodoxe réunissant en Crète les quatorze églises et patriarcats orthodoxes à l’invitation du patriarche de Constantinople était une belle promesse d’autant plus que la voix de l’orthodoxie est trop souvent inaudible sur les grandes questions de notre planète.

La rencontre de Crète a bien commencé aujourd’hui, mais quatre églises manquent : les Bulgares, les Géorgiens, Antioche et surtout Moscou. Le patriarcat russe a trouvé là quelque mauvaise raison pour s’abstenir probablement sur l’ordre du Kremlin. Rénovant avec la tradition des tsars, Vladimir Poutine aura vu d’un mauvais œil cette internationalisation de la foi orthodoxe sous la bannière de Constantinople et l’Église russe a fait preuve de sa servilité habituelle. Dommage.

 

 

13 juin 2016

Linked-In

 

Chaque jour, trois ou quatre personnes me proposent de devenir un membre de leur réseau Linked-In. Bonne pâte, j’accepte sans vraiment saisir l’intérêt de ce réseau virtuel supplémentaire. Cela ne me coûte rien et si cela peut leur faire plaisir… Mais mes deux ou trois mille contacts apportent un peu d’eau à un moulin que Microsoft vient de payer $ 26 milliards en numéraire.

Linked-In comptait au début de 2016 plus de 400 millions d’utilisateurs dans le monde, ou du moins de personnes inscrites comme votre serviteur. C’est un peu le Facebook du professionnel qui intéresse les entreprises pour leurs recrutements. De là à dire que cette immense base de données peut valoir $ 26 milliards !

Linked-In est racheté par Microsoft, la « vieille » star des technologies de l’information, longtemps en situation de monopole naturel qui cherche désespérément à réinventer son modèle de manière quelque peu désordonnée. Le rachat de Nokia (plus de $ 5 milliards en 2013) a été une coûteuse erreur et montre bien que n’est pas Apple qui veut. Microsoft a eu la main plus heureuse avec Skype et plus récemment avec le jeu virtuel Minecraft du Suédois Mojang. Tout ceci ne fait pas une stratégie et montre bien la fragilité d’entreprises dont le cœur de métier est en permanence remis en cause par l’évolution des technologies et des modes de communication. C’était probablement le moment de vendre Linked-In. Mais de l’acheter ?

 

 

11 juin 2016

Football

 

Début de l’euro : la France va vivre « foot » pendant trois semaines et les politiques (ceux au pouvoir notamment) rêvent que les jeux du stade (ou du cirque) prennent un moment le pas sur les soucis du quotidien, sur les grèves, les inondations et la malgouvernance.

Il y a plus de trente ans, en 1984, l’Euro de football n’avait guère dépassé les pages sportives des quotidiens. Il en fait maintenant la une, numéros spéciaux et premières de couverture à l’appui. Hier, pour le premier match – petitement gagné par les Bleus contre la Roumanie – la France était à l’arrêt et dans la rue on entendait les rugissements des spectateurs devant leur télévision à la moindre action offensive. Pour une fois aussi, les casseurs ne sont pas Français, mais des hooligans anglais ou russes.

La manipulation politique est bien sûr grossière. Les grèves s’accumulent : à peine oubliées les raffineries et essouflés les cheminots, voilà les éboueurs et – cerise sur le gâteau – les pilotes de ligne. Le moral des Français est au plus bas tout comme la côte de popularité de l’exécutif. Alors, après les inondations, le foot n’est-il pas un dérivatif idéal pour les tensions françaises. Et si d’aventure, la France gagnait, comment ne pas rêver à l’épopée des « Blacks, blancs, beurs » de 1998, au temps révolu de la cohabitation Chirac/Jospin et de 4 % de croissance pour le France. Au-delà des races, des religions et des milieux sociaux, le foot est la seule vraie passion française, le seul creuset de notre communauté. C’est bien là aussi le problème.

 

 

8 juin 2016

Etats-Unis

 

Donald Trump versus Hillary Clinton. Voila donc le casting final des présidentielles américaines : une surprise et une confirmation obtenue à l’arraché sans grande conviction.

La surprise c’est bien sûr Donald Trump qui a éliminé tous les cadors du parti républicain avec un discours surréaliste ponctué d’excès populistes en phase avec une Amérique profonde qui se sent abandonnée sur le bord de la route. Trump est un comédien et au fond il est allé au bout de la logique de cette grande comédie que sont devenues les campagnes électorales dans nombre de pays et pas seulement aux États-Unis. Avis aux charlatans de tout genre qui peuvent trouver là un créneau partiellement prospère !

Quant à Hillary Clinton, le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’a pas enthousiasmé les foules face à un improbable « socialiste » qui, lui, a su mobiliser la frange la plus éduquée – et blanche – de l’électorat démocrate. Elle gagne aux points, sans panache, et le fait d’être la première femme investie pour la candidature à la présidence aux États-Unis n’est vraiment guère plus qu’un argument de marketing.

Et maintenant ? Logiquement, la voie est largement ouverte pour Hillary Clinton, mais pas à la manière d’un second tour Chirac-Le Pen à la française. Trump est un caméléon et Hillary s’est révélée bien médiocre. Les jeux restent ouverts et le reste du monde retient son souffle.

 

 

7 juin 2016

Programmes scolaires

 

Il n’y a qu’en France que, selon une conception quasi stalinienne du savoir, le contenu des moindres programmes scolaires est décidé au sommet par une poignée d’apparatchiks de la pédagogie. Ceux-ci ont une nouvelle fois frappé.

Il y a en classe de seconde un enseignement optionnel (mais suivi par les trois quarts des élèves) de sciences économiques et sociales. A raison de 1 h 30 par semaine, on donne aux élèves un premier goût de la chose économique. Mais son contenu est tellement encyclopédique que rares sont les enseignants qui parviennent à boucler le programme. Aussi – à leur demande – a-t-il été décidé de l’alléger en supprimant un des derniers chapitres. Il fallait choisir et plutôt que « individus et cultures » ou « formation et emploi » c’est le marché qui est passé à la trappe sous prétexte que c’est compliqué alors que l’économie de marché – du troc à la marchandisation – règne en maître dans les cours de récré. L’aveuglement idéologique atteint là le comble de la bêtise, y compris pédagogique, car quoi de plus ludique qu’un marché, de billes, de jus d’orange ou de pétrole.

La vraie question est de savoir s’il faut un enseignement d’économie en classe de seconde. Et là, la réponse est franchement négative. À quinze ans on est encore en phase d’apprentissage des savoirs fondamentaux et il vaudrait mieux utiliser cette 1 h 30 pour approfondir un peu l’histoire, la géographie, la littérature, toutes choses inutiles, mais qui plus tard permettront de mieux comprendre… le marché !

 

 

6 juin 2016

Ramadan

 

C’est le début du ramadan. Force est de constater qu’en France on en parle beaucoup plus que du carême et que le Mercredi des Cendres ne fait la une des médias que de manière fort discrète. On peut le regretter pour les chrétiens, mais comment ne pas s’en réjouir pour les musulmans tant le ramadan s’inscrit dans une démarche de purification, dans une éthique de privation que les chrétiens ont peut-être trop oubliée. Dans une société de consommation, l’homme a besoin à certains moments de faire retraite tant de son esprit que de son corps. La prière et le jeûne, le silence et l’abstinence en sont essentiels.

Il y a bien sûr une autre dimension dans le ramadan, celle de la recherche identitaire. Nombre de mes étudiants, peu ou pas pratiquants et bien souvent consommateurs d’alcool, font le ramadan, comme ces chrétiens qui fêtent Pâques et surtout Noël. C’est le moment où l’on s’identifie à la communauté, où l’on fait aussi la fête le soir au moment de la rupture du jeûne (c’est paradoxalement une période de forte consommation alimentaire marquée par exemple par de fortes importations de sucre et d’huile dans les pays concernés).

Tout en souhaitant à ses amis musulmans un bon Ramadan, le chrétien ne peut que regretter l’évolution de la société française qui au nom d’un laïcisme militant s’attache à dénigrer d’autres signes religieux comme les crèches. Mais là, la balle est dans notre camp.

 

 

5 juin 2016

Mohamed Ali

 

La mort de Mohamed Ali nous plonge dans une période d’histoire bien oubliée, celle des tourments des années soixante, cette époque qui fut marquée par la contestation à peu près généralisée du modèle occidental des Trente Glorieuses. Aux États unis ce furent la contestation sur les campus, la montée des revendications noires de Martin Luther King à Malcom X, le poing levé des athlètes vainqueurs du 200 mètres olympique à Mexico, les manifestations contre la guerre du Vietnam. En Europe, il y eut bien sûr Mai 68 et ses équivalents en Allemagne et en Italie, la révolution des œillets au Portugal… Au début des années soixante-dix, ce fut la flambée des cours des matières premières et l’illusion du pouvoir du Tiers-Monde. Ce n’est pas un hasard si la célèbre rencontre entre Mohamed Ali et George Foreman a eu lieu à Kinshasa, financée par un Mobutu enrichi par la hausse des prix du cuivre. Il y eut aussi l’année suivante le combat de Manille à l’invitation du président Marcos.

Mobutu, Marcos et puis les caïds de la pègre américaine, et pourtant plus qu’aucun autre sportif de l’époque, Mohamed Ali a été une icône pour la plupart des mouvements contestataires de son époque. Il a incarné l’orgueil nouveau des Afro-Américains enfin dégagés de l’image du « bon noir », de l’Oncle Tom d’une Amérique qui n’a toujours pas exorcisé ses démons.

Le paradoxe est que ce personnage hors-norme, paradoxal et bien peu exemplaire est célébré comme une icône au moment de son décès par une société américaine qui l’a longtemps méprisé. 

 

 

26 mai 2016

Révolution Culturelle

 

Encore un anniversaire, celui des cinquante ans de la Révolution Culturelle en Chine. Le 26 mai 1966, un dazibao était affiché à la porte de la cantine de l’Université de Pékin. Il critiquait les autorités et la hiérarchie qu’il accusait de trahir la pensée de Mao qui était alors presque en semi-retraite. Le mouvement prit de l’ampleur, reçut la bénédiction de Mao et plongea la Chine dans un chaos qui dura – avec des hauts et des bas – jusqu’à la mort de Mao en septembre 1976. En Occident, nous n’avons compris que bien plus tard ce que fut vraiment la Révolution Culturelle : il était de bon ton en 1968 d’être maoïste (voire « mao-spontex ») ou au moins d’avoir sur sa table de chevet un petit livre rouge. On préférait les illusions de Maria Antonieta Macciochi au réalisme de Simon Leys (mais relisez au moins aujourd’hui « Le sac du Palais d’été » de Pierre-Jean Rémy , qui était à l’époque diplomate à Pékin). Les Chinois encore ne parlent qu’avec émotion de cette période qui affecta le destin de toutes les familles.

Cinquante ans ont passé, quarante depuis la mort de Mao, quarante années exceptionnelles sans équivalent dans l’histoire universelle. Qui aurait, en 1966, en 1976 même, parié que la Chine en quatre décennies deviendrait la seconde économie de la planète et se convertirait à l’économie de marché tout en conservant les portraits de Mao !

 

 

25 mai 2016

Essence

 

La France en panne, ou plutôt menacée de panne sèche par le blocage des raffineries et des dépôts de carburants provoqué par une CGT, vent debout contre la loi El Khomry.

Plus de quarante ans après le premier choc pétrolier, la France découvre qu’elle est toujours aussi dépendante de cette huile magique dans la fonction transports qu’il s’agisse des hommes ou des marchandises. Rien n’a vraiment changé et les queues aux stations-service en attestent alors que les Français remplissent leurs réservoirs comme autrefois ils faisaient des stocks de sucre. Et au fond, les opposants à la réforme – même bien limitée – du travail en France ont raison de s’en prendre à l’essence comme meilleur moyen de paralyser le pays, sans pour autant utiliser les dernières armes que seraient la SNCF ou les contrôleurs aériens.

Ceci étant, il n’est pas certain que leur calcul soit le bon : le mouvement est en effet minoritaire et Hollande et Valls en restant fermes sur leur position peuvent espérer regagner un peu de cette estime des Français qui leur échappe tant. Et ce d’autant plus que la CGT est manifestement débordée par des « autonomes » qui cherchent l’affrontement à tout prix. C’est que, avec ou sans essence, la France est au plus bas.

 

 

24 mai 2016

CyclOpe

 

CyclOpe a 30 ans ! C’est en 1986 que nous avons publié notre premier rapport sur les marchés mondiaux. Avec le recul du temps, on ne peut qu’être frappé de l’identité des situations sur les marchés en 1986 et en 2016, à trente ans d’intervalle : contre-choc pétrolier et énergétique, guerres commerciales en gestation, effondrement quasi général des prix. Dans les deux cas, on se trouve au lendemain de fortes tensions, celles des années soixante-dix et celles de 2006/2014. De là à penser qu’il y a devant nous une longue période de prix déprimés comme ce fut le cas à la fin du XXe siècle, il n’y a qu’un pas que nous sommes prêts à franchir tant ce scénario apparaît le plus probable, au moins pour les prochaines années.

Mais en trente ans que de changements : la généralisation de l’instabilité tout d’abord avec l’apparition de nouvelles « commodités » (un mot nouveau) comme le fer et l’acier, les diamants et les grains en Europe ; la globalisation de marchés qui courent désormais en temps réel la quasi-totalité de la planète ; l’échec de la gouvernance mondiale enfin de la CNUCED à l’OMC. Jamais, en tous cas, les marchés n’auront été aussi instables, une instabilité liée certes au climat, mais surtout aux aléas géopolitiques bien souvent provoqués par cette malédiction des matières premières qui reste une constante de l’histoire et singulièrement de ces trente années.

 

 

23 mai 2016

Autriche

 

Il a fallu attendre le milieu de l’après-midi pour que tombe le verdict autrichien et l’élection par la plus infime des marges d’un vieux professeur d’économie proche des verts contre le candidat de l’extrême droite, longtemps donné vainqueur. Dans un ultime sursaut, les Autrichiens ont échappé à ce qui aurait été un cruel retour à des périodes bien troubles. C’eût été une première en Europe occidentale que l’avènement de ce populisme rance qui domine déjà en Hongrie et sous une forme un peu édulcorée en Pologne et en Slovaquie.

Bien sûr, l’afflux des migrants est passé par là. L’Autriche est en première ligne et a fait jusqu’à présent plus que son devoir en termes d’accueil, beaucoup plus en tous cas qu’un pays comme la France qui a la condamnation facile, mais l’exemplarité faible. En Autriche, l’extrême droite a pris soin de se dépouiller de ses oripeaux néonazis pour camper sur une image « volkish » beaucoup plus respectable : culotte de peau et bal à Vienne. Devant la débâcle des partis traditionnels, le sursaut est probablement venu d’un réflexe pro-européen de la part d’électeurs qui savent bien que l’Autriche ne peut plus exister hors de l’Europe. Mais l’avertissement est bien là pour tous ceux qui en douteraient : le populisme et son cortège d’égoïsmes peuvent l’emporter en Europe. Alors en France en 2017 ?

 

20 mai 2016

Bayer/Monsanto

 

$62 milliards : voilà la somme que l’allemand Bayer offre pour prendre le contrôle de Monsanto, le premier semencier mondial, l’entreprise qui focalise sur son seul nom la haine de tous les écologistes de la planète. C’est que Monsanto est – toutes choses égales par ailleurs – au monde des biotechnologies végétales ce que longtemps Microsoft fut pour celui des logiciels à l’aube de l’informatique. Monsanto dispose notamment d’une banque de « caractères » sans équivalent dans le monde. Mais le géant a des pieds d’argile : son développement dans les OGM est contrarié par les réticences, réelles ou manipulées, des autorités et des populations concernées. Dans le domaine des phytosanitaires, son produit phare, le Round-up, est lui aussi contesté et en passe d’être interdit dans plusieurs pays. Pour trouver son équilibre, Monsanto doit croître : l’américain a essayé d’acheter le suisse Syngenta et se l’est fait souffler par un chinois. Cette fois, le prédateur est devenu proie sur un modèle à peu près similaire d’alliance semences/phytosanitaires avec une dimension chimie fine et pharmacie plus marquée pour Bayer. Nous ne sommes bien sûr qu’au prologue de l’opération (Monsanto a décliné sans fermer la porte). Mais l’enjeu est capital et les Chinois sont à l’aguet.

 

 

17 mai 2016

Acier et libre-échange

 

Alors que l’Europe tergiverse et décide d’ouvrir une enquête sur les importations d’acier chinois, les États-Unis agissent avec leur violence coutumière en ce genre de domaines : multiplication par cinq des droits de douane sur la catégorie la plus sensible des aciers en provenance de l’Empire du Milieu : on tire d’abord, on s’expliquera ensuite ! Le pragmatisme américain est aux antipodes du formalisme européen.

Voilà qui devrait alerter et inquiéter alors que les négociations du traité de libre-échange transatlantique entrent dans ce qui pourrait être une phase finale. Barack Obama voudrait terminer là son mandat, mais il y a de fortes chances que les négociations ne soient pas suffisamment avancées à l’automne, avant les élections américaines. En tout état de cause, il vaudrait mieux qu’elles ne le soient pas au vu de la propension européenne à lâcher des concessions sans compensations et des probables réticences du Congrès à donner en la matière un blanc-seing à La Maison-Blanche. De toute manière, que ce soit dans le domaine agricole ou celui des marchés publics, les États-Unis ne lâcheront rien pour obtenir beaucoup. Et l’Europe est en général d’une maladresse insigne dès qu’il s’agit de marchander au comptoir que ce soit avec les États-Unis ou la Chine. Et en ce domaine, la naïveté coûte cher.

 

 

14 mai 2016

Loi El Khomry 2

 

Le gouvernement a donc décidé de dégainer le « 49-3 » et comme on pouvait s’y attendre cela suscite la colère tant à droite que surtout à gauche. Oublions un peu la droite – qui boit du petit lait – et parlons de la gauche ; si du moins ce mot à quelque sens. Le parti socialiste est éclaté en de multiples chapelles et courants ; les frondeurs n’ont toutefois pas réussi à réunir les voix nécessaires pour leur motion de censure : il s’en est fallu de deux signatures, mais on peut légitimement se demander si tout n’était pas convenu d’avance. Les écologistes n’existent plus et ne cessent de se déchirer les derniers lambeaux des ors de la République, de la vice-présidence de l’Assemblée (de « feu » Denis Baupin) à la présidence de leur groupe croupion. Au-delà, le Front de gauche est moribond, éclaté lui aussi en de multiples chapelles et autant d’egos. La scène syndicale n’est guère plus encourageante où l’on se radicalise d’autant plus que l’on perd d’influence. Il reste la société « civile » et la tentative de susciter un Podemos à la française à partir de Nuit Debout et de tous ceux qui rêvent d’un joli mois de mai. Pour tous, la loi El Khromry – ou ce qu’il en reste – est une aubaine qui permet de fustiger la réaction et de s’offrir, pour pas cher, le frisson de la révolte. Ah les jolis mois de mai !

 

 

13 mai 2016

Brésil-Philippines

 

Au Brésil, Dilma Roussef est suspendue de ses fonctions pour six mois. Aux Philippines, les électeurs portent à la présidence un populiste à côté duquel Donald Trump ferait figure de modéré. Décidément, la démocratie responsable est bien difficile à vivre au quotidien. Voilà deux pays qui avaient fait notre admiration en mettant un terme aux dictatures militaires (le Brésil et l’Argentine aussi) ou civiles (Marcos aux Philippines). Des élections avaient porté au pouvoir d’anciens opposants et un moment on s’est pris à rêver. Mais voilà, la vieille maladie de la corruption a gangréné le Brésil et celle – plus atypique – de la dérision populiste, les Philippines. Voilà le Brésil et les Philippines, gouvernés par des personnages qui peuvent légitimement inquiéter.

Mais la fragilité de ces démocraties pose une question plus fondamentale : n’y a-t-il de salut que dans les « démocratures » (l’expression est de Nicolas Baverez), c’est-à-dire la dérive dictatoriale que l’on retrouve dans la Turquie d’Erdogan, la Russie de Poutine, l’Iran des mollahs et quelques autres en Afrique. C’est là le vieux thème de l’homme providentiel qui devient rapidement irremplaçable. À vouloir systématiquement des élections, voilà des résultats qui peuvent inquiéter.

 

 

11 mai 2016

Cerises

 

Parlons un peu du « Temps des cerises ». Non pas de cette merveilleuse chanson des lendemains de la Commune que récemment encore, Mélenchon a su nous rappeler avec sa verve habituelle. Non, parlons du fruit ou plutôt des arbres encore en fleurs aujourd’hui du fait des frimas de la fin du printemps. Nos cerisiers sont attaqués par une mouche asiatique répondant au nom poétique de drosophilia suzukii. Celle-ci provoque un pourrissement précoce des cerises. Il existe bien un traitement, mais le produit utilisé, le diméthoate, vient d’être brutalement retiré du marché par les autorités françaises : intervenant à la fin février 2016 et sans possibilité de traitement de remplacement, il y a fort à parier que la récolte 2016 de cerises en pâtisse lourdement. Certes, les experts (l’ANSES en l’occurrence) ont rendu un avis négatif, mais fallait-il l’appliquer avec pareille célérité sans même rechercher de solution alternative. Faute de cerises françaises, il faudra en importer pour nos confitures et nos yaourts ! Pourtant José Bové, que l’on ne peut taxer de laxisme écologique, me dit que bien appliqué, sur le tronc de l’arbre, la diméthoate ne pose pas de problèmes. Qui croire ? Comme d’habitude, le politique s’est contenté d’ouvrir le parapluie.

 

 

10 mai 2016

Loi El Kjomry 1

 

Le gouvernement passe donc en force et sort l’arme atomique du « 49-3 ». Était-ce là bien nécessaire pour un texte qui n’est guère révolutionnaire dans sa deuxième mouture largement édulcorée et pratiquement corédigée avec la CFDT ? Soyons honnêtes, la droite est quelque peu hypocrite à critiquer l’utilisation du « 49-3 » alors que les principaux candidats à la primaire savent bien que leurs ambitieux programmes de réformes des « cent jours » ne pourront s’affranchir de méthodes musclées comme les ordonnances. Mais à un an des échéances de 2017, alors que l’exécutif donne de plus en plus l’impression d’être un bateau ivre, la brutalité de l’exercice a quelque chose de puéril comme si les hommes au pouvoir, à l’Élysée et à Matignon, voulaient absolument montrer leurs mâles résolutions. La vérité est que la France est de plus en plus paralysée dans une ambiance de fin de règne. Un vent de panique commence à souffler dans les rangs socialistes et les députés de gauche se demandent combien d’entre eux reviendront dans l’hémicycle en juin 2017 : 50, 100, guère plus… Alors perdu pour perdu, autant ne pas renier ses convictions et camper sur des positions que d’aucuns pourraient qualifier d’archaïques. De toute manière, cette loi ne marquera guère et a de fortes chances d’être bien vite oubliée.

 

 

8 mai 2016

Arabie Saoudite

 

Ali Al Naimi, qui depuis des années était ministre du Pétrole d’Arabie Saoudite vient d’être remplacé par le président de l’Aramco, Khalid Al Falih. Au-delà des hommes, c’est en réalité la confirmation de la prise en main de la politique saoudienne par le fils du roi Salman, vice-héritier du trône, le prince Mohamed bin Salman (MBS).

La chute d’Al Naimi ne surprend pas. Il était le partisan d’un compromis sur le gel des productions de pétrole et semblait prêt à autoriser l’Iran à continuer son rattrapage postembargo. À Doha, à la mi-avril, il avait dû s’incliner devant la volonté royale et manifestement il était revenu en arrière sur ses propositions au grand dam des Russes.

Les choses sont désormais claires. En Arabie Saoudite triomphe une ligne à la fois dure et moderne : dure vis-à-vis des autres producteurs et surtout de l’Iran : pas question de baisser la production. Moderne parce que l’Arabie doit être capable de survivre à la baisse des prix en diversifiant son économie et en la rendant moins dépendante et plus attractive. On ne sait jusqu’où ira ce vent de réformes, mais ce pourrait être une véritable révolution pour une Arabie devenue l’archétype du conservatisme rentier.

 

 

6 mai 2016

Donald Trump

 

Qui aurait parié, il y a un an, sur les chances de Donald Trump ? À côté de lui, Bernard Tapie paraît presque respectable ! Ni l’établishment républicain, ni la droite religieuse et le « Tea party » ne pouvaient se reconnaître dans cet histrion ayant fait fortune dans l’immobilier et les casinos avant de se faire un nom à la télévision en usurpant en grande partie une réputation d’entrepreneur (beaucoup de traits communs donc avec notre Tapie national).

Et voilà que Trump les a tous balayés : les héritiers comme Jeb Bush, les chrétiens évangéliques comme Ted Cruz, une femme d’affaires comme Cary Fiorina et toute une floppée de gouverneurs et de sénateurs. Trump a touché la corde nationaliste et populiste, en caressant le sentiment « anti-Washington » qui reste une constante de la démocratie américaine surtout lorsque celle-ci est aussi médiocrement représentée par Obama et les Clinton. Les électeurs démocrates ne s’y sont pas trompés en donnant un écho, lui aussi imprévu, à la candidature de Bernie Sanders, lui aussi à sa manière « anti-système ».

Qui maintenant va parier sur les chances de Donald Trump de l’emporter le 4 novembre ? Personne, mais Hillary Clinton ne séduit guère. À moins que ne survienne un troisième candidat : Michael Bloomberg ?

 

 

4 mai 2016

Master 2012

 

Les entretiens de recrutement du Master « Affaires internationales » (le « 212 ») de Dauphine sont d’une infinie cruauté. 300 dossiers de candidature, plus d’une centaine d’admissibles à l’oral et seulement quarante places. En quelques minutes nous devons juger d’un candidat, de la cohérence de son parcours, de sa capacité à s’intégrer dans un groupe et d’y apporter sa contribution.

En ces temps où il est de bon ton de brocarder l’université, comment ne pas s’émerveiller de ces itinéraires combinant souvent la « fac », des prépas, des IUT et autres BTS et puis nombre de traverses sans parler des années de césure, des stages et autres jobs alimentaires. Ce soir, les entretiens par Skype nous ont promenés en Chine, au Cambodge en Australie ou en Argentine. Et la France sait aussi accueillir des candidats étrangers venant des cinq continents.

La devise de notre master, « le monde est notre jardin » s’applique bien à ces jeunes qui ont repoussé les frontières et dont les rêves ne sont pas ceux de cette France repliée sur elle-même qui suinte à longueur de journaux.

Le choix du jury est cruel, car on aimerait bien en prendre deux fois plus. Mais quelle belle espérance !

  

 

30 avril 2016

Carlos Ghosn

 

Le « salaire » de Carlos Ghosn fait polémique à juste raison : en faisant la somme de ses deux « mi-temps », Renault et Nissan, il approche les 15 millions d’euros. C’est parfaitement indécent dans le contexte à la fois français et nippon et personne dans le patronat ne s’est levé pour défendre un personnage arrogant, méprisant et dont on avait mesuré la lâcheté managériale dans l’affaire d’espionnage industriel dont il y a quelques années Renault avait cru être victime.

Ceci étant, deux remarques s’imposent : la première est que de pareils revenus sont chose courante dans la finance et dans le sport : un grand patron vaut quand même mieux qu’un trader ou un footballeur. La deuxième est que ce n’est pas à l’état de légiférer ni réglementer. En la matière, une entreprise doit pouvoir conserver sa liberté quitte à ce qu’elle mette en place ses propres contre-pouvoirs (et pas un conseil « à la botte » comme chez Renault). Au-delà, nous sommes dans le champ de la morale et de l’éthique personnelle. Si Carlos Ghosn ne perçoit pas l’énormité de ce qu’il touche, par rapport au salaire d’un ouvrier français, marocain ou roumain, si pris par son ego il a tellement perdu contact avec la réalité, alors il ne mérite plus son poste et il est un danger pour l’entreprise elle-même. La conclusion est claire.

 

 

29 avril 2016

La Nouvelle-Calédonie et le nickel

 

Le premier ministre français, Manuel Valls, est en Nouvelle-Calédonie. L’ordre du jour est bien sûr politique avec la perspective du referendum sur l’avenir du territoire prévu en 2018. Mais le sujet du moment est bien celui du nickel. Le « caillou » détient en effet des réserves de l’un des plus « beaux » minerais au monde dont est extrait le nickel après un long et complexe processus métallurgique. Mais à $ 9 000 la tonne au moment où Manuel Valls atterrit à Nouméa, le prix du nickel ne couvre pas les coûts de production et soudain c’est toute l’île qui doute et dont l’économie chancelle.

Car la Nouvelle-Calédonie est esclave de son nickel et toute la vie politique tourne autour du « métal du diable ». De manière simpliste certains – en particulier dans les milieux indépendantistes – pensent qu’il suffirait de nationaliser mines et entreprises pour retrouver la prospérité. Ils ne font en réalité qu’enfoncer un peu plus les esprits dans la dépendance d’un métal dont les prix ces dernières années ont évolué entre $ 4 000 et $ 55 000 la tonne (pour un coût de production en Nouvelle-Calédonie guère inférieur à $ 15 000). Le nickel en Nouvelle-Calédonie est un parfait exemple de cette malédiction des matières premières qui frappe la plupart des pays producteurs, du Congo au Pérou, et qui envenime un peu plus le débat autour de l’avenir du territoire.

 

 

26 avril 2016

Rhune

 

La Rhune est une fière montagne qui du haut de ses 900 mètres domine le littoral basque. Isolée, comme l’ultime éperon pyrénéen plongeant dans l’Océan, elle est partagée entre la France et l’Espagne : un petit train la gravit côté français et des « ventas » sont installées sur le flanc espagnol pour les amateurs de tabac, d’alcool et autres « souvenirs ». Mais la Rhune, c’est aussi une belle course, sauvage au milieu des fougères puis des rochers, où l’on croise chevaux en liberté et moutons.

Ce soir, Jules et moi avons « fait » la Rhune, quelques semaines après son septième anniversaire. À sept ans, il a avalé sans problème les huit cents mètres de dénivelé et à la descente, en sautant de rocher en rocher sur le sentier, il distançait sans peine son grand-père.

Comme bien souvent, le sommet de la Rhune était dans les nuages et là-haut il faisait froid. Nous étions seuls après le départ du dernier train et alors que toutes les ventas étaient fermées ; un grand père et son petit fils pensant déjà à d’autres sommets, à d’autres conquêtes de l’inutile, à d’autres dépassements.

Il y eut un soir, il y eut un sommet, c’était la première course de Jules !

 

 

25 avril 2016

L’Autriche et le Brenner

 

Il est loin le temps où Mussolini massait les troupes italiennes au col du Brenner pour impressionner Hitler et garantir l’indépendance de l’Autriche face à l’Allemagne. Aujourd’hui c’est l’Autriche qui veut construire une barrière au Brenner pour empêcher l’afflux des migrants débarqués en Italie, à Lampedusa et ailleurs.

L’Autriche vient justement de voter pour élire son président (sans véritable pouvoir exécutif) et les Autrichiens ont dès le premier tour éliminé les deux partis de gouvernement en apportant plus du tiers de leurs suffrages au candidat de l’extrême droite.

Bien sûr, les deux faits sont liés et le vote autrichien vient conforter le retour des nationalismes populistes de la Pologne à la Slovaquie ou à la Hongrie sans oublier bien sûr l’Allemagne et la France : jamais depuis la Seconde Guerre mondiale les deux pôles politiques majeurs, la social-démocratie et la démocratie chrétienne n’ont été aussi affaiblis, moins par leur gauche que par leur droite. Les migrants ne sont en la matière qu’un révélateur de fractures beaucoup plus profondes, de la difficulté aussi de trouver des réponses satisfaisantes face au défi des migrations.

Fermer le Brenner, au cœur de l’Europe, voilà qui nous replonge dans les années trente et leur cortège d’intolérances dont on sait la fin.

 

 

22 avril 2016

Taux d’intérêt

 

Alors que l’univers des taux négatifs ne cesse de s’étendre (le Japon et maintenant une bonne partie de l’Europe), il a rarement été aussi facile que d’être un emprunteur. Ainsi l’Argentine est-elle revenue sur les marchés pour la première fois depuis 2001 après avoir tourné la page des « fonds vautours ». Son emprunt de $ 10 à$ 15 milliards a été sursouscrit puisque ce sont $ 70 milliards qui ont été offerts à un taux de 7,5 % intégrant une jolie prime de risque. Les Saoudiens ont une meilleure signature, mais le fait qu’ils lèvent $ 10 milliards (120 pb au-dessus du Libor) est en soi tout un symbole. Nul pourtant ne devrait sous-estimer les risques géopolitiques saoudiens ou même argentins.

Si la Belgique paraît plus sûre, elle a pu réaliser une opération symbolique : lever € 100 millions à cent ans et cela à 2,3 % ce qui est à peine l’inflation anticipée. On est là presque dans le perpétuel, que connaîtront quand même quelques-uns des enfants qui naissent aujourd’hui. C’est en tous cas une belle preuve de confiance dans la solidité d’un royaume dont on disait autrefois que ses deux seuls ciments étaient le roi et… la dette justement !

Le monde est liquide. Trop peut-être, mais le coût du risque diminue. C’est une bonne nouvelle pour les entrepreneurs, un pousse au crime pour les autres.

 

 

19 avril 2016

EDF et Hinkley Point

 

Faut-il y aller ? Telle est la question existentielle qui se pose à EDF, à son actionnaire essentiel et donc au politique réuni aujourd’hui à l’Élysée pour trancher. Faut-il construire à Hinkley Point au Royaume-Uni, deux réacteurs EPR au moment même où celui de Flamanville accumule les déboires ? C’est là pratiquement du quitte ou double.

D’un côté, il y a des risques financiers considérables et des inconnues technologiques majeures. Areva – et donc désormais EDF – est engluée en Finlande. EDF ne parvient pas à boucler Flamanville et chaque jour on découvre de nouveaux problèmes technologiques. Dans l’un et l’autre cas, il s’agit presque de prototypes et il est logique d’essuyer les plâtres d’autant qu’on est là fort loin de la grande série de la cinquantaine de centrales qui ont équipé la France en des temps radieux pour la filière nucléaire française. La raison voudrait que l’on en reste là.

Mais renoncer, c’est abdiquer. C’est laisser le champ libre aux Chinois (et le premier EPR à fonctionner sera chinois). C’est capituler alors que les conditions financières faites par les Britanniques en termes de rachat de l’électricité sont très favorables. C’est jouer chez EDF et dans le nucléaire les financiers au détriment des ingénieurs. Le courage du politique serait de faire confiance aux ingénieurs comme au temps de la Caravelle ou du TGV. Mais le courage fait bien souvent défaut aux politiques aujourd’hui.

 

 

18 avril 2016

Brésil

 

C’est le début de la fin pour Dilma Rousseff mais malheureusement pas pour le Brésil. La chambre des députés a donc voté en faveur d’un processus dont on voit mal comment il pourrait ne pas aboutir à sa destitution. Dans les dernières heures précédant le vote, la démocratie brésilienne ne s’est pas montrée sous son meilleur jour avec des tentatives « d’achats » de votes par nul autre que le président Lula pour tenter de sauver celle qui fut son héritière. Rien n’y a fait, même la perspective d’avoir à la tête du pays, pendant l’intérim, un personnage incontestablement pourri, représentant du vieux système brésilien des féodaux et caciques que Lula et le PT ne sont pas parvenus à réformer.

Car au fond, c’est là le triste bilan. Bien peu de choses ont changé au Brésil. Le PT a fait illusion et tout le monde a voulu croire que Lula avait initié une nouvelle donne. En fait, on était passé d’un clientélisme à l’autre sans même que le pouvoir fédéral parvienne à s’attaquer aux bastions régionaux. Le curseur de la corruption s’est simplement déplacé et la croissance, soutenue par le prix des matières premières – du fer au soja – a créé l’illusion du décollage économique. La fête s’est finie le jour d’une défaite à domicile au football. La récession et la crise sont arrivées. Et voilà la marmite politique qui explose. Pauvre Brésil qui a trop rêvé.

 

 

17 avril 2016

Pétrole

 

Échec à Doha : les pays de l’OPEP se réunissaient avec la Russie pour décider du gel des productions de pétrole à leur niveau du début de 2016. À plus de $ 40 le baril, le marché avait « acheté » l’accord des principales parties prenantes et nul n’imaginait que l’Arabie Saoudite ne soit prête à arrondir les angles avec l’Iran. Quelle illusion ! Il ne pouvait y avoir d’accord à Doha et d’ailleurs l’Arabie Saoudite avait même refusé la participation de l’Iran à la réunion. Les Russes – alliés de Téhéran en Syrie – ont été les dindons d’une farce dont on a quand même du mal à comprendre la logique même du point de vue saoudien.

Il était évident en effet que l’Iran ne pouvait accepter d’accord portant sur le gel de sa production et de ses exportations : en mars au contraire, l’Iran a pour la première fois dépassé à nouveau les 2 millions bj d’exportations. Tout accord devait tenir compte de cette dimension et Russes et Saoudiens avaient dû en parler. Alors, pourquoi risquer un échec aussi prévisible et envoyer aux marchés pareil signal d’impuissance : au mieux, c’est de l’amateurisme, au pire de l’inconscience et en tous cas une source d’inquiétude sur les capacités saoudiennes à mettre en œuvre une stratégie cohérente.

 

 

16 avril 2016

François à Lesbos

 

Visite du pape François à Lesbos, en Grèce, là où abordent les réfugiés en provenance de Turquie, là où ils sont désormais confinés avant que d’être rejetés pour la plupart. Le pape est reparti avec symboliquement douze réfugiés (douze, le symbole des apôtres…) qui seront accueillis au Vatican.

Après Lampedusa, quelques jours à peine après son sacre, François est donc le seul « chef d’état » européen à être allé au-devant de ceux que toute l’Europe voudrait oublier. Il n’était pas seul puisque l’accompagnaient Bartholomée, le patriarche de Constantinople et Jérôme, l’archevêque d’Athènes. Le symbole était fort en un moment où l’Europe semble se défausser des migrants et où sur le terrain en Syrie, le régime d’Assad grâce au soutien russe marque quelques points sans pour autant que s’éloignent le chaos et la terreur.

Et maintenant ? Diront les bons esprits. Que faire sans aller au-delà du raisonnable, sans provoquer des réactions de rejet déjà sensibles un peu partout. L’histoire du peuple juif, la matrice du christianisme, est toute faite d’errances et d’exodes. Mais chacun rêvait de « l’année prochaine à Jérusalem ». L’humanité s’est faite au fil de grandes migrations et les peuples qui ont survécu sont ceux qui ont su accueillir, intégrer et peu à peu absorber. C’est là le défi de l’Europe compliqué par une culture et surtout une religion plus difficiles à assimiler. Mais encore faut-il essayer. Les réactions indignées sur le fait que les douze ramènes à Rome aient été tous musulmans montre tout le chemin qui reste à faire.

 

 

14 avril 2016

Charbon

 

Aux États-Unis, faillite de Peabody. Ce nom n’était guère connu en Europe, mais aux États-Unis, où les mines de charbon n’ont jamais été nationalisées, Peabody, fondée en 1883, a été longtemps le premier producteur du continent nord-américain, et en fait le premier producteur privé au monde.

Longtemps, l’énergie aux États-Unis a reposé sur le pétrole et le gaz naturel d’une part et le charbon d’autre part. Le charbon représentait ainsi plus de 50 % de la génération d’électricité et ceci encore dans les années quatre-vingt-dix alors que fermaient les dernières mines en France puis au Royaume-Uni. Tout ceci a changé avec le développement des gaz de schiste. L’effondrement des prix du gaz naturel a rendu celui-ci compétitif pour la production d’électricité et a tiré vers le bas les prix du charbon sur le marché américain. Alors que la part du gaz naturel dans la génération d’électricité passait de 10 % à 33 % (en 2016), celle du charbon s’effondrait à 32 %. Certes le charbon américain est compétitif à l’international, mais les vieilles mines souterraines de Virginie ne peuvent tenir bien longtemps face aux mines à ciel ouvert de Colombie, d’Indonésie ou d’Australie.

Les unes après les autres, les mines sont tombées et voilà la faillite de Peabody dont la capitalisation boursière était de $ 20 milliards en 2011 encore et de $ 38 millions hier ! Le charbon est mort : voilà une bonne nouvelle !

 

 

12 avril 2016

Loi El Khomry

 

Encore une nouvelle mouture de la loi El Khomry. Cette fois-ci, Matignon a cédé en particulier aux « jeunes », comme si les syndicats lycéens et étudiants avaient quelque légitimité si ce n’est de servir de marche pied à quelques futurs apparatchiks socialistes. Passons sur le catalogue des mesures proposées (400 à 500 millions d’euros en année courante quand même) et attardons-nous sur la mesure phare : la surtaxation du CDD.

La France est vraiment un merveilleux pays où tout se termine par un impôt nouveau ! Au départ, il y a un constat : le développement des CDD, certains très courts, rendus possibles par le système actuel de l’assurance chômage qui pousse paradoxalement à une certaine forme d’intermittence du travail. Mais à la base, il y a le problème du CDI, un « Graal » dont la rigidité fait peur aux employeurs potentiels et que la loi El Khomry était censée assouplir. À la fin du jour, l’assouplissement ne sera que virtuel et le problème du CDD sera réglé par une taxation, c’est-à-dire un obstacle supplémentaire que les moins sourcilleux contourneront probablement par un peu plus de travail au noir.

Au sortir de Matignon, les « représentants » étudiants étaient satisfaits. Le chômage va continuer à augmenter, mais ils auront bientôt des allocations universelles qui leur permettront de survivre en attendant…

 

 

11 avril 2016

Prix et Marges agricoles

 

Présentation du Rapport au Parlement de l’Observatoire de la Formation des Prix et des Marges des Produits Alimentaires dont j’assure la présidence. Dire que les temps sont durs pour le monde agricole est un doux euphémisme : aucun producteur de toutes les filières que nous couvrons (céréales, lait, viandes…) ne parvient à couvrir la réalité de ses coûts surtout si on lui donne une rémunération (1,5 SMIC…) et si l’on imagine une modeste rentabilité du capital immobilisé. Pour l’élevage, et notamment le porc et la viande bovine, la situation est dramatique.

Mais pour autant faut-il s’en prendre à l’aval des filières (industrie et distribution) ? Certes, la baisse des prix agricoles en 2015-2016 a permis – à prix alimentaires à peu près stables – une certaine reconstitution de marges. Mais en réalité, il n’y a pas de lien entre les prix agricoles et les prix alimentaires. Les marchés agricoles, depuis l’abandon des systèmes de stabilisation de la PAC, sont directement en phase avec la scène mondiale, qu’il s’agisse des céréales, des produits laitiers et dans une moindre mesure de la viande.

Il ne sert à rien dans une Europe de plus en plus libérale (au moins en matière agricole) de bloquer les hypermarchés. On doit comprendre la colère mais la boîte à outils est vide…

 

 

8 avril 2016

Europe

 

Sale coup – encore un – pour l’Europe. Les électeurs néerlandais viennent de refuser par referendum (30 % de participation seulement) l’accord d’association entre l’Union Européenne et l’Ukraine. Il ne s’agit certes que d’un referendum consultatif et le gouvernement néerlandais pourrait passer outre. Mais ce vote négatif (à 53 %) illustre bien le malaise européen, le rejet par les citoyens d’une politique étrangère illisible.

Car au fond les électeurs néerlandais n’ont peut-être pas tort. Après un élargissement fait dans la hâte et aujourd’hui contesté par certains des intéressés eux-mêmes, de Varsovie à Bratislava ou Budapest, faut-il vraiment continuer à ouvrir la porte à une Ukraine, ingouvernable et ingérable ? Faut-il continuer à diluer l’idée européenne en ouvrant des portes qui ne donnent que sur le vide ? Il faut bien sûr soutenir l’Ukraine, mais l’Europe ne peut assumer seule le poids de l’héritage d’un pays aussi improbable. De grâce, arrêtons cet angélisme suicidaire !

Si ce non donne des ailes aux Britanniques partisans du Brexit, peut-être fera-t-on d’un mal un bien. Le Royaume-Uni est en effet un des responsables de l’affaiblissement du projet européen. Le départ de Londres – loin d’être une catastrophe – pourrait être une chance d’un renforcement de l’Europe politique autour d’un noyau dur, bien loin de Londres et de Kiev, et de trouver aussi une réponse à la fois cohérente et humaine au défi que représente l’afflux des réfugiés.

 

 

6 avril 2016

Chine

 

Les étudiants du master « Affaires Internationales » de Dauphine organisaient leur colloque annuel sur la Chine. Quelques jours après l’annonce par le premier ministre du programme des cinq années à venir dans le cadre du plan quinquennal c’était là une bonne occasion de faire le point sur les grands défis chinois.

Paradoxalement, le défi majeur de la Chine reste celui de sa population, de sa pyramide des âges et de son urbanisation. On commence à peine à mesurer les conséquences humaines de la politique de l’enfant unique avec l’arrivée à l’âge adulte de toute cette génération d’enfants gâtés qui forment aujourd’hui l’essentiel de consommateurs chinois largement digitalisés : il y a en Chine 700 millions d’internautes.

Et puis il y a autant de campagnards, 500 à 600 millions de paysans qui vivent encore au Moyen-Âge et que le miracle chinois a à peine touchés (et qui ont en partie échappé à l’enfant unique).

C’est ce contraste majeur de la société chinoise qu’il va falloir résoudre entre les 750 millions d’urbains (64 millions en 1950) et les 600 millions de ruraux encore largement délaissés. Les Chinois ont beau jeu de rappeler d’ailleurs que leur situation – en termes de répartition du PIB – est comparable à celle de l’Occident des années cinquante. Mais la grande différence est que le modèle chinois a creusé les inégalités alors que l’état providence peine à assurer un filet protecteur minimal. Avant tout le défi chinois est humain.

 

 

4 avril 2016

Panama Papers

 

Publication à la une d’une centaine de journaux de la planète des « Panama papers », une fuite de documents provenant de l’un des plus importants cabinets d’avocats de Panama, spécialisé dans la création d’entreprises à Panama et dans nombre de paradis fiscaux de la planète. On se délecte de quelques noms jetés en pâture, de David Cameron à l’entourage de Poutine, du premier ministre islandais à Michel Platini sans oublier l’insubmersible Patrick Balkany ! On s’indigne, bien sût et l’on feint d’oublier que tout ceci est connu depuis longtemps et que la complaisance internationale en la matière est presque sans limites.

Distinguons quand même paradis fiscaux et réglementaires. Les paradis fiscaux jouent de l’avantage de fiscalité faible, voire nulle. En Europe, l’Irlande ou le Luxembourg sont des paradis fiscaux et ce n’est pas uniquement pour l’amour des tulipes que des entreprises comme Airbus ou Renault sont de droit néerlandais. Tout autres sont les paradis réglementaires dont l’opacité est la règle, et dont les autorités financières sont d’une insigne faiblesse (quand elles existent…). Le Panama en est un bel exemple comme les îles Vierges et en Europe, Gibraltar, Jersey ou Monaco. Rien bien sûr n’y est illégal, mais tout y est permis. C’est là la face insoutenable d’un capitalisme déviant et intolérable. Malheureusement, la survie de ces chancres est garantie par la masse des intérêts qui y circulent et bien peu de choses ont évolué ces vingt dernières années. Rien de neuf à Panama.

 

 

2 avril 2016

La rumeur de Cologne

 

Il circule une rumeur qui vaut d’être contée avec toutes les précautions nécessaires : la « rumeur de Cologne ». La nuit de la Saint-Sylvestre, aux abords de la gare de Cologne, plus de trois cents femmes ont fait l’objet d’agressions sexuelles de la part d’étrangers, pour l’essentiel de migrants. Pour une Allemagne jusque-là plutôt accueillante pour les étrangers et qui avait relativement approuvé la politique de la chancelière Merkel, ce fut un choc et même un véritable tournant. À partir de ce moment, on assista à un divorce entre Angel Merkel et une partie de l’opinion publique allemande, à un affaiblissement politique de la chancelière qui s’est traduit par des reculs électoraux et la montée d’un nouveau parti de droite nationaliste. L’affaiblissement d’Angela Merkel est un signe positif pour la Russie tant la chancelière s’est faite la championne de la fermeté européenne dans le conflit ukrainien.

Le problème est qu’il n’y eut à Cologne que deux ou trois viols ! Nombre de spécialistes s’étonnent que tant d’agressions aient donné lieu à si peu de viols. On a l’impression que l’on voulait faire peur, que ces foules ont été manipulées, voire financées, pour faire peur, mais surtout sans aller plus loin, que la nuit de Cologne a peut-être été une gigantesque manipulation. Mais alors quel en serait le commanditaire, qui profite de l’affaiblissement d’Angela Merkel ? On se tourne vers l’Est, on regarde vers la Russie et ses services. On s’interroge…

 

 

29 mars 2016

Agriculture chinoise

 

La Chine est en train de réaliser une nouvelle « révolution culturelle », cette fois dans l’agriculture : en octobre, au début de la prochaine campagne agricole, le système de prix garanti et d’achats publics du maïs va disparaître. Jusque-là, la Chine, dont on sait l’insistance à maintenir son autosuffisance alimentaire, au moins pour les céréales, avait appliqué une logique de prix garantis de plus en plus décalés des prix mondiaux. Résultat, la production chinoise avait augmenté, mais aussi les achats et donc les stocks publics qui dépasseraient à la fin de la campagne 2015-2016 les 100 millions de tonnes. Par ailleurs, si les importations chinoises de maïs étaient vérouillées (avec en particulier l’interdiction « politique » de certains OGM), tel n’était pas le cas des produits de substitution (sorgho, orge, drêches de brasserie et de distillation…). Il y en aurait eu en 2015 pour quelques 40 millions de tonnes. Ceci – stocks gonflés et importations de produits de substitution – ressemble furieusement à ce que l’Europe connut dans les années quatre-vingt avec la PAC. À l’époque, la seule porte de sortie fut la baisse des prix et la mise en place d’aides directes. C’est exactement ce qu’envisage de faire la Chine qui supprimerait les prix garantis – et donc, les stocks publics – pour les remplacer par des aides directes. Le problème est que pareil système ne s’invente pas, que l’on voit bien, vingt-cinq ans après la première réforme de la PAC, les difficultés rencontrées pour gérer un mécanisme aussi complexe, surtout dans un pays qui commence à peine à clarifier son droit du foncier. On n’a pas fini de parler d’agriculture en Chine.

 

 

28 mars 2016

Indécences

 

Deux événements sans lien apparent l’un avec l’autre ; deux chiffres sans rapport l’un avec l’autre et pourtant, tombés à peu près en même temps. Je n’ai pu m’empêcher de les associer tout en me disant que ceci n’avait aucun sens.

D’un côté, il y a les 15 millions d’euros gagnés en 2015 par Carlos Ghosn, le patron de Renault-Nissan. De l’autre, il y a les 3 951 000 chômeurs comptés en France à la fin février 2016. Il n’y a aucun lien rationnel entre ces deux nouvelles et je me suis longtemps demandé pour quelle raison je les ai associées. Et puis, une évidence s’est imposée : il n’y a aucune corrélation entre le salaire de Carlos Ghosn et le nombre de chômeurs en France si ce n’est que l’un et l’autre sont parfaitement indécents et scandaleux au sens propre du mot.

Indécent oui, que l’on compte en France près de 4 millions de chômeurs, et que l’on discute encore d’un Code du travail dépassé qui est en réalité devenu une machine à fabriquer des chômeurs, à détruire l’emploi en le rendant toujours plus compliqué à gérer.

Indécent aussi un salaire sans commune mesure avec quelques minima que ce soit et qui doit représenter un bon millier des ouvriers français ou japonais de Renault-Nissan (sans parler des Roumains ou des Marocains). Certes, on fait bien pire dans la finance ou dans la nouvelle économie. Mais là, ce sont des entrepreneurs, pas des « managers ».

Indécence, pour indécence, je ne sais quelle est la pire. L’une et l’autre sont « scandale ».

 

 

27 mars 2016

Pâques 2

 

En ce matin de Pâques, un ami musulman sénégalais m’envoie un message chaleureux de « Joyeuses Pâques ». Alors qu’en France, Pâques a perdu presque toute signification (si ce n’est un week-end prolongé), il est réconfortant de lire son texte qui rappelle combien Pâques est le sommet du calendrier chrétien, le symbole de l’espérance.

Et puis au même moment, un massacre aveugle de chrétiens dans un parc de Lahore au Pakistan est perpétré au nom de l’Islam. Bien sûr, ce n’est pas le même et il y a bien peu de choses communes entre l’Islam des confrèries mâtiné de soufisme que l’on pratique au Sénégal et le salafisme dans sa version wahhabite tel qu’il domine aux confins du Pakistan et de l’Afghanistan. Mais que d’extrêmes !

Le christianisme n’a en la matière guère de leçons à donner tant, dans notre histoire, il a pu être à la fois doux et fanatique, tant les disciples de Dominique ou même de François d’Assise ont pu faire preuve de la plus totale intolérance. Mais nous voilà au XXIe siècle, en un temps où l’intelligence des idées et des êtres devrait seule dominer. Comment tolérer justement l’intolérable ? Quel mal avaient fait ces chrétiens du Pakistan ? Quelle justification à leur mort tout aussi injuste que celles de Paris ou de Bruxelles, mais des morts de pauvres que l’on oubliera bien vite.

Merci, ami sénégalais, de m’avoir quand même rappelé à l’espérance pascale.

 

 

26 mars 2016

Pâques 1

 

Dans l’opéra de Budapest, dégoulinant de dorures du temps de la splendeur de l’empire austro-hongrois, on donnait en ce soir de veillée pascale, la Passion selon Saint-Jean de Bach, mise en scène à la manière d’un mystère du Moyen-Âge dominé par un Christ admirable autour duquel de sobres danseurs reprenaient les grands moments du texte. Ce fut un admirable spectacle et l’on imagine que c’est ainsi que Bach l’avait imaginé.

Et puis, ce fut l’occasion de revenir sur cette Passion de l’Évangile de Jean que dans la liturgie catholique on lit durant l’Office du Vendredi saint. On y entend les doutes de Pilate, la colère puis le reniement de Pierre et enfin la seule parole de Jésus, la dernière, « Tout est accompli ».

C’est bien là le sommet de la foi chrétienne, le moment ou Jésus « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout ». Nous sommes au cœur du mystère chrétien, tout juste avant l’espérance pascale.

Dans la société française, laïque et déchristianisée, il y a longtemps que Pâques a cédé la place à Noël comme fête chrétienne de référence. La date mobile de Pâques ne s’accommode plus des contraintes de nos vacances. Pour beaucoup, il reste un long week-end et une vague histoire d’il y a deux mille ans en Palestine. Mais ce soir, à Budapest, le sens était là.

 

 

22 mars 2016

Attentats de Bruxelles

 

Il y a dans le destin une part que l’on doit laisser aussi au hasard comme si les fils invisibles de nos existences se mêlaient en d’inextricables nœuds. Ce matin, une fois de plus, la violence a frappé à Bruxelles, au métro Maelbeck, celui dont j’aurais dû descendre deux jours plus tard à la même heure… C’est rue de la Loi, une artère sans charme de Bruxelles qui va du parc Royal au Berlaymont, le siège de la Commission européenne. À cette heure, en général, on se presse pour les réunions dans les services européens, en particulier à la « DG6 », la direction générale de l’agriculture dont les bureaux sont à quelques dizaines de mètres.

Que visaient-ils ces fous de Dieu, ces enfants perdus d’un Islam mal digéré, ces épaves de l’échec de l’intégration sociale et économique des générations immigrées pendant les Trente Glorieuses ? Des attentats aveugles, sans autre motivation que la terreur et le suicide ; des vies sacrifiées d’un côté comme de l’autre pour un absolu vide de tout sens. L’Occident découvre là ce qui est depuis longtemps déjà le quotidien de nombre de cités du Proche-Orient. Les attentats suicides à Bagdad, à Beyrouth, à Istanbul ou à Karachi ne faisaient plus la une des informations. À Paris et maintenant à Bruxelles, le temps de la peur est venu.

Dans un sens ils ont gagné, ceux qui poussent à la destruction de l’homme par l’homme et ceux qui y répondront par encore plus de violence.

 

 

 

17 mars 2016

Église catholique

 

L’Église de France est au cœur de la tourmente avec ce que l’on doit appeler l’affaire « Barbarin » du nom du Primat des Gaules accusé d’avoir fermé les yeux sur des prêtres au passé lourd de pédophilies plus ou moins assumés. Sur les écrans de cinéma, le film américain Spotlight raconte exactement la même histoire qui coûta son siège au cardinal archevêque de Boston. Peut-il, doit-il en être de même pour Mgr Barbarin ?

Sans être responsable (les faits sont anciens même si la notion de prescription n’a là aucun sens), il est malheureusement coupable comme représentant d’une institution qui trop longtemps a fermé les yeux sur de telles dérives. Oh, certes, cela n’a rien de nouveau et il suffit de relire Montherlant. Et l’Église n’est pas la seule institution à en avoir souffert même si l’exigence du célibat a certainement obligé les clercs à un niveau d’ascèse auquel certains n’ont pu parvenir. Mais alors même qu’elle n’est plus que minoritaire dans une France dont même la culture chrétienne s’évanouit peu à peu, l’Église catholique continue à porter un message d’Amour et d’Espérance qu’elle ne peut trahir, aussi dur que cela puisse être pour ses membres les plus faibles et les plus vulnérables. L’heure n’est plus au déni, mais à la méditation active de la parole du Christ à propos du bon grain et de l’ivraie que l’on brûle…

 

 

15 mars 2016

SDF à Paris

 

Faut-il ouvrir un centre d’accueil pour SDF ou migrants en lisière du Bois de Boulogne, dans le XVIe arrondissement de Paris ? Telle était la question qui devait être traitée lors d’une réunion d’information qui se tenait hier soir dans le grand amphi de l’Université Paris-Dauphine.

Soyons francs : cela s’est très mal passé et le président de l’Université a dû lever la séance au milieu d’injures, d’invectives et même de violences inattendues de la part d’une population « bourgeoise » et CSP+ ! Au-delà de la polémique, il s’agit là d’une illustration par l’absurde des blocages et égoïsmes français. À l’origine, il y a une volonté de répartir géographiquement dans Paris les lieux de prise en charge des SDF et autres migrants. Mais la décision est manifestement venue du centre sans véritable concertation : en réalité, le permis de construire était déjà accordé avant même la réunion à Dauphine ; permis de construire accordé par ailleurs sur un espace vert qu’en d’autres circonstances les Verts de la majorité municipale auraient défendu becs et ongles. Voilà pour la forme… discutable.

Sur le fond, est-il aberrant de consacrer un peu d’espace à ceux qui n’en ont pas et ce d’autant plus qu’à la belle saison les bois de Boulogne et de Vincennes fleurissent de campements sauvages. Il y avait dans les réactions de ces « nantis » de la haine, et puis aussi de la peur, guère de cette charité qu’ils aiment tant à mettre en avant.

Tout ceci frisait, d’un côté comme de l’autre, la caricature. Quel gâchis…

 

 

8 mars 2016

Code du travail

 

Le débat sur la loi El Khomry et donc sur le Code du travail fait rage et l’on ne peut que s’étonner au fond qu’un texte aussi anodin, aussi peu révolutionnaire, fasse l’objet de pareilles réactions et qu’on le compare même au célèbre CPE (le SMIC jeune) du gouvernement Villepin qui avait dû être retiré sous la pression de la rue.

Une pétition en ligne a recueilli en quelques jours plus d’un million de signatures. C’est la première fois que ce type de contestation est utilisé à une telle échelle. On peut très légitimement s’interroger sur le modèle économique de l’entreprise – Change.org – qui l’a hébergé et lancé à l’initiative d’une apparatchik socialiste passée par l’UNEF et les cabinets ministériels. Un million de « clics » peuvent-ils représenter quelque chose : probablement quand même, d’autant plus que des sondages, plus classiques, montrent que deux tiers des Français sont opposés à la réforme du Code du travail.

À y regarder de près, il n’y a pourtant pas grand-chose et ce n’est pas – et loin de là – le texte révolutionnaire présenté par ses défenseurs et ses détracteurs. On peut même se demander s’il est souhaitable qu’il soit adopté en l’état et s’il ne vaudrait pas mieux attendre une refonte complète sur le modèle du texte de Robert Badinter qui en sert de prologue.

Fallait-il en tout cas faire de ce malheureux texte pareil symbole à quelques mois des élections de 2017 ? C’est là un choix de basse politique et en tout cas une démonstration par l’absurde de l’aversion française au changement.

 

 

7 mars 2016

Migrants

 

Sommet de la dernière chance… encore un pour une Europe qui y est bien habituée et qui en a connu d’autres de crises agricoles en drames grecs. Mais là, c’est l’un des derniers lambeaux de l’Europe, Shengen, qui va être au cœur de toutes les attentes, et puis au-delà l’intolérable problème de ces réfugiés ballottés d’un camp à l’autre, d’un mur vers des barbelés, de Calais à Lampedusa.

Après le temps de la générosité est venu celui du réalisme. Alors on invite les Turcs et on leur prépare un chèque et quelques autres friandises pour qu’ils servent de tampons. Quant aux Grecs on fermera les yeux sur leurs galipettes budgétaires… Et puis surtout on ferme, on construit des murs comme il y en a déjà tant sur la planète, le long du Rio Grande et maintenant des Balkans. Heureux au fond les pays insulaires comme le Japon ou le Royaume-Uni qui combattent plus facilement les débarquements…

Bien sûr, il n’y a pas de solution qui puisse satisfaire à la fois la raison et le cœur. Mais c’est presque la première fois que les « riches » se ferment aussi hermétiquement. Des migrations provoquées par des guerres ou des pogroms, il y en a toujours eu, mais il y avait aussi des espaces encore libres (ou que l’on avait « libéré » de leurs premiers habitants…). Aujourd’hui, la Terre est pleine et il n’y a plus guère de place pour l’étranger.

Ce qui est clair c’est que l’Europe doit « digérer » les 1,2 million de demandeurs d’asile de 2015. La solution turque peut être un répit temporaire. Mais au-delà ?

 

 

6 mars 2016

Fils prodigue

 

L’Évangile de ce quatrième dimanche de Carême est celui de la parabole du fils prodigue qu’il faut méditer avant tout comme un signe de l’amour infini du Père pour ses fils quelle que soit leur indignité. Mais on y parle aussi beaucoup d’argent. En chaire ce matin, notre curé a trouvé un angle inattendu en nous rappelant que ce fils prodigue qui dépensait son héritage n’était autre que tous les gouvernements qui se sont succédés en France depuis une trentaine d’années, de droite comme de gauche, tous ceux qui ont pourfendu les « cagnottes » et qui se sont faits les avocats d’une dépense publique sans freins ni limites. Nous voilà réduits à manger des « glands » comme dans la parabole en rêvant de quelque « veau gras ». Convenons cependant que l’autre fils, celui qui est resté avec son père, n’est pas bien drôle et qu’il est un peu germanique…

Qu’avons-nous fait de nos héritages ? En réalité, il n’y en a plus guère si l’on mesure le poids des dettes sur chacun de nos enfants et surtout celui de tous les déséquilibres notamment sociaux qui ne cessent de s’accumuler. Au-delà de l’argent et des dettes, notre génération a bien été prodigue de tout ce dont elle avait hérité des « Trente glorieuses », d’un temps où un certain nombre de valeurs marquaient encore la société française. Au fond, nous sommes tous des « fils prodigues » et malheureusement la fête est finie.

 

 

2 mars 2016

Taux négatifs

 

Il y a donc quatre-vingts ans que Keynes publiait son « grand-œuvre », la Théorie Générale, qui a tant marqué les politiques économiques de la deuxième partie du XXe siècle. Que dirait Keynes aujourd’hui de la floraison de par le monde de taux d’intérêt négatifs : le Japon vient ainsi de placer des Bons du Trésor à 10 ans à -0,024 %, ce qui donne une valeur actualisée non mesurable et en réalité proche de l’infini mathématique.

Sans aller jusqu’à ces réflexions quelque peu vertigineuses, il faut bien convenir que nous vivons là une période exceptionnelle et anormale. Certes, le débat sur les taux d’intérêt est fort ancien et depuis Aristote toute une école de pensée remet en cause leur principe même selon l’adage latin « Pecunia, pecuniam non paret » (à traduire librement par l’argent ne fait pas de petits). L’Église catholique hier, l’Islam aujourd’hui ont interdit les prêts à intérêt, mais nul n’avait jamais rêvé de taux négatifs. L’idée même en est absurde : payer pour acheter un titre de dette, c’est là nier toute valeur constructive à l’investissement auquel cette dette pourrait être consacrée. Autant garder ses liasses de billets sous son matelas ou bien acheter de l’or. Dans la logique du partage capital/travail, ce serait bien là le triomphe ultime du second, mais cette extinction du capital ne peut qu’être un prélude à une crise plus profonde. Sur longue période certes, il faut parvenir à ruiner le rentier et pour cela l’inflation (et ses taux réels négatifs) reste la meilleure solution. Mais avoir comme aujourd’hui des taux nominaux négatifs est une preuve par l’absurde du désarroi qui règne au cœur de banques centrales dont les boîtes à outils sont vides.

 

 

 

 

27 février 2016

Crise agricole

 

Ouverture houleuse du Salon de l’Agriculture : François Hollande qui débarquait d’Amérique du Sud a été un peu chahuté et le stand du ministère de l’Agriculture légèrement bousculé. Rien de bien grave cependant alors que le malaise agricole atteint son paroxysme : les prix baissent ou sont au plus bas, les contraintes administratives et réglementaires ne cessent de s’accumuler et dans leurs discours lénifiants, les politiques se renvoient les responsabilités de Paris à Bruxelles et retour. Tous ceux qui à l’image du Président ce matin promettent « des prix » mentent, car ils n’en ont plus le pouvoir. La PAC qu’ils ont connue, celle des prix administrés et politiques est morte et malheureusement on ne peut revenir en arrière et toute promesse en ce sens n’est que pure démagogie. Dans le reste de l’Europe, on l’a compris et on s’y est préparé depuis longtemps en mettant en place notamment des systèmes de contractualisation, en cherchant aussi à réduire les coûts de production et les charges sociales, fiscales et parafiscales. Mais en France, discours et attitudes n’ont pas changé et on attend toujours tout d’un état qui a pris l’habitude de se défausser sur Bruxelles à la première crise venue.

Ajoutons à cela des Verts et autres ONG particulièrement archaïques, mais experts en manipulation de l’opinion et des consommateurs et on a là tous les ingrédients d’une crise agricole sans précédent, car elle est plus morale qu’économique.

 

 

20 février 2016

Christianisme américain

 

En marge des primaires américaines, le pape François a fait un « tabac » en célébrant une messe au bord du Rio Grande puis en doutant du comportement chrétien de Donald Trump qui veut construire un mur le long du fleuve.

Sur le plan de la charité, de l’amour du prochain et de toutes les valeurs que porte le christianisme, il a bien sûr raison et il est là dans son rôle comme il le sera devant tous les murs de la Palestine à Calais. Mais le « latino » qu’il est n’a peut-être pas mesuré la force de l’empreinte religieuse dans des États-Unis dominés par un protestantisme de plus en plus évangélique et fondamentaliste.

La remarque de François a été vécue comme une intrusion inqualifiable d’une autorité religieuse dans la liberté de conscience chère aux protestants américains rétifs à toute hiérarchie ecclésiastique. « De quel droit peut-il dire que je ne suis pas chrétien ? » : la réponse de Donald Trump a été partagée par tous les candidats républicains d’autant plus que les primaires se déplacent maintenant vers la « Bible belt », les états du sud marqués par un protestantisme encore plus personnaliste.

Les États-Unis sont probablement un des seuls pays où le fait religieux pèse aussi lourd et cela François ne peut l’ignorer.

 

 

19 février 2016

Brexit

 

Il y avait quelque chose de surréaliste ce soir à écouter à quelques minutes d’intervalle les déclarations de David Cameron et de François Hollande à Bruxelles à l’issue d’un sommet européen qui a satisfait à peu près à toutes les exigences britanniques. David Cameron fut à raison triomphant et parlant pour ses électeurs d’outre-Manche, il fut d’un cynisme absolu : « non, il n’aimait pas l’Europe, oui le Royaume-Uni avait obtenu un statut dérogatoire et les Britanniques pouvaient voter sans crainte contre le « Brexit » puisque bientôt l’Europe ne serait plus qu’une zone de libre-échange.

S’exprimant après lui, François Hollande commença par noyer le poisson en parlant du problème des réfugiés et du Moyen-Orient, certes essentiel, mais quand même là secondaire. Pour défendre l’accord de Bruxelles, il n’eut ensuite que de bien pauvres mots puisqu’il savait bien que l’Europe – et la France – étaient dans le camp des vaincus. Il y avait chez lui un peu du Daladier rentrant de Munich en 1938 après avoir sacrifié la Tchécoslovaquie à Hitler et pensant en atterrissant au Bourget que la foule allait le conspuer. Comme on le sait, il n’en fut rien, il fut acclamé et un an plus tard, Hitler s’attaquait à la Pologne.

La comparaison peut sembler excessive, mais c’est bien la construction européenne qui vient d’être ainsi sacrifiée. Après les Britanniques, Polonais, Hongrois et Slovaques vont réclamer des passe-droits. La légitimité même de l’euro va se trouver remise en cause. Certes, la machinerie bruxelloise continuera à mouliner, mais sans légitimité politique. Charles de Gaulle avait dit en 1967 lors de son troisième veto à l’adhésion britannique : « Faire entrer l’Angleterre, ce serait pour les Six donner d’avance leur consentement à tous les artifices délais et faux semblants qui tendraient à dissimuler la destruction d’un édifice qui a été bâti au prix de tant de peine et au milieu de tant d’espoirs ». Qu’aurait-il pensé de ce Munich et de la médiocrité de ceux qui lui ont succédé !

 

 

16 février 2016

Pétrole

 

L’accord signé entre l’Arabie Saoudite, le Vénézuéla et la Russie a de quoi laisser perplexe. Ces pays se sont engagés à ne pas augmenter leur production par rapport à ses niveaux de janvier 2016, c’est-à-dire à un moment où ils étaient pratiquement en train de pomper à pleine capacité (à l’exception probable de l’Arabie Saoudite et puis aussi de la Russie, mais pour le gaz naturel). Il n’y a donc pas de baisse de la production annoncée. Et puis, il y a quelques absents de marque comme l’Irak et l’Iran sans oublier les États-Unis.

Quelle lecture géopolitique faire de cet accord ? L’Arabie Saoudite, à l’origine de la débâcle pétrolière est à la tête du camp sunnite (le sud du Golfe, l’Irak, l’opposition syrienne), mais lutte aussi contre l’Etat Islamique. La Russie soutient Bachar contre l’Etat Islamique certes, mais avant tout contre la révolte laïque et sunnite. L’autre allié de Bachar est l’Iran qui s’oppose de manière frontale à l’Arabie Saoudite au Yémen sans oublier l’antagonisme entre sunnites et chiites (et la situation de la minorité chiite en Arabie) et plus profondément entre perses et arabes. Enfin, il ne faut pas oublier la situation de l’Irak dont une partie de la production pétrolière est de facto contrôlée par les Kurdes qui l’exportent au travers de la Turquie, elle-même en froid avec la Russie.

Peut-on dès lors espérer quelque accord concret au-delà des formules creuses ? Rien n’est moins sûr et au contraire, il y a de fortes chances que la désunion l’emporte. Le maillon le plus faible en tous cas est l’Arabie Saoudite : non pas financièrement, mais politiquement avec les divergences au sein de la famille royale, la contestation fondamentaliste d’un côté, moderniste de l’autre. C’est là que le baril peut exploser !

 

 

15 février 2016

Syrie

 

La Syrie s’enfonce dans l’horreur et Alep n’est plus qu’un champ de ruines. Comment ne pas voir là la démonstration de l’échec de la diplomatie américaine et très clairement de Barack Obama qui après avoir joué au pyromane, s’est refusé à quelque engagement que ce soit au nom de la recherche d’une hypothétique neutralité.

La position actuelle des États-Unis et leur responsabilité dans la catastrophe syrienne nous renvoient à une période un peu comparable dans les années vingt du siècle précédent. Les États-Unis qui n’avaient pas ratifié le traité de Versailles étaient sortis les immenses vainqueurs de la Première Guerre mondiale. Leur intransigeance sur la question des dettes interalliées et donc des réparations, leur refus d’assumer quelque responsabilité que ce soit d’un nouvel ordre mondial pourtant largement défini par le président Wilson dès 1917, fut une des causes de la faillite des démocraties de l’Allemagne au Japon et de l’enchaînement fatal qui mena de la crise de 1929 à la Seconde Guerre mondiale. On peut lire à ce sujet, le remarquable livre d’Adam Tooze, « Le déluge 1916-1931, un nouvel ordre mondial » récemment publié en français qui éclaire de manière magistrale la faillite de la politique internationale des États-Unis de Wilson au premier mandat de Roosevelt.

Il y a effectivement dans le système politique américain un primat du local sur le global et les primaires actuelles le montrent bien. Mais cette irresponsabilité américaine devient dramatique lorsqu’elle se heurte aux réalités complexes du Moyen-Orient.

 

 

13 février 2016

Œcuménisme

 

Une pièce anonyme à l’aéroport de La Havane. On ne pouvait imaginer lieu plus improbable pour une rencontre attendue depuis un millier d’années : François et Kyril, le pape et le patriarche de Moscou, pas le plus important dans la hiérarchie orthodoxe, mais celui dont les troupes sont les plus nombreuses (57 % des orthodoxes de la planète).

La rupture remonte à 1054 (excommunication des uns, anathème des autres) et les questions théologiques (le « filioque » notamment) furent certes importantes, mais quelque peu secondaires face aux divergences politiques. L’évêque de Rome pouvait-il imposer sa suprématie à une église de Constantinople dont le chef était en réalité non pas le patriarche, mais l’empereur, le « basileus ». Au lendemain de la chute de Byzance, Moscou assuma donc le relais de l’orthodoxie, l’empereur de Russie, héritier des princes de Kiev, assumant l’autorité suprême sur un monde orthodoxe écartelé entre les terres d’Islam et les terres chrétiennes.

À la différence du catholicisme et encore plus du protestantisme, l’orthodoxie ne s’est jamais coupée de son lien privilégié avec le Prince, avec l’état dont elle se concevait comme le bras spirituel : le bras et non la tête. Cela explique toutes les ambiguïtés d’un patriachat de Moscou qui s’accommode sans trop de questions de ses relations privilégiées avec le Kremlin dans une logique qui est presque redevenue celle d’une religion d’État.

Un millénaire après le schisme, le politique l’emporte donc sur le théologique et il n’y a pas grand-chose à espérer de cette rencontre cubaine qui aurait pu aussi bien ne pas avoir eu lieu.

 

 

 

11 février 2016

Gouvernement

 

François Hollande est décidément un grand poète qui s’ignore. Quelle inventivité, quel sens du mot, quel art du titre dans ce qui sera probablement son dernier gouvernement (au moins pour sa première mandature, car il ne faut pas insulter l’avenir…). Tout y passe : le compassionnel avec « l’aide aux victimes », le volontariste avec « l’égalité réelle » (c’est vrai que l’autre, celle de la devise de la nation ne l’était plus vraiment), le social avec « la lutte contre l’exclusion », l’environnement avec la « biodiversité » et puis bien sûr les petits adjectifs qui marquent : l’habitat ne peut être que « durable », les personnes âgées doivent être « autonomes », la vie doit au fond être bien rose à un an des élections.

Comment aussi ne pas admirer les subtiles harmonies de ce gouvernement qui a gagné un peu de vert et quelques roses cassoulet du Sud-Ouest, qui respecte bien sûr la parité et qui équilibre vieux barbons et jeunes pousses.

Ce serait là un chef-d’œuvre si on avait envie d’en rire, si c’était là simplement le bureau de Conseil général de Corrèze. Mais il s’agit de la France, pratiquement le plus mauvais élève économique de l’Europe, un pays en proie à une véritable crise d’identité, rétif à toute idée de réforme et conscient pourtant de leur caractère inéluctable. Il est vrai que ceux qui entrent dans ce gouvernement ne se font guère d’illusion. En un an, avant les élections, ils ne feront rien et auront à peine le temps de caresser le cuir de leurs jolis maroquins. Mais à l’Élysée, le magicien les regarde danser.

 

 

8 février 2016

Sidérurgie

 

Voilà l’acier européen de nouveau en crise et une initiative originale d’Emmanuel Macron qui, à la tête d’un groupe de ses collègues européens, a interpellé la Commission de Bruxelles face au dumping chinois.

Il est vrai que les nouvelles sont mauvaises : le prix de l’acier a diminué de près d’un quart en 2015 (exprimé en dollar, il est vrai). Arcelor-Mittal vient d’annoncer des pertes record de $ 8 milliards, en partie toutefois liées à des provisions sur ses investissements dans des mines de fer (le minerai de fer a plongé de 40 % en 2015). Un peu partout en Europe, on annonce des fermetures de capacité temporaires ou définitives que ce soit chez Arcelor ou chez Tatasteel (l’ex-British Steel). En dehors de l’Europe, les sidérurgies russes, turques ou indiennes souffrent. L’Inde vient d’ailleurs d’imposer un prix minimum pour ses importations. L’association des producteurs de ronds à béton (l’acier le plus basique) parle de la pire période jamais rencontrée.

Bien entendu, tout le monde montre du doigt la Chine dont pour la première fois en 2015, la consommation d’acier a stagné et dont les surcapacités sont estimées à quelque 300 millions de tonnes. En 2015, la sidérurgie chinoise aurait réalisé quelques $ 10 milliards de pertes et on peut estimer que certaines exportations se sont faites à coup de dumping (même si les prix ont aussi baissé sur le marché chinois).

Il y aura donc probablement plainte de l’Europe et de quelques autres contre la Chine à l’OMC. Mais cela ne sera pas suffisant et la sidérurgie européenne va devoir encore s’adapter, se spécialiser pour que puissent survivre ses derniers fleurons.

 

 

5 février 2016

Agro-chimie

 

La nouvelle est bien confirmée : ChemChina vient de racheter Syngenta. Le premier chimiste chinois rachète le deuxième acteur mondial de l’agrochimie actif notamment dans le domaine des phytosanitaires et des semences. Il y a quelques mois, Monsanto, le leader incontesté du monde des semences, avait échoué à prendre le contrôle de Syngenta. Les Chinois ont mis $ 43 milliards sur la table pour enlever le morceau et entrer dans le club très fermé des entreprises au cœur de l’application directe des biotechnologies à l’agriculture. Ils seront désormais le numéro deux mondial de l’agrochimie, juste derrière le numéro un, résultat de la fusion fin 2015 entre Dow Chemical et Du Pont. Ceci étant, dans le domaine plus stratégique des semences, ils restent loin de Monsanto.

En fait, ce domaine, stratégique pour l’avenir agricole et alimentaire de l’humanité,  est désormais contrôlé par un oligopole de cinq acteurs multinationaux : deux Américains (Dow Du Pont et Monsanto), un chinois et deux « Allemands » (Bayer et BASF), ces deux derniers étant fort peu actifs dans le monde des semences. Malgré l’existence historique d’un pôle français autour de Rhône Poulenc, celui-ci fut sacrifié sur l’autel des ambitions pharmaceutiques de ce qui est devenu Sanofi. Et puis la France, avec sa culture du « bio » et de l’anti OGM, n’était pas un terroir approprié pour le développement d’une activité pourtant stratégique. Dommage !

 

 

3 février 2016

Risque

 

À Lille, le congrès de l’AMRAE, l’association des spécialistes du risque dans les entreprises, tente de faire le point sur « les climats du monde » avec des intervenants comme Nicolas Baverez, Denis Kessler ou le frère Samuel Rouvillois. Quelques mots ont dominé l’après-midi : ceux de « disruptions » (événement improbable, extrême, irréversible), ceux « d’enthropie » (la fonction permettant de mesurer la déstabilisation d’un système), celui peut-être encore plus fort « de monde de l’inédit ».

Bien sûr, on peut essayer de prévoir et d’anticiper, on peut faire de la prospective, mais rarement l’improbable nous aura autant menacés. Au-delà de l’instabilité généralisée des marchés et donc de toutes les valeurs matérielles, ce qui frappe c’est l’accélération de l’histoire, la coïncidence de plus en plus rapprochée d’événements extrêmes entretenant entre eux des relations d’ordre systémique. Monde de l’inédit, monde de l’improbable, fantastique leçon d’humilité aussi pour l’homme qui croit aujourd’hui tout maîtriser et qui se retrouve ballotté dans la démesure.

Au lieu du repli sur soi face à toutes ces peurs, au lieu de céder à la maladie de la protection, ne faut-il pas au contraire remettre au cœur de toutes choses la personne humaine et sa dignité transcendantale. Le risque, c’est avant tout du courage, et comme le dit Frère Samuel en paraphrasant la dernière encyclique du pape François, « Loué sois-tu le risque ! ». Laudato Si !

 

 

2 février 2016

Nouvelles technologies

 

Google vient de dépasser Apple comme première capitalisation mondiale avec quelques $ 544 milliards. Voilà la revanche définitive du « soft » sur le « hard », du contenu sur le contenant. En soi, Google ne crée rien et se contente de rapprocher, son moteur de recherche n’étant au fond rien sans toutes les informations qu’il collecte. Mais il est fascinant de voir que dans ce classement des capitalisations boursières (toutes américaines, pour les dix premiers, il n’y a plus de chinoises…) certes un peu artificiel puisque dépendant des « modes » chez les investisseurs, on trouve après Google et Apple deux autres « ex start ups », Facebook et Amazon : ce sont bien là les GAFA dont la capitalisation cumulée représentait hier 1668 milliards de dollars. Microsoft, qui est quand même en troisième position ($ 423 milliards) fait presque figure d’ancien face à ces quatre jeunots qui n’existaient pas il y a vingt ans.

Jamais dans l’histoire économique on n’avait connu pareil phénomène, pareille explosion de nouveaux métiers, de nouveaux services. Bien sûr, on peut s’interroger sur la réalité de leur valeur ajoutée, sur la pérennité de leur modèle, sur leur propre avenir aussi et puis aussi sur cette bulle frénétique qui a saisi les marchés. Nous sommes en pleine épopée « schumpeterienne» mais on aurait tort d’oublier la capacité des systèmes en de tels moments à broyer leurs propres créations. Les GAFA ne sont-ils pas déjà un peu du passé ?

 

 

1er février 2016

Football

 

Dans le monde du football, c’est la fin du « mercato » d’hiver. Les clubs font leurs courses dans ce véritable marché aux esclaves : on achète, on vend bien sûr, mais aussi on prête, on loue en réalité des joueurs pour quelques semaines ou quelques mois. Pas de grosses transactions en ce milieu de saison, les transactions portant plutôt sur des seconds couteaux. Le football et ses mercenaires au quotidien…

Mais il y a désormais un nouveau facteur sur le marché et le football rejoint là tous les produits, toutes les marchandises pour lesquels la Chine devient déterminante. En 2015 la Chine a été la sixième nation la plus dépensière derrière les cinq grands championnats européens. Ainsi, un club de Tianjin, qui évolue en deuxième division, a dépensé 41 millions d’euros en achat de joueurs étrangers. Au total, les clubs chinois auraient dépensé durant ce mercato quelque 200 millions d’euros, c’est-à-dire autant que la Première ligue britannique ou la Bundesliga allemande.

Au-delà des Jeux Olympiques, c’est à la mondialisation du sport professionnel que l’on assiste. Jusque-là, les marchés restaient continentaux autour notamment de l’Amérique du Nord et de l’Europe. Le cyclisme s’est essayé à une modeste internationalisation, mais reste centré sur l’Europe. Le football est probablement la meilleure chance. Il reste bien sûr à donner au football en Chine, une véritable assise au-delà des politiques et des oligarques. Il n’est pas certain que les Chinois y parviennent en s’achetant ainsi des mercenaires de second plan.

27 janvier 2016

Taubira

 

Démission de Christiane Taubira. Sous les applaudissements, elle a quitté – à vélo – la Place Vendôme. Cet ultime pied de nez est bien à l’image du personnage, démagogue et populiste certes, brillante et passionnée en d’autres instants. Sa démission, à propos de la déchéance de nationalité, a au moins le mérite de la cohérence même si on peut la soupçonner de quelque ultime manipulation.

Responsable – en partie par sa candidature – de l’échec de Lionel Jospin en 2002, Christiane Taubira aura été un électron libre particulièrement incontrôlable de la vie politique française. Sa remarquable maîtrise de l’art oratoire, sa capacité à utiliser à tout moment des références littéraires, son habileté à jouer de sa singularité de femme ultramarine ne peuvent toutefois faire oublier la vacuité de son action politique au-delà de ce qui aura été sa grande affaire, le mariage pour tous. Il n’est pas certain que l’appareil de la justice, bien ébranlé et perclus de dysfonctionnements, ait eu besoin de pareil ministre.

Pour le gouvernement, elle risque d’être encore plus encombrante dehors que dedans même si son retour à la vie « civile » perturbera un peu plus les rangs de la gauche « non-hollandaise » dont elle a vocation à devenir un des porte-drapeaux face à Mélenchon. Christiane Taubira n’a pas fini de nuire, notamment pour ses « amis ».

 

 

26 janvier 2016

Phibro

 

Phibro revient ! L’entreprise qui au tournant des années quatre-vingt fut le plus important négociant mondial en matières premières est rachetée par quelques anciens « traders » de Wall Street.

Philipp Brothers a ses origines en Allemagne au début du XXe siècle. Après Londres, il s’installa à New York et devint un acteur majeur du négoce des métaux. Au début des années soixante-dix, l’un de ses plus brillants cadres, un certain Marc Rich, qui dirigeait son bureau de Madrid, inventa le négoce du pétrole. Cela fit la fortune de Phibro, même après le départ de Marc Rich. En 1980, Phibro put même s’acheter Salomon Brothers, qui était alors un des grands de Wall Street. Ce fut le coup de trop : rapidement, dans la nouvelle entité, les hommes de Salomon prirent le pas sur ceux de Phibro : les marchés financiers étaient beaucoup plus porteurs que ceux de matières premières. Phibro disparut peu à peu, dévoré par Salomon qui lui-même fut avalé dans les grandes fusions de Wall Street pour faire partie de Citi Group. Il ne resta guère qu’une niche profitable de trading pétrolier que Citi démantela en 2015.

Aujourd’hui, un ancien de Morgan Stanley rachète donc la marque Phibro et quelques derniers actifs. Cela va probablement être du trading financier et pas du négoce. De Phibro, il ne restera vraiment que la légende !

 

 

25 janvier 2016

Spéculation

 

Les Suisses ont de délicieuses traditions qui assurent la stabilité de leur vie politique en permettant aux citoyens de s’exprimer sur pratiquement n’importe quel sujet au travers de « votations », qui sont en fait de véritables referenda assez souvent utilisés ces dernières années à des fins populistes, voire xénophobes.

Dans un mois, le 28 février, les Suisses devront se prononcer sur une proposition des Jeunes socialistes visant à interdire la spéculation sur les marchés de produits agricoles. On reconnaît là une idée qui traîne depuis longtemps dans les milieux des ONG activistes comme Oxfam et qui a déjà inspiré les débats parlementaires à Bruxelles ou Paris. Mais là où l’initiative prend un certain sel, c’est que la Suisse est un des poumons du commerce mondial et du négoce des produits agricoles, notamment au bord du lac Léman. Or, on ne peut concevoir le négoce actuel sans recours aux marchés dérivés et donc indirectement à la spéculation.

Le quotidien de Genève « Le Temps », qui est plutôt progressiste, a qualifié le texte de cette votation de « chef d’œuvre du moralisme protestant » (mais le pape François ne le renierait pas…) Il est surtout d’une profonde stupidité, s’attaquant à l’illusion spéculative plutôt qu’aux fondements réels de l’instabilité des marchés. Supprimer la spéculation ne résoudra pas, en effet, les problèmes provoqués par l’instabilité agricole. Les Suisses l’ont bien compris, qui ont maintenu leur politique intérieure de soutien à l’agriculture. Mais il n’y aura certainement pas de votation sur la légitimité de l’aide aux vaches helvètes.

 

 

23 janvier 2016

Révolution industrielle

 

Cette année, la grand-messe de Davos a pour thème « la quatrième révolution industrielle ». Davos est avant tout un rendez-vous, un lieu de contacts où il faut voir et être vu. Ses organisateurs ont la faiblesse de croire qu’ils sont aussi porteurs d’un message ce qui peut laisser l’observateur quelque peu sceptique.

Mais le sujet de cette année est un véritable contre-sens historique : comment peut-on parler de « quatrième » révolution industrielle ? Nous sommes bien d’accord sur les deux premières (si l’on ne prend pas en compte l’invention de l’outil au néolithique…) Il y eut la première à la fin du XVIIIe siècle avec la machine à vapeur et les premières machines textiles ainsi que le passage de l’atelier artisanal à l’usine. La deuxième à la fin du XIXe siècle fut celle du moteur à explosion, de l’électricité, de la chimie et puis de la production de masse avec le taylorisme et le fordisme. Ces grandes innovations ont irrigué presque tout le XXe siècle. La troisième révolution « industrielle » débute dans les années soixante-dix, autour de deux piliers, les technologies de l’information et les biotechnologies auxquelles sont venues se greffer un peu plus tard d’autres innovations comme les nanotechnologies. La puce et le gène ont eu des vitesses de diffusion bien différentes et nous commençons à peine à en comprendre et en apprécier les relations. Mais nous continuons à tirer le fil des grandes inventions de la fin du XXe siècle, de la troisième révolution industrielle au sens du temps long de l’histoire. À Davos, on préfère le temps court !

 

 

22 janvier 2016

Dakar

 

Dakar, 4 millions d’habitants qui occupent désormais la totalité de la péninsule du Cap-Vert au sud de laquelle les autorités françaises avaient créé le port et la ville coloniale à la fin du XIXe siècle. À la différence des métropoles « pétrolières » et de leur luxe clinquant, il y a peu, à Dakar, de grands immeubles modernes et la ville est un invraisemblable bric-à-brac où se côtoient les restes de la présence coloniale (la mairie qui ne déparerait pas une sous-préfecture française, la gare avec devant le monument au « Tirailleur sénégalais »), le modernisme décati des années soixante et puis l’improvisation la plus totale. C’est une ville africaine qui vit la nuit, dont les embouteillages sont homériques, jonchée de déchets malgré l’existence d’un service de ramassage et dont les infrastructures souffrent d’une absence d’entretien au fil des décennies alors qu’elle n’a cessé de s’étendre.

C’est aussi une ville de la tolérance avec le merveilleux Islam des confréries aux antipodes de l’obscurantisme wahabite, un catholicisme profondément ancré dans l’histoire sénégalaise et puis un vieux fond animiste qui a largement imprégné la culture maraboutique.

Le Sénégal a eu la « chance » de n’avoir ni pétrole, ni matières premières et il est le seul pays africain à avoir maintenu la démocratie sans coups d’état depuis l’indépendance. Certes, c’est un pays pauvre, et même un PMA, mais il y a dans ce bouillon de Dakar une dynamique peut-être chaotique par moments, mais porteuse d’espérance.

 

 

20 janvier 2016

Esclavage

 

Au large de Dakar, l’île de Gorée a des airs d’île de Ré avec ses demeures colorées dont les plus anciennes remontent au XVIIIe siècle, au temps où le chevalier de Boufflers avait installé là – plutôt qu’à Saint-Louis – le siège de la traite française. La traite était avant tout l’échange de marchandises européennes contre des produits africains. Elle fut longtemps légitime jusqu’au moment où des hommes et des femmes en devinrent l’objet. Gorée fut un de ces postes de traite où des navires européens venaient faire le plein d’esclaves destinés aux Amériques. Il n’était probablement pas le plus important, mais les Sénégalais ont su en faire un symbole universel d’un âge qui a duré plusieurs siècles et qui n’a vraiment disparu qu’il y a quelques décennies.

L’esclavage exista toujours dans le sillage des guerres et longtemps ne suscita aucun rejet dans le monde gréco-romain par exemple. La grande nouveauté de la traite arabe, à partir du IXe et Xe siècle fut d’utiliser un continent comme source d’approvisionnement et zone de chasse. Cette traite-là, en Afrique de l’Est, a perduré jusqu’au XXe siècle.

La traite atlantique a innové par son caractère systématique et presque industriel. Elle a duré trois siècles avec un « âge d’or » au XVIIIe siècle. Elle a contribué à briser toute velléité de décollage d’une Afrique subsaharienne privée de tant d’adultes.

Gorée reste une tâche dans la mémoire d’un Occident qui ne prit conscience que bien tardivement de l’horreur que représentait le commerce des hommes.

 

17 janvier 2016

Iran

 

Accord définitif sur le programme nucléaire iranien et levée de l’embargo qui frappait l’Iran depuis en fait plusieurs décennies en ce qui concerne les États-Unis : la page ouverte au moment de la prise de l’ambassade américaine à Téhéran par des « étudiants révolutionnaires » est donc tournée. Anticipé depuis plusieurs mois, cet accord ne va pas manquer de susciter maintes interrogations tant économiques que géopolitiques.

Il y a bien entendu avant tout les conséquences sur le marché du pétrole. Même si le marché avait déjà intégré dans les prix à terme les quelque 500 000 bj supplémentaires que va exporter l’Iran, la simple confirmation de l’accord va probablement coûter deux ou trois dollars supplémentaires à la baisse. Ceci ne va pas arranger le budget iranien et réduira l’attrait que le marché iranien peut avoir pour les firmes occidentales.

Mais, c’est du point de vue géopolitique que les conséquences de l’accord deviennent les plus difficiles à analyser. Au-delà des différences religieuses, il y a la très ancienne rivalité entre Arabes et Perses que longtemps les États-Unis – au temps du Shah – surent maintenir à égale distance. Aujourd’hui, principal soutien de Damas, directement ou par le biais de ses alliés libanais, l’Iran est de facto plus proche de la Russie. La normalisation internationale de l’Iran risque en fait d’approfondir la cassure entre les deux rives du Golfe, le régime perse apparaissant même plus solide qu’une dynastie des Saoud manifestement à bout de souffle. Une nouvelle ère s’ouvre pour le Moyen-Orient : pas forcément plus paisible.

 

 

16 janvier 2016

Attentats

 

Attentats meurtriers cette semaine à Istanbul, Djakarta, Ouagadougou. En perte de vitesse en Syrie et en Irak, l’EI cherche manifestement à internationaliser le califat en frappant l’Islam modéré, ou perçu comme tel. C’est la première fois qu’un pays asiatique comme l’Indonésie (le plus important pays musulman au monde) est touché, même si l’attentat, mal préparé, a été relativement bénin.

Il y a là, une sorte de stratégie jusqu’au-boutiste visant toutes les régions du monde où, tant bien que mal, l’Islam s’adapte, peu à peu, à la modernité. Beaucoup plus qu’avec les attentats parisiens, il y a une volonté de « mouiller » l’ensemble de la communauté des croyants quels que soient les choix politiques des pays concernés. Mais ce peut-être aussi un signe de faiblesse surtout face à des régimes forts comme la Turquie d’Erdogan qui se trouve menacée dans ses bastions touristiques comme le fut l’Égypte, il y a quelques années.

Tout ceci pourrait effectivement déboucher sur une véritable « guerre civile » musulmane planétaire et tel doit bien être le projet ruminé à Raqqa sur fond de concurrence avec Al Qaeda et les talibans. Si l’on ajoute à cela le conflit historique entre sunnites et chiites, force est de constater que c’est bien la stratégie du chaos qui s’étend à l’ensemble d’un monde musulman qui pouvait espérer mieux du cinquième anniversaire des « printemps arabes ».

 

 

12 janvier 2016

Pétrole

 

Le pétrole vient de franchir vers le bas la barre des $ 30 le baril. Cela n’a rien de bien surprenant, mais tout est dans le symbole ! Le marché mondial est excédentaire de l’ordre de 1,5 million de barils/jour. Pour la première fois depuis le premier choc pétrolier (1973), des navires chargent ces jours-ci du pétrole brut américain pour l’exporter… vers la Chine. Si la production américaine de pétroles de schiste baisse un peu (pas assez pour l’instant), les autres producteurs, OPEP et non-OPEP, Arabie Saoudite en tête, continuent à pomper alors que l’Iran charge déjà ses tankers. Le problème n’est plus de savoir si le marché va continuer à baisser, mais à quel niveau il trouvera un quelconque soutien : $ 25, $ 20… ?

Personne n’avait anticipé pareil effondrement : à l’automne dernier, les plus prudents des pays producteurs faisaient leurs budgets 2016 sur la base de $ 50 le baril, avec la bénédiction du FMI. En ce début d’année, l’Arabie Saoudite cherche à réduire dépenses et subventions, la Russie diminue de 10 % son budget, le Kazakhstan vide son fonds souverain, partout, l’heure est à la malédiction du pétrole.

Réalisée ces jours-ci, la prévision de CyclOpe pour le prix moyen du Brent en 2016 ($ 40 le baril) devient presque optimiste puisqu’elle table sur un rebond des cours au second semestre. Pour l’instant, on n’en est pas là et le pire n’est pas encore arrivé.

 

 

9 janvier 2016

Etats-Unis

 

Les États-Unis ont créé 2,7 millions d’emplois en 2015 et le chômage y a pratiquement disparu (à 5 %, étant donné la taille du pays et malgré la mobilité des américains, on ne peut guère tomber plus bas). Et dans ces chiffres, il faut intégrer 120 000 emplois détruits dans le secteur de l’énergie avec la chute des prix du pétrole et du gaz. Seule ombre au tableau, les salaires n’ont pas suivi et restent bas. L’économie américaine « tourne » à un peu moins de 3 % de croissance et les dernières prévisions du CBO (Congressional Budget Office qui est indépendant des pouvoirs politiques) pour 2016 sont de 2,7 %.

Plein emploi donc, mais aussi augmentation des inégalités concentrées sur les 0,1 % les plus riches. Même des économistes relativement libéraux comme Paul Krugman commencent à s’en inquiéter. Et c’est probablement là l’échec majeur de Barack Obama qui n’est pas parvenu à enrayer la paupérisation de la « classe moyenne inférieure » (lower middle class), celle des « blue collars » qui ont peu profité d’une reprise surtout tirée par les nouvelles technologies.

On ne peut parler – comme en France – de fracture dans la société américaine qui reste largement ouverte à l’ascenseur social. Et cette prospérité fait bien rêver de l’autre côté de l’Atlantique. Mais, le virus inégalitaire est bien là, comme en 2008 ou en 1929. Sans tomber dans le « pikettisme » primaire, il y a là quand même une ombre dans un tableau économique presque radieux.

 

 

7 janvier 2015

Charlie

 

Il y a un an Charlie… L’émotion demeure et le souvenir d’amis aussi comme Bernard Maris. Mais pourquoi faut-il que les survivants et l’équipe actuelle de Charlie gâchent ce moment en retombant dans les pires excès de leur sectarisme militant. La couverture du dernier numéro – tiré pour l’anniversaire à un million d’exemplaires – en est la triste confirmation : on y voit l’image d’un Dieu – plutôt chrétien dans sa représentation – marchant avec une Kalachnikov sous le bras : « le coupable court toujours » nous dit-on puisque pour son auteur – et pour Charlie – le coupable c’est bien Dieu, c’est bien le fait religieux au sens le plus large.

Certes, ceci permet d’éviter de se focaliser sur l’Islam et de mettre dans le même sac toutes les religions. Le journal revendique d’ailleurs son athéisme et renoue, là, avec une vieille tradition qui eut en France son heure de gloire au XIXe siècle. Pourquoi pas au fond, et il est important qu’en France de telles opinions puissent librement s’exprimer.

Mais on était en droit d’espérer mieux, plus intelligent aussi, de la part d’une publication qui a – dans le sang – acquis un statut de symbole. Charlie veut continuer comme avant, comme si rien ne s’était passé, comme lorsque c’était une publication moribonde qui vendait péniblement à 20 000 exemplaires. L’occasion eut été belle de répondre à l’intolérance religieuse par un message d’ouverture, de pardon et de compréhension. Rien de cela, mais au contraire un peu plus de haine sous le masque de la dérision. Il y a un an, nous étions tous Charlie. Aujourd’hui, je ne suis pas Charlie…

 

 

5 janvier 2015

Emploi

 

La question de l’emploi domine la rentrée d’autant plus qu’elle est une clef pour la candidature de François Hollande en 2017… À la suite des vœux du chef de l’état, on parle de former 500 000 chômeurs « aux métiers d’avenir » pour un coût d’un milliard d’euros. Ceci a-t-il quelque sens alors que l’on sait que la formation professionnelle est déjà un véritable tonneau des Danaïdes, fort juteux toutefois pour les organismes qui y prospèrent. La véritable formation est celle du début de la vie, de l’école qui doit donner les clefs du savoir à des jeunes qui vivent à l’heure du SMS et de la « novlangue ». La véritable formation – plus tard – c’est l’entreprise qui peut la donner et là il faut saluer l’insistance mise sur l’apprentissage dont la perte de vitesse est bien inquiétante.

Au-delà de l’effet arithmétique de la baisse du nombre de chômeurs, confortant la candidature de François Hollande, il n’y a là rien de bien positif si ce n’est quelques dépenses supplémentaires.

Le problème est en fait beaucoup plus celui de l’employabilité de nombre de chômeurs et en particulier des jeunes en situation d’échec. De ce point de vue, on ne peut que regretter la fatale décision de Jacques Chirac de supprimer le service national sans avoir à l’époque imaginé quelque solution de remplacement. L’accent mis aujourd’hui sur le service civil est le bienvenu, mais il manque cruellement de moyens et peut-être aussi d’un cadre d’obligations.

Apprentissage, service civil sont en tous cas des solutions beaucoup plus concrètes et efficaces que le serpent de mer de la formation qui ne sera dans le meilleur des cas qu’un cosmétique bien artificiel.

 

 

3 janvier 2016

Épiphanie

 

Dimanche de l’Épiphanie chez les catholiques. L’Évangile du jour est celui des rois-mages qui viennent adorer l’Enfant. L’évangéliste nous dit que ce sont des mages venus d’Orient. L’Orient de la Palestine, c’était probablement la Mésopotamie et les mages suivaient les étoiles depuis leurs tours comme celles de Babylone. Héritiers de cultes anciens, il s’agissait certainement de mazdéens, l’antique religion perse qui fut balayée quelques siècles plus tard par l’Islam. Leurs ultimes descendants sont ces Yesidis qui ont été les victimes de l’État islamique dans le nord de l’Irak.

Quel beau symbole que celui de cette religion qui a traversé les âges et dont trois représentants, étrangers au judaïsme, vinrent offrir de l’or, de l’encens et de la myrrhe à l’Enfant-dieu qui sera à l’origine du christianisme.

Les siècles ont passé. Les religions du Livre se déchirent. Bientôt, il ne restera plus rien ni des Yesidis, ni du christianisme oriental. Au cœur de l’Islam, sunnites et chiites s’affrontent et disparaissent les derniers témoins des racines de notre civilisation.

Il reste la légende de ces mages, Gaspard, Melchior et Balthazar, ainsi qu’on les nomma beaucoup plus tard. Ils sont l’image de la sagesse, au-delà des Hérode et des César-Auguste de l’époque. Ils rêvaient probablement d’un monde de justice et d’amour. Nous aussi…

 

 

1er janvier 2016

2016

 

Nous voici en 2016 à l’heure des vœux et un peu aussi des prévisions. En matière de géopolitique, les points de conflits sont si nombreux que l’on ne peut ici qu’en évoquer les principaux : la Syrie et l’Irak bien sûr autour de l’État islamique, le Sahel au sens le plus large, la Libye… L’Islam restera en 2016 le problème majeur de la planète et il le restera tant que ses théologiens ne seront pas parvenus à proposer une lecture moins fondamentale et plus adaptée au monde contemporain du Coran et de la Sunna. Mais l’Islam est aussi un révélateur des faiblesses politiques de la planète.

Ce sera la dernière année de la présidence Obama et les États-Unis risquent d’être encore plus absents d’une scène internationale qu’ils ont contribué à assombrir. Il y aura bien d’autres élections, peut-être même un referendum britannique ou catalan, des primaires en France et le retour des jeux politiciens. Au Brésil, malgré la crise et les doutes politiques se dérouleront des jeux olympiques, malgré le climat délétère qui règne en maints endroits de la planète sportive.

Le prix du pétrole restera déprimé et avec lui celui de la plupart des matières premières. Les taux d’intérêt remonteront un peu – mais pas beaucoup – aux États-Unis. La Chine continuera à nous inquiéter. 2016 ne devrait pas être un grand cru ni économique, ni malheureusement politique.