CyclOpe 2024

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Attendre et espérer"

Publication du Rapport

Cyclope 2024

14 Mai 2024 - Paris

CyclOpe 2023

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Les cavaliers de l'Apocalypse"

Publication du Rapport

Cyclope 2023

23 Mai 2023 - Paris

CyclOpe 2022

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Le monde d'hier »

Publication du Rapport

Cyclope 2022

8 Juin 2022 - Paris

CyclOpe 2021

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Cette obscure clarté qui

tombe des étoiles »

Publication du Rapport

Cyclope 2021

26 Mai 2021 - Paris

 

CyclOpe 2020

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Allegoria ed effetti
del Cattivo Governo -Ambrogio Lorenzetti 
»

Publication du Rapport

Cyclope 2020

09 juin 2020 - Paris

CyclOpe 2019

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Les illusions perdues »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2019

15 mai 2019- Paris

CyclOpe 2018

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Le ciel rayonne, la terre jubile »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2018

16 mai 2018 - Paris

CyclOpe 2017

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Vent d'Est, Vent d'Ouest »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2017

15 mai 2017 - Paris

CyclOpe 2016

 

LES MARCHES MONDIAUX

« A la recherche des sommets perdus »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2016

24 mai 2016 - Paris

CyclOpe 2015

LES MARCHES MONDIAUX

Pour qui sonne le glas ?

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2015

20 mai 2015 - Paris

CyclOpe 2014

LES MARCHES MONDIAUX

Dans le rêve du Pavillon Rouge

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2014

14 mai 2014 - Paris

 

31 décembre 2015

2015

 

2015 se termine. Que retenir de cette année si ce n’est le fracas des armes, l’horreur des attentats, la grande misère des réfugiés ? De la Crimée à la Syrie, du Yémen à la Libye, du Sahel à l’Afghanistan, les guerres ont fait rage, des guerres primitives et sanguinaires d’un nouveau Moyen-âge impitoyable pour les plus faibles. La figure symbolique de cette année est bien celle du réfugié, chassé par les combats, rêvant de paradis occidentaux qui se sont subitement ouverts pendant quelques semaines parce qu’il y a eu en Europe une femme politique qui a eu le courage de ses convictions et de son cœur.

Par deux fois, la France a été touchée, la deuxième fois de manière aveugle, au hasard de quelques terroristes illuminés. Mais c’est la société française qui craque de toutes ses fractures, de l’échec de l’intégration, d’un vide spirituel, d’une laïcité mal vécue.

Du point de vue économique, l’année a été bien médiocre. La plupart des pays producteurs de matières premières à l’image du Brésil, de la Russie ou de l’Afrique du Sud sont en récession. La Chine ralentit. Parmi les pays avancés, seuls les États-Unis ont retrouvé un niveau de croissance convenable. Le Japon est en croissance zéro et si l’Europe a, à peu près, géré la crise grecque, sa dynamique économique reste insuffisante, alors même que toute la pauvreté du monde frappe à sa porte. 2015 : l’année des réfugiés.

 

 

27 décembre 2015

Climat

 

Noël au balcon ! Au Pays Basque, les pelouses se couvrent de « pâquerettes », en avance de quelques fêtes. Sur les plages, baigneurs et surfeurs profitent de la douceur d’une température qui bat des records tandis que les amateurs de ski se désespèrent.

Les hasards de la météorologie semblent donner une confirmation éclatante aux plus sombres prévisions de la COP 21 et on oublie un peu vite que de telles périodes de douceur se sont déjà produites quoique souvent de manière moins longue.

Cette température, qui est à peu près identique en Amérique du Nord, contribue en tout cas à la baisse de la consommation d’énergie et donc à la chute des prix du pétrole et du gaz naturel. À moins d’un euro le litre, le diesel est presque « donné » et incite aux grandes ballades en automobile si possible décapotable ! À ce prix-là, pourquoi se priver et tant pis pour les émissions carbone et l’avenir de nos petits-enfants !

Climat, énergie, climat… On voit bien là qu’il est difficile d’espérer un comportement rationnel et altruiste de la part de la plupart d’entre nous et qu’on ne peut non plus le demander aux marchés qu’ils soient de pétrole ou de carbone. De la même manière que l’on doit rêver au niveau international d’une gouvernance des biens essentiels à l’avenir de l’humanité, au niveau national, on peut et on doit jouer du volet fiscal pour limiter les effets pervers de ce cadeau de Noël de la chute des prix d’énergie.

Noël au balcon, l’humanité aux tisons.

 

 

26 décembre 2015

Corse

 

La Corse fait parler d’elle ! Elle a élu à la tête de son exécutif une coalition nationalo-indépendantiste au programme politique et économique marqué au coin du populisme xénophobe qui veut transformer des assassins bien souvent liés au grand banditisme en des « prisonniers politiques ». Elle réclame son autonomie fiscale en oubliant combien les privilèges fiscaux dont bénéficie « l’île de beauté » coûtent à une communauté nationale qui regrette parfois le malheureux achat de la Corse à Gênes au XVIIIe siècle (le destin de Napoléon, de la France et de l’Europe en eut été bien différent).

Tout ceci pourrait passer pour un amusant folklore, certes coûteux, mais la France a, en ses îles, bien d’autres danseuses. Mais on ne peut tolérer que le nationalisme teinté de xénophobie dérive sur le racisme et sur de véritables ratonnades.

On ne peut tolérer certes, mais n’est-ce pas là le destin de tous les nationalismes surtout lorsqu’ils sont ancrés dans une identité culturelle profonde ? Au Pays Basque, d’où ces lignes sont écrites, sans aller à de pareils extrêmes, le réflexe identitaire est assez semblable et ce n’est pas un hasard si, en Espagne, Euskadi est la région qui compte le plus faible pourcentage d’immigrés !

C’est bien parce que nos racines sont profondes en un terroir que nous devons savoir accueillir les déracinés.

 

23 décembre 2015

Déchéance de nationalité

 

La déchéance de nationalité figurera bien au menu de la réforme constitutionnelle que le gouvernement présentera au Parlement dans quelques semaines. À gauche, comme à droite, nombre de voix se sont élevées pour critiquer une mesure populiste utilisée par François Hollande pour semer la zizanie à droite quitte à sacrifier ses « amis » de l’aile la plus à gauche du PS. Je voudrais y joindre la mienne.

Le texte proposerait la déchéance de nationalités pour des binationaux, nés en France et ayant la nationalité française à leur naissance du fait du droit de sol. Peut-on les en priver dès lors qu’ils se sont mis en marge puis en révolte contre la communauté nationale ? Mais alors, pourquoi seulement eux, pourquoi les ostraciser encore de la part d’une communauté qui n’a pas su les accueillir et les intégrer ?

Il y a dans cette idée de déchéance un signe d’impuissance un peu identique au fond à ce qu’était l’excommunication pour l’Église catholique : une arme d’autant plus efficace qu’elle était peu utilisée. Mais elle n’a évité ni les schismes, de Luther à Mgr Lefevre, ni les guerres de religion : elle était l’arme dérisoire du faible et l’Église ne s’en est vraiment séparée que le jour – au moment de Vatican II – où elle a cherché à comprendre et accepter l’autre.

Excommuniez, proclamez la déchéance, vous ne réglerez rien, vous montrez seulement votre faiblesse à nu.

 

 

21 décembre 2015

Espagne

 

Longtemps, la vie politique espagnole fit l’admiration de tous les observateurs par le caractère exemplaire de son bipartisme apparu pratiquement au lendemain de la mort de Franco et qui permit au pays d’affronter crises régionalistes et tentative de coups d’État. L’Espagne apparaissait même comme un modèle pour des pays comme la France (et son UMP-PS boiteux) ou l’Italie post-berlusconienne. Ce temps-là est révolu et depuis hier, l’Espagne goûte aux joies du quadripartisme.

À gauche, c’est Podemos, le parti qui compte Thomas Piketty parmi ses conseillers (dur d’être prophète en son pays…) ; au centre droit, c’est Cuidadamos, qui a fait un peu moins bien, mais qui est une épine dans le pied de Mariano Rajoy, arrivé certes en tête avec le PP, mais qui aura bien du mal à constituer une majorité de gouvernement. En France, à l’exception du FN, ce genre de parti « indignés anti-système » faisait de bons scores aux Européennes (Tapie, Villiers…), mais disparaissait aux législatives. La proportionnelle espagnole leur donne un rôle de pivot et provoque déjà un véritable chaos politique alors même que le problème catalan reste entier (quoiqu’Arthur Mas ait subi un véritable échec).

Qu’il s’agisse de Podemos ou de Cuidadamos, il s’agit d’une nouvelle classe politique, de jeunes. Il reste à voir comment va prendre cette curieuse greffe.

 

 

19 décembre 2015

OMC

 

La conférence de l’OMC vient de se conclure à Nairobi sur un constat d’échec, au moins en ce qui concerne une conclusion proche du cycle de Doha. Celui-ci, lancé en novembre 2001, est désormais ouvertement contesté et nombreux sont ceux qui pensent qu’il ne sera jamais terminé, laissant l’OMC en plan et faisant ainsi le lit des accords commerciaux bilatéraux.

Il y a là probablement quelque vérité. Après la frénésie de la COP 21, cette conférence de l’OMC est pratiquement passée inaperçue. Il fut un temps où les réunions de l’OMC attiraient nombre d’activistes et de contestataires. Cette année, ils étaient au Bourget et n’ont pas pris la peine du voyage de Nairobi.

En réalité, l’OMC ne fonctionne pas si mal : son organisme de régulation des différends (ORD) est largement utilisé et fait désormais autorité. L’erreur a été de vouloir faire de l’OMC un instrument de développement économique. Parler comme on le fait du « Cycle de Développement de Doha » (DDR) est à la limite de l’escroquerie intellectuelle. Si les échanges favorisent le développement économique, ils n’interviennent qu’au second stade d’un processus complexe et ne peuvent se substituer ni à la bonne gouvernance, ni à l’aide internationale. C’est cela que l’on a un peu trop oublié au cœur de l’euphorie des pays émergents. À Nairobi, les plus pauvres furent encore les dindons de la farce.

 

 

16 décembre 2015

Hausse des taux

 

C’est un tout petit geste tellement attendu par les marchés qu’il n’a provoqué presque aucune réaction. Janet Yellen a enfin bougé et a remonté de 25 malheureux points de base les taux directeurs américains. Elle a mis ainsi fin à la longue période – unique dans l’histoire – de souplesse monétaire qui avait permis aux États-Unis de sortir de la crise de 2008 en inondant les marchés de liquidités à taux zéro. Ceux-ci ont à peine réagi ; le dollar s’est apprécié de quelques centimes et déjà tout le monde pense à la prochaine hausse des taux.

À vrai dire, cela fait bien longtemps que Madame Yellen aurait dû agir. L’économie américaine a montré suffisamment de signes de vigueur qu’elle aurait dû être rassurée dès le printemps dernier. Il lui faut en effet remonter les taux de manière à avoir des réserves lorsque le ralentissement se fera jour. Alan Greenspan était passé maître dans l’art de ce « fine tuning ». Vu les circonstances, Ben Bernanke n’avait guère eu de marges de manœuvre. Janet Yellen a au moins trois trimestres de retard et elle risque de le regretter.

Sans inflation, et avec – en plus – la baisse des prix des matières premières et surtout de l’énergie, les banques centrales sont bien démunies ! Elles ont eu beau inonder les marchés de liquidités et alourdir au-delà du raisonnable leurs bilans, leur boîte à outils est bien vide dès lors que les taux sont proches de zéro. Raison de plus pour les augmenter lorsque l’occasion s’en présente. C’est chose faite aux États-Unis, mais bien tard…

 

 

14 décembre 2015

Régionales

 

Lendemain de deuxième tour des régionales en France. Le FN ne gagne aucune région mais la gauche conserve cinq régions, ne perdant que de justesse en Ile de France et en Normandie. Derrière la satisfaction affichée par les uns et les autres, c’est bien l’inquiétude qui domine pour une France désormais dominée par un tripartisme délétère.

L’échec du Front national était attendu et même s’il a réalisé hier, en nombre de voix, un record historique, il a probablement quand même perdu un certain nombre de suffrages protestataires du premier tour, en particulier en Ile de France. La gauche aussi doit s’interroger sur ses victoires : elles ont été possibles là où les discours (ceux de Le Drian en Bretagne ou de Rousset en Aquitaine) ont été les moins clivants à la différence d’un Bartolone en Ile de France dont les dérapages des derniers jours (sur Versailles, Neuilly, la race blanche…) lui ont probablement coûté très cher. Quant à la droite, quelques victoires ne peuvent masquer le vide en matière de programme et de volonté de réformes, au-delà des ambitions désormais clairement affichées.

Tous gagnants ? Tous perdants plutôt et au premier chef la France qui risque de s’enfoncer dans un spleen identitaire dont elle a le secret.

 

 

13 décembre 2015

Faust

 

La damnation de Faust est une des œuvres les plus célèbres d’Hector Berlioz et même l’une des partitions emblématiques du romantisme du XIXe siècle. Toutefois, le livret, tiré de Gœthe, traduit par Nerval, ne brille pas par une grande cohérence et offre de ce fait aux metteurs en scène toute licence d’interprétation voire de trahison.

La version présentée aujourd’hui à l’Opéra de Paris allait au bout de cette logique et a suscité polémique et hurlements au-delà du raisonnable. On sent bien l’actualité du thème faustien. Faust, c’est le scientifique qui vend son âme au diable, qui s’engage dans des manipulations génétiques, qui repousse les limites du vivant : sur la scène, les images de rats de laboratoire, de fœtus, de spermatozoïdes même, les cages dans lesquelles s’agitent des danseurs désarticulés, tout cela donne des scènes très fortes. Par contre, le metteur en scène, Alvis Hermanis a eu la curieuse idée de mettre comme fil rouge de la représentation, la figure du scientifique Stephen Hawking, présent presque en permanence dans son fauteuil roulant. En faire l’image du savant faustien peut avoir quelque sens. Mais Hawking porte un projet de voyage vers Mars et c’est le rêve de la planète rouge qui semble hanter Faust manipulé par Méphisto… Heureusement, la musique nous sauve de ce méli-mélo de moins en moins compréhensible.

 

 

12 décembre 2015

COP 21

 

En fin d’après-midi, c’est un Laurent Fabius radieux qui a donné le coup de marteau final de la COP 21 avec un accord unanime des états participants, c’est-à-dire de la planète entière. Malgré toutes les arrières pensées des uns ou des autres, c’est là une première qu’il faut saluer et notamment d’avoir embarqué sur le navire des pays aussi réticents que la Chine et surtout l’Inde.

La présidence française a réussi son pari d’un texte qui ratisse large et que le monde entier a pu adopter. Bien entendu ceci a un prix : les formulations restent floues et le calendrier ne commencera vraiment à être appliqué qu’en 2020. Mais la prise de conscience est là et même l’objectif de 1,5° de réchauffement est enfin mentionné.

Curieusement, ce soir, les critiques les plus virulentes proviennent des ONG qui, comme à l’habitude, font preuve de jusqu’au-boutisme et rêvent de la disparition immédiate du charbon et du pétrole. Tel en fait n’était pas l’objectif de la COP 21. Dans le texte final, le principe du prix du carbone (prix ou taxe) est à peine mentionné au détour d’une phrase et c’est là bien sûr la principale carence de l’action internationale. Au-delà des grandes déclarations, seul un prix du carbone suffisamment incitatif ($ 50 la tonne par exemple) peut déterminer un changement des modèles énergétiques. Il parait qu’on en parlera l’an prochain à Marrakech à la Cop 22.

 

 

10 décembre 2015

COP 21

 

Au Bourget, c’est l’effervescence des grands jours. Il y aurait plus de 35 000 « délégués » à cette grand-messe du climat : des représentants de toutes les nations de la planète, mais surtout d’une infinité d’ONG et d’organisation de lobbysme de toutes espèces.

Dans l’agitprop mondialisée, les COP ont remplacé les sommets altermondialistes de la fin du XXe siècle. Tout commença en effet dans les années quatre-vingt-dix en marge des sommets du G7 ou des conférences de l’OMC. À l’époque, des contestations rouges et brunes transformèrent les centres de négociations en véritables camps retranchés et les manifestations firent assaut de violence.

Les G8 suivants se tinrent de plus en plus « hors limite » et la contestation trouva un nouveau terrain de jeu avec les sommets de l’altermondialisation à Porto Alegre au Brésil dans le seul état qui était à l’époque tenu par le Parti des travailleurs de Lula. Porto Alegre qui avait lieu en même temps que Davos atteignit pendant quelques saisons un statut symbolique et fut un « must » de l’activisme mondial.

Las, une fois au pouvoir, Lula déçut ses soutiens internationaux. Le Forum des alter se délocalisa s’étiola au point d’en être presque oublié. Désormais donc les « camarades » se retrouvent de COP en COP. Les slogans ont à peine changé : un peu moins rouges, un peu plus verts, mais toujours aussi indignés.

 

 

9 décembre 2015

Pétrole et fer

 

Il y a sur les marchés mondiaux un parallélisme étonnant, au dollar près. À peu près en même temps, le baril de pétrole aux États-Unis et la tonne de minerai de fer, coût et fret port chinois, sont passés en dessous de la barre des $ 40. Plus encore, leur comportement est presque identique depuis le début de 2014, partant de $ 110 pour le baril de pétrole et de $ 130 pour la tonne de minerai de fer. En réalité, ces deux marchés n’ont rien de commun si ce n’est quand même le dollar et l’aveuglement des producteurs.

Pour le pétrole, l’OPEP, à la suite d’une longue journée de négociations, n’a rien trouvé de mieux que de suspendre temporairement son système de quotas, certes peu respecté, mais qui servait d’indicateur au marché.

Pour le minerai de fer, les producteurs, notamment australiens, continuent à augmenter leurs livraisons alors même que la sidérurgie chinoise est à la peine et que les stocks de minerai gonflent dans les ports (90 millions de tonnes fin novembre, soit plus de 10 % des importations annuelles chinoises).

Dans l’un et l’autre cas, il n’y a aucune raison d’anticiper sinon un rebond au moins un répit et il ne serait pas étonnant que l’on touche les $ 30 avant le printemps 2016. C’est à la fois le seuil pour les producteurs américains de pétrole de schiste et pour certains producteurs australiens et brésiliens de fer. Mais de là à parler d’un plancher…

 

 

7 décembre 2015

Venezuela

 

Une élection cache l’autre et, les régionales en France ont quand même moins d’importance pour la planète que les législatives qui avaient lieu en même temps au Vénézuéla et qui ont vu la victoire presque complète de la coalition de l’opposition au régime chaviste.

Il est vrai que la situation économique du Vénézuéla est catastrophique, et que ce pays, qui tient quand même les plus importantes réserves pétrolières au monde, est une vivante démonstration de la thèse de la malédiction du pétrole et du gaspillage de sa rente. Qu’on en juge : 10 % de recul du PIB en 2015 après 6 % en 2014 et probablement encore autant en 2016 ; un taux d’inflation de 200 % ; une devise – le malheureux bolivar – qui a perdu 80 % de sa valeur ; des pénuries pour presque tous les biens de consommation que le pays doit importer tant l’économie est désorganisée à la suite de nationalisations massives. La chute des prix du pétrole a porté un coup fatal à un système – le chavisme – qui a pu faire illusion un temps (il suffisait en France de lire Le Monde Diplomatique !), mais qui a enchaîné le pays dans une impasse économique et sociale. Car le mal remonte bien à Chavez, à sa mégalomanie sans parler de la manipulation dans l’ombre par les « conseillers » cubains.

Le drame est que face au chavisme, la coalition est de circonstance, n’a guère de programme et encore moins de marges de manœuvre. Ce sont, en effet, les pauvres qui souffriront les premiers de l’ajustement budgétaire nécessaire. Encore une fois, le pétrole a fait son œuvre… destructrice.

 

 

6 décembre 2015

France

 

La gueule de bois ! Comment la France est-elle tombée aussi bas pour faire du Front national le premier parti de France et cela de loin ? Comment la moitié des électeurs ont-ils pu apporter un tiers de leurs suffrages à un parti dont le programme tant politique qu’économique est un défi au bon sens, un recul sur toutes les valeurs qui – qu’on le veuille ou non – fondent notre société.

Faut-il pour autant en vouloir aux électeurs et même aux dirigeants du Front national qui profitent ainsi du marasme de la société française et de l’incapacité des « partis de gouvernement » à le traiter et cela depuis au moins deux décennies : l’incapacité de la droite, du centre, de la gauche à gérer l’évolution du « modèle français », à réformer, à changer de discours, à s’adapter, à se rajeunir aussi : la seule perspective d’un duel « Hollande/Sarkozy » en 2017 justifie pour nombre de Français le vote pour Marine Le Pen et le Front national.

Ce n’est pas le FN qui a gagné, ce sont eux qui ont perdu, que les Français ont condamnés, eux,  les apparatchiks des républicains, des socialistes ou des verts.

La France est en crise, économique et sociale avec l’un des chômages les plus élevés d’Europe, morale avec des fractures de plus en plus profondes et désormais politique avec ce message envoyé par le corps électoral. La gueule de bois et quel réveil ?

 

 

3 décembre 2015

Philanthropie

 

À 31 ans, Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, est à la tête d’une fortune (essentiellement en actions de son entreprise dont il contrôle plus de 50 % des droits de vote) estimée à $ 45 milliards. Il est aussi un jeune époux, père depuis quelques jours d’une petite fille, Max.

Avec son épouse, il vient d’annoncer son intention de donner 99 % de sa fortune à un rythme d’un milliard de dollars par an à une fondation. Pour l’instant, ses objectifs restent assez flous, mais viseraient notamment l’éducation, la santé et la communication.

On peut bien sûr discuter du cadre juridique et fiscal dans lequel cette donation va être réalisée et des esprits chagrins, comme il en existe tant en France, ne manqueront pas de s’indigner de cette « privatisation de la solidarité ». On peut aussi ne pas apprécier Facebook et son intrusion dans nos vies privées. On peut critiquer…

Mais avant tout, on doit s’incliner, reconnaître que l’on a là le meilleur de la société américaine, héritière d’un protestantisme radical qui privilégie l’individu par rapport à l’état. En 20 %, les américains ont donné plus de $ 300 milliards et la part des entreprises dans ce total est fort limitée. L’essentiel provient de particuliers, très riches et moins riches. Au-delà de son montant, l’initiative de Mark Zuckerberg illustre bien un état d’esprit, exceptionnel toutefois à son âge. Donner à 30 ans, c’est autre chose que de le faire à 70 ou 80 ans !

À ce point osera-t-on faire quelque comparaison avec la France où les riches se contentent d’incursions dans le monde de l’art à moins que de s’exiler pour fuir le fisc. Non, nous ne sommes pas dans le même monde!

 

 

30 novembre 2015

COP 21

 

« Ils sont venus, ils sont tous là ». Plus de 150 chefs d’État sont à Paris pour l’ouverture de la COP21. Sur l’autoroute – fermée au public – reliant Paris au Bourget où se tient la conférence, le ballet de voitures et de cortèges officiels a été intense ce matin et la « photo de famille » fort impressionnante. Cela suffira-t-il à faire de cette vingt-et-unième édition de la conférence des Nations Unies sur le climat un succès ? Rien n’est moins sûr.

On sait déjà que la seule mesure concrète qui aurait un impact concret et rapide, donner un prix au carbone, ne sera pas au menu. On sait aussi que les États unis ne pourront pas s’engager sur un texte qui aurait un caractère contraignant (« binding ») dans la mesure où Barack Obama ne dispose pas des marges de manœuvre suffisantes au Congrès. On imagine aussi les réticences de la Chine et de l’Inde à quelque contrainte que ce soit.

Que peut-il donc sortir de cette COP ? Il y a aura très probablement dans quinze jours un texte dont la forme tiendra du style ampoulé et ambigu des œuvres littéraires diplomatiques. Au-delà, on peut espérer qu’il y aura un accord sur le montant des financements consacrés aux transferts (Nord-Sud) et sans doute parviendra-t-on à réunir les $ 100 milliards envisagés. Mais encore ? Le contraste est immense entre le discours des activistes de tout poil réunis autour de la Conférence et qui pratiquent déjà une véritable surenchère et le réalisme apeuré des négociateurs et des politiques qui ne savent que trop quelles sont leurs limites. Entre les deux, la Conférence va avancer cahin-caha et accoucher probablement d’une… souris verte !

 

 

29 novembre 2015

Crèche de Noël

 

C’est le premier dimanche de l’Avent, la période qui ouvre l’année liturgique catholique par les semaines qui précèdent Noël. Comme tous les ans, je viens de faire la crèche autour de laquelle petits et grands se réuniront le 24 décembre.

Si Noël n’est pas la fête la plus importante des chrétiens (c’est Pâques), elle est celle qui marque le plus les sociétés occidentales de tradition chrétienne, en ayant récupéré au passage d’autres traditions, de la Saint-Nicolas du monde germanique aux Ides de janvier de la Rome ancienne. Pour le meilleur et pour le pire, Noël s’est à la fois mondialisé et dépouillé aussi de ses racines religieuses. On fête Noël sous toutes les latitudes, dans presque toutes les civilisations et au travers d’environnements religieux ou non, bien différents. Et c’est là une bonne chose tant le message de Noël est marqué au coin de l’espérance : « un enfant nous est né ! »

En nombre d’endroits, la tradition des crèches, toute empreinte de religiosité populaire, s’inscrit au cœur de traditions culturelles dont les racines vont de la Provence à Naples ou à l’Espagne.

Faut-il alors faire assaut du laïcisme le plus borné pour interdire comme le souhaite l’Association des Maires de France l’installation de crèches dans des lieux publics ? Faut-il ainsi nier ce qui a été une composante fondamentale de la fabrique de la société française et qui en est une survivance certes un peu folklorique, mais toujours bien vivante. Ce n’est pas ainsi – en niant le religieux des simples – que l’on gagnera la nécessaire bataille contre les fondamentalismes.

 

 

27 novembre 2015

Lorient et la mondialisation

 

Il y a à Lorient, en la citadelle de Port-Louis, un petit musée qui est une merveille de poésie et d’érudition. Il raconte l’histoire d’un rêve français qui fit assez pâle figure face à ses homologues anglais et surtout néerlandais : c’est le musée de la Compagnie des Indes qui, à la fin du XVIIe siècle, sous l’impulsion de Colbert, avait fait de Lorient son port d’attache avant que de partir à la conquête de monde.

La France arrivait bonne dernière après les Portugais, les Hollandais et les Anglais. Il fallut la volonté royale pour fusionner les compagnies existant jusque-là et lancer la nouvelle entreprise dans la grande aventure de l’Afrique et des Indes. Il en resta Maurice et la Réunion (les îles de France et Bourbon), Pondichéry et Chandernagor et puis quelques comptoirs africains. L’affaire tourna court avant même la fin du XVIIIe siècle, mais Lorient, détruite en quasi-totalité en 1944 en a gardé sa part de rêve. Une dynamique conservatrice a fait le reste partant à la recherche d’objets glanés au fil des ventes aux enchères et même sur Internet.

Ce fut le temps de la « deuxième mondialisation » après l’époque des pionniers italiens et portugais. Les navires de la Compagnie des Indes ramenaient porcelaine de Chine et cotonnades des Indes, un peu comme les gigantesques porte-conteneurs qui déversent aujourd’hui le « made in china » et le « made in India ». À Lorient, le temps s’est arrêté et le port n’abrite plus que des pêcheurs et des voiliers de course. Mais le rêve demeure en ce merveilleux musée.

 

25 Novembre 2015

Métaux

 

Le front des métaux craque : $ 8000 la tonne pour le nickel, $ 1500 pour l’aluminium et le zinc, moins de $ 4500 pour le cuivre. L’indice des six grands métaux non ferreux côtés au LME est ainsi en recul de plus de 35 % depuis le début de l’année. Pour le nickel et le zinc la situation est particulièrement dramatique et à des prix pareils, il n’y a guère de producteurs qui couvrent même leurs coûts marginaux de production.

Bien sûr la Chine est montrée du doigt que ce soit en termes d’exportations ou de recul de ses importations. Sa responsabilité est incontestable pour l’aluminium et le nickel, pour l’acier aussi et ses variantes inoxydables ou galvanisées. Le ralentissement de la croissance de l’économie chinoise et sa lente évolution vers un stade « post-industriel » se traduisent par le plafonnement – voire la baisse – de la consommation d’acier et de métaux. Devenue surcapacitaire la Chine exporte en faisant souvent du dumping.

Mais il n’y a pas que la Chine ! Malgré la baisse des prix, l’ajustement des capacités de production a été insuffisant alors même que de nouvelles mines ou raffineries arrivaient sur le marché. Un peu partout, de la Zambie aux Etats-Unis, les autorités politiques font tout pour éviter des fermetures pourtant inéluctables. Les stocks s’accumulent et pèsent sur les prix.

La spéculation amplifie peut-être aussi le mouvement. Beaucoup de fonds sont « short ». Mais il ne font que refléter des fondamentaux déprimés.

 

 

22 Novembre 2015

Pétrole

 

« Tous les deux ans une nouvelle Norvège est entrée en production  aux Etats-Unis en particulier dans le Dakota ». Ce constat à l’ouverture d’une table ronde consacrée à l’énergie donne bien le ton de la situation des marchés qu’il s’agisse ici du pétrole mais aussi du gaz et du charbon. L’heure est à la surproduction et aussi à la baisse des coûts marginaux : l’ajustement le plus impressionnant est celui des producteurs américains de gaz de schiste : à $ 1,80 le mbtu (million de british thermal unit) des gisements comme celui de Marcellus sont encore rentables alors qu’il y a encore trois ans la barre se trouvait autour de $ 4. A $ 40 le baril, la production américaine de pétroles non conventionnels n’augmente plus mais les prévisions de baisse pour 2016 demeurent hypothétiques et il faudra probablement attendre les $ 30 le baril pour qu’elle se concrétise. Un analyste donnait ainsi une fourchette de probabilité du prix du baril de Brent de $ 30 à $ 110 pour les prochaines années. C’est là une prévision honnête mais qui reflète bien l’incertitude qui domine.

Même la dimension géopolitique ne pèse pas sur les marchés. Certes les producteurs du Moyen Orient auront en 2015 perdu $ 350 milliards de revenus pétroliers et leur déficit budgétaire cumulé est de 12.5 %. Raison de plus pour qu’envers et contre tout ils continuent à produire et à inonder le marché sans même attendre le retour de l’Iran attendu pour Mars 2016.

Curieuse situation donc où à la baisse alimentée par la spéculation domine la scène alors que la guerre s’approche et que l’instabilité se généralise.

 

21 Novembre 2015

Religions

 

Le fil rouge de la World Policy Conférence que Thierry de Montbrial organisait à Montreux était la gouvernance mondiale mais le Vendredi 13 était dans tous les esprits et la problématique religieuse présente dans tous les débats.

Le premier ministre du Bénin, Lionel Zinsou, a fait un éloge de la coexistence religieuse féconde qui caractérise son pays, la terre d’origine du culte vaudou : chrétiens, musulmans et animistes s’y côtoient de manière harmonieuse alors que couvents féticheurs, medersas et séminaires sont pleins. La raison en est pour lui liée certes à l’acceptation de l’autre mais aussi à la colonisation française  qui appliqua un principe de laïcité en évitant de monter les communautés les unes contre les autres.

Ceci étant, l’Afrique n’échappe pas à la montée du radicalisme islamique et les musulmans qui jusque-là regardaient vers le Nord et vers les oulémas marocains (l’Islam malékite Soufi) s’oriente vers l’Est, vers l’Islam des lieux saints, vers le wahhabisme financé par l’Arabie Saoudite.

Si en Afrique on rêve de reconstituer le califat de Sokoto (Boko Haram), en Inde, on assiste à la même radicalisation autour du califat du Khorassan, allant de Bagdad au Bangladesh, et à la même montée en puissance des idées fondamentalistes y compris parmi la jeunesse éduquée.

Le rêve du califat devient ainsi presque universel.

 

 

17 Novembre 2015

Japon

 

Le Japon est à nouveau en récession ! La croissance a été négative au deuxième et troisième trimestre 2015. C’est la deuxième récession de la mandature de Shinzo Abe dont le mirage des « abenomics » est largement dissipé. Tout est à zéro au Japon : la croissance mais aussi l’inflation qu’il s’agisse des prix ou des salaires.

En réalité cela fait maintenant vingt-cinq ans que le Japon vit avec la « croissance zéro ». Régulièrement les gouvernements qui se sont succédés ont décidé de plans de relance couteux et inefficaces si ce n’est pour creuser un peu plus l’endettement public. Si l’on fait la moyenne de ces moments de croissance artificielle et des récessions qui suivaient à peu près mécaniquement, c’est le zéro qui l’emporte.

Et au fond c’est là assez logique pour un pays à la population déclinante et surtout vieillissante : en quinze ans la population active japonaise a perdu dix millions de personnes et l’archipel est pratiquement fermé à l’immigration.

Paradoxalement le Japon pourrait être un modèle pour un « vieux monde » qui doit réfléchir sinon à la décroissance au moins à la croissance faible voire nulle. Comment vivre – et vieillir – sans croissance et en maintenant quand même ses équilibres économiques et sociaux. Le Japon donne une leçon non point de politique économique mais d’équilibres sociétaux qui vaut la peine d’être méditée.

 

 

 

 

 

 

                                         Vendredi 13

 

                                        Comprendre, expliquer, réagir

 

 

 

Les attentats commis à Paris dans la soirée du vendredi 13 novembre 2015 sont certainement les pires que la France ait connus au long de son histoire. On peut certes penser à la fièvre anarchiste de la fin du XIXe siècle, aux attentats fomentés par l’OAS au début des années soixante, aux attaques d’Action Directe dans les années soixante dix. Mais il n’y a rien de comparable avec les meurtres de masse du vendredi 13. En Italie, l’attentat de la gare de Bologne perpétré par l’extrême droite à la grande époque des Brigades Rouges est le seul événement de même nature en dehors bien sûr de la montée des grands attentats islamiques dans le sillage du 11 septembre à New York de la gare d’Atocha à Madrid, de Bombay et au fond de ce qui fait le quotidien de villes comme Kaboul, Bagdad et plus récemment, la veille même du 13 Novembre, Beyrouth.

Dans l’histoire de France, le vendredi 13 et cet attentat aveugle de masse revêtent donc une place exceptionnelle qu’il est nécessaire de comprendre et surtout de resituer dans son contexte géopolitique, religieux et français. Il y a en effet dans les attentats du vendredi 13 le résultat explosif de l’imbrication de trois dimensions : Daesh, l’Islam et la France : Daesh qui a revendiqué l’attentat et qui nous plonge au cœur de la géopolitique du Moyen Orient, l’Islam dans la mesure où la motivation religieuse des assassins est incontestable, enfin la France puisque ceux-ci étaient pour la plupart des français nés en France et rejetant avec violence un modèle de société dont-ils se sentaient exclus.

 

Daesh et l’imbroglio du Moyen Orient

 

L’empire ottoman atteignit son apogée entre le XVIe et le XVIIe siècle et sa poussée vers l’Occident ne fut contenue qu’à Lépante et sous les murs de Vienne. Par la suite la Sublime Porte entama un long déclin qui s’accéléra au XIXe siècle et que précipita la première guerre mondiale. A Versailles en 1919, les vainqueurs se partagèrent les dépouilles de l’empire et il fallut toute l’énergie d’un Mustafa Kemal pour maintenir l’existence d’une Turquie laïque dont une des premières décisions fut l’abolition du califat (en 1924), la charge religieuse qu’exerçait aussi jusque là le sultan.

L’heure était en effet à la laïcité et à l’occidentalisation à marche forcée. Ce fut la politique suivie en Turquie par Kemal et le modèle sur lequel se fondèrent les élites laïques qui militaient pour l’indépendance des territoires nés des découpages arbitraires du traité de Versailles et de ses suites.

La seule exception à l’époque fut la prise de pouvoir sur une grande partie de la péninsule arabique et sur les lieux saints de l’Islam par Ibn Saoud et ses guerriers Wahhabites tenants d’un Islam particulièrement rigoureux, aux antipodes des élites du Caire ou de Damas.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale et au fil des indépendances et du renversement des monarchies, la plupart des dirigeants qui s’imposèrent et qui mirent en place des régimes plus ou moins démocratiques s’inscrivaient dans une démarche laïque, nombre de pays faisant le choix à partir du milieu des années cinquante de modèles socialistes sous l’influence de l’URSS : ce fut le cas de Nasser en Egypte, du parti du Baath en Syrie et en Irak, de Bourguiba en Tunisie et un peu plus tard de Ben Bella en Algérie et de Kadhafi en Lybie tout comme d’Arafat en Palestine. On dit qu’en 1956, Nasser aurait éclaté de rire à la suggestion qu’on lui faisait de voiler les femmes.

Force est de constater qu’au début des soixante dix l’évolution tant politique qu’économique de la région était marqué au coin de l’échec : dérive dictatoriale de la plupart des régimes, alignement sur un camp « progressiste » dans l’orbite de l’URSS, défaite face à Israël en 1967 et puis surtout médiocrité de la croissance économique incapable de répondre au véritable choc démographique que connaissait la région (comme d’ailleurs tout le Tiers Monde) à cette époque : la population de pays comme l’Egypte ou l’Algérie explosa littéralement (la population de l’Egypte passe de 26 millions d’habitants en 1960 à 40 millions en 1980), le PIB per capita s’effondra et les nationalisations et la mise en face d’économies dirigées ne fit qu’aggraver la situation.

Ainsi, au début des années soixante-dix, alors que montent les tensions géopolitiques autour d’Israël et de la Palestine qui déboucheront sur l’expulsion des palestiniens de Jordanie en 1970 puis sur une nouvelle guerre en Octobre 1973, l’impasse dans laquelle se trouve le monde arabe semble totale. C’est à ce moment, le 16 Octobre 1973, que l’utilisation de l’arme du pétrole changea la donne.

Le premier, puis le second choc pétrolier (1979/80) procura à la région une manne d’une ampleur inimaginable. C’est surtout la première fois que des pays producteurs prenaient le contrôle de leurs ressources et mettaient à genoux non seulement les grandes compagnies (les « sept sœurs ») mais aussi l’ensemble des économies occidentales dans un climat politique dominé alors par l’anti-impérialisme, par le refus des valeurs de l’Occident et par une volonté de revanche. Malheureusement le pétrole ne va apporter dans son sillage que déséquilibres économiques et échecs politiques. Il va en effet renforcer les tendances dictatoriales – voire mégalomanes – de certains dirigeants comme Saddam Hussein en Irak ou Kadhafi en Lybie. Il propulsa surtout sur le devant de la scène quelques théocraties, au premier rang desquelles l’Arabie Saoudite dont la famille dirigeante (les Al-Saoud) doit sa légitimité à l’alliance passée en 1744/45 avec Mohammed ibn Abd al-Wahabb, un théologien du Nedj, partisan du retour à un Islam dépouillé de toutes les innovations (culte des saints, soufisme…) accumulées au cours des siècles. Jusque là relativement marginal dans le monde musulman, le wahhabisme va se trouver projeté au premier plan grâce au pétrole saoudien et dans une moindre mesure qatari.

Le pétrole va aussi apporter dans les années soixante dix l’illusion du développement économique et du rattrapage à marche forcée de l’Occident. Malheureusement le gaspillage de la rente pétrolière sera la règle dans la plupart des pays au fil de dépenses somptuaires et de montée de la corruption et de l’enrichissement des proches du pouvoir. Plus grave encore c’est l’équilibre de toutes les sociétés qui se trouva bouleversé par l’irruption de l’argent facile et de la modernité artificielle qu’il offrait. Partout, malgré le développement de l’état providence, les inégalités se firent plus criantes débouchant souvent sur des contestations sociales et sur un repli vers le religieux. Dès la fin des années soixante dix le régime du chah en Iran fut la première victime de ces tensions alors même qu’avec la « révolution blanche » il avait cherché à préparer la transition. Avec l’ayatollah Khomeini au pouvoir, l’Iran renforça ainsi le camp des théocraties. Une trentaine d’années plus tard, les printemps arabes obéirent à la même logique et parfois, comme en Egypte ou en Tunisie pour un temps, au même résultat.

L’échec économique se conjuguant un peu partout avec des impasses politiques déboucha au début du XXIe siècle sur une véritable généralisation du chaos de l’Afghanistan à l’Irak, de l’Algérie à la Somalie, de la Lybie au Yémen et bien sûr à la Syrie. Dans ce contexte le repli vers la religion n’a rien d’étonnant d’autant, que celle-ci était généreusement appuyée par l’argent du pétrole.

 

Religion, islam et islamisme

 

Aucune religion n’a le monopole de la violence. Le christianisme a ainsi une longue histoire fort peu édifiante. « Tuez les tous, Dieu reconnaitra les siens ! », la phrase, probablement apocryphe, du légat du pape aux croisés contre l’hérésie cathare lors du sac de Béziers reflète bien le climat qui domina longtemps la chrétienté en particulier quelques siècles plus tard au temps des guerres de religion qui ensanglantèrent l’Europe et au cours desquelles catholiques et protestants firent assaut d’atrocités. Même une religion marquée par la non-violence comme le bouddhisme est capable du pire comme l’ont montré récemment les véritables pogroms antimusulmans qui ont marqué la Birmanie.

L’Islam présente en lui même un certain nombre de caractéristiques originales. Le Prophète Mohammed fut à la fois prophète et chef d’état et l’ensembles des textes révélés (Coran et hadith) ainsi que la première tradition (Sunna) proposent croyant un véritable modèle de société, entrant dans le détail de la vie quotidienne et même des questions économiques comme l’interdiction du prêt à intérêt. En cela l’Islam est avec le judaïsme une exception dans l’univers des grandes religions. Mais à cela s’ajoute l’absence en Islam de véritables autorités théologiques ou morales et le fait que à partir du XIe siècle, la plupart des écoles de pensées se soient refusées à toute interprétation contemporaine (ijtihad) des textes fondamentaux, figeant ainsi le Coran et la Sunna dans une lecture littérale sans tenir compte du contexte qui pouvait être celui de l’Arabie du VIIe siècle.

De même l’Islam n’a pas vraiment connu le choc que fut pour le christianisme et même pour le judaïsme le débat, de la Renaissance aux Lumières entre foi et raison.

A vrai dire il est excessif de parler de l’Islam comme d’un tout tant sont multiples les écoles et les courants spirituels. Au-delà de la distinction bien connue entre sunnites et chiites, l’écart est immense entre les confréries soufies du Maroc et du Sénégal et les adeptes du retour aux anciens (Salaf) et des visions les plus rigoristes comme les wahhabites. En soi la présence de courants fondamentalistes n’est pas propre à l’Islam et toutes les religions ont ainsi leurs « intégristes » plus ou moins influents suivant les époques : il suffit de penser à l’intégrisme catholique autour des fidèles de Monseigneur Lefevre, au fondamentalisme des églises protestantes du Sud des Etats-Unis, aux « haredim » juifs … Mais il est clair qu’en Islam, leur impact a été plus marquant d’une part parce que il n’y avait pas de véritable contre poids de la société civile et d’autre part parce que la propagande fondamentaliste a profité de la manne pétrolière.

L’Arabie Saoudite détient  16 % des réserves mondiales de pétrole (auxquelles on peut rajouter les 25 % des réserves mondiales de gaz naturel du Qatar). Elle en est le premier exportateur mondial et malgré un modèle de développement économique dispendieux et peu efficace, elle dispose depuis les années soixante dix d’une puissance financière considérable (son fonds souverain est aujourd’hui encore, malgré la baisse des prix du pétrole, le deuxième de la planète derrière celui de la Norvège). L’Arabie Saoudite a utilisé sa puissance financière pour promouvoir sa lecture fondamentaliste de l’Islam, nourrissant d’ailleurs le rejet de l’Occident alors même que le régime saoudien s’appuyait depuis 1946 sur l’alliance avec les Etats-Unis ! En quelques décennies la vision wahhabite de l’Islam s’est diffusée sur toute la planète musulmane et d’un courant marginal limité aux confins de l’Arabie et du Golfe (avec le Qatar et une partie des Emirats), elle est devenue un des courants dominants présent aussi bien dans les medersas pakistanaises que dans les mosquées européennes. A propos de l’Arabie Saoudite, l ‘écrivain algérien Kamel Daoud (l’auteur  de Meursault, à partir de l’Etranger de Camus) parle d’une « Fatwa Valley » au cœur du « complexe religio-industriel » de l’Arabie Saoudite. La télévision, les cassettes et internet ont accéléré la diffusion de cet « islamisme radical, produit le plus répandu sur internet, le plus excitant, le plus intégral, le « couteau suisse »  de l’idéalisation  à l’usage des désespérés d’eux-mêmes et de leur monde »,  selon les termes du psychanalyste Fethi Benslama.

Et c’est bien  cela qui s’est passé.  L’échec du développement économique, l’absence de perspectives, le chômage, le sentiment  d’exclusion ont poussé nombre de jeunes à la recherche d’une alternative à cette modernité qui se refusait à  eux.  Pourquoi alors ne pas rêver d’une société musulmane idéale,  d’une véritable « communauté des croyants »,  d’un retour à ce califat  disparu et désormais idéalisé.

On a là  au fond la mécanique qui de l’islam  a pu faire passer l’islamisme  et puis pour certains au terrorisme.  Cette évolution n’est pas non plus propre à l’islam.  Dans un texte remarquable de 2004 le cardinal Ratzinger (le futur Benoît XVI)  voyait  dans le terrorisme une  « pathologie de la religion »  au-delà justement de toute raison : « les forces terroristes ne font plus les comptes avec la raison,  puisqu’un des éléments de base de la terreur repose sur le fait d’être prêt à l’autodestruction – une autodestruction qui est transfigurée  en martyre  et convertie en promesse ».  Victor Hugo ne disait pas autre chose lorsqu’il évoquait le « fanatisme,  odieux quand il persécute,  admirable quand il est persécuté ».  Relisons dans « Les Justes » de Camus  le dialogue entre la grande Duchesse et Kalyayev qui vient  d’assassiner son mari. Il y a quelque chose d’éternel dans le terrorisme, forme extrême du fondamentalisme religieux ou politique. Néanmoins on doit convenir que l’islam lui offre un terreau peut-être un peu plus fertile. Il est vrai que certains des textes sacrés de l’islam sont parfois au sens propre des textes de combat (comme c’est aussi le cas de certains passages de l’Ancien Testament)  et une lecture littérale peut y trouver une apologie de la violence. L’absence d’autorité théologique incontestée et le refus de l’interprétation des textes l’abandon, au moins depuis le XVe siècle, de tout débat véritable entre foi et raison ont incontestablement contribué au renouveau de l’islamisme,  financé par la manne  pétrolière.

Valable pour la plupart des attentats islamiques de ces dernières années, cette analyse doit – pour le vendredi 13 – être complétée d’une autre dimension :  les assassins étaient français.

 

La France : de la laïcité à l’islam

 

Du point de vue des religions,  la France présente une situation tout à fait paradoxale.  Longtemps « fille aînée de l’église »,  la France a été avant tout un pays de tradition, de  culture et de croyances catholiques.  Vouloir nier aujourd’hui cet héritage du catholicisme dans la construction de l’identité française est une absurdité historique.  La révocation de l’édit de Nantes a cantonné  le protestantisme  dans une position marginale et longtemps le judaïsme  a été limité  à quelques régions,  de l’Alsace au Comtat  Venaissin.  C’est durant le Second Empire que l’influence catholique atteignit son zénith dans la société française (c’est d’ailleurs le moment de « l’invention » de Lourdes) et  c’est en partie ce qui explique la violence des conflits de la fin du XIXe siècle qui culmina en 1905 par la séparation de l’Eglise et de l’État dans un climat marqué par un véritable laïcisme de combat (marqué à la fois par la laïcité protestante mais surtout par la laïcité positiviste d’Auguste Comte qui évolua d’ailleurs vers un véritable spiritualisme laïc oublié aujourd’hui).

Dans la deuxième partie du XXe siècle, la France a connu un  fort  mouvement de déchristianisation,  l’un des plus marqués  de toute l’Europe.   Il a  touché à la fois la pratique religieuse mais encore plus peut-être la culture religieuse et historique des français.  D’après une enquête de l’institut CSA réalisée  en 2012,  le pourcentage de catholiques en France a diminué de 81 % en 1986 à 56 % en 2012 au profit pour l’essentiel des « sans  religions » (32 % en 2012).  Et parmi les catholiques  le  taux  de pratique religieuse (aller au moins une fois par mois à un office religieux) est  à 12 % l’un des plus bas d’Europe.  La France ne  compterait  guère plus de 3 millions de catholiques pratiquants et même si la notion de pratiques régulières est difficile à mesurer pour une religion plus individuelle comme l’islam,  on peut se demander si celui-ci n’est pas en train de détrôner le catholicisme comme première religion « pratiquée » en France.  Plus globalement on ne peut que constater le recul de la culture religieuse en France ce que regrettait déjà il y a plusieurs années Régis Debray  dans le rapport qu’il avait rédigé en 2002, au lendemain du 11 Septembre.

Le concept de « laïcité à la française » s’est développé dans le contexte du début du XXe siècle sur la remise en cause du primat  que le catholicisme exerçait  alors dans la société.  Il a été longtemps teinté d’anticléricalisme,  une réaction qui pouvait apparaître naturelle à la fin  du XIXe siècle mais qui est presque anachronique aujourd’hui comme le montre la polémique sur les crèches de Noël dans un pays dont la fabrique a été incontestablement  catholique mais qui a perdu la plupart de ses repères religieux.  Mais c’est maintenant face à l’islam que la laïcité se casse les dents.

C’est dans les années cinquante et soixante  que les populations musulmanes sont arrivées en France à l’époque de la forte croissance économique des Trente Glorieuses. Le travail était abondant et l’intégration semblait  ne pas devoir poser de problème dans l’adhésion au modèle républicain. Mais la crise des années soixante dix a changé la donne.  La croissance potentielle a été divisée par deux,  de 4 % à 2% ;  le chômage structurel a fait son apparition et si l’État Providence a pu en  atténuer les conséquences matérielles, il  s’est  révélé impuissant à colmater les « fractures »  qui se sont faites jour dans la société française ;  un urbanisme mal maîtrisée a contribué au développement des banlieues devenu dans certains cas  des  guettos ;  enfin l’évolution des modèles économiques a privilégié la société de la connaissance sur la société du travail notamment manuel :  les barrières éducatives et culturelles sont devenues de moins en moins perméables.  Les populations immigrées – désormais de deuxième génération – ont été les premières victimes de cet engrenage qui de l’échec les a souvent menées à la marginalisation. Le repli,  d’abord identitaire puis militant,  vers l’islam en a été un des résultats.

L’islam a donc connu en France une croissance prodigieuse au point de rivaliser avec le catholicisme.  Le problème est que son organisation n’a guère suivi :  ses lieux de culte restent dominés par des pays étrangers dans une logique de partage presque colonial (Algérie,  Maroc,  Turquie et puis des financements  saoudiens ou qataris).  Les tentatives d’organisation d’un « Conseil Supérieur » n’ont pas permis qu’émerge  l’équivalent du Consistoire que Napoléon I avait su imposer au judaïsme au lendemain de la Révolution.  La laïcité à la française empêche les universités de proposer une formation aux futurs imams à l’exception  de l’Alsace sous concordat et de …  l’Institut Catholique de Paris !  Dans ce contexte,  la porte était ouverte au développement d’un «  Islam d’importation »  de plus en plus éloigné de la réalité sociologique de la France.  Les polémiques autour du voile ou des menus des cantines scolaires – inimaginables quelques décennies plus tôt – en sont les résultats les plus anodins.  La radicalisation de ce qui reste une minorité en est l’expression la plus extrême.  Les « assassins »  du vendredi 13 en sont le résultat.

 

Réagir ?

 

Daesh,  l’Islam,  la France,  les événements du vendredi 13 ressortent bien de ces trois ordres,  la géopolitique,  le  religieux,  le national.  Mais chacun ne se comprend vraiment que dans et par sa relation avec les autres.

On doit bien entendu combattre Daesh, former des coalitions,  envoyer peut-être même des troupes sur le terrain : détruire mais il faudra reconstruire aussi, reprendre la question du Moyen-Orient là où elle fut abandonnée à Versailles en 1919. Et même une fois le califat de Daesh éradiqué, il restera les idées et les croyances. 

Justement indignés par ce vendredi 13,  les responsables  musulmans  ne peuvent s’en laver les mains.  Face au salafisme  même quiétiste,  il faut soutenir ceux qui prônent l’interprétation (l’ijtihad) des textes dans un contexte contemporain et qui poursuivent le nécessaire dialogue entre foi et raison, qui cherchent aussi à doter l’Islam de France de structures représentatives indépendantes de pressions étrangères.

Mais cet effort concerne aussi tous les français. Le temps de la laïcité absolue est probablement révolu : le fait religieux est une réalité et c’est là une bonne chose. Le circonscrire à la seule sphère privée n’a guère de sens et la crèche et le voile peuvent et doivent cohabiter. Comme le souligne Régis Debray, « l’ignorance des doctrines religieuses alimente les fanatismes » et il faut « ouvrir le domaine du croire au savoir ». Chacun d’entre nous doit accepter et comprendre l’autre dans sa diversité y compris religieuse et foi et raison peuvent converger si nous sommes capables d’insérer cette petite lumière d’espérance qui anime l’Amour du prochain.

Sachons écouter la Bible, le Livre des grandes religions révélées lorsqu’elle nous dit dans ses Commandements :

« Tu aimeras l’étranger car tu as été étranger en terre d’Egypte ».

 

15 Novembre 2015

Guerre mondiale ?

 

« Une troisième guerre mondiale », c’est ainsi que le pape François a analysé la situation dans son homélie dominicale au lendemain des attentats du « Vendredi13 ». Il reprenait là au fond les arguments développés au début des années quatre-vingt dix par Samuel Huntington dans « Le choc des civilisations ». Huntington imaginait un choc à venir entre le monde judéo-chrétien au sens le plus large et une improbable alliance entre musulmans et chinois. Le 11 Septembre avait semblé lui donner raison au moins en ce qui concerne l’Islam. Mais depuis que de changements ! Al Qaeda a cédé la première place de l’islamisme radical à un califat autoproclamé qui a fait son lit du chaos des lendemains des printemps arabes. Des confins du Sahel aux vallées afghanes ou pakistanaises, quelques milliers d’activistes peuvent semer le désordre et la terreur, révéler aussi les malaises beaucoup plus profonds de sociétés en échec de développement à la fois économique et social. Mais peut-on là parler de guerre mondiale ? L’expression est manifestement exagérée.

La renaissance d’un « califat » montre bien que le monde musulman ne s’est jamais bien remis de l’abolition du califat ottoman en 1920, tout comme d’ailleurs l’ensemble du Moyen Orient souffre toujours des charcutages du traité de Versailles. A cela viennent se greffer les problèmes des banlieues occidentales et de la radicalisation par le biais de la pauvreté et de l’exclusion. Mais avant toute considération géopolitique ou sociale, le fond du problème est religieux et s’adresse à l’Islam, à sa capacité à évoluer et à affronter la réalité de la modernité.

 

 

14 Novembre 2015

« Nous sommes Tous Paris »

 

« Somos Todos Paris », « Nous sommes tous Paris », les chaines de la télévision du monde entier relaient aujourd’hui ce slogan qui fait écho à celui de Charlie, il y a quelques mois. Emotions, messages venus de partout pour un drame à la fois international et français.  International certes puisque la revendication ce matin pour ces attentats est venue de l’état islamique en Syrie et en Irak. International aussi par les origines de cet Islam des ténèbres financé notamment par l’Arabie Saoudite et quelques émirats du Golfe. Puisque l’on parle de « djihad », de guerre sainte, c’est la communauté musulmane qui doit réagir maintenant et en tout cas les pays occidentaux devraient désormais interdire quelque financement et quelque action que ce soit en provenance de la péninsule arabe au sens large. Car l’Islam pratiqué au quotidien dans un pays comme l’Arabie Saoudite est un véritable terreau pour le terrorisme.

Mais le problème est aussi français tant ces attentats symbolisent l’échec de l’intégration des deuxièmes générations, la crispation des banlieues, le glissement vers un Islam qui permet au moins de transformer le désespoir en rêve. Nous le savons tous, l’Islam ce n’est pas cela et toutes les religions (y compris le bouddhisme  aujourd’hui en Birmanie contre … les musulmans) sont passées par leur phase de violence. Aux musulmans français d’abord, à nous tous aussi de réagir, de faire communauté si cela est encore possible.

 

 

13 Novembre 2015

« Vendredi 13 »

 

Un « Vendredi 13 » avec son tirage de la loterie nationale, un match de foot entre la France et l’Allemagne, un concert rock au Bataclan, un bel été indien … Et puis l’horreur et plus d’une centaine de morts au nom de l’obscurantisme religieux et politique et manifestement les « assassins » voulaient toucher la France dans sa normalité, dans sa banalité quotidienne. La plupart des victimes sont des jeunes qui dinaient au restaurant ou écoutaient un concert de rock ; des jeunes qui avaient le même âge et venaient probablement de quartiers pas très différents de ceux de leurs agresseurs. Par rapport aux attentats de Janvier, on change là de dimension et on se rapproche du quotidien de Bagdad ou de Kaboul.

En quelques heures, la France a abandonné l’insouciance légèrement dépressive qui caractérisait jusque-là la scène politique et sociale y compris face au problème des réfugiés. Soudain c’est le quotidien qui est touché et la victime c’est mon voisin, mon fils, mon frère. Le drame est que l’assassin l’est aussi et que dans ce sang se révèle les fractures les plus profondes de la société française.

Il est trop tôt ce soir pour tirer des leçons, bien trop tôt aussi pour accuser. Des hommes et des femmes viennent de mourir en cette nuit de novembre sans raison aucune si ce n’est l’aveuglement, le désespoir et la bêtise « Eli, eli alla sabat ani ». « Seigneur, Seigneur, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

 

 

11 Novembre 2015

Catalogne

 

Les journaux espagnols font leur une sur la décision historique au parlement de Catalogne de s’engager sur la voie de ce qui ressemble à la sécession voire à l’indépendance. Les dernières élections ont donné aux « indépendantistes » une majorité parlementaire (mais pas en termes de suffrages exprimés). Mais cette majorité repose sur un curieux attelage : le parti du président de la généralité, Artur Mas, doit s’appuyer sur les voix d’un parti anticapitaliste d’extrême gauche, la CUP, alors que lui-même était plutôt soutenu par les milieux du patronat catalan. On vit dès lors depuis quelques jours une sorte de fuite en avant dans laquelle on a l’impression que les indépendantistes brulent leurs derniers vaisseaux afin de rendre inexorable la séparation de la Catalogne et de l’Espagne. Déjà la présidente du Parlement catalan a averti l’UE et les Nations Unies de la naissance possible d’une nouvelle nation.

A Madrid, personne n’imagine que le processus puisse aller à son terme et le Tribunal Constitutionnel l’a condamné en s’en prenant directement aux responsables catalans. Même le leader de Podemos, Pablo Iglesias, se refuse à imaginer quelque partition que ce soit et il prône le recours à un référendum pour sortir de ce qui est quand même une impasse constitutionnelle.

Bien plus que l’Ecosse ou même  la Flandre, la Catalogne représente la menace la plus forte pour les frontières d’un état européen depuis la seconde guerre mondiale. Mais ce retour des « nationalismes » régionaux est à la fois inquiétant et régressif.

 

 

10 Novembre 2015

Art

 

C’est une toile qu’Amadéo Modigliani a peinte vers 1917/18 et qui fit scandale quand elle fut présentée lors de la seule exposition dont bénéficia le peintre à Paris au début des années vingt. Le « Nu couché » a atteint chez Christies à New York, $ 170,4 millions, à quelques millions de dollars seulement du record absolu des ventes aux enchères, les $ 179,4 millions d’un Picasso obtenus en 2014 (des Cézanne et Gauguin ont fait beaucoup plus – $ 250 à $ 300 millions – mais en vente privée).

A la différence de ces œuvres, le Modigliani est un tableau majeur de l’artiste et une pareille somme peut en partie s’expliquer. Mais l’autre dimension est celle de l’identité de l’acheteur : il s’agit de Liu Yiqian, un milliardaire chinois qui, il y a vingt-cinq ans, était encore chauffeur de taxi à Shanghai. Il a réalisé sa fortune pour l’essentiel en bourse et règne aujourd’hui sur un empire qui va de la chimie et de la pharmacie à la finance. Il y a quelques mois il avait déjà payé $ 36 millions pour une tasse impériale de la dynastie Ming. Comme beaucoup de riches chinois, Liu compte fonder un musée comme symbole de sa réussite.

Ceci rappelle furieusement les achats japonais du début des années quatre vingt dix (Les Iris de Van Gogh) juste avant que la bulle japonaise et celle du marché de l’art n’éclatent. Toute comparaison est bien sûr hâtive, mais quand on parle de bulles…

 

 

6 Novembre 2015

Charbon chinois

 

A peine François Hollande avait-il quitté la Chine, fort d’un accord avec Xi Jin Ping qui devrait renforcer les chances de succès de la COP 21, que l’on apprenait de sources chinoises que la consommation de charbon devait être réévaluée pour ces dernières années d’au moins 600 millions de tonnes !

Ceci d’ailleurs ne fait que confirmer une tendance que l’on pouvait anticiper à partir de l’extraordinaire croissance de la production de nombre d’industries consommatrices d’énergie et donc de charbon comme la sidérurgie ou l’aluminium.

La Chine – en termes de sources d’énergie – ne dispose vraiment que de charbon. Ses ressources en pétrole et en gaz naturel sont limitées et les perspectives en matière de gaz de schiste souffrent du manque de disponibilité en eau. L’hydroélectricité à l’image du célèbre barrage des Trois Gorges est déjà bien exploitée. Il reste le nucléaire (et le premier EPR au monde sera chinois) et les énergies renouvelables mais pour l’instant c’est le charbon qui fait l’appoint. Le dernier kwh produit en Chine l’est à partir de charbon.

De tout cela le gouvernement chinois en est bien conscient mais ses efforts pour limiter l’intensité énergétique du PIB sont souvent à la limite de la cohérence. Ainsi pour éviter des fermetures d’usines même polluantes et fortement consommatrices d’électricité comme des raffineries d’aluminium, les autorités locales n’hésitent pas à subventionner le prix de l’électricité en contradiction totale avec les instructions de Pékin.

Xi Jin Ping peut prendre tous les engagements solennels possibles. La réalité chinoise est autrement plus complexe et le charbon n’est pas prêt de disparaître.

 

5 Novembre 2015

Abu Dhabi

 

Abu Dhabi, plongée au cœur d’un émirat pétrolier, plongée dans un monde artificiel qui a à peine un demi-siècle d’âge. A la fin des années soixante, il n’y avait là que quelques tentes de bédouins sous la houlette benevolent des autorités britanniques. Et puis vint le pétrole et voilà qu’ont poussé les bâtiments les plus extravagants et qu’une ville est née gagnée sur le sable et la mer.

Artificiel tel est le premier mot qui vient à l’esprit du visiteur qui s’interroge sur une société dont seulement 10 % des habitants sont citoyens et dont l’essentiel des revenus provient de la manne pétrolière. Certes Abu Dhabi est plus discret que son voisin commercial, Dubaï, moins dogmatique que l’Arabie Saoudite ou le Qatar. Abu Dhabi a eu la chance d’avoir un « fondateur », le Cheikh Zayed, qui a su éviter les pires des excès et qui a veillé à maintenir un certain équilibre entre tradition et modernité. A côté de la somptueuse mosquée qu’il a fait construire (et qui ressemble à un palais des mille et une nuits), il a laissé une certaine liberté aux autres religions ce qui contraste avec ses voisins saoudiens ou qataris. Abu Dhabi ne vit pas au-dessus de ses moyens et l’équilibre fiscal des Emirats se situerait à $68 le baril de pétrole.

Mais peut-on parler de développement économique, peut-on faire de ces émirats des modèles alors que le gâchis y est permanent, qu’un peuple d’esclaves vit dans l’ombre de quelques privilégiés qui peuvent  s’offrir les Louvre et autres Guggenheim de la planète.

Artificiel c’est bien le mot, au cœur d’une région déchirée. Que la Syrie et la Palestine sont loin !

 

 

2 Novembre 2015

Sport

 

La lecture de l’Equipe, ce matin, est un peu déprimante : retour sur la défaite française en Coupe du Monde de Rugby, interrogations sur la forme d’ «Ibra» avant une rencontre entre le PSG et le Real …  Tout ceci présente-t-il quelque intérêt ? Il s’agit de professionnels payés pour jouer quel que soit le maillot qu’ils portent et pratiquement tous les sports sont soumis à la même enseigne plus ou moins dorée !

Et puis dans l’avion, l’occasion de revoir « les Charriots de Feu », le merveilleux film de Hugh Hudson sur l’équipe britannique d’athlétisme aux Jeux Olympiques de Paris de 1924 (ceux pour lesquels on construisit le fronton de pelote basque de la porte de Saint Cloud, mais c’est une autre histoire …). En ces temps-là le sport était certes le fait de quelques privilégiés et le film est de ce point de vue un peu caricatural même s’il est fondé sur des personnages réels : un pasteur écossais qui disparaitra plus tard en Chine (Liddel, qui refusera de courir le 100 mètres un dimanche et gagnera le 400 mètres en 47 secondes), un juif de Cambridge (Abrams), un aristocrate anglais …

Un brin réactionnaire on se prend à rêver  en ces temps où le sport n’était pas marchandise (mais déjà nationaliste), où le seul orgueil était de participer, où la seule gloire tenait en quelques lauriers. Tout ceci n’a plus guère de sens y compris même pour l’athlétisme et c’est au fond assez logique. Les Charriots de Feu racontent une autre histoire. Celle d’un monde qui a disparu il y a bien longtemps.

 

30 Octobre 2015

Chine

 

La Chine vient de prendre un virage historique avec l’autorisation donnée aux chinois d’avoir un deuxième enfant. Jamais en effet il n’y avait eu dans l’histoire des hommes pareille politique coercitive en matière de contrôle des naissances : en 35 ans, on estime que plus de 400 millions de naissances ont été « évitées ». La politique de l’enfant unique était devenue la règle et le taux de fécondité des chinoises s’était effondré de moitié depuis 1980. D’un point de vue démographique, le résultat est incontestable : la population chinoise devrait plafonner autour de 1.4 milliard de personnes vers 2030 avant que de décliner. Mais la diminution de la population en âge de travailler sera beaucoup plus rapide et la pyramide des âges chinoise – qui ressemble déjà à une toupie – accusera un déséquilibre encore plus profond.

Mais le pire n’est pas là : la Chine a durant ces trois décennies développé une culture de l’enfant unique dont elle aura bien du mal à se défaire et ce d’autant plus que dans les campagnes, elle se conjugue avec l’abandon des enfants par les parents partis travailler dans les villes.

Longtemps, la famille – autour des grands parents – a été un des piliers de la société chinoise. La mutation du rural à l’urbain l’a fragilisée au moment même où les dirigeants chinois lui redonnent une place centrale. Trop tard ?

 

29 Octobre 2015

Taux

 

« Va-t-elle bouger ? Quand va-t-elle enfin mettre un terme à la plus longue période de politiques monétaires non orthodoxes qu’aient connu les Etats-Unis pratiquement depuis le New Deal ? » Elle, c’est bien sûr Janet Yellen, la patronne de la Fed dont les marchés attendent désespérément quelque décision. Et, en toute logique elle aurait dû agir cette semaine et avec une hausse de 25 points de base mettre un terme à l’angoisse des marchés. Mais voilà : n’est pas Alan Greenspan  qui veut. Janet

Yellen n’a pas bougé remettant à plus tard une décision qui pourtant semblait évidente et surtout dont les marchés avaient déjà anticipé les conséquences.

Et la publication de chiffres bien médiocres pour la croissance américaine au troisième trimestre (+1.5 %) ne va pas arranger les choses : on peut maintenant parier sur la paralysie de la Fed au moins jusqu’à la fin de l’année.

Or on ne saura trop dire que des taux t’intérêts nuls voire même négatifs transmettent des messages erronés aux acteurs économiques : l’argent doit avoir un prix permettant d’orienter les choix de politique économique. Cette semaine l’Italie vient de rejoindre le club des pays émettant de la dette souveraine à taux négatif : - 0.023 % pour des bons du trésor à dix ans. Au même moment un pays comme le Sri Lanka émettait à 7 %. Certes les risques sont différents mais à force de ne prêter qu’aux riches on récolte l’échec du développement économique.

 

 

28 Octobre 2015

Matières Premières

 

La chute se poursuit sur les marchés de matières premières : à la une cette fois-ci le gaz naturel qui sur le marché américain vient de tomber en dessous de la barre des $2 le million de « british thermal unit » (mbtm) ce qui serait à peu près l’équivalent de $ 12 le baril équivalent pétrole, et le minerai de fer qui a crevé le plancher des $ 50 la tonne (cf port chinois). Dans l’un et l’autre cas on est au plus bas depuis une dizaine d’années.

Bien sûr on pense à la Chine et à la baisse éventuelle de ses importations. Or la Chine n’a qu’une influence marginale sur le marché du gaz naturel et en ce qui concerne le minerai de fer ses importations seront en 2015 à peu près équivalentes à 2014. Les responsabilités chinoises sont plus évidentes en ce qui concerne la chute des prix de l’aluminium mais là la Chine est productrice et de plus en plus exportatrice.

Et c’est bien là qu’est la cause générale de la baisse des prix des matières premières. C’est bien l’augmentation de la production liée à de nouvelles technologies comme pour le gaz et le pétrole de schiste ou tout simplement à l’arrivée de nouvelles capacités émanant d’investissements décidés à l’époque où les prix mondiaux étaient élevés et où la demande semblait devoir croitre à l’infini : c’est le cas de la production australienne de fer, du nickel de Nouvelle Calédonie, du cuivre de Mongolie. Pour l’instant la Chine n’a pas encore diminué ses importations. Mais que se passera-t-il si son ralentissement devient effectif.

 

 

27 Octobre 2015

Réfugiés

 

A l’approche de l’hiver, on rentre en Europe dans la deuxième phase de la crise des réfugiés. Au départ il y eut la compassion et, de manière inégale, l’accueil des réfugiés et l’ouverture des frontières notamment allemandes.

L’heure est maintenant à la crainte des débordements et pour certains au rejet pur et simple : après la Hongrie et la Slovaquie, voilà l’Autriche qui parle d’édifier un mur, voilà la Pologne dont le vote dimanche dernier était teinté de xénophobie et puis tous les autres qui, sans le dire ouvertement, se repassent la « patate chaude » de quotas d’immigration dont personne ne veut en réalité. Et que dire de nos vertueux voisins nord-américains dont les frontières restent hermétiquement fermées…

Et voilà les routes des Balkans qui se couvrent d’improbables cortèges comme l’Europe n’en avait pas connu depuis soixante-dix ans. Mais les portes se ferment et la pression demeure en provenance de Syrie, d’Erythrée, d’Afghanistan et de tous ces lieux où règne la folie des hommes.
On se prend à rêver d’une véritable initiative européenne dotée d’un financement suffisant offrant à la fois des solutions de transition et  puis aussi des options plus définitives. Pour beaucoup de ces réfugiés, c’est une migration sans retour comme le monde en a connu à la fin du XIXe siècle. A l’époque on rêvait d’Amérique ; ceux-là rêvent d’Europe. Ils sont bien les seuls !

 

 

25 Octobre 2015

Afrique

 

En de nombreux pays africains, on votait aujourd’hui : en Côte d’Ivoire, au Congo, après la Guinée et avant le Gabon et quelques autres encore … On vote où on fait comme si ? Car partout c’est le même scénario de dirigeants s’accrochant à leur pouvoir et n’ayant souvent aucun mal à corrompre une bien faible opposition ? Ainsi se perpétuent des dynasties familiales qui mettent en coupe réglée leur fief. Ce n’est d’ailleurs plus là le seul apanage de l’Afrique francophone. Il en est de même en Afrique de l’Est où l’estimable nonagénaire Robert Muyabe vient de recevoir le prix Confucius, le « prix Nobel de la paix » décerné par une fondation chinoise de Hong Kong. Mieux vaut en rire !

La chute des prix du pétrole et des minerais ne semble pas avoir d’influence sur les habitudes de ces prédateurs qui jouent avec habilité de la lâcheté occidentale et des appétits  chinois et indiens : une quarantaine de chefs d’état africains ne sont-ils pas attendus la semaine prochaine à Dehli pour un sommet Inde-Afrique !

Bien sûr il est facile de critiquer du haut des deux siècles d’une démocratie française que ne fut pas avare de crises et de coup d’état ces démocraties africaines, vieilles de quelques décennies et prisonnières des découpages coloniaux. Mais l’Afrique est l’enjeu majeur du développement de l’humanité au XXIe siècle. Elle mérite mieux !

 

 

22 Octobre 2015

Anniversaire

 

Diable, diable, 64 ans et donc l’entrée dans ma soixante cinquième année. L’horloge du temps tourne inexorablement.

Dans le carnet  des Echos, qui me fait la gentillesse de m’y inclure, je retrouve quelques « camarades » de cette promotion du 22 Octobre. Nous avons perdu notre Prix Nobel de littérature, Doris Lessing, mais René de Obaldia, notre doyen de 97 ans est toujours là tout comme Catherine Deneuve dont la dernière apparition cinématographique, il y a quelques semaines, dans une pochade belge quelque peu délirante « Le dernier nouveau testament » (Dieu le père est un vieil alcoolique misanthrope habitant Bruxelles …) ne fut pas très convaincante.

Il y a aussi Katherine Pancol dont les chiffres de tirage écrasent les miens ou ceux de notre benjamin, l’économiste « atterré » Philippe Askenazy …

J’ai donc largement dépassé l’âge qui était celui de l’espérance de vie à la naissance de mon père en 1909, un 24 octobre. Ceci permet de mesurer les extraordinaires progrès qu’a connu l’humanité en un siècle. Mais à l’époque on ne parlait guère de retraite.

Grace au statut des professeurs d’université j’ai la chance d’avoir devant moi encore cinq années de vie « active », la chance aussi d’un métier qui chaque jour me rajeunit un peu au contact d’étudiants qui communient dans mon enthousiasme pour un monde « qui est notre jardin ». Ils m’ont offert ce matin un beau gâteau et une bouteille de vin géorgien. La vie est belle. Merci à tous !

 

 

 

20 Octobre 2015

Italie

 

Une page de publicité dans « The Economist » : une ravissante jeune femme proclame « We are the change ». A la lecture du texte on comprend que c’est la « Poste italiane » qui prépare son introduction en bourse (quotazione posteitaliane it). Décidément il se passe des choses dans l’Italie de Monsieur Renzi.

Il y a quelques jours déjà il avait fait sensation en nommant à la tête de la Cassa Depositi e Prestiti (CDP), l’équivalent italien de la Caisse des Dépôts française, une vieille dame de 165 ans qui gère un actif de 410 milliards d’euros, deux banquiers du secteur privé : l’un est l’ancien patron de Goldman Sachs en Europe et l’autre a dirigé BNP Paribas en Italie. La CDP, plus encore que la Caisse des Dépôts en France, est le bras armé de l’état italien : elle contrôle un quart du capital du pétrolier Eni, deux tiers du chantier naval Fincantieri et détient une multitude d’autres participations. Le mandat des deux dirigeants est clair : « secouer le cocotier » et contribuer à la relance de l’économie italienne.

Quel contraste avec la France où il serait inconcevable que ce type de postes ne soit la chasse gardée de hauts fonctionnaires et si possible d’inspecteur des finances aux pédigrées politiques irréprochables. Et quand l’un d’entre eux a le malheur d’avoir fait une incursion dans  le privé (chez BNP Paribas justement) quel tollé de la part des tenants de l’ordre républicain.

De Mario Monti à Mattéo Renzi, dans des styles bien différents, l’Italie nous montre un chemin que la France ferait bien d’emprunter.

 

 

19 Octobre 2015

Spéculation

 

Débat au Parlement Européen à Bruxelles organisé à l’occasion de la Journée Mondiale de l’Alimentation : comment nourrir sept milliards d’hommes aujourd’hui et dix milliards demain ?

Autour de la table, on trouve les protagonistes habituels, parlementaire européen, ONG (Oxfam en l’occurrence), la FAO et même une société de négoce international (Bunge). Le débat est courtois mais le président de séance, l’ancien rapporteur des Nations Unies sur l’alimentation, M de Schuyter, en fait rapidement un dialogue de sourds. Pour lui – et sans caricaturer son discours – la faute essentielle est celle de la spéculation et il faut être « naïf » pour ne pas y voir le mal absolu.

Comme ne pas lui rappeler que la question de l’influence de la spéculation financière sur la formation des prix est une question traitée dans les milieux académiques depuis les années vingt et qu’aucun travail universitaire sérieux n’a démontré de lien de causalité entre spéculation et instabilité. La seule analyse empirique, aujourd’hui, de marchés comme ceux du blé et du riz, du sucre et des produits laitiers, le montre bien. Il faut certes encadrer les marchés, les rendre transparents et disposer de véritables autorités de régulation comme la CFTC aux Etats-Unis. Mais en Europe, la MIFID II va beaucoup trop loin dans le sens des restrictions.

Mais nous n’en étions pas là cet après-midi. Dans une vision manichéenne, on cherchait des boucs émissaires. La  réalité du défi alimentaire mondial est ailleurs.

 

 

17 Octobre 2015

Rugby

 

Quelle déculottée ! Ce soir le spectacle offert par l’équipe de France de rugby face aux All Blacks néozélandais fut pitoyable. Comme beaucoup nous étions devant notre écran, trois générations avec Jules qui, à six ans, commence à jouer à Toulouse.

Les français furent besogneux, les  néozélandais aériens et à la fin de la partie on assista à un festival d’essais plus brillants et inventifs les uns que les autres. Après l’Angleterre, la France sort par la toute petite porte.

Le rugby a en France un curieux statut. Ce n’est pas vraiment un sport national puisqu’il ne couvre géographiquement qu’un gros quart du pays, la vieille langue d’oc où on pratiquait la sioule, de Bayonne  à Brive puis Toulouse et jusqu’à Béziers avec quelques places fortes excentrées à Toulon, Bourgoin, Clermont Ferrand et bien sûr Paris. En tant que sport de pratique populaire, devant le football, il ne dépasse guère le piémont pyrénéen. Il pèse moins que le basket ou le hand ball pratiqués dans toutes les cours de récréation. Et  pourtant son audience pour des grands événements comme ce soir est immense, aussi importante que celle du football. Le paradoxe est que pour nourrir un championnat de qualité – le « top 14 » - la France est devenue une terre d’accueil pour certains des meilleurs joueurs de la planète et surtout de l’hémisphère Sud. Mais voilà, réduite à ses seules forces, l’équipe de France fait grise mine.

 

 

14 Octobre 2015

La Faim

 

Martin Caparros est un écrivain et journaliste argentin. Buchet-Chastel publie la traduction de l’ouvrage - fleuve qu’il vient de consacrer à « La Faim » et dont nous débatons ce soir. Près de 900 pages d’un torrent verbal qui prend aux tripes comme peu de livres ne l’ont jamais fait sur pareil sujet.

Caparros s’est attaqué à la faim comme symbole de la pauvreté absolue. Son livre est avant tout un voyage chez les pauvres, ceux qui souffrent de la faim « classique », du Niger au Bangladesh ou à Madagascar. Mais un des chapitres les plus forts est consacré aux Etats-Unis et au drame de l’obésité et de la « malbouffe ». Et puis en Argentine, il parle des « cartoneiros » de Buenos Aires et de la misère des bidonvilles. Partout la faim existe à des degrés divers mais comme un symbole de la pauvreté extrême. Caparros raconte, s’indigne, emmène le lecteur au plus bas, l’interpelle, le malaxe. Le résultat est que même le lecteur quelque peu averti sort de là sonné mais aussi passionné.

Certes sur nombre de points, dès qu’il s’agit d’expliquer les marchés et les politiques, l’auteur trouve ses limites et le « spécialiste » peut reprendre le dessus. Mais ce ne sont là presque que des détails : ce n’est pas un livre d’économie, c’est un cri qu’il faut entendre et chercher à comprendre bien au-delà de la faim et des problématiques agricoles. « La faim, nous dit Caparros, est la forme la plus extrême de la pauvreté… nous appelons faim l’impossibilité d’imaginer un avenir »

 

 

12 Octobre 2015

Proche Orient

 

Attentat sanglant à Ankara ; résurgence de l’intifada à Jérusalem où des adolescents attaquent au couteau des juifs ; poursuite sans fin du conflit en Syrie ; percée des talibans en Afghanistan et « ratés » américains avec le bombardement d’un hôpital de MSF … Et que dire de la situation en Lybie ou en Irak. Rarement le chaudron du Proche Orient aura été aussi bouillant, laissant l’Occident au sens le plus large, des Etats-Unis à la Russie, de l’Europe à la Chine, dans l’impuissance la plus totale.

Faut-il intervenir comme le fait la Russie, s’en laver les mains comme le voudrait Barack Obama après avoir détruit les fragiles équilibres précédents, jouer la mouche du coche comme le fait aujourd’hui la France ? La vérité est qu’il n’y a pas de bien ni de mal, de juste ni d’injuste mais une situation inextricable, héritage d’une histoire bien antérieure au malheureux traité de Versailles, héritage aussi de dérives religieuses devenues incontrôlables, de l’Islam au judaïsme. A peine croit-on avoir réglé un problème que le brasier reprend en un autre point : la situation se normalise-t-elle un peu en Iran que c’est la Turquie qui inquiète à nouveau. L’enlisement caractérise nombre de conflits de la Syrie au Yémen sans oublier la Palestine et Israël. Tandis que certains continuent à souffler sur ces braises, l’Europe reste impuissante, ouvre ses frontières puis les referme tant la peur est contagieuse face à cette folie que rien ne semble devoir arrêter.

 

 

9 Octobre 2015

Damaris

 

Damaris vient de naitre à Dakar. Elle est notre neuvième petite fille, la première à naitre ainsi hors de France. Ce prénom original est celui d’une athénienne qui aurait fait partie des rares converties par l’apôtre Paul durant son séjour à Athènes, lorsque devant les philosophes de l’Aéropage il ne rencontra qu’un scepticisme poli.

Partons donc de Grèce pour raconter à Damaris le monde dans lequel elle vient de naitre : pendant tout le temps où Damaris prospérait dans le ventre de sa mère, la Grèce fut au centre des soucis européens. La naissance a eu lieu sous le gouvernement Tsipras II, un Alexis Tsipras qui a pratiquement accepté toutes les conditions européennes qu’il rejetait il y a encore quelques semaines. Pourtant Damaris nait en une Europe en proie aux populismes et au régionalisme : vote catalan, potentiel Brexit britannique, percée électorale des extrême droites mais aussi des mouvements alternatifs comme Podemos en Espagne, rarement le vaisseau européen aura autant tangué, secoué qu’il est par la vague de réfugiés la plus forte qu’il ait connu depuis la seconde guerre mondiale. La veille de la naissance de Damaris, Angela Merkel et François Hollande sont intervenus de concert devant le parlement européen à Strasbourg. Ont-ils convaincu ? Ce n’est pas certain.

En effet, si l’Allemagne a été exemplaire tout comme la plupart des pays scandinaves, on ne peut en dire autant d’une France timorée, déchirée par les contradictions politiques et où la moindre parole mal contrôlée dans les « étranges lucarnes » devient objet de scandale à l’image du scandale provoqué par Nadine Morano.

Disons le tout de suite : Damaris est de « race blanche » et sera bientôt baptisée selon le rite catholique romain. Née à Dakar, dans un pays à majorité musulmane (mais de ce merveilleux islam de tolérance qu’est celui des confréries mourides), elle découvrira bien vite l’autre dans toute sa diversité et elle en sortira grandie comme une société française qui sans renier ses origines doit apprendre à s’enrichir de ses différences. A Dakar, Damaris est une « immigrée » et elle ne devra jamais l’oublier.

Dans quelques jours, les grands de ce monde vont se réunir à Paris pour parler – et si possible agir – à propos de la planète dans laquelle la petite Damaris va vive tout au long de ce XXIe siècle (son espérance de vie dépassant les 80 ans, peut-être même connaitra-t-elle le XXIIe siècle !). La tâche est rude tant les déséquilibres, environnementaux mais aussi économiques et sociaux sont importants, tant aussi les tensions demeurent en nombre de points du globe à commencer par ce véritable chaudron qu’est le Moyen Orient, de la Palestine à la Syrie. Ce sera à la génération de Damaris d’assurer – vers 2050 – la responsabilité de ce monde et entre temps il faut espérer qu’un peu de sagesse aura fini par l’emporter sur la folie des hommes.

La naissance d’un enfant est de toute manière un formidable message d’espérance adressé à tous les pessimistes malthusiens ; alors comme l’a dit François, celui d’Assise et plus récemment celui de Rome : Laudato Si Signore … merci !  

 

7 Octobre 2015

Croissance et pauvreté

 

Léger vent de pessimisme sur la planète avec la publication des dernières prévisions de croissance du FMI pour le monde : 3.1% « seulement » en 2015. Certes le monde a « roulé » au début de ce siècle autour de 4 et même de 5 %. Mais sur la longue période ces 3.1 % pour l’économie mondiale restent remarquables, et bien supérieurs à la croissance démographique. La révision à la baisse des prévisions provient essentiellement de la prise en compte de déceptions que l’on pouvait largement anticiper qu’il s’agisse de la Russie et surtout du Brésil. La baisse des prix des matières premières a pour l’instant un effet récessif plus marqué chez les producteurs qu’elle n’apporte de dynamique plus favorable chez les consommateurs. En fait comme dans tous les exercices actuels de prévision, l’inconnue majeure reste chinoise et en ce domaine, avec 6.8 % anticipés, le FMI reste consensuel.

Au même moment la Banque Mondiale envoie un signal beaucoup optimiste : la pauvreté diminue dans le monde et on serait passé en dessous de la barre du milliard de « pauvres » : à la fin de l’année, il n’y aurait « plus » dans le monde que 702 millions de pauvres soit 9.6 % de la population mondiale. En 1990 on comptait près de 2 milliard de pauvres. La pauvreté est désormais définie par u seuil de survie de $ 1.90 par personne et par jour. On parle là, bien sûr de l’extrême pauvreté, celle d’un tiers monde qui concentre la moitié des pauvres de la planète en Afrique subsaharienne. La progression est impressionnante et illustre bien l’extraordinaire décollage de l’Asie, Chine et Inde en tête. Mais en contrepoint de nos analyses conjoncturelles, elle montre bien qu’il existe encore trop de régions vivant à l’écart de la dynamique de l’économie mondiale.

 

6 Octobre 2015

Air France

 

Vol sur Air France au retour de Casablanca. Cette nuit on avait en boucle sur les chaînes de télévision des images surréalistes de dirigeants lynchés par des manifestants et fuyant, leurs vêtements lacérés : le résultat de l’annonce d’un nouveau plan de restructuration, dit cette fois « attrition» c’est à dire de réduction de la voilure et donc de licenciements. On est là bien loin des jours glorieux de la fusion Air France et de KLM, devenu un moment la première compagnie aérienne mondiale !

Depuis il y a eu le choc pétrolier et puis surtout le développement des compagnies « low cost » en bas de l’échelle, des compagnies du Golfe sur le haut de gamme. Les pavillons à vocation « universelle » comme Air France, sans véritables points forts, étaient condamnés par ce véritable tremblement de terre (ou d’air … !) à s’adapter ou à disparaître. Aux Etats-Unis cela eut lieu dans la douleur du « chapter 11» ; en Europe, il y eut les faillites de Swissair et de Sabena et l’état moribond d’Alitalia. Mais au pied du mur, Air France est un peu à l’image de la société française. Chacun s’arcboute sur ses privilèges, ses avantages acquis. L’état étant encore actionnaire, le politique temporise. Aujourd’hui c’est –semble-t-il – la caste des pilotes qui bloque toute évolution. Mais hier c’étaient les lampistes qui manifestaient conscients d’être les dindons d’une farce qui les dépassent.

Cruelle image d’une France bloquée, incapable de quelque relation de confiance que ce soit et préférant le suicide au changement.

 

1er octobre 2015

Budget 2016

 

C’est la saison des budgets 2016. Celui de la France présenté avec satisfaction par Michel Sapin n’est ni pire, ni meilleur que ceux qui l’ont précédé : en période quasiment pré-électorale, le courage budgétaire serait une forme de suicide. Alors pour cacher cette médiocre cuisine, tout est dans l’art de la présentation.

L’hypothèse de croissance choisie (1,5%) est plutôt optimiste mais là n’est pas l’essentiel. Car le déficit reste à peu près identique au milliard près (73) alors même que certains engagements récents ne sont pas pris en compte. L’état français prévoit 374 milliards de dépenses pour 301 milliards de recettes. La charge de l’intérêt de la dette – qui dépassera les 2000 milliards – n’étant que de 44 milliards, la France est donc en déficit primaire ! De manière quelque peu démagogique, on se concentre sur l’impôt sur le revenu – qui ne pèse « que » 72 milliards de recettes – et dont on se flatte, par le biais de la décote, de diminuer le fardeau pour les premières tranches. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt…

Car avec un taux de prélèvement de 44,5 % du PIB et un poids des dépenses publiques dans le PIB de 55,1 %, la France demeure l’un des derniers grands états « soviétiques » de la planète. Ce n’est pas nouveau et longtemps ce « modèle » français a plutôt bien fonctionné. Mais il est aujourd’hui à bout de souffle.

Honnête tâcheron,  Michel Sapin a raboté un peu partout, fragilisant l’ensemble de l’édifice sans avoir le courage politique de couper les branches mortes. Emmanuel Macron a beau se répandre dans les médias, c’est bien l’immobilisme budgétaire qui triomphe.

 

13 Septembre 2015

Royaume Uni

 

Les travaillistes britanniques ont donc élu à leur tête le plus improbable des candidats, Jérémy Corbyn. Celui-ci occupe depuis la trentaine d’années qu’il est député d’Islington une place originale sur l’échiquier politique britannique : celle de l’opposant marginalisé au virage des travaillistes vers  la « Troisième voie » chère à Tony Blair au lendemain de la longue période thatchérienne. Ce « gauchiste ascète »  est resté fidèle aux engagements de sa jeunesse et rêve d’un retour au Labour d’antan, celui qui avait présidé au déclin britannique des  années cinquante et soixante. Son originalité est telle que l’on peine à lui trouver des équivalents dans une Europe et surtout en France où le gros des gauchistes a depuis longtemps rejoint les rangs de la gauche … caviar ! De ce point de vue le contraste avec un trublion comme le grec Varoufakis, reçu en grandes pompes à la Fête de l’Humanité, est saisissant. Accordons à Jérémy Corbyn au moins le mérite de la fraicheur et d’une certaine innocence. Pourtant le parallèle avec Podémos,  Syriza ou dans une moindre mesure les Cinq Etoiles italiennes s’impose. Les très nombreux britanniques qui ont voté se sont prononcés contre l’austérité et le déclin de l’état providence britannique (le modèle beveridgien) malgré l’apparente prospérité apportée par une croissance supérieure à 3 %. La victoire de Corbyn c’est celle des oubliés de cette croissance, ceux que l’on retrouve dans les films de Ken Loach. C’est bien sûr un cadeau électoral pour David Cameron mais c’est aussi un message pour la classe politique britannique que l’on aurait tort de négliger.

 

11 Septembre 2015

Allemagne

 

Dans le Financial Times, l’économiste Guntram Wolff a fait une comparaison audacieuse en qualifiant l’accueil que font les allemands aux réfugiés du Moyen Orient de « deuxième moment huguenot ».

Au lendemain de la révocation de l’édit de Nantes, une bonne partie des protestants français prit le chemin de l’exil. C’était en général des représentants de la nouvelle classe bourgeoise qui se trouva décapitée pour longtemps dans une France absolutiste. Ces huguenots allèrent en Angleterre, dans les Provinces Unies, en Russie et pour nombre d’entre eux dans le Brandebourg où ils jouèrent un rôle déterminant dans l’émergence de la Prusse. Berlin fut ainsi une ville huguenote.

Pourrait-il en être de même aujourd’hui avec l’accueil chaleureux fait aux réfugiés de Syrie par une Allemagne presque unanime ? De tous les pays européens l’Allemagne est en tout cas celui qui va le plus loin dans la main tendue à ces migrants : au-delà du calcul économique, il y a certainement aussi la volonté d’éradiquer une dernière fois la malédiction de la shoah et puis aussi le souvenir de tous ces migrants (14 millions) que furent les allemands de Prusse orientale en 1945. Mais il y a avant tout une conception allemande de la liberté (ordolibéralisme) qui est au cœur de la vision d’Angela Merkel et de ses concitoyens.

L’Allemagne administre en tout cas au reste de l’Europe une leçon de dignité et de générosité sans équivalent. L’exemple des huguenots montre qu’elle peut aussi y gagner !

 

9 Septembre 2015

Impôts

 

« Un bon impôt  est un impôt proportionnel avec un taux bas sur une assiette large ». Cette déclaration d’Arthur Laffer (le père de la célèbre courbe qui inspira Reagan) vaut d’être méditée à l’aune des projets fiscaux concoctés par le gouvernement français.

La stratégie fiscale française consiste à sortir le plus grand nombre possible de foyers de l’impôt sur le revenu : avec les projets actuels il n’y aurait en France en 2015 que 46 % des foyers imposés : en 2009 on avait atteint un minimum de 43 %, ce qui montre bien au passage que la vision de l’impôt « injuste » est partagée tant par la gauche que par la droite.

Quelle erreur ! Reconnaissons déjà que l’IR (75 milliards d’euros en 2015) est l’arbre de plus en plus menu qui cache en France une forêt fiscale – et parafiscale – d’une rare inventivité. La plupart sont discrets à l’image de la TVA et affectent beaucoup plus la consommation que les revenus. Or l’impôt le plus juste est bien celui inventé par Joseph Caillaux : l’impôt proportionnel et progressif (un adjectif que ne partage pas Laffer partisan de la « flat tax »). Responsabiliser les français, les amener à un comportement de citoyens et non de consommateurs de l’état providence, commence par le paiement d’un impôt direct même symbolique.

Se réjouir de sortir en 2015 un million de français de plus de l’impôt sur le revenu est une véritable régression démocratique au-delà d’ailleurs de toute réflexion fiscale qu’il faudra bien un jour avoir.

 

3 septembre 2015

Migrants

 

Une simple photo peut-elle changer le cours de l’histoire ? À la Une de nombre de journaux ce matin, il y a cette image d’une plage turque et au bord de l’eau le corps d’un enfant, la face baignée par l’écume qui semble lui offrir l’ultime tendresse que les hommes n’ont pas su lui donner. À côté de lui, debout, un policier turc reste impuissant comme tous ceux qui prendront cette photographie de plein fouet comme une gifle les secouant de la torpeur de leur bonne conscience.

Au même moment, il y a Calais bien sûr, mais aussi la gare de Budapest, la frontière de la Macédoine ou de la Bulgarie, Lampedusa ou Malte…

Rarement, l’Europe a été soumise à pareil afflux de réfugiés au sein desquels se mêlent les victimes des guerres et celles de la pauvreté. Comment ne pas penser aux Juifs allemands pour lesquels les portes se sont fermées à la fin des années trente à commencer par celles du monde anglo-saxon : on aimerait d’ailleurs aujourd’hui entendre la voix des États-Unis si prompts à déclencher des guerres puis à s’en laver les mains quitte à laisser la vieille Europe en première ligne.

Mais il est trop facile de désigner des responsables voire des coupables. Face à ce drame, il n’y a d’autre réponse que l’accueil à l’image de ce que prône Angela Merkel. L’attitude de la France est bien l’image d’un pays qui a peur, qui est frileux, qui imagine que l’on peut rester dans son petit bonheur médiocre alors que meurent des innocents sur des plages de sable fin.

 

1er septembre 2015

Laïcité

 

Rentrée des classes en France. L’appareil – quasi soviétique – de l’Éducation nationale se met en marche lourdement, confronté à une tâche immense, celle non seulement d’instruire, mais d’éduquer de futurs citoyens alors même que les autres cellules d’éducation, à commencer par la famille, sont de plus en plus absentes.

Le maître mot cette année est laïcité, et l’on se croirait presque revenu au temps de l’anticléricalisme virulent du début du XXe siècle. Si la religion en ligne de mire est cette fois l’Islam, le discours n’a guère changé et englobe l’ensemble du fait religieux dans une vision obscurantiste d’une « laïcité de conscience et de conviction ».

La définition officielle de la laïcité est « la liberté de penser et de croire ou de ne pas croire ». Fort bien, et cette liberté de choix est au cœur de la construction des grandes démocraties. Mais encore faut-il savoir pour choisir. Le fait religieux est trop important pour qu’on le passe sous silence et qu’on le limite à une sphère privée à l’intérieur de laquelle il est trop facilement manipulé. La laïcité à la française ne peut se comprendre sans la connaissance approfondie du Christianisme et maintenant aussi de l’Islam. Il serait grand temps de reprendre l’idée de Régis Debray de parler de Dieu à l’école. Malheureusement, cela n’est guère dans l’air du temps.

 

31 août 2015

Football et Alcatel

 

C’est aujourd’hui que se termine le grand « mercato » du football européen. Et cette année encore les chiffres font rêver avec des joueurs échangés pour plusieurs dizaines de millions d’euros. Au même moment se déroule un autre type de « Mercato », chez les grands patrons cette fois, avec en France le transfert de Michel Combes d’Alcatel à Altice.

Curieusement, les règles du jeu sont différentes : pour le football ce sont les clubs qui vendent leurs joueurs, qu’ils ont souvent, sinon formés, aux moins favorisés dans l’épanouissement de leur carrière. Bien sûr, le joueur gagne au change, mais c’est par exemple Manchester United qui a touché les € 63 millions de l’achat de l’Argentin Angel di Maria par le PSG. Pour les entreprises, c’est l’inverse : Michel Combes recevra à terme € 14 millions versés par Alcatel. Altice a peut-être prévu de lui verser un chèque de bienvenue (le « golden hello »), mais rien ne reviendra à Alcatel qui a pourtant participé à la « formation » de son dirigeant. Il y aurait au fond une certaine logique à ce qu’Alcatel touche un dédit pour ce transfert alors même que le championnat de l’électronique ne marque aucune trêve. Il y a quelque raison de s’indigner des sommes en jeu tant pour les grands patrons que pour les sportifs. Mais au moins dans le sport professionnel, les choses sont claires alors que dans le monde de l’entreprise – en France du moins – l’hypocrisie est de mise.

 

30 août 2015

Politique française

 

C’est le temps en France des universités d’été où l’on est censé préparer la rentrée politique et sociale. Tous les partis, tous les candidats potentiels pour 2017, de nombreuses organisations comme le Medef sacrifient à ce rite. On s’y embrasse pour mieux se mordre, on s’y déchire, on y prononce des discours immortels faits pour être oubliés, on y échafaude des combinaisons, des alliances, des trahisons.

À ce petit jeu, les Verts (EELV) sont les plus forts et les portes qui claquent ressemblent à de véritables tambours qui donnent le vertige. Chez les socialistes on se déchire aussi, d’autant plus que le ministre de l’Économie ne rate pas une occasion pour provoquer la colère de ceux qui rêvent d’un Syriza à la française. À droite, les choses sont plus subtiles, les candidats potentiels se marquant au plus près. Quant au Front national, en pleine geste œdipienne, il savoure sa respectabilité nouvelle et même la bénédiction de l’Église catholique au moins dans le diocèse du Var.

À la rentrée, il faudra mettre les troupes en ordre de bataille pour les régionales, des élections qui, au même titre que les Européennes, servent souvent de défouloir aux Français. Ensuite, la grande course sera lancée…

Mais au-delà de ces petits jeux politiciens. Il y a une France qui stagne, un chômage qui ne recule pas, une société bloquée, un mal français si souvent diagnostiqué, si mal traité.

 

28 août 2015

Etats-Unis

 

La semaine de tempête sur les marchés mondiaux se termine par la confirmation de la seule valeur sûre de l’économie mondiale, les États-Unis, dont la croissance au deuxième trimestre a été de 3,7 % en rythme annuel.

Comme en 2014, l’hiver avait été marqué par d’importantes vagues de froid et de neige qui avaient paralysé des régions entières. Mais comme en 2014, le rebond est maintenant impressionnant et les États-Unis pourraient atteindre les 3 % de croissance anticipés en janvier par Cyclope et qui apparaissaient à l’époque marqués au coin d’un optimisme déraisonnable.

Deux facteurs ont joué : d’une part, les ménages dont le niveau de confiance est au plus haut, encouragés par un taux de chômage qui, lui, est au plus bas. Ils profitent aussi de la baisse du coût du pétrole et sont repartis plus guillerets que jamais « on the road again » pour la traditionnelle « driving season ». D’autre part, les entreprises continuent à profiter de toutes les innovations technologiques nées aux États-Unis ainsi que, de manière plus prosaïque, du bas prix de l’énergie (pétrole et surtout gaz naturel) qui est à l’origine d’un véritable renouveau industriel américain.

Sans en être vraiment responsable, Barack Obama aura la chance de quitter la Maison-Blanche avec un pays proche du zénith économique. Il reste à la Fed à gérer la transition vers une hausse des taux d’intérêt. C’est le bon moment et on a dû en parler aujourd’hui à Jackson Hole.

 

24 août 2015

Crise boursière

 

Ambiance de panique sur les marchés boursiers de la planète : la baisse de 8,8 % de la bourse de Shanghaï a déclenché un effondrement général au fur et à mesure qu’au fil des fuseaux horaires les marchés se réveillaient. Comme d’habitude, le mouvement s’est peu à peu affaibli et avait beaucoup moins de force lorsqu’il a atteint les rivages américains : au final, les bourses européennes ont perdu 5 % alors que le Dow Jones se repliait de 1 %. Ceci étant depuis le début de l’année, le recul est impressionnant : 20 à 30 % en Asie, 15 à 20 % en Europe, 10 % aux États-Unis et au Japon.

Tout cela pour la Chine ? Si les déséquilibres des marchés monétaires et financiers sont nombreux, si les doutes économiques dominent en Europe et dans nombre de pays émergents comme le Brésil ou la Russie, il est clair que l’interrogation chinoise est d’une tout autre ampleur ? Il y a en Chine des côtés rassurants avec une économie dirigée et planifiée, mais aussi bien des démons irrationnels et corruption et spéculation marchent trop souvent de concert.

Pour l’instant, il ne s’agit que de l’éclatement d’une bulle spéculative : après 150 % de hausse, 40 % de baisse. Rien de bien grave si l’économie chinoise maintient le cap fixé par ses dirigeants à 7 % de croissance. Mais en deçà, le monde rentrera dans l’océan de tous les dangers. Quand la Chine éternue…

 

26 août 2015

Matières premières

 

Alors que la débâcle se poursuit sur les marchés de matières premières, la plupart des analystes dirigent un doigt accusateur vers la Chine qui serait à elle seule à l’origine du retournement des marchés.

Certes, la Chine est le premier consommateur et presque toujours le premier importateur mondial de pratiquement toutes les commodités à quelques exceptions près comme les céréales, le café, le cacao ou le sucre. Certes aussi, les marchés financiers sont sous l’influence de la Chine et les fonds investis en matières premières ont réagi à la tourmente boursière sans parler des produits comme le cuivre qui sont sous forte influence d’une financiarisation chinoise quelque peu échevelée.

Mais pour l’instant les importations chinoises n’ont pas diminué et demeurent même en forte croissance : en juillet 2015 (par rapport à juillet 2014), les importations chinoises de pétrole brut ont progressé de 29 %, celles de minerai de zinc de 84 %, d’étain de 27 % (et d’étain raffiné de 50 %), de caoutchouc de 70 %, d’huile de palme de 53 %, de riz de 78 %, de fer seulement de 4 %. Seules les importations de charbon ont diminué de 8 %. Bien sûr, un seul mois ne fait pas une tendance et les véritables échéances se situent à l’automne alors que, semble-t-il, les chargements à destination de la Chine sont moins importants qu’à l’habitude. Cela joue certainement sur des marchés déjà largement excédentaires qui s’inquiètent de la pérennité du débouché chinois. De ce côté, l’inconnue reste entière.

 

24 août 2015

Crise boursière

 

Ambiance de panique sur les marchés boursiers de la planète : la baisse de 8,8 % de la bourse de Shanghaï a déclenché un effondrement général au fur et à mesure qu’au fil des fuseaux horaires les marchés se réveillaient. Comme d’habitude, le mouvement s’est peu à peu affaibli et avait beaucoup moins de force lorsqu’il a atteint les rivages américains : au final, les bourses européennes ont perdu 5 % alors que le Dow Jones se repliait de 1 %. Ceci étant depuis le début de l’année, le recul est impressionnant : 20 à 30 % en Asie, 15 à 20 % en Europe, 10 % aux États-Unis et au Japon.

Tout cela pour la Chine ? Si les déséquilibres des marchés monétaires et financiers sont nombreux, si les doutes économiques dominent en Europe et dans nombre de pays émergents comme le Brésil ou la Russie, il est clair que l’interrogation chinoise est d’une tout autre ampleur ? Il y a en Chine des côtés rassurants avec une économie dirigée et planifiée, mais aussi bien des démons irrationnels et corruption et spéculation marchent trop souvent de concert.

Pour l’instant, il ne s’agit que de l’éclatement d’une bulle spéculative : après 150 % de hausse, 40 % de baisse. Rien de bien grave si l’économie chinoise maintient le cap fixé par ses dirigeants à 7 % de croissance. Mais en deçà, le monde rentrera dans l’océan de tous les dangers. Quand la Chine éternue…

 

21 août 2015

Pétrole

 

Le pétrole brut américain (le WTI) est passé en dessous de la barre des $ 40 le baril dans une ambiance de fin de règne. En un peu plus d’un an, il a donc perdu les deux tiers de sa valeur.

Au-delà de toutes les analyses macro-économiques, l’explication de cette chute est au fond assez simple et les derniers chiffres de l’AIE sont éclairants : au deuxième trimestre 2015, le marché pétrolier a été excédentaire de 3 millions bj (sur une production de l’ordre de 97 millions bj). Cet excédent provient pour près de la moitié de l’OPEP et au sein de l’OPEP de l’Arabie Saoudite et aussi de l’Irak surtout si on intègre les 450 000 bj exportés désormais en direct par le Kurdistan. Ceci ne prend pas en compte le retour prochain de l’Iran qui pourrait assez rapidement exporter 500 000 bj supplémentaires. Le reste de l’excédent provient des États-Unis bien sûr, mais aussi de nombreux « nouveaux » producteurs en Afrique et ailleurs. Cet excédent, ainsi que le facteur iranien, explique le marasme pétrolier actuel. Car la demande reste forte, y compris en Chine dont les importations en juillet ont progressé de 29 %.

Jusqu’où la baisse peut-elle nous emmener ? La première inconnue est celle de la réalité des coûts de production des pétroles de schiste aux États-Unis. La deuxième est saoudienne : combien de temps le Royaume va-t-il maintenir sa ligne de conduite et casser le marché ? À notre sens, en tous cas, le plancher est proche.

 

19 août 2015

Décroissance

 

À l’occasion d’une conférence à propos de l’encyclique du pape François, Laudato Si, on reparle du thème de la décroissance, évoqué au détour d’un développement sur l’environnement : « l’heure est venue d’accepter une certaine décroissance dans quelques parties du monde ». En France, le mot de décroissance a une forte connotation politique et la polémique a été vive autour de l’interprétation à donner à la pensée du pape.

Voilà pourtant que le Japon annonce à nouveau au deuxième trimestre une croissance négative (-0,4 %). Cela fait maintenant vingt-cinq ans, depuis le début des années quatre-vingt-dix et l’éclatement de la bulle immobilière que le Japon va de récessions en reprises avortées et en fait stagne avec une croissance moyenne proche de zéro. De tous les pays « avancés », il est celui qui a le moins progressé sur ce dernier quart de siècle. Et pourtant, le Japon n’est pas malheureux ! Il fait preuve au contraire d’une admirable stabilité sociale et culturelle. Il y a peu de pays qui auraient enduré un drame comme Fukushima avec autant de stoïcisme. Certes, les Japonais ne font plus d’enfants, le pays vieillit et l’immigration reste fort limitée. Les Japonais ont l’espérance de vie la plus élevée au monde, la dette intérieure la plus forte, mais parviennent à maintenir intacte leur capacité d’innovation. C’est peut-être cela la décroissance à laquelle pense le pape François. C’est en tous cas une leçon pour la vieille Europe.

 

17 août 2015

Université

 

C’est presque un « marronnier » de l’été. Chaque année en cette période, on parle du coût de la rentrée universitaire pour les étudiants et du sort de quelques malheureux bacheliers qui ont trouvé fermées les portes des formations de leur choix. La France est en effet un curieux pays qui a fait de la sélection de ses élites par le biais des concours des grandes écoles sa marque de fabrique, mais qui dénie à l’université le droit à quelque sélection que ce soit. Tout bachelier a donc le droit de s’inscrire dans le cursus universitaire de son choix même s’il est voué à l’échec, ce qui se traduit par un véritable « massacre des Innocents » en fin de première année.

Cette année, la polémique porte sur le passage de M1 (bac +4) à M2 (les masters). Fort logiquement, ceux-ci sont limités en termes d’accès. Pour le master que je dirige à Dauphine, il y a près de 300 candidats pour 40 places. Nous devons faire une sélection la plus honnête et logique possible. Cette sélection est au cœur de la logique du parcours universitaire : sélection ne veut pas dire exclusion, mais orientation. Entendre, comme cela a été le cas ce matin des politiques – trop souvent issus eux-mêmes des grands concours – s’indigner de la sélection universitaire est une véritable hypocrisie. L’université doit sélectionner, orienter afin que chacun trouve sa place en fonction de ses goûts, de ses capacités et de son travail, de son mérite même. Toute autre attitude n’est que démagogie irresponsable. C’est de cela que meurent les universités.

 

14 août 2015

Croissance française

 

C’est un zéro pointé que la France vient d’enregistrer avec la croissance du deuxième trimestre 2015. Certes, l’acquis de croissance au 1er juillet paraît suffisant pour ne pas remettre en cause le bien modeste objectif de 1 % de croissance pour 2015. Mais, encore une fois, la France est le plus mauvais élève de la classe européenne derrière la Finlande (-0,4 %), loin des 1 % affichés par l’Espagne et même des 0,2 % italiens.

La consommation des ménages n’a pas été au rendez-vous tandis que l’investissement stagnait. En réalité, c’est une sorte de torpeur qui s’est abattue sur l’hexagone. Même les réformes les plus modestes demandent des efforts de titan qui épuisent les meilleures volontés. À deux ans de son terme, on a l’impression que le quinquennat Hollande est « plié », qu’il n’y a plus rien à faire si ce n’est à regarder chaque mois la courbe du chômage prendre un peu plus de hauteur.

Cette croissance zéro est du pain béni pour les extrêmes dont parfois les analyses se rejoignent dans une mixture brun-rouge bien peu ragoûtante : c’est la tentation du repli, de la fermeture des frontières, de la dépense publique aussi, du village gaulois au fond… Tout ceci n’est pas bien sérieux, mais depuis des années les partis « du gouvernement » le sont-ils ?

 

13 août 2015

Viande porcine

 

Le marché au cadran de Plérin en Bretagne est resté fermé aujourd’hui faute d’acheteurs en nombre suffisant puisque les deux principaux industriels (Bigard et la Cooperl) ont décidé de se retirer estimant intenable le prix plancher de €1.40 le kg décidé en juin à la suite d’une grande réunion tenue sous le patronage du ministre de l’Agriculture.

Plérin est une sorte d’archaïsme français qui longtemps a été la référence pour le marché du porc en France, mais aussi en Europe. C’est un système d’enchères au cadran qui commercialise un peu moins du quart des porcs français en « physique et spot ». Alors que la plupart des marchés de produits agricoles se sont dotés de fonctions d’anticipations et sont devenus des marchés dérivés à l’image des contrats du porc à Chicago, rien de tel en Bretagne.

À la seule échelle bretonne ou française (en porc, c’est à peu près la même chose) ce ne serait pas bien grave. Mais le marché est désormais européen avec des concurrents notamment allemands et espagnols de plus en plus compétitifs tant au stade de l’élevage qu’au niveau industriel. Dès lors, imaginer que l’on peut tenir un prix plancher français, certes justifié en termes de coûts de production, alors qu’au-delà des frontières nationales on est 15 à 25 centimes plus bas est utopique.

La crise est la même pour toutes les filières porcines européennes. Mais en France, en Bretagne, elle est le révélateur d’un malaise bien plus profond dont le prix du cochon n’est qu’un indicateur presque secondaire.

 

12 août 2015

Chine

 

La décision des autorités chinoises de « dévaluer » le yuan a provoqué une onde de choc sur les marchés financiers de la planète et a accentué un peu plus la baisse des prix des matières premières dont la Chine est le premier importateur mondial.

C’est en réalité moins l’ampleur de ce repli du yuan par rapport au dollar (une baisse de 2 % alors même que le taux de change du billet vert s’est fortement apprécié par rapport à toutes les autres devises) que le signal envoyé, celui d’une certaine impuissance de Pékin à relancer l’économie au-delà des 7 % de croissance annoncés et qui semblent désormais difficiles à tenir : en juillet les exportations chinoises ont reculé de 8,3 % (et les importations de 8,1 %). La Chine subit la concurrence des pays à faible coût de main-d’œuvre et ne peut plus s’offrir le luxe d’une monnaie forte même si c’est là une condition pour la poursuite de l’internationalisation du yuan.

La décision chinoise se comprend, mais elle inquiète : les plans de relance qui s’accumulent se révèlent impuissants et l’atterrissage en douceur de la croissance économique chinoise plus difficiles que prévu. La Chine n’est ni la première, ni la dernière à jouer de la manipulation monétaire. Mais c’est la preuve que la phrase « explosive » de la croissance chinoise est bien terminée et que le temps de la maturité – et des doutes – commence.

 

5 août 2015

Hiroshima

 

Il y a soixante-dix ans, Hiroshima était rayée de la carte et le monde entrait dans l’ère atomique. Quelques jours plus tard, c’était Nagasaki, la ville de Madame Butterfly, qui subissait le même sort.

Contrairement à tout ce que craignaient les contemporains, ce furent les deux seules utilisations militaires de l’arme nucléaire. Celle-ci remplit pourtant les arsenaux de la guerre froide et connaît actuellement une inquiétante résurgence de l’Iran à la Corée du Nord. Pendant ces soixante-dix ans, la « bombe atomique » a été une menace virtuelle suffisamment efficace pour permettre au monde d’échapper à une nouvelle déflagration mondiale même aux pires moments de tension que ce soit au moment de la guerre de Corée ou de la crise de Cuba. Le moment plus tendu fut probablement celui où Truman, le président américain qui avait donné son feu vert pour Hiroshima, refusa à Mac Arthur qui commandait en Corée, d’utiliser l’arme atomique contre la Chine de Mao, soutenue par l’URSS de Staline.

Après Nagasaki, il n’y eut plus d’explosion atomique sauf dans les ouvrages ou les films de science-fiction (le thème de la Terre dévastée par la folie des hommes…). Le précaire équilibre nucléaire de la Guerre froide a probablement contribué à ce qui reste la plus longue période de paix mondiale depuis 1945. Et on peut même affirmer que ces bombes ont évité une catastrophe équivalente à la destruction de l’Allemagne quelques mois plus tôt.

 

3 août 2015

Pétrole

 

Ce soir, le baril de Brent a clôturé à moins de $ 50. Depuis la signature de l’accord sur le nucléaire iranien et alors même que les sanctions ne sont pas encore levées (elles devraient l’être en novembre), la baisse des cours était prévisible et le niveau de $ 50 probable. Mais la rapidité de réaction du marché n’en est pas moins surprenante.

À cela, deux raisons : l’Iran tout d’abord a multiplié les déclarations agressives sur le marché pétrolier, promettant d’augmenter ses ventes de 500 000 bj dès le lendemain de la levée des sanctions. De manière préventive l’Arabie Saoudite a poussé un peu plus ses feux afin de sécuriser sa part du marché, notamment en Asie.

Quant aux États-Unis, leur production de pétrole de schiste ne diminue pas, bien au contraire, et il semble bien que les coûts de revient marginaux des champs du Dakota soient bien inférieurs à ce qui avait été anticipé et plus proches de $ 40.

Ajoutons à cela les doutes sur la Chine qui pèsent moins sur les marchés pétroliers que sur ceux des autres matières premières comme le charbon ou les métaux, mais dont l’ombre gigantesque ne peut manquer d’influencer les investissements…

Ceci étant, à $ 50 le baril, sauf ralentissement chinois majeur, on peut estimer que le marché a déjà réalisé une bonne partie de son potentiel de baisse. Un tel prix fait déjà beaucoup de dégâts chez les producteurs, mais aussi chez les consommateurs qui en oublient leurs bonnes résolutions d’économie d’énergie. Dommage !

 

 

30 Juillet 2015

Calais

 

Vue de l’étranger, par la presse et les télévisions, l’actualité française se résume à la « jungle de Calais ». Chaque soir, des centaines de migrants tentent le passage vers l’eldorado britannique. La plupart échouent et certains y laissent leur vie. Curieusement, les autorités britanniques ont symboliquement fait de Calais (qui avait été leur ultime place forte en France au temps où les rois d’Angleterre rêvaient d’un sacre à Reims) et de l’entrée du tunnel sous la Manche une zone de non-droit international, mais défendue par des policiers français (les Britanniques auraient quand même payé les grillages…). Ce sont les mêmes scènes qu’au Maroc, devant Ceuta et Melilla, mais là on est à l’intérieur de l’Union européenne et ces hommes ont déjà franchi la Méditerranée et traversé l’Europe. Ils butent sur un dernier obstacle, absurde, injuste et d’une infinie cruauté.

Que faire ? Calais n’est que la partie visible d’un drame qui se joue tous les jours sur les « routes » partant de l’Érythrée, de la Syrie ou du Sahel. L’attitude des autorités britanniques et notamment du premier ministre David Cameron est d’une rare hypocrisie, mais que dire de l’irresponsabilité européenne. Avant toute chose, il y a un devoir de compassion et la France se doit de mettre un terme au « scandale de Calais ». Mais au-delà ? Ni les grillages, ni les murs de béton ne sont des réponses suffisantes. L’Europe doit mettre en place une politique cohérente, des quotas peut-être et surtout faire un effort d’accueil et d’intégration. « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli ».

 

 

29 Juillet 2015

Saint François Xavier

 

Aux confins de la Navarre et de l’Aragon, le château de Xavier est le lieu natal au début du XVIe siècle de Francisco de Xavier, le compagnon d’Ignace de Loyola, l’un des pères fondateurs de la compagnie de Jésus, les Jésuites.

Ceux-ci ont fait au XIXe siècle de Xavier un lieu de pèlerinage, restaurant le château qui n’était à l’origine qu’une tour de guet sur la frontière qui au XIe siècle séparait chrétiens et maures, et y ajoutant une affreuse basilique tout à fait dans le goût de Lourdes ou de Lisieux.

Mais quel destin que celui de ce petit noble de Navarre, étudiant à Paris, fasciné par le rêve de Loyola, qui choisit de se consacrer à la mission en utilisant les avant-postes de l’empire portugais d’Asie alors à son zénith. Ce fut l’Inde puis le Japon et enfin le rêve de la Chine qu’il ne put réaliser. La dépouille de François Xavier fut d’abord ramenée à Malacca puis à Goa où il repose encore. À l’époque où les conquistadors se taillent des empires « comme un vol de gerfauts hors du charnier natal », où les commerçants partent à la recherche des épices, François Xavier et les siens ne songent qu’à la conquête pacifique des âmes. Plus tard, les Jésuites pénètrent en Chine et rêveront d’une impossible fusion entre confucianisme et message évangélique. La question demeure aujourd’hui d’actualité et Xavier reste aux portes de la Chine.

 

 

27 Juillet 2015

Médias

 

En France, les relations entre les médias et les « Tycoons » ont toujours été ambivalentes. Aucun capitaine d’industrie digne de ce nom n’a pu résister à l’attrait irrationnel et fort coûteux du contrôle d’un journal ou plus tard d’une radio ou d’une télévision : Béghin, Prouvost, Lagardère hier, Pinault, Arnaud, Bolloré aujourd’hui et voici donc Drahi qui écrase au passage Niel et Pigasse.

Certes, on peut toujours imaginer des motivations purement « industrielles » et le vieux rêve de contrôle du contenant et du contenu sur le modèle des étoiles de la nouvelle économie d’Apple à Google. Dans un autre genre, Mike Bloomberg a fait l’itinéraire inverse de l’information vers les médias puis la politique.

Mais le cas français est quand même exceptionnel : à l’exception de La Croix et de l’Humanité, plus aucun quotidien national n’échappe au contrôle de « parrains » plus ou moins bénévolents. Il en est désormais de même pour les hebdomadaires, les télévisions et les radios à l’exception du service public. En France, le contrôle des médias fait ainsi partie du cursus honorum du capitalisme à la française. Dans la mesure où il s’agit – notamment pour la presse – d’investissements à fonds perdu, on ne peut au fond que saluer ce bel effort de contribution au pluralisme de l’information! Trêve pourtant de cynisme : les médias français vivent un véritable chant du cygne et la sollicitude quelque peu irrationnelle de ces hommes d’affaires n’y changera rien.

 

 

24 Juillet 2015

Agriculture

 

La colère agricole, partie des éleveurs de bovins, s’est peu à peu généralisée au point d’obliger les autorités – à commencer par le président de la République, élu corrézien qui a en mémoire ses illustres prédécesseurs de Queuille à Chirac – à intervenir par de bonnes paroles : des tables rondes et puis aussi des mesures concrètes et quelques espèces sonnantes et trébuchantes…

Un programme à hauteur de 600 millions d’euros a été annoncé pour les éleveurs de bovins tandis qu’à l’issue d’une réunion des acteurs de la filière laitière, une hausse de 4 centimes du litre de lait était décidée sans que l’on sache exactement quels débouchés de lait sont concernés. En fait, ce qui intéresse avant tout les producteurs ce sont les prix qu’ils veulent – tout comme les politiques – justes et rémunérateurs. Le problème est que la PAC a tourné le dos à ce principe en privilégiant la logique du marché et de la concurrence. Quant aux aides censées financer les autres fonctions de l’agriculture (environnement, équilibre des territoires), elles sont peu à peu devenues un monstre bureaucratique – auquel la France a ajouté son génie propre – dont l’agriculteur fait trop souvent figure d’accusé.

L’époque des prix administrés déterminés pendant les « marathons agricoles » de Bruxelles est révolue. Personne, en réalité, ne « fait » les prix sur des marchés au moins européens (viandes) sinon mondiaux (lait, grains). L’agriculture doit vivre avec cette instabilité et la seule solution est de rentrer dans des logiques de contrats en s’appuyant sur les marchés dérivés quand ils existent (ce qui se fait déjà pour les céréales ou le colza).

Mais au-delà, ce dont a besoin l’agriculture en France, c’est de reconnaissance de son rôle fondamental dans un pays qui doute et lui préfère trop souvent des sirènes vertes bien mal intentionnées.

 

 

20 Juillet 2015

Viande Bovine

 

La colère des éleveurs est montée d’un cran, notamment en Normandie où nombre de routes sont bloquées. Début juin, à l’occasion d’une « grand-messe » ministérielle, les distributeurs s’étaient engagés à augmenter leurs prix d’achat de 7 centimes d’euros par semaine (la carcasse « moyenne » de bovins cote € 3,70 à peu près). Ceci ne s’est pas concrétisé au niveau de la production et les éleveurs s’estiment floués. Mais pourrait-il en être autrement ?

De tous les produits agricoles, la viande bovine est l’un des plus complexes tant en termes de systèmes de production que de modèles de consommation. La « viande de bœuf » provient en effet, à parts à peu près équivalentes de deux troupeaux fort différents : d’une part le troupeau laitier pour lequel la « vache de réforme » est au fond un sous-produit du lait, d’autre part le troupeau allaitant qui ne se rémunère que sur la viande. C’est ce secteur qui est en crise et cela de manière structurelle depuis de nombreuses années : aucun producteur ne couvre la réalité de ses coûts. À l’autre bout de la chaîne, le consommateur n’a pas conscience de la grande diversité des morceaux d’une carcasse, des viandes à bouillir ou à braiser aux pièces à griller comme le « steak » ou l’entrecôte. Et la consommation évolue vers les pièces les plus chères déséquilibrant un peu plus une filière qui dépend aussi de flux européens et internationaux. On ne peut « décider » d’un prix en France alors que les échanges extérieurs (importations, mais aussi exportations) touchent tous les secteurs et notamment la restauration hors foyer.

Spécifique à la France, l’élevage allaitant est dans une situation bien trop grave pour que quelques centimes puissent la résoudre. C’est aussi une crise de société.

 

 

19 Juillet 2015

Zermatt

 

Zermatt fête cette année le cent cinquantième anniversaire de la dramatique première du Cervin durant laquelle quatre des sept alpinistes menés par l’Anglais Edward Whymper et son guide chamoniard Michel Croz trouvèrent la mort.

En un siècle et demi, le petit village valaisan au bout de sa vallée a bien changé. Concurrent direct de Chamonix sur le « marché » de l’alpinisme, Zermatt a su adapter le chic britannique des pionniers du XIXe siècle au pragmatisme de paysans suisses qui ont su faire fructifier leur héritage et toute la légende tournant autour du Cervin.

Zermatt est ainsi devenu un village de luxe, sans voiture, dont la rue principale – la Bahnoff Strasse – compte nombre de magasins haut de gamme et de grands hôtels soigneusement entretenus. La clientèle y est internationale avec notamment une foule de Japonais et d’Américains dont Zermatt est une étape du « Tour européen ». Les européens sont un peu moins nombreux ce qui peut se comprendre quand on sait la force du franc suisse qui fait de la république helvète l’un des pays les plus chers au monde (la Suisse est ainsi en tête du célèbre « Big Mac Index » avec $6.82 contre $4.05 pour la zone euro et $1.88 pour… la Russie).

Mais le Cervin vaut bien quelques désagréments financiers. Sa silhouette sans équivalent, la difficulté de certaines de ses voies, le caractère tragique de sa conquête en font un mythe bien au-delà du milieu quelque peu vieillissant de l’alpinisme. Mais il faut saluer l’incontestable savoir-faire suisse dans la mise en valeur de leur montagne et dans son exploitation intelligente.

 

 

15 Juillet 2015

 

Une plage du Pays Basque à la mi-juillet : beaucoup de grands-parents essayant de gérer les ébats de leurs petits-enfants et peut-être une réponse à la question démographique qui nous taraude : comment expliquer la dynamique de la natalité en France pour une fois largement en tête en Europe. N’y a-t-il pas en effet un lien entre cette forte natalité (un taux de fécondité de 2 depuis maintenant près d’une décennie) et le fait que les français bénéficient d’un âge de départ à la retraite parmi les plus jeunes au monde, surtout si l’on tient compte de tous les dispositifs de pré-retraite qui se sont accumulés au fil du temps.

Que faire en effet lorsqu’aux alentours de soixante ans, la vie professionnelle se termine : s’occuper de ses petits-enfants bien entendu et ce d’autant plus que ceux-ci sont, pour plus de la moitié d’entre eux, nés hors mariage, au sein de couples souvent instables. Les grands parents - jeunes encore - deviennent alors un pôle de solidité tant affective que matérielle. Et au fond, ces naissances, et leurs parents qui travaillent, permettent de financer ces biens chères retraites des heureux grands-parents.

Mais cette solidarité inter-générationnelle passera-t-elle le cap des générations à venir ?

 

 

 

14 Juillet 2015

 

La première étape de montagne du Tour de France a rendu son verdict. Déjà porteur du maillot jaune à l’issue d’une première semaine « piégeuse », Chris Froome a écrasé tous ses rivaux dans la montée vers la Pierre Saint-Martin. C’était pourtant une belle ascension, une véritable « Alpe d’Huez » des Pyrénées pour arriver au pied du pic d’Anie, à la porte de l’Espagne. Froome a écrasé le Tour comme il l’avait fait en 2013 dans le Mont Ventoux et immédiatement reviennent les mêmes interrogations. Est-ce possible à l’eau claire, c’est-à-dire sans dopage, de dégager pareille intensité et de laisser sur place des hommes comme Contador ou Nibali. Personne ne le dit mais tout le monde le pense. Froome s’en est défendu mais l’attitude de son équipe (les « Sky » britannique) ne joue pas vraiment dans le sens de la transparence.

Le cyclisme est un sport admirable qui ne pardonne aucune faiblesse surtout dans ces grandes ascensions qui ont fait sa légende. Il est aussi un des sports les plus contrôlés qui soit, bien plus que le tennis ou le football. Mais à chaque fois que la route s’élève reviennent les doutes des affaires Festina ou Armstrong, des décès prématurés de champions usés. Le ciel était beau sous la Pierre mais tout cela avait un petit goût d’amertume.

 

 

13 Juillet 2015

 

Il y avait une autre négociation en cours qui, elle aussi, avait dépassé toutes les dates limites envisagées. A Vienne, on est donc parvenu un accord sur le programme nucléaire iranien qui va permettre la levée des sanctions à l’encontre de l’Iran.

Après Cuba, Barack Obama est dons parvenu à mettre fin à l’un des plus vieux conflits qui opposait les États-Unis à l’un de ces « états-voyous » couramment fustigés sur la colline du capitole de Washington et ce depuis l’occupation de l’ambassade américaine à Téhéran à la fin de la présidence Carter.

Au-delà du dossier strictement nucléaire, il s’agit d’un véritable retournement des alliances au Proche-Orient, du retour de l’Iran dans le jeu aux dépens tant d’Israël que de l’Arabie Saoudite et de ses alliés sunnites.

A court terme cela va être la ruée des occidentaux à Téhéran dans la perspective de l’ouverture d’un marché prometteur. A court terme aussi, c’est la chute du prix du pétrole. L’Iran a la capacité de mettre sur le marché plusieurs centaines de milliers de barils/jour d’ici la fin de l’année et aurait d’ailleurs déjà des stockages flottants disponibles. L’objectif de l’Iran est de retrouver sa place sur le marché mondial : une place que l’Arabie Saoudite, qui a battu un record de production en juin, n’est pas prête de lui accorder. Or, le talon d’Achille de l’Iran est économique : son budget n’est équilibré qu’à $ 130 le baril. Mais avec l’accord d’aujourd’hui, on sera bientôt à 50 !

 

 

 

12 Juillet 2015

 

La grande tradition des « marathons » bruxellois a donc été respectée et c’est tard dans la nuit que les chefs d’Etat européens ont trouvé un accord sur la Grèce. Au final l’Allemagne n’a pas eu le « Grexit» qu’elle souhaitait mais Tsipras a dû lâcher beaucoup plus que ce qu’il avait refusé dix jours plus tôt en décidant du référendum. Si personne n’a gagné c’est qu’en réalité tout le monde a perdu.

Yannis Varoufakis a parlé de Traité de Versailles et pour une fois il n’avait pas tort (à Versailles, dans un premier temps, la Grèce avait obtenu la « grande Grèce »c’est-à-dire une partie de la Turquie, avant d’être écrasée par les troupes de Mustafa Kemal). A Versailles on n’avait pas écouté les vaincus et français et anglais criaient à l’unisson « l’Allemagne paiera ».

La Grèce ne pourra pas payer et l’austérité risque de plonger un peu plus le pays dans la crise qi le gouvernement se révèle incapable de refonder un véritable état de droit.

Ce fut un compromis « à l’européenne » orchestré par un expert en manœuvre de congrès comme François Hollande (Angela Merkel vaut bien Martine Aubry). Il y a de fortes chances que dans six mois et quelques dizaines de milliards d’euros plus loin les mêmes scènes se reproduisent. Une synthèse entre deux extrêmes peut être la meilleure mais en général la pire de toutes les solutions.

Mais rentrant de Bruxelles, comme Daladier de Munich, François Hollande a été applaudi…

 

 

7 Juillet 2015

Chine

 

Pendant que l’Europe se déchire sur le sort de la Grèce, la tension ne cesse de monter en Chine autour de la dégringolade du marché boursier qui a perdu plus de 30 % en trois semaines (après –il est vrai – une hausse de 150 %). L’inquiétude se répand quant à la capacité de l’Empire du Milieu de réaliser les 7 % de croissance annoncés par les autorités. Manifestement celles-ci ont pris la menace au sérieux et ont multiplié les mesures (baisse des taux, des plafonds de réserves obligatoires des banques …) pour endiguer un mouvement de panique qui, comme dans tout éclatement de bulle, contient sa part d’irrationnel.

Mais on est bien là aussi au cœur du paradoxe chinois : en apparence une économie dirigée dominée par un secteur « public » tentaculaire (les fameuses SOE) et théoriquement encadrée et planifiée ; en réalité une économie de marché peu contrôlée ni régulée avec de considérables zones d’ombre et notamment un marché financier « gris » qui a certainement alimenté la frénésie boursière de chinois dont l’appétence pour les jeux d’argent est bien connue. Les arbres boursiers ne montant pas au ciel, ce krach chinois était prévisible et pourrait ne pas avoir plus de conséquences que le krach de Wall Street de 1987 qui ouvrit en fait la décennie merveilleuse de la nouvelle économie américaine. Mais nous sommes en Chine et c’est là la première épreuve majeure pour Xi Jin Ping et son équipe qui ont la lourde tâche de gérer l’atterrissage en douceur de la croissance chinoise (6% étant un véritable minimum social) tout en assurant la poursuite de la transition économique. Alors avoir en plus une crise boursière !

 

6 Juillet 2015

Grèce

 

Les grecs ont voté et par 61 % des voix, le « non » l’a emporté. Partout en Europe les « progressistes » se réjouissent de ce refus par un peuple de mettre sa tête sur le billot de « ultra-libéralisme », incarné par le FMI et l’Allemagne. Pourtant même le vote grec est ambigu puisque Alexis Tsipras a bien l’intention de reprendre la négociation et de rester au chaud dans une zone euro qui longtemps s’est révélée fort accueillante. La démisssion ce matin du ministre des finances, Yannis Varoufakis, devenu la tête de turc préférée des allemands, serait la preuve du désir grec de retourner à la table de négociation.

Mais pour négocier quoi ? La dette ? Cela fait bien longtemps que les européens ne se font plus d’illusion sur la capacité des grecs à la rembourser et dans les faits chacun est prêt en Europe à faire de ces papiers grecs de nouveaux emprunts russes. Mais de là à continuer à emplir ce tonneau des Danaïdes, il y a un pas que ni les états européens, ni la BCE ne sont prêts à franchir faute d’engagements concrets. Or la Grèce est en 2015 en déficit primaire et l’incapacité du gouvernement Tsipras à agir est confondante. L’austérité en tant que telle n’est pas la solution et l’Allemagne du chancelier Brüning (en 1931/32) sait bien vers quelles dérives populistes cela peut déboucher. Franchement la Grèce n’en est pas loin et on ne s’étonnera pas qu’en France ce soient rouges et bruns qui applaudissent au vote grec.

L’Europe ne peut plus rien faire pour la Grèce si ce n’est oublier sa dette, lui ouvrir la porte de la sortie de l’euro et souhaiter bonne chance à des grecs qui ont depuis longtemps oublié la sagesse des dialogues socratiques.

 

1er Juillet 2015

Chaleur

 

Canicule sur la France. A Paris le thermomètre dépasse  les 40° et les vieux bâtiments de Dauphine, si froids l’hiver, n’offrent guère de fraîcheur. La classe politique, qui a en mémoire la canicule de 2003 et la surmortalité des personnes âgées qu’elle entraina, fait assaut de prévenance et le premier ministre, entouré d’un cortège de journalistes, ne manque pas de visiter une résidence pour personnes âgées. Il est vrai que l’actualité ne presse guère et que la canicule est autrement plus importante que les tourments de la Grèce  et de la zone euro !

Dans les gares, rails et caténaires fatigués plient sous la chaleur et révèlent ainsi les carences de réseaux poussés à la limite de leurs capacités.

Mais la canicule est aussi une merveilleuse occasion de revenir sur les enjeux du changement climatique même s’il s’agit là d’un épisode ponctuel. Car en même temps les travaux préparatifs à la COP 21 s’enlisent face à la mauvaise volonté des uns et des autres à prendre des engagements concrets et financiers notamment en ce qui concerne le prix du carbone.

Sur le périphérique parisien, les panneaux lumineux mettent en garde sur les risques de pollution. Alerter dans l’urgence est une chose mais il faut prévenir et donc s’engager. Puisse cette canicule le faire comprendre.

 

30 Juin 2015

Football

 

Lecture de l’Equipe : tournoi de Wimbledon, ultimes préparatifs du tour de France et puis début de la saison d’athlétisme avec le choc des géants du sprint, Gatlin et Bolt. Mais les pages traditionnellement les plus nourries, celles du football, traitent moins de sport que de marché : c’est le grand mercato d’été : les « clubs » vendent et achètent. Le vocabulaire est celui de l’économie marchande : on négocie l’achat ou la vente d’un joueur par agents interposés comme de vulgaires marchandises. Les transactions courantes tournent autour de la dizaine de millions d’euros mais pour un sujet de choix, les montants peuvent aller beaucoup plus haut avec une forte volatilité : tel joueur vendu par le Real Madrid à Manchester United pour 75 € millions en Août 2014 pourrait être cédé au PSG pour 60 € millions. Tel autre de la Juventus pourrait être payé 80 € millions par le Barca. On est bien sûr là loin de tout idéal sportif et on comprend mal comment des supporters peuvent se passionner pour un sport dont les « marques » sont dominées par des intérêts commerciaux et par l’égo de quelques hommes d’affaires qui s’offrent des équipes de mercenaires en spéculant sur leur valeur marchande. Il faudrait d’ailleurs inventer comme pour les matières premières – ou l’art – un indice des prix de marché dont il serait intéressant d’étudier la corrélation avec des  indicateurs macro-économiques. L’Equipe est ainsi devenue un quotidien économique. Dommage.

 

 

29 Juin 2015

Futur

 

Débat autour du livre de Jean Staune « Les clés du futur ». Pour l’auteur nous sommes en un moment fondamental de l’histoire des hommes, un changement de même nature que le passage du Moyen Age à la Modernité. Cette fois-ci  c’est du passage à la post-modernité qu’il s’agit sur fond de révolution technologique.

La question des périodes de l’histoire est à l’origine de maintes controverses. Quand commence ou se termine un siècle, un espace-monde, un temps ? Ceci amène à relativiser les moments actuels en les comparants à la première mondialisation du XIXe siècle : celle-ci commence avec la révolution industrielle de la fin du XVIIIe siècle et se poursuit tout au long du siècle suivant pour finir en apothéose dans les premières années du XXe siècle. Il y eut ensuite soixante-quinze années de barbarie et nous voilà à nouveau en pleine révolution technologique, au cœur d’une mondialisation dominée par l’économie de marché sans contrepoids véritable des états.

Peut-on pour autant parler comme Jean Staune d’un « monde qui meurt et d’un autre qui nait ». A l’aune de l’histoire longue, il y a là quelque exagération même si d’un point de vue géopolitique et religieux les ruptures sont fortes avec de nouvelles centralités autour de l’Asie et de l’Islam. Avec un sourire, André Comte Sponville rappelle que pour le philosophe rien n’a changé et il cite la philosophe Simone Weil : « D’où viendra le salut ? Du passé, si nous l’aimons ».

 

 

 

28 Juin 2015

Grèce

 

Blocage total des négociations à Bruxelles à propos de la Grèce. Après des heures de marchandage et de chantage, Alexis Tsipras n’a pu sortir du dilemme qui est le sien depuis son arrivée au pouvoir. Depuis Janvier en effet il essaie de tenir ses promesses électorales du refus de l’austérité et des diktats européens. Au fil des jours sans doute a-t-il mesuré l’ampleur des problèmes que lui ont légués les gouvernements précédents et les années d’incurie des Papandreou et autres Caramanlis. Pour lui l’impasse est totale et les européens ont raison de le mettre enfin en face de ses responsabilités. Avec l’annonce d’un référendum dans une semaine, il se défausse en faisant appel de la décision d’un peuple grec qui n’aura guère d’autre choix que d’entériner la sortie de la zone euro.

Pouvait-il en être autrement ? Même en tenant compte de la charge de l’héritage des décennies précédentes, force est de constater qu’en six mois le bilan de Syriza est bien maigre y compris en termes de mesures auxquelles on aurait pu s’attendre de la part d’un gouvernement de gauche comme la taxation immédiate du capital, des grandes fortunes et même des églises.

Au contraire la probable sortie de l’euro va pénaliser un peu plus les pauvres et la Grèce risque de s’enfoncer dans le chaos. C’est là l’impasse totale du populisme même de bonne volonté.

 

 

26 Juin 2015

Islam

 

En France, l’horreur a franchi un seuil nouveau avec la décapitation d’un malheureux dirigeant de PME de la région lyonnaise. En Tunisie c’est le massacre d’une trentaine de touristes. Au Koweït c’est un attentat contre une mosquée chiite. Et puis il y a la vidéo d’exécutions particulièrement barbares perpétrées par Daesh en Syrie.

 C’est au cœur de l’islam qu’il faut chercher les braises qui périodiquement embrasent les communautés musulmanes au sens le plus large. Les causes en sont bien connues : l’échec économique de régions et de populations entières a provoqué – comme c’est le cas de bien d’autres religions – un repli sur une lecture « intégraliste » des textes sacrés et notamment du Coran en refusant toute interprétation ou adaptation moderne. Le malheur a voulu que ce fondamentalisme se répande en profitant pendant plusieurs décennies de la manne financière en provenance de l’Arabie Saoudite et de certains émirats du Golfe. En l’absence d’autorités théologiques incontestées, les pires dérives ont pu intervenir à l’image de ce qui avait pu se passer au XVIe siècle parmi les sectes protestantes les plus extrêmes.

C’est l’Islam qui est interpellé que ce soit ses dirigeants religieux et politiques et l’immense peuple des croyants de bonne volonté. Entre la foi et la raison il s’agit moins de choisir que d’apprendre la tolérance.

 

 

 

25 Juin 2015

Taxis

 

Paris bloqué ! Paris coincé ! Les taxis ont donc frappé – au propre et au figuré – en cette belle journée de Juin. Au-delà de l’application Uberpop – théoriquement interdite – ils contestent la mise en cause de leur monopole du transport urbain des particuliers et donc le développement des sociétés de VTC, dont Uber est par ailleurs un acteur majeur.

Il y a là deux niveaux d’analyse : celui du problème des taxis et celui plus large de ce que l’on commence à appeler l’uberisation de la société. Le premier dossier est franchement inextricable à moins que de trouver un moyen de rembourser aux taxis existants le montant de leur « plaque » (200 à 250 000 euros) qui est souvent leur seul capital et assurance retraite. En ces temps de disette financière, on ne voit guère de porte de sortie équitable et pourtant il faudra bien trouver une solution tant le métier traditionnel de taxi apparaît condamné face à l’évolution des techniques de communications et des modèles de consommation.

Le modèle Uberpop va en effet beaucoup plus loin qu’une simple utilisation d’applications nouvelles permettant de faire appel à des professionnels du transport. Là ce sont des « amateurs » qui interviennent comme ceux qui ont marchandisé le covoiturage (blablacar) ou le logement chez l’habitant (airbnb). On est là bien loin du partage (l’autostop a disparu) mais dans une logique d’échange marchand dans laquelle les acteurs s’exonèrent de toute responsabilité sociale : il est n’est pas sûr que ce soit là un progrès.

 

 

24 Juin 2015

Dauphine

 

Semaine de sélection au master « Affaires Internationales » que je dirige à l’Université Paris-Dauphine. C’est une centaine de candidats que nous recevons pour un court « grand oral » et dont nous ne retiendrons que quarante élus.

Plus encore que les années précédentes je suis émerveillé de la qualité des dossiers, de la diversité des parcours, de l’originalité de certains candidats que ceux-ci soient français ou étrangers. C’est la planète entière que nous avons reçu : les entretiens par Skype se sont faits en Chine, au Pérou, en Australie, au Vietnam, au Congo … Nous avons reçu des chinois, des russes, des libanais, des latino-américains … Et les candidats français revenaient du Brésil, de Mongolie, d’Irak même, mais aussi plus prosaïquement de Londres ou de Bruxelles. Que dire aussi des engagements dans le monde associatif que ce soit à l’université, dans le scoutisme ou dans l’humanitaire.

Notre sélection est par essence subjective puisque nous cherchons à composer un groupe de nature hétérogène fait de formations différentes (gestion, droit, sciences po, ingénieurs …), de cultures multiples, de caractères complémentaires, un concentré au fond d’une France plurielle élargie aux confins de la planète puisque dans cette promotion 2016, il y aura une tibétaine, une géorgienne, un syrien, nombre d’européens et de français à l’image d’une France non pas repliée sur elle-même mais ouverte. Un beau message d’espoir.

 

22 Juin 2015

Lionel Zinsou

 

Lionel Zinsou vient d’accepter la charge de premier ministre du Benin. C’est là tout un symbole d’un destin hors du commun qui illustre les liens qui demeurent entre la France et l’Afrique occidentale. Issu d’une grande famille politique béninoise (son oncle fut président de la république), ce métis fut élève de l’Ecole Normale Supérieure comme quelques décennies avant lui Léopold Sedar Seghor. Après un passage comme « plume » de Laurent Fabius à Matignon, il entama une carrière d’homme d’entreprise chez Danone avant de prendre la présidence de PAI Partners, l’ancien Paribas Affaires Industrielles, un des principaux fonds de capital investissement dont l’ensemble des participations majoritaires représente quelques 200 000 salariés. Lionel Zinsou appartient aux cercles les plus restreints qui unissent en France l’entreprise, la politique et les médias.

Mais il est aussi africain et depuis longtemps s’était fait le chantre de l’afro-optimisme. Africain en France, français en Afrique, cela faisait longtemps qu’il s’interrogeait sur son propre engagement, sur la frustration d’être un spectateur certes engagé mais pas directement un acteur de ces jeux politiques complexes qu’affectionnent les africains. Le voilà donc qui saute le pas pour un mandat à durée déterminée (dix mois avant les élections présidentielles). Bonne chance !

 

 

21 Juin 2015

Laudato Si

 

Quelques jours seulement après la publication de « Laudato Si », l’encyclique « verte » du pape François, la liturgie dominicale de l’église catholique offre des textes particulièrement en phase puisque, du livre de Job à l’Evangile de Marc en passant par le psaume 106, ils mettent en scène l’homme dans sa fragilité face à la puissance de la nature, à la tempête que seul Dieu peut calmer. Longtemps la nature a dominé l’homme et il a dû apprendre à s’en accommoder. On a aujourd’hui l’impression inverse : l’homme domine des mutations dont il ne maitrise pas les conséquences.

La réponse que donne « Laudato Si » est de ce point de vue éclairante. Certes il faut prendre soin de la nature mais surtout « afin de protéger l’homme de sa propre destruction ». La lutte pour la protection de l’environnement n’a pas de sens que si elle ne s’accompagne « d’un amour sincère envers les êtres humains et d’un engagement constant pour les problèmes de la société ». L’intégrisme écologique pratiqué sans certaines chapelles vertes fort influentes est tout aussi dangereux que le négationnisme du totalitarisme technologique. Dans le chant du psalmiste de ce jour, le Seigneur « réduit la tempête au silence et fait taire les vagues », le Christ dit à la mer « Silence, tais toi ». Que nos querelles humaines sont loin !

 

18 Juin 2015

Waterloo

 

Waterloo, morne plaine … On comprend le manque d’enthousiasme des autorités françaises à célébrer le bicentenaire de la défaite finale de Napoléon (mais on ne célébra pas non plus Austerlitz …). Avec raison les britanniques en font une date clef qui marque leur victoire finale dans cette deuxième « guerre de cent ans » qui vit la France et la Grande Bretagne s’affronter depuis le milieu du XVIIIe siècle pour la suprématie non seulement européenne mais aussi mondiale.

Car si Waterloo marque une rupture c’est bien celle-là. Napoléon, chaussant les bottes de Louis XIV, avait voulu unifier l’Europe continentale sous sa férule. Son action fut déterminante pour renverser l’ordre ancien et est à l’origine de la création de nations nouvelles comme l’Allemagne et l’Italie. La vision britannique – qui n’a guère changé à propos de l’Europe – était de maintenir une Europe divisée afin d’asseoir sa propre hégémonie sur le reste du monde en s’appuyant sur sa marine et sa puissance économique.
Waterloo ouvre une période de domination britannique sur la planète qui couvre le XIXe siècle. Le centre de l’économie-monde », le concept cher à Fernand Braudel, est désormais Londres, une domination que l’Allemagne commencera à contester à la fin du siècle.

A Waterloo, c’est le rêve français qui s’est effondré pour de bon aux mains d’une coalition dont les britanniques surent profiter mais où la contribution allemande fut essentielle. Par la suite Londres sut avec finesse jouer des antagonismes européens s’offrant même le luxe d’une « Entente Cordiale » avec la France pour contrer l’émergence allemande. Mais aujourd’hui le Royaume Uni est bien seul face à une Europe presque unie… à Bruxelles, tout à côté de Waterloo !

 

 

17 Juin 2015

Laudato Si 

 

« Laudato Si » ! Le pape François ne  pouvait choisir mieux les premiers mots de son encyclique consacrée à l’environnement : le début (en italien) du Cantique des Créatures de François d’Assise.

Et François s’est bien placé dans la ligne de son illustre modèle : c’est une encyclique jubilatoire, très personnelle (au moins autant que ce genre d’exercice le permet). « Marchons en chantant » proclame ce pape atypique qui traite plus de l’écologie des individus que de celle des sociétés.

Bien sûr il dresse un tableau complet de la crise écologique et environnementale et ne manque pas de souhaiter que se mette en place une véritable gouvernance mondiale. On peut critiquer certaines facilités latino-américaines dans sa remise en cause de l’économie de marché et même dans un éloge partiel de la décroissance. Mais là n’est pas l’essentiel ni d’ailleurs dans le soutien qu’il apporte aux efforts de la gouvernance internationale en la matière.

Car avant tout François nous invite à un cheminement personnel, à une « écologie intégrale faite de simples gestes quotidiens » en ayant un regard particulier sur les « pauvres d’aujourd’hui ». Il est bien là dans la droite ligne de son prédécesseur Benoît XVI qui dans « Caritas  in Veritate » nous invitait à la grâce du don. Encore une fois c’est l’individu qui est au cœur de la pensée sociale chrétienne. « Il y a une mystique dans un chemin, dans la rosée, dans le visage du pauvre ».

Et François y ajoute son propre sel en concluant par deux prières : l’une pour les chrétiens et l’autre destinée à tous ceux qui croient en un Dieu et qui partagent un chemin de foi. Alors « marchons en chantant ! »

 

14 Juin 2015

Redresser la France

 

Sommet des dirigeants de l’Expansion à la Baule sur le thème « Comment redresser la France ? » Si le diagnostic est à peu près unanime, les divergences sont grandes quant aux remèdes dans un contexte politique de quasi-paralysie pour les deux années à venir. Toutes les analyses s’accordent sur les résistances des français face à toute forme de changement et il est vrai que dans l’histoire de  France, les vraies ruptures ne se sont faites que sous la pression de crises voire de révolutions, de 1789 à 1968. Mais la situation apparait plus grave tant domine un certain abattement comme si les français eux-mêmes n’y croyaient plus et étaient prêts à se jeter dans les bras du premier populisme venu.

En l’état actuel, ce n’est malheureusement pas de l’Europe que peut venir le salut car pour les français dans leur grande majorité il n’y a pas d’imaginaire européen. Peut-être faut-il partir de l’un des seuls éléments positifs, celui de la place de la France dans le monde et du besoin qu’il y a de « rétablir la fierté française » justement parce que la France s’est constituée dans un creuset unique aux antipodes du multiculturalisme que prônent certains. Ce n’est pas là le retour à un nationalisme archaïsant mais la prise en compte du fait que dans le mal français actuel économie, culture et politique vont de pair. C’est au fond l’idée de la France qu’il faut réinventer.

 

 

12 Juin 2015

Chine

 

En Chine, la chasse aux tigres bat son plein. Zhou Yong Kang vient d’être condamné à la réclusion à perpétuité. Jusqu’en 2012, il était un des neuf « sages » membre de la direction collégiale qui gouverne la Chine. Il avait fait sa carrière dans le pétrole mais avait depuis la haute main sur tout l’appareil de sécurité. Son procès a eu lieu à huis clos à la différence de celui de son ancien protégé Bo Xilai qui avait fait la une de la presse chinoise et qui n’avait fait preuve d’aucune repentance. Zhou, lui, a accepté sa condamnation, probablement pour sauver une partie de son clan et s’assurer au moins une réclusion confortable. C’est en tout cas la première fois que tombe un personnage aussi haut placé. Xi Jin Ping élimine certes un adversaire politique qui lui avait ouvertement barré la route en 2012. Mais le message est plus fort au moment même où la lutte contre la corruption redouble d’intensité et où le gouvernement lance la périlleuse réforme des entreprises publiques, les fameuses SOE (State Owned Enterprises). Dans un contexte de ralentissement de la croissance (anticipée à moins de 7 % en 2015), les marges de manœuvre de l’équipe au pouvoir sont étroites : la normalisation de l’économie chinoise passe par un changement de mentalités. La chute de Zhou est un symbole, mais au-delà du symbole …

 

10 Juin 2015

Fondamentalisme

 

« Le fondamentalisme religieux refuse Dieu lui-même, le reléguant au rang de pur prétexte idéologique ». Cette phrase du pape François, prononcée à l’occasion d’un voyage, chaque croyant, quelle que soit sa religion ou sa spiritualité, peut la faire sienne et renvoyer d’un même geste tous ceux qui s’attachent plus à la lettre qu’à l’esprit et qui oublient la dimension d’amour et de pardon qui doit être au cœur de toute démarche religieuse.

Cette réflexion de François prenait toute sa profondeur alors qu’une équipe de télévision coréenne venait m’interroger sur la révocation de l’édit de Nantes ! Leur approche se limitait au champ économique et à l’impact que le départ des protestants avait eu sur le retard de la France dans la révolution industrielle et commerciale du XVIIIe siècle. Mais comment ne pas comparer les tourments religieux de la France du XVIe et du XVIIe siècle et la violence du fanatisme des guerres de religions, et les tensions actuelles autour de l’Islam certes mais aussi chez les bouddhistes de Birmanie et encore parmi les juifs et les chrétiens.

Partout le repli fondamentaliste est synonyme de fanatisme et d’exclusion : l’idéologie la plus étroite et sectaire prend le pas sur l’universalisme et la tolérance. La religion n’est plus qu’un prétexte, l’opium de peuples que guette le désespoir. C’est bien le refus de Dieu.

 

9 Juin 2015

Turquie

 

Bonnes nouvelles en provenance de Turquie. Non seulement Raycip Erdogan et son AKP ont reculé et perdu la majorité absolue au Parlement mais la démocratie turque a fonctionné et réintégré dans le jeu politique les minorités à l’image des kurdes. Il reste bien sûr à Erdogan à accepter le verdict des urnes et à en tirer toutes les conséquences.

Le modèle turc est fondamental pour toute la région : c’est le seul pays laïc qui ait conservé l’héritage de son père fondateur, Mustafa Kemal, à la différence de Nasser, Arafat, Ben Bella ou des dirigeants du Baas. C’est aussi le seul pays dirigé par un parti islamiste arrivé démocratiquement au pouvoir.

C’est enfin dans la région, le seul pays que l’on peut qualifier d’émergent même si son taux de croissance a quelque peu diminué ces derniers temps. Et puis c’est un pays au carrefour de toutes les tensions au Sud (Syrie et Irak), à l’Est (Iran), au Nord (Mer Noire) sans parler du voisin grec.

Ces derniers mois Erdogan montrait de fâcheuses tendances dictatoriales, rêvait d’un régime présidentiel pour l’empire ottoman reconstitué en fêtant solennellement l’anniversaire de la prise  de Constantinople (en 1453). Le coup de frein pour ses ambitions est net. L’AKP va rester au pouvoir mais va devoir composer. Espérons que cela soit dans le bon sens.

 

8 Juin 2015

Marques

 

Une étude récente a été consacrée aux marques internationales et à leur valeur   de marché. On peut contester la méthode et les chiffres mais le classement lui-même offre une bonne idée de la domination technologique et culturelle qui est celle des Etats-Unis : les dix premières marques sont américaines et presque toutes issues des technologies de l’information : Apple, la première qui « vaut » $ 246 milliards, devant Google (173), Microsoft (115) et IBM (93) puis les cartes de crédit de Visa (91) et les téléphones d’ATT (89) et de Verizon (86). Ce n’est qu’ensuite que l’on trouve des produits de consommation comme Coca Cola (83), Mac Donalds (81) ou Malboro (80). Le monde vit et consomme américain et c’est des Etats-Unis que viennent les grandes innovations aux frontières de la technologie et du marketing. Ni européens, ni chinois ne viennent s’immiscer au sommet du classement.

Les marques françaises sont bien loin et cantonnées en fait aux « vieilles » spécialités du luxe : Louis Vuitton est trente deuxième à $ 27 milliards. L’Oréal vaut $23 milliards et Hermes $ 18 milliards. Mais il n’y a guère d’allemands, en dehors de l’automobile, ni de japonais. A l’image de la Chine, le monde émergent est à peu près complétement absent.

Les premiers années du XXIe siècle sont bien celles d’une mondialisation américaine sans équivalent dans l’histoire.

 

7 Juin 2015

Mérite

 

Un week-end consacré à corriger des copies d’examen en première année d’histoire économique à Dauphine (la comparaison entre l’économie mondiale en 1914 et en 2015, un sujet facile mais demandant un effort de plan). Il y a de bonnes et de mauvaises copies et notamment quelques belles perles orthographiques dont la palme revient cette fois-ci à « recrue d’essence ». Les notes vont de 3 à 16.

Au même moment la polémique bat son plein sur les bourses au mérite. Au départ il y a un problème financier (comme d’habitude…) : les élèves boursiers obtenant leur bac avec mention Très Bien bénéficient d’une prime au mérite doublée. Le problème est qu’avec la baisse du niveau du bac, le nombre de mentions TB a explosé et les coûts avec. Décision a donc été prise de diminuer de moitié le montant de cette prime exceptionnelle. Certes il fallait s’adapter et reconnaître que la mention TB n’a plus rien aujourd’hui d’exceptionnelle. Peut-être eut-il fallu mettre la barre à 18 !

Mais il y a aussi de la part des pédagogues et des politiques qui dominent la rue de Grenelle une volonté d’égalitarisme dans laquelle la préférence est donnée à la masse plutôt qu’à l’exception. Or par essence le mérite est inégalitaire comme le sont mes copies entre ceux qui ont travaillé – un peu – et ceux qui ont dormi – beaucoup. Dois-je mettre 10 à tout le monde ?

 

4 Juin 2015

Aréva

 

Aréva, clap final. Quinze ans après avoir porté sur les fonts baptismaux ce qui devait être le géant mondial du nucléaire, intégré de la mine d’uranium au démantèlement des centrales en fin de vie, l’état français sous la contrainte de résultats calamiteux a décidé de revenir à la situation antérieure, de séparer Framatome (les réacteurs) de la Cogéma (le combustible) et surtout d’adosser les  réacteurs à EDF.

En 2000 on avait salué la création d’Aréva qui était la seule société au monde à gérer l’ensemble de la filière. Il est clair aujourd’hui que ce modèle d’intégration verticale ne présentait aucun avantage comparatif. A cela se sont ajoutés des problèmes de gestion humaine tant au niveau de l’égo des dirigeants que de leur relation avec un état-actionnaire qui n’a pas joué son rôle, des problèmes techniques et managériaux autour de la réalisation des EPR en Finlande et ailleurs, des diversifications absurdes. Le résultat ce sont en 2014 des pertes représentant plus du double du chiffre d’affaires et des fonds propre négatifs.

La solution EDF permet d’éviter le meccano industriel auquel aiment tant à se livrer les politiques. Mais attention à ne pas tomber là aussi dans le rêve de l’intégration verticale, cette fois-ci de l’électricien fabriquant ses propres réacteurs.

Mais comment ne pas penser que le nucléaire français est victime aussi de l’ambivalence des politiques incapables de donner une feuille de route claire. C’est cela aussi qui devra changer.

 

3 Juin 2015

Roland Garros

 

Très beau temps à Roland Garros ou chapeaux de paille et crèmes solaires sont de mise pour assister au « choc » « Rafa contre Djoko ». Ce n’est pas l’ultime version d’un jeu électronique même si on se prend parfois à pousser les manettes de la poupée bleue (Nadal) ou de l’orange (Djokovic). Le public est mondain, classe affaires, dans les loges du bas, plus populaire au poulailler et c’est là que l’on interpelle Rafa et Djoko comme de vieux amis.

Le match en soi offre peu d’intérêt : les deux joueurs échangent leurs boulets de canon depuis le fonds du court et les seules ruptures interviennent avec des amorties millimétrées. C’est du beau travail de professionnel …

Dans les travées de Roland Garros, une foule bon enfant achète des souvenirs dans une ambiance de kermesse. C’est au fond cela un évènement sportif aujourd’hui et il n’y a pas grande différence avec une finale du Superbowl  ou un match à Wembley. Plus que jamais nous réinterprétons les jeux du cirque de l’Antiquité romaine ou les passions de l’hippodrome de Byzance.

Les balles passent et le Rafa bleu va s’incliner plus rapidement que prévu face au Djoko orange. D’autres viendront au péril de leurs corps toujours plus fragiles. Finalement quelques jours plus tard, Djoko perdra face à un suisse … un vrai !

 

2 Juin 2015

Chômage

 

Encore de mauvais chiffres pour le chômage en France : 26200 de plus en catégorie A au mois d’Avril amenant à un total de 3.5 millions de chômeurs sans aucune activité. Mais si l’on compte tous les inscrits à Pôle Emploi qui ont un peu travaillé le mois précédent et si l’on y ajoute l’Outremer on arrive au chiffre de 5.6 millions, soit l’équivalent de l’ensemble de la main d’œuvre employée dans l’industrie. En 2007, avant la crise, on était respectivement à 2.2 millions de chômeurs (A) et 3.3 millions de demandeurs. L’engagement solennel du président Hollande est bien mal orienté.

Ce n’est pourtant pas faute de faire du traitement social. Il y a déjà 450 000 contrats aidés et le gouvernement a décidé d’en ajouter 100 000 de plus pour un coût en année pleine de € 700 millions : 12 % seulement de ces emplois sont dans le secteur marchand ; le reste ce sont les associations et les collectivités locales avec un taux de retour à l’emploi extrêmement faible.

La vraie solution est plutôt du côté du code du travail mais là le gouvernement a abandonné toute velléité de réforme. Le code du travail est plus important pour les français que le code civil et on s’ingénie plutôt à le compliquer comme l’a montré l’adoption du compte pénibilité. Ceci explique l’étrange préférence française pour le chômage.

 

 

31 Mai 2015

Faim et malnutrition

 

Il n’y a plus dans le monde « que » 795 millions de personnes souffrant de malnutrition, c’est-à-dire 12.9 % de la population mondiale. En soi c’est là une bonne nouvelle puisque au début des années quatre-vingt-dix la proportion des mal nourris était de 23.2 %. Il faut y voir le résultat des décollages asiatiques et en particulier de la Chine et dans une moindre mesure de l’Inde. Néanmoins il y aurait encore 281 millions de mal nourris en Asie du Sud.

Mais le vrai problème est africain : 23.2 % de la population d’Afrique Subsaharienne souffre de malnutrition ce qui représente 220 millions de personnes. Or c’est en Afrique que la croissance démographique est la plus forte et donc le défi le plus difficile à surmonter.

Ce que l’on appelle de manière erronée la faim dans le monde n’est pas un problème de disponibilité de denrées agricoles : on compte des mal nourris en Inde qui est assez souvent un exportateur net de céréales. Le cœur du problème est celui de la pauvreté qu’elle soit urbaine ou rurale : ce sont les pauvres dont les régimes alimentaires sont déséquilibrées par défaut.

L’aide alimentaire – sauf en cas d’urgence – n’est pas une réponse adéquate : ce qui compte c’est le développement économique et là malheureusement il n’y a pas de martingale idéale.

Mais près de 800 millions de mal nourris, ce chiffre demeure insupportable.

 

28 Mai 2015

Football

 

Aux États-Unis, «  le soccer » n’est jamais parvenu à s’imposer comme un sport majeur face au football américain, au basket, au baseball ou même au hockey. Ce sont pourtant les services américains (FBI, IRS) qui viennent de faire éclater au grand jour un scandale illustrant le mal qui gangrène non seulement les instances mondiales du football (la FIFA) mais celles du sport en général à commencer par le Comité Olympique.

La mondialisation du marché du sport a fait la fortune de nouveaux oligarques incapables de résister à la marchandisation des sports les plus populaires et au premier chef bien sûr du football. Au fond pourquoi pas ? A l’heure où un joueur peut être acheté ou vendu pour une centaine de millions de dollars, pour quelle raison devrait-on interdire aux dirigeants des fédérations de s’enrichir et de prélever leur dîme sur cette manne. Plutôt que de s’indigner, il faudrait au contraire saluer leur capacité à développer le « business »

Car c’est bien cela et il ne sert à rien de parler de valeurs morales ni d’éthique si ce n’est pour servir de rideau de fumée vis-à-vis de ces merveilleux « pigeons » que sont les supporters. Au-delà des magouilles mises en avant par la justice américaine, la vraie question est celle de l’attribution des Coupes du Monde et d’autres Jeux Olympiques laissée à l’appréciation de quelques apparatchiks irresponsables. Mais il n’y a là rien de bien nouveau et il suffit de se souvenir de l’attitude du CIO en 1936 aux JO de Berlin. Sport, business et politique…

 

27 Mai 2015

Panthéon

 

Je n’ai pas beaucoup de gout pour les béatifications que celles-ci soient religieuses (et surtout catholiques) ou républicaines et laïques comme ce soir l’accueil, en ce « temple de la Raison républicaine » qu’est le  Panthéon, de quatre nouveaux « récipiendaires ». Non point que les personnalités ainsi reconnues ne méritent pas d’être célébrées. Reconnaissons même à François Hollande d’avoir composé un équilibre subtil pour chanter les hauts faits de la Résistance en respectant la parité des genres et des courants de pensée.

Mais le risque majeur de ces béatifications est celui de la récupération des mérites d’hier au profit des intérêts partisans d’aujourd’hui. Ainsi le choix de Jean Zay en pleine polémique sur la laïcité n’est pas neutre et cela sans contester aucunement les mérites d’une figure qui mérite d’être mieux connue et appréciée. Mais entendre le président du parti radical, propriétaire de La Dépêche du Midi, récupérer Jean Zay, condamné et assassiné par le régime de Vichy alors même que ce journal accueillit après la guerre, sans états d’âme aucuns, un homme comme René Bousquet, ne manquait pas de sel.

Remarquons d’ailleurs que la France ne parvient pas à tourner la page de ces années noires qui suivirent « l’étrange défaite » de 1940 et dont la lecture nous plonge souvent d’une ligne à l’autre du courage à l’abjection. Il n’est pas question d’oublier mais de comprendre au-delà des manœuvres politiciennes qui ce soir ont dominé la scène.

Il y a quelques années, la famille d’Albert Camus refusa cet hommage. Quelle belle preuve de sagesse !

 

25 Mai 2015

Hugo Pratt

 

Dans un fond de ma bibliothèque, je retrouve un album peu connu d’Hugo Pratt, « La maison dorée de Samarcande », une aventure de Corto Maltese qui se passe entre Rhodes et l’Afghanistan au début des années vingt. Le marin vénitien va rencontrer, au hasard de son voyage, tout ce qui faisait alors la diversité de l’Orient : des arméniens échappés des massacres, des yezidis, des ismaéliens héritiers du « vieux de la montagne », des derviches tourneurs déjà persécutés par Kemal, des turcs, des bolcheviques, tant d’autres …

Tout ce monde est en train de disparaître sous les coups de boutoir d’un islam fondamentaliste auquel le pétrole a donné toute licence.

L’Occident y a malheureusement sa part de responsabilité, lui dont les impérialismes ont détruit sans être capable de reconstruire. Ainsi meurent peuples et civilisations et en ce monde il n’y a plus guère de place pour les égarés de l’histoire.

Nous voilà bien loin des aventures de Corto Maltese qui nous comptent un monde disparu dans les déchirements des lendemains de la première guerre mondiale dont, un siècle plus tard, nous vivons les ultimes soubresauts. Avec Hugo Pratt, la bande dessinée est devenu un genre littéraire à part entière qui fait rêver de mondes à jamais perdus.

 

 

22 Mai 2015

El Niño 

 

La rumeur se fait de plus en plus insistante entre stations météorologiques d’Australie, du Japon ou des Etats-Unis : « El Niño » serait de retour et avec lui son cortège de perturbations climatiques et d’accidents agricoles.

« El Niño », l’enfant Jésus, est un phénomène classique qui se manifeste tous les cinq à dix ans dans le Pacifique et l’Océan Indien, aux alentours de Noël, d’où son nom. Les courants marins sont modifiés : les pluies se font plus rares là où elles sont attendues et peuvent être diluviennes en d’autres endroits. Les récoltes de céréales en Océanie, la production d’huile de palme en Indonésie sont affectées au premier chef mais El Niño peut avoir des conséquences jusqu’en Afrique de l’Ouest ou aux Etats-Unis. C’est El Niño  qui, en 2007 avait déclenché la flambée céréalière mondiale qui culmina dans des émeutes de la faim.

Or, cette année, les stations météo du Pacifique ont enregistré une température de l’eau de 1.5° supérieure à la normale ce qui serait un signe d’un El Niño précoce et marqué. Déjà des marchés comme ceux de l’huile de palme ou du cacao ont commencé à le prendre en compte même si on en connaitra les conséquences seulement à l’automne.
Remarquons quand même qu’en 2014 déjà, on avait évoqué le risque d’un El Niño qui ne s’était pas concrétisé. Qu’en sera-t-il pour 2015 ? Ceci a au moins le mérite d’agiter des marchés bien déprimés.

 

20 Mai 2015

CyclOpe

 

Publication du Vingt neuvième rapport CyclOpe sur les marchés mondiaux. Cette année nous avons choisi comme sous-titre une phrase d’un poète élisabéthain du XVIe siècle, John Donne, qu’Hemingway avait utilisé pour son grand roman sur la guerre d’Espagne : « Pour qui sonne le glas ? »

Et il est vrai que le glas sonne sur nombre de composantes de notre planète, bien loin des rêves de mondialisation heureuse que nous entretenions encore il y a quelques années. Ce sont les rêves brisés de pays qui, du Brésil à l’Afrique du Sud, se voyaient déjà émergents. C’est bien sûr aussi le repli des marchés mondiaux, au-delà du seul contre choc pétrolier, qui affecte le minerai de fer et le sucre, le nickel et le coton, les produits laitiers et le gaz naturel … Les marchés sont en train de mettre un terme à la période de fortes tensions qui les avait agité depuis 2006, un choc comparable à celui que l’on avait connu dans les années soixante-dix. Avec cette page qui se tourne, c’est la fin d’une certaine euphorie, un retour à cette malédiction des matières premières bien connue dans l’histoire et que l’on avait cru pouvoir exorciser. Ce glas fait certes quelques heureux à court terme parmi les consommateurs. Mais comme le dit John Donne : « Ne demandes pas pour qui sonne le glas. Il sonne aussi pour toi ».

 

18 Mai 2015

Inde

 

En visite à Pékin, Narendra Modi n’a pas fait dans la demi-mesure et l’autosatisfaction : l’Inde ferait mieux que la Chine avec 8 % de croissance, plus de créations d’emploi et des équilibres budgétaires mieux maîtrisés. Des défunts BRICS, le I indien serait le seul maillon solide et résistant. Voire !

A son arrivée au pouvoir, il y a un an, Narendra Modi a suscité un incroyable engouement tant en Inde qu’à l’étranger. Son mode de vie monastique renouait avec la tradition du Mahatma Gandhi alors que son discours était résolument libéral et ouvert sur le monde même si son attachement au nationalisme hindou a provoqué une recrudescence des tensions avec musulmans et chrétiens. En tout cas l’économie indienne a rebondi profitant – il faut le souligner – de la baisse des prix du pétrole.

Mais sur le plan des réformes concrètes – au-delà des discours – le bilan de cette première année est modeste. L’Inde reste un pays administré par une bureaucratie tentaculaire qui a la capacité de freiner les meilleures intentions politiques. Narendra Modi a beaucoup discouru sur la scène internationale mais son bilan indien reste fort limité notamment dans des domaines essentiels comme l’éducation et la santé.
Mais au fond est-ce là l’essentiel ?

L’Inde avait besoin d’un leader qui fasse rêver, qui soit le vrai successeur des grandes figures fondatrices de Gandhi et Nehru. La plus grande démocratie du monde ne peut être réformée en quelques traits de plume. C’est peut-être là l’intelligence de Narendra Modi que de l’avoir compris.

 

17 Mai 2015

Palmyre

 

C’était à Palmyre sur la terrasse du temple de Baal en 1972 en un temps ou de jeunes auto-stoppeurs occidentaux pouvaient sillonner le Proche Orient. On arrivait à Palmyre, au cœur du désert de Syrie par une route partant de Hama et allant ensuite jusqu’à Doura-Europos. Palmyre c’était un choc de civilisations au confluent de Rome et des caravanes d’Orient et en nous endormant sous les étoiles nous rêvions de la reine Zénobie qui avait imaginé briser le joug romain.

Palmyre est aujourd’hui au cœur des combats entre l’armée syrienne de Bachar El Assad et l’émirat islamiste de Daesh. D’un côté comme de l’autre, on ne rêve que pillages et pour les islamistes éradication d’un passé « infidèle ». Les ruines de Palmyre vont  probablement disparaitre dans cette tourmente comme avant elles celles de Babylone et de Ninive.

Curieux retour de l’histoire que celui de cette région qui fut pendant les deux millénaires avant l’ère chrétienne le berceau de ce qui est devenu la civilisation occidentale, qui passa les deux millénaires suivants dans l’oubli le plus total avant de revenir depuis deux décennies sous les feux d’une actualité sanglante et destructive, tout cela pour quelques barils d’huile lampante, de pétrole !  

 

15 Mai 2015

Réforme du Collège

 

Quelques bonnes idées noyées dans un salmigondis de pédantisme pédagogique et d’idéologie laïque et égalitariste, heurtant de plein fouet les conservatismes d’un corps enseignant dont l’immense bonne volonté se dilue, voilà comment résumer la réforme du collège, ce mythe depuis René Haby, présentée par Najat Vallaud Belkacem.

Que le modèle scolaire français soit en situation d’échec est une évidence démontrée par les résultats du classement Pisa et par la vie quotidienne d’un professeur d’une université qui ne recrute pourtant que des mentions TB d’un baccalauréat largement dévalué. Mais par quel bout réformer une institution bloquée et des enseignants figés dans la dévaluation de leur métier ?

Le bon côté de la réforme est de proposer plus de liberté aux enseignants et aux écoles. Mais c’est cela justement qui fait peur d’autant plus que rien n’a été prévu pour donner plus de délégation aux chefs d’établissement notamment dans le choix et la gestion de leurs équipes enseignantes. Et comme les prisonniers du mythe de la caverne, les enseignants ont peur …

Le reste – les humanités, l’histoire, les classes bi langues – serait presque secondaire s’il n’y avait pas la conjugaison du mythe égalitariste et laïc avec la suffisance de pédagogues obtus. De bonnes idées, mal présentées et comprises. Dommage !

 

 

12 Mai 2015

Cuba

 

Au moment même où de manière bien maladroite on s’efforce de réformer les programmes d’histoire au collège, François Hollande vient de donner à ses concitoyens une leçon … d’anti-histoire. Comment a-t-il pu en effet accepter de rencontrer Fidel Castro et encore plus de s’en glorifier comme d’un moment historique !

Certes pour « notre » génération, celle des post soixante-huitards (trop jeunes pour avoir fait Mai 68 mais étudiants au début des années soixante-dix), Cuba put faire partie des mythes fondateurs d’un monde nouveau qui se préparait sous nos yeux : le romantisme révolutionnaire des latinos passait mieux que la sévérité dogmatique du petit Livre Rouge du président Mao.

Mais depuis nos yeux se sont ouverts : Castro ne vaut guère mieux que Batista, le dictateur qu’il a renversé. Le régime castriste s’est aligné sur la pire des URSS, celle d’Andropov et de Brejnev, en est devenu l’exécuteur des basses œuvres en Afrique avant de voler de ses propres ailes au Venezuela. Qu’un président français puisse se glorifier d’avoir rencontré l’avant dernier dictateur communiste de la planète, un homme que l’on ne peut absoudre de tous les crimes commis en son nom, dépasse l’entendement au-delà de toute manœuvre politicienne. Renouer avec Cuba était une chose légitime ; sanctifier ainsi Castro en est une autre : un faux pas, espérons-le.

 

11 Mai 2015

Art

 

Il aura donc fallu presque $ 180 millions pour qu’un acheteur – encore anonyme – emporte ce qui est devenu l’œuvre d’art la plus chère jamais vendue aux enchères : les « Femmes d’Alger » de Picasso, du moins l’une des versions de ce tableau peinte en 1955. En 1997, il avait fait seulement $ 32 millions.

Certes le tableau a tout pour plaire : un sujet gentiment commercial, plutôt décoratif, une belle provenance et puis la marque du plus grand peintre du XXe siècle. Ceci mérite-t-il pareille somme, on peut et on doit même s’interroger. En ventes de gré à gré de tels niveaux ont déjà été atteints et même dépassés jusqu’à $ 300 millions par les nouveaux musées qui se sont créés dans le Golfe.

A ce niveau il y a en effet peu d’acheteurs : quelques milliardaires chinois, l’un ou l’autre oligarque russe, une poignée de financiers américains  et des princes du pétrole : plutôt des « nouveaux riches » à la recherche de valeurs sûres susceptibles de conforter leur statut social : des impressionnistes et modernes et puis quelques contemporains, de Warhol à Francis Bacon ou Rothko. Ce n’est que la partie émergée d’un marché mondial qui pèse quelques $ 50 milliards, ou de vrais chefs d’œuvre côtoient des attrape-nigauds, les nigauds ne manquent pas, des riches romains auxquels les grecs vendaient des copies aux bourgeois enrichis par les révolutions industrielles et financières. Mais  $ 180 millions quand même !

 

9 Mai 2015

Démissions

 

En matière de vie politique et de démocratie, les britanniques peuvent légitimement donner quelques leçons. Hier, au lendemain de leur défaite Ed Milliband (Labour) Nick Clegg (Lib Dem) et même Michaël Farage (UKIP) ont donné leur démission et ont ainsi quitté – pour de bon – la scène politique britannique. A la fin de l’année, sur la liste des « honneurs » de la Reine, les deux premiers feront probablement leur entrée à la Chambre des Lords (quoique celle-ci soit déjà passablement surpeuplée …). Au sein de leurs partis une nouvelle génération de dirigeants pourra éclore et participer à la revitalisation de la vie politique.

Quel contraste avec la France ! En 2002 la démission – dans des circonstances identiques – de Lionel Jospin avait été vécue comme un véritable abandon. En effet en France l’homme politique est un animal à maturité lente dont le cuir se tanne au fil de ses défaites électorales. Dans un pays marqué - à gauche comme à droite – par le bonapartisme  et le culte du chef, ils sont nombreux ceux qui croient en leur destin d’hommes ou de femmes providentiels et qui ne peuvent imaginer céder leur place. Il suffit de voir – à deux ans des présidentielles – la liste des candidats potentiels pour s’en convaincre. On ne compte plus les « générations sacrifiées » par l’égoïsme de leurs anciens. En ce domaine au moins, les britanniques peuvent donner des leçons.

 

8 Mai 2015

Royaume Uni

 

La victoire de David Cameron aux élections législatives britanniques surprend par son ampleur. Contre toute attente il va pouvoir constituer un gouvernement avec les seuls conservateurs qui ont obtenu la majorité absolue. Certes le système électoral lamine les perdants (Lib-dem, UKIP) et réduit même les seconds (Labour) à la portion congrue. A ce petit jeu les autres gagnants sont les écossais qui ont pris là une belle revanche sur leur échec au référendum d’indépendance. Tout ceci a au moins le mérite de donner une majorité et une direction. Le problème est de savoir laquelle.

David Cameron a profité des excellents résultats de l’économie britannique, de la capacité de la société à accepter des réformes qui incontestablement creusent les inégalités, de ses promesses enfin à propos de l’Europe. Il y aura probablement un référendum sur l’appartenance du Royaume Uni à l’Europe en 2016 ou 2017. Pour le reste de l’Europe le plus tôt sera le mieux tant le chantage britannique – quasi permanent depuis Margaret Thatcher – est devenu insupportable. L’Europe a besoin de progresser et le vote britannique montre bien la résistance insulaire à toute intégration un peu plus marquée. Certes le Royaume Uni est géographiquement et économiquement en Europe mais de plus en plus dans une position de passager clandestin. Si l’euro existe – et c’est là une avancée majeure – c’est probablement parce  que le sterling en est resté à l’écart. Le mérite de ce scrutin est enfin de mettre nos « amis » britanniques au pied de leur mur !

 

 

7 Mai 2015

Laïcité

 

La polémique autour du dernier livre d’Emmanuel Todd montre bien – au-delà des outrances – que l’auteur a touché un point sensible au carrefour des sensibilités françaises. Mal à l’aise face à l’unanimité apparente des manifestations du 11 Janvier, Todd les a analysées  en sociologue et démographe. A y bien réfléchir, sa conclusion n’est guère surprenante : les foules étaient représentatives d’une France plutôt éduquée et de culture chrétienne et leur défense de la laïcité servait de paravent à un anti-islamisme virulent. Le propos est bien sûr exagéré même si les banlieues et leurs jeunes furent notoirement absents ce jour-là. Mais force est de constater que dans une société où le catholicisme est en complet recul avec la disparition même de toute éducation chrétienne, il y a une volonté de le remplacer par l’idéologie de la laïcité qui permet d’établir un barrage agnostique face à l’Islam.

« Dans les trente dernières années, on a vécu l’effondrement de ce catholicisme  de résistance qui structurait une partie de la société. On vient enfin d’atteindre une situation de vide religieux complet… C’est le moment où plus personne ne croît et où tout le monde devient obsédé par la religion » analyse Todd. Un peu plus et la laïcité occuperait la place du culte de la déesse Raison « inventé » par Robespierre et ses amis. La laïcité doctrinaire qui donne toute licence au blasphème et à l’intolérance est une réponse partiale au vrai problème posé par l’intégration de musulmans dans la communauté française. Et de ce problème, on n’en a pas parlé le 11 Janvier.

 

5 Mai 2015

Europe

 

Un doux parfum d’euphorie se répand sur l’Europe et avec les dernières prévisions de Bruxelles, il est presque capiteux ! Eurolande (la zone euro) aurait une croissance de 1.5 % en 2015, entraînée par Malte et l’Irlande (+ 3.6 %) et le Luxembourg (+3.4 %) et de manière plus consistante par l’Allemagne (+1.9 %) et une surprenante Espagne (+2.8 %). En queue du peloton, outre la Finlande et la Grèce, on trouverait l’Italie (+0.6 %) et puis bien sûr la France (+1.1 % quand même). En quelques mois les perspectives se sont nettement améliorées en particulier pour l’Allemagne, l’Espagne et même la France.

Le courant d’optimisme s’explique assez facilement : il y a la baisse du prix du pétrole et de l’énergie au sens large, la baisse de l’euro et enfin, avec des taux d’intérêts nuls, la mise en place par la BCE de son programme de « quantitative easing ». On peut y ajouter l’effet presque mécanique des années de stagnation – voire pour certains de récession – qui avaient précédé. Au-delà donc de ces résultats attendus, les vraies bonnes nouvelles se trouvent en Espagne et en Allemagne. L’Espagne est en effet la première en Europe à toucher les dividendes de la cure  d’austérité et des réformes imposées par les gouvernements successifs ce qui s’est traduit d’ailleurs par un net recul du mouvement Podemos. Quant à l’Allemagne, elle commence enfin à jouer le rôle de moteur économique dont l’Europe a tant besoin : bien mais encore insuffisant. Il reste bien sûr la France qui continue à baigner dans la médiocrité sans réformes.

 

2 Mai 2015

Israël / Palestine

 

Une semaine entre Israël et Palestine, c’est là un temps bien court pour forger un jugement sur ce qui est le plus ancien conflit non résolu de la planète puisqu’il précède même la création de l’état d’Israël en 1948. Depuis Israël existe et son développement économique impressionne plus encore sur la côte, autour de Tel Aviv qu’à Jérusalem. Sans même aller jusqu’à Gaza, le contraste est grand avec les zones palestiniennes ou même les régions à majorité arabe comme Nazareth. Il y a bien deux mondes qui se côtoient certes mais dans une relation dominant/dominé éminemment ambiguë. La coexistence au sein d’un même pays est d’autant moins imaginable qu’Israël se renforce d’un flux migratoire religieux non négligeable qui vient grossir les rangs des plus radicaux. La solution des deux états (sur la base de l’accord d’Oslo) est de moins en moins crédible au fil du développement de nouvelles colonies qui mitent un peu plus le territoire palestinien et le rendent ingérable. Les palestiniens l’ont bien compris qui, lorsqu’ils le peuvent à l’image des chrétiens, quittent leur pays, qui n’en sera jamais vraiment un.

On ne voit malheureusement  aucune solution rationnelle tant le déséquilibre des antagonistes est patent poussant les uns vers le nationalisme religieux outrancier et plongeant les autres dans la désespérance. Des deux côtés les hommes de bonne volonté sont marginalisés, Gaza s’éloignant chaque jour un peu plus de la Cisjordanie. Le voyageur quitte l’Israël avec l’immense regret d’opportunités abandonnées et de rêves brisés. En cette terre du Livre quel gâchis !

 

1er Mai 2015

Galilée

 

Pour un chrétien, même s’il n’est guère amateur de reliques et de pèlerinages, les abords de la mer de Galilée (ou lac de Tibériade) vers laquelle la route de Nazareth descend lentement ont le gout de tous les passages des Evangiles qui y situent le cœur de l’enseignement de Jésus. A la différence de Bethlehem et de Nazareth, totalement défigurées par une urbanisation débridée, les rives du lac n’ont pas changé en deux millénaires : il y a les restes du petit village de Capharnaüm où se trouvait la maison de la famille de Pierre ; il y a surtout ces monts et ces collines que Jésus parcourut, l’une d’entre elles étant cette montagne sur laquelle il prononça le sermon des Béatitudes, peut-être le plus beau texte de toutes les Evangiles, celui qui nous touche le plus, croyants ou incroyants. La nature est belle, empreinte d’un calme profond qui fait oublier de l’autre côté les hauteurs du Golan, la frontière avec la Syrie, le chaos des guerres civiles et religieuses. Mais là au bord de ce lac, où tout n’est que calme et harmonie, sur les pas de cet homme – ou fils de dieu – dont le message a tant marqué le monde et n’est plus aujourd’hui qu’amour et tolérance, comment ne pas s’émerveiller de l’extraordinaire destin de ces humbles pêcheurs de Galilée devenus pêcheurs d’hommes, des hommes qui ont tant besoin, aujourd’hui encore, de méditer ce message et tous ceux qui s’en rapprochent des grandes spiritualités. Tout n’était que calme ce matin …

 

 

30 Avril 2015

Abu Gosh

 

Sur le chemin allant de Jérusalem vers Jaffa et la mer, une source fit longtemps une étape utile pour les voyageurs et leurs caravanes. Une légende veut que ce soit là, à Abu Gosh, que deux pèlerins, rentrant de Jérusalem après la Pâque, rencontrèrent Jésus ressuscité. C’était peut-être Emmaus et en tout cas à l’époque des croisés on y crut suffisamment pour y construire une solide église d’une sobre pureté romane. Donnée à la France à la fin du XIXe siècle, elle abrite depuis une communauté de moines et de moniales bénédictins qui pratiquent au cœur  de communautés musulmanes et juives ce qu’ils appellent la « présence chaleureuse ».

C’est en Orient, au désert, qu’est né le monachisme qui a traversé les siècles à Massada ou Sainte Catherine dans le Sinai. Aujourd’hui au cœur d’un pays déchiré, dominé par des antagonismes plus religieux que raciaux, la présence de ces témoins silencieux mais accueillants est essentielle. Ce n’est bien sûr qu’une goutte d’eau et les chrétiens eux même pèsent de moins en moins lourd en Israël même dans une ville comme Nazareth qui en fut longtemps un fief.

Au même moment le Likoud s’associe aux partis religieux orthodoxes pour gouverner tandis qu’à Gaza le Hamas est en train de reconstituer ses forces militaires. La parole des chrétiens ne compte guère et pourtant cet oasis de paix d’Abu Gosh est un beau témoignage comme le fut Tibhirine en Algérie.

 

29 Avril 2015

Yad Vachem

 

Peu de lieux sont aussi émouvants que le mémorial de Yad Vachem à Jérusalem. La nature y est belle et dans ce jardin la symbolique des bâtiments n’en est que plus forte. C’est un lieu de mémoire qui raconte ce qui restera probablement comme la page la plus inhumaine du XXe siècle : les immenses massacres perpétrés par l’Allemagne nazie et notamment le génocide du peuple juif.

Dans un long bâtiment qui passe des images sepia d’avant-guerre à la violence des années noires avant que de s’ouvrir sur le paysage édénique de la Palestine, l’histoire est racontée de manière sobre, sans exagération si même condamnation. On y retrouve bien l’engrenage du mal ordinaire tel que l’a analysé Anna Harendt. C’est tout un monde, une civilisation qui disparaissent sous nos yeux et que marquent quelques frêles souvenirs d’existences fauchées par la folie raciste. Le moment le plus poignant est celui où le visiteur circule dans une pénombre étoilée éclairée par les visages des enfants disparus. Le silence est total, l’émotion palpable.

De tous les génocides du XXe siècle dont on fête ces temps-ci bien des anniversaires de l’Arménie au Cambodge, la Shoah fut le plus monstrueux parce que le plus rationnel, le mieux organisé, le plus vain aussi. Car l’âme d’Israël s’en est trouvée renforcée au point de parvenir à offrir à ses morts pareil écrin. Mais des Hereros du Sud-Ouest Africain aux Tsiganes et aujourd’hui aux chrétiens d’Orient, combien de génocides restent ignorés et oubliés.

 

28 Avril 2015

Israël et Palestine

 

Bethlehem est à peine à quelques kilomètres de Jérusalem mais séparée par un mur certes de béton (joliment tagué du côté palestinien) mais surtout d’incompréhension, de ressentiment, d’histoires qui divergent de plus en plus.

Les deux peuples sont proches surtout si l’on pense aux « laïcs » israéliens et palestiniens, certes en perte de vitesse mais qui représentent encore probablement une majorité silencieuse. Et pourtant il y a cette barrière qui serpente sans logique aucune si ce n’est les implantations des uns et les sursauts des autres. La différence est toute autre. Israël existe, miracle extraordinaire d’un peuple qui a retrouvé le fil de son histoire après près de dix-neuf siècles d’interruptions : au Musée d’Israël, le superbe musée du livre (remarquable geste architectural s’il en est) fait le lien entre les manuscrits de Qumran et le codex d’Alep rédigé au Xe siècle et sauvé de la destruction de la synagogue d’Alep en 1948. Israël est une démocratie, la seule véritable de la région. Israël est-il un état religieux ? Non disaient les pères fondateurs. Mais aujourd’hui est-ce encore le cas quand on sait le poids des partis religieux ? Quant à la Palestine, elle ressemble par certains côtés à ces « bantustans » que l’Afrique du Sud chercha à imposer dans les dernières années de l’apartheid. Deux peuples si proches, si différents et qu’un fossé chaque jour plus profond sépare.

 

27 Avril 2015

Jérusalem

 

La remontée de la Mer Morte vers Jérusalem, c’est le passage du désert – y compris spirituel – vers le cœur des grands monothéismes dans lesquels se reconnait plus de la moitié de l’humanité.

Pénétrer dans Jérusalem, c’est un court moment oublier Israël et la Palestine et tous les conflits qui embrasent le Moyen Orient. On parcourt les rues étroites de la vieille ville comme tant de pèlerins depuis des siècles. Les chrétiens se trouvent au Saint Sépulcre et dans les innombrables églises de toutes les confessions (il y a dix-huit évêques et patriarches à Jérusalem …). Les musulmans vont au dôme du Rocher. Les juifs – et surtout les plus orthodoxes, les « haredim »  qui semblent tout droit sortis d’un « Shtel » polonais du XIXe siècle – vont prier au pied du mur occidental du temple.

De telles dévotions pourraient prêter à sourire et il est vrai que les queues qui se pressent autour du Sépulcre ou du rocher de Golgotha tout comme ces chapeaux noirs et ces perruques devant le Mur surprennent et interpellent les esprits forts ou ceux qui croient en être.

C’est que Jérusalem est du domaine du mystère. C’est une ville où l’Esprit a soufflé et continue à souffler malgré les folies du monde. Depuis un demi-siècle Jérusalem est le principal point focal des tensions géopolitiques de la planète mais en même temps, Jérusalem est ailleurs dans les prières des haredims, des moines et des imams. Si proche, si loin …

 

26 Avril 2015

Israël

 

Découverte de la Terre d’Israël par là où tout a commencé : le désert, le désert de Judée et du Néguev là où sont apparues il y a six ou sept millénaires les premières croyances monothéistes, sur les chemins allant d’Egypte vers la Mésopotamie. Drôle de Terre Promise que ce désert qui descend vers la Mer Morte marqué de quelques campements de bédouins où la tôle ondulée remplace les tentes, de bourgades israéliennes et puis de Kibboutz et notamment de celui où est enterré Ben Gourion. Là le rêve de « verdir » le désert a été réalisé mais même dans ce kibboutz « modèle » on ne sent plus l’âme des fondateurs d’Israël, ces ashkénazes socialisants et laïcs

Pourtant à quelques kilomètres plus au Sud, le makhtesh (cratère ou canyon) Ramon doit son nom à l’un des héros contemporains d’Israël, le pilote Ilan Ramon qui avait participé au raid qui détruisit le réacteur  nucléaire irakien et qui disparut dans l’accident de la navette spatiale Columbia. Ben Gourion, Ramon, des images d’un Israël tourné vers le futur au cœur de ce désert des premiers âges. A Tell Arad ce sont ainsi les vestiges du premier temple contemporain de celui de Jérusalem au-dessus d’une cité cananéenne. Un peu plus au Nord, c’est Jéricho, probablement la plus vieille ville  de l’histoire de l’humanité.

En ce début de printemps le désert est presque vert et la chaleur reste supportable. Relire en ces lieux comme nous le faisons le récit de le création du monde dans la Genèse a quelque chose de magique : oui vraiment c’est là que tout a commencé.

 

24 Avril 2015

Génocide arménien

 

Il y a un siècle exactement débutait le premier génocide de masse d’un XXe siècle qui ne fut pas avare de ce type de massacres. Le premier pas exactement car il faut aussi, avant celle des arméniens et autres chrétiens anatoliens conserver la mémoire des Hereros, ce peuple de Namibie écrasé au début du siècle par l’occupant allemand.

En réalité la notion même de génocide est née avec la Shoah qui en fut la première expression systématique, presque « scientifique ». Il s’agissait alors d’éliminer une race – plusieurs si l’on tient compte des tsiganes – pour ce qu’elle était et sans véritable motivation politique ou économique autre qu’ethnique, voire religieuse.

Le génocide est l’éradication d’un peuple, une éradication gratuite motivée par la seule haine de l’autre : juifs et tziganes, tutsis du Rwanda, arméniens et chrétiens du Proche Orient en ont éprouvé l’arbitraire. Le génocide va bien au-delà d’une simple guerre de religions et en parler à propos par exemple de la Vendée est une grossière exagération. Le génocide arménien appartient encore au XIXe siècle des pogroms mais déjà il y a quelque chose de systématique qui annonce les horreurs du XXe siècle. Celles-ci d’ailleurs ne se limitent pas aux seules « races » victimes. Comment ne pas oublier les millions d’innocentes victimes du stalinisme et du maoïsme, les déportés de la grande collectivisation des années trente en URSS, du grand bond en avant des années soixante en Chine. Le drame est que tout ceci se poursuit encore au XXIe siècle.

 

19 Avril 2015

Migrants

 

C’est par centaines qu’aujourd’hui ont disparu au large de l’Italie des migrants d’Afrique qui rêvaient d’Europe et sont tombés victimes de modernes marchands d’esclaves. La traite existe encore même si elle est volontaire et si les négriers n’ont pas d’obligation de résultat …

Que faire ? Les sauver certainement mais au-delà ? Les accepter dans une Europe à bout de souffle qui frise désormais le seuil d’intolérance ? Les rejeter eux qui ont tout risqué ? Fermer les yeux comme nous le faisons trop souvent ? Aucune «bonne » solution ne s’impose et il est un peu facile de dire – ce qui est vrai – que le problème d’origine est celui du mal-développement des pays d’origine, une situation aggravée par l’instabilité politique et les guerres civiles et religieuses. Ceux qui partent le font par désespoir et ils sont souvent les plus courageux, ceux qui sont prêts à prendre le plus de risques. Il en a toujours été ainsi des grandes migrations et notamment celles du XIXe et du XXe dont l’Europe fut à la fois un point de départ (vers les Amériques) et d’arrivée. Mais il y avait à l’époque des terres à conquérir, des rêves à réaliser. Il ne reste plus que des rêves qui se brisent dans les vagues de la Méditerranée.

« J’étais un étranger, un pauvre, et tu ne m’as pas accueilli ». Par cette parole du Christ se terminait le sermon dominical dans une paroisse du Pays Basque dont les fils se sont longtemps expatriés, chassés par la misère. Nous sommes restés silencieux.

 

17 Avril 2015

Cambodge

 

Voilà un bien cruel anniversaire. Il y a quarante ans les khmers rouges font leur entrée à Phnom Penh. Tous les « progressistes » du moment applaudirent tout comme ils célébrèrent la chute de Saigon et l’envol des derniers hélicoptères du toit de l’ambassade des Etats-Unis. L’expérience du « Kampuchéa démocratique » fut l’une des plus radicales de celles que suscitèrent les dérives du marxisme léninisme. Le régime nord-coréen n’est à côté qu’une aimable plaisanterie et Staline un véritable « papa-gâteau ».

Mais la logique est la même : simplement les dirigeants  khmers rouges sont allés jusqu’au bout de ce que Arthur Koestler avait commencé à décrire dans le Zéro et l’Infini : le croissement du totalitarisme et de l’illusion de la reconstruction d’un monde idéal.

L’horreur dura quelques années à peine, fit proportionnellement plus de morts que tous les génocides du XXe siècle (mais sans dimension éthnique) et serait presque oubliée s’il n’y avait encore quelques procès en cours des derniers dirigeants survivants. On ne peut dire que depuis la démocratie cambodgienne ait bien fonctionné même si le pays commence à décoller économiquement en profitant de délocalisations chinoises attirées par le faible coût de la main d’œuvre.

Le devoir de mémoire est là d’autant plus nécessaire que l’oubli, celui de la grande folie des idéologies du XXe siècle, nous guette.

 

16 Avril 2015

Chine

 

7 % ! La croissance chinoise au premier trimestre 2015 a ralenti à son rythme le plus faible depuis 2009, se calant sur l’objectif officiel annoncé par le premier ministre Li Ke Quiang comme la « nouvelle normalité ». N’attachons bien entendu pas trop de fétichisme à ces chiffres dont la précision est toujours surprenante dans la mesure où ils sont publiés quinze jours à peine après la fin du trimestre. Au-delà du chiffre et de son contenu symbolique et politique, ce qui compte c’est la tendance qui confirme bien un ralentissement rapprochant la Chine du niveau (5 à 6 %) auquel elle ne créera plus suffisamment d’emplois urbains pour répondre au choc migratoire en provenance des campagnes.

Le plus frappant est la baisse régulière du taux de croissance des investissements (+13.5 % encore mais on était à + 25 % au début de la décennie) qui montre bien que le modèle chinois est en train de changer de paradigme. Le pilotage à vue de l’économie chinoise n’en devient que plus difficile. Il n’y a pour l’instant pas de raison majeure de s’inquiéter mais l’absence d’inflation et la hausse monstrueuse de l’endettement (200 % du PIB) montrent bien les déséquilibres dont souffre l’économie chinoise. Et pour l’instant le relais de la consommation des ménages chinois fonctionne de manière insuffisante. A court terme il faut surveiller le front immobilier et la capacité qu’aura le gouvernement chinois d’éviter l’éclatement d’une bulle qui pourrait avoir le même effet dévastateur que celui de la bulle immobilière japonaise au début des années quatre-vingt-dix.

 

15 Avril 2015

Alcatel

 

Ambroise Roux a du se retourner une dernière fois dans sa tombe car c’est l’ultime pan de son rêve qui vient de s’évanouir avec l’annonce du rachat d’Alcatel-Lucent par Nokia.

La CGE telle qu’Ambroise Roux l’avait conçue devait-être l’équivalent de l’américain General Electric ou de l’allemand Siemens : une vaste holding regroupant des activités disparates mais essentielles dans le domaine de l’électronique et des télécommunications. Ce devait être le pendant privé des vastes constructions publiques de l’époque pompidolienne. Mais bientôt la mode managériale condamna ces approches globales au profit de la spécialisation des métiers. Au fil des hésitations de l’état (les nationalisations étaient passées par là) et grâce à la médiocrité de ses dirigeants, la CGE fut dépecée et nombre de ses pépites vendues à l’encan. En 2014 Alstom a été – de facto – rachetée par General Electric. Nexans a du s’appuyer sur un partenaire chinois et voilà Alcatel-Lucent condamné à se vendre au finlandais Nokia, lui-même rescapé de la grande aventure de la téléphonie mobile.

Sur le papier l’ensemble a fière allure mais il faut se garder de toute illusion sur les synergies et les économies d’échelle qui seront réalisées. Ce mariage de deux éclopés sonne en tout cas le glas des ambitions françaises dans un des secteurs clefs de la révolution des technologies de l’information.

 

14 Avril 2015

François Maspero

 

La mort de François Maspero laisse un peu orphelin toute la génération de ceux qui au début des années soixante-dix passaient leurs soirées à feuilleter les ouvrages empilés dans les salles enfumées de la Joie de Lire, rue Saint Severin, avant d’aller diner dans l’un des déjà nombreux restaurants grecs du quartier. Chez Maspero, on lisait Frantz Fanon, Bruno Bettelheim, les premiers livres de Régis Debray et même de Bernard Henry Levy (sur le Bangladesh …). C’était au lendemain de Mai 68 ; on manifestait contre la guerre américaine au Vietnam, pour l’occupation pacifique du Larzac et le 1% Tiers Monde.

Tout ceci sent son ancien combattant un brin nostalgique. La Joie de Lire ferma en 1976 (et le quartier Saint Severin est devenu un redoutable concentré de boutiques de fringues et de restaurants bas de gamme). François Maspero lui-même tourna la page quelques années plus tard et la plupart de ses lecteurs à l’image de l’auteur de ces lignes se sont embourgeoisés et sont de toute manière aujourd’hui au bord de la retraite (un mot qui alors n’avait guère de sens).

Mais « La Joie de Lire » (qui était aussi celle de feuilleter) a été notre part de rêve et pour cela François Maspero mérite notre reconnaissance émue !

 

 

13 Avril 2015

Nations Unies

 

Conférence à Genève au Palais des Nations. Le temps est beau et la vue sur le massif enneigé du Mont Blanc est somptueuse. Le bâtiment qui abrita la Société des Nations ne manque pas d’allure  et est resté, pour ses parties les plus anciennes dans son « jus » des années trente. On pourrait y croiser les héros de « Belle du seigneur » d’Albert Cohen qui y fut fonctionnaire.

La réalité est moins poétique et cependant toute aussi futile. Les réunions y sont nombreuses regroupant diplomates et « professionnels » de la représentation plus ou moins autoproclamée de la société civile (en anglais, les « stake holders »), ONG et activistes de tout poil.

La CNUCED y tenait une réunion sur les matières premières qui furent son grand cheval de bataille, il y a une trentaine d’années. Les enjeux ont changé et le seul sujet un peu polémique portait sur la place du négoce international en Suisse et sur l’intérêt qu’il y aurait à mieux le réglementer. Pour la plupart des participants, peu et mal informés, les analystes simplistes et les clichés démagogiques des ONG faisaient mouche. Certes la CNUCED n’a en la matière plus guère d’influence ni d’autorité. Mais elle offre encore une tribune trop facile à des visions réductrices qui peuvent s’y exprimer pratiquement sans contradictions. Inquiétant.

 

8 Avril 2015

Cybercriminalité

 

Pendant qu’une cyber-attaque réduisait au silence les émetteurs de TV5 Monde, les étudiants du Master Affaires Internationales (212) de Dauphine organisaient un colloque portant sur les menaces pesant sur les entreprises, de la piraterie maritime à la cybercriminalité ! Avec un décalage de quelques siècles, l’espace maritime et l’espace numérique présentent en effet les mêmes caractéristiques. A l’origine, c’est l’inconnu : nul ne sait ce qu’il y a au-delà des mers ni n’en mesure tous les dangers. La mer échappait aux souverainetés traditionnelles et il fallut presque trois siècles pour que s’établissent les fondements du droit maritime qui n’a depuis cessé d’être enrichi. Combattue, la piraterie avait presque disparu avant que de faire un retour remarqué ces vingt dernières années des côtes de Somalie au golfe de Guinée. L’espace numérique ressemble aux océans du XVIIe siècle. Il est mal défini et reste une zone de non-droit sans gouvernance véritable. Le droit international du numérique est balbutiant et la communauté internationale fait désormais face à l’inventivité des nouveaux pirates qu’ils soient révoltés ou bandits.

A l’origine, l’esprit d’internet était un peu celui de la flibuste. Mais ce romantisme n’a guère duré. Les navigateurs du net doivent accepter maintenant la régulation internationale de l’espace numérique.

 

 

7 Avril 2015

Iran

 

Il faudra un peu de temps et de recul pour évaluer l’accord auquel sont parvenus à Lausanne les négociateurs occidentaux et l’Iran à propos du programme nucléaire iranien. Certes il ne s’agit pour l’instant que des bases d’un accord qui devra être finalisé d’ici juin. Mais il semble bien que l’Iran ait mis sur la table des promesses allant bien au-delà de ce qui était anticipé en termes de nombre de centrifugeuses, d’exportation d’uranium et d’enrichissement. Par contre le calendrier de la levée des sanctions reste encore bien imprécis.

Comme on pouvait s’y attendre les critiques ont fusé : les républicains du Congrès, Israël et surtout l’Arabie Saoudite qui est à la limite du choc frontal avec l’Iran autour du Yémen. Certaines sont fondées et on ne peut sous-estimer les risques de pareilles négociations. Mais l’enjeu est aussi considérable car c’est une occasion unique de ramener l’Iran dans le concert des nations, de conforter les modérés et le « bazar » (les forces économiques) face aux obscurantistes, de limiter aussi les risques d’escalade nucléaire. Il faut simplement espérer qu’aux Etats-Unis, Barack Obama sera capable d’obtenir l’aval du Congrès.

Par contre un accord ouvrirait une nouvelle ère au Moyen-Orient, celle d’une guerre des religions déclarée entre sunnites et chiites sans interférences des boucs émissaires habituels qu’ont été longtemps les « grands satans » israéliens et américains. Cela non plus n’est pas très réjouissant.

 

5 Avril 2015

Pâques

 

Messe de Pâques au Pays Basque. Comme de tradition l’église est comble jusque dans les plus hautes des galeries et les chants – en français et en basque – sont repris avec chaleur. Pourtant en ce jour (qui est aussi celui de la Pâques juive), la chrétienté est en deuil, qui voit menacées ses plus anciennes communautés, ces chrétiens de Syrie et d’Irak, les derniers à parler araméen, qui avaient survécu à près de deux millénaires de bouleversements et à treize ou quatorze siècles de domination musulmane. Ils étaient des peuples du Livre, tolérés en tant que tel même si leur statut était inférieur. L’Islam sut alors – dans certaines limites – être plus tolérants que les Rois catholiques en Espagne et ailleurs.

Voilà donc ces chrétiens persécutés, chassés, exterminés au nom d’un obscurantisme qui n’a de religieux que le nom. Des mémoires sont balayées, des villages disparaissent …

Pour les chrétiens, Pâques est le sommet de l’année liturgique, le moment de la Résurrection, la réalisation de l’Espérance des hommes. Mais pour beaucoup ce matin, cette espérance apparaît bien folle qui est de croire que les religions – toutes les religions – convergent dans le même amour du prochain, de l’autre dans sa diversité.

 

 

4 Avril 2015

Souvenirs

 

Colette Neme, Pierre Bauchet, John Makin, trois noms de personnes retrouvées dans les chroniques nécrologiques ; trois économistes – deux français et un américain – que j’ai eu l’occasion de cotoyer à des moments différents de ma vie professionnelle ; des rencontres qui m’ont formé. Colette Neme était une spécialiste de l’Europe et dirigeait une collection de cahiers sur la Politique Agricole Commune dans lesquels j’ai écrit. Pierre Bauchet était un spécialiste d’économie du transport maritime. John Makin était un économiste américain travaillant à Wall Street, mais aussi à l’American Enterprise Institute, un des meilleurs think tanks libéraux américains : John publiait des analyses mensuelles sur la conjoncture économique parmi les plus pertinentes que j’ai jamais lues. Et puis si les visages de Colette Neme et de Pierre Bauchet se sont estompés dans ma mémoire, j’ai en tête la distinction très « côte Est » de John Makin et le raffinement de son humour.

Nos vies se sont croisées ainsi de manière fugace mais il n’est pas de place pour l’oubli. La véritable mort en effet c’est lorsqu’il n’y a plus personne pour se souvenir que l’on a existé. Et le souvenir est là en ces quelques lignes …

 

 

3 Avril 2015

Nigéria

 

A l’approche des élections présidentielles au Nigéria, nombre « d’expats » avaient renvoyé leurs familles en Europe tant on pouvait craindre le pire dans un pays déchiré, corrompu, incapable de répondre à l’agression de Boko Haram dans le Nord. Et pourtant ! Battu, le président Goodluck Jonathan, un chrétien du Sud, a reconnu sa défaite et va céder le pouvoir à Muhammadu Buhari, un musulman du Nord, mais surtout un général qui a déjà dirigé le Nigéria en 1983/85 à la suite d’un coup d’état. A l’époque Buhari s’était distingué par des méthodes originales de discipline et par une réputation d’intégrité relativement exceptionnelle dans un Nigéria où le partage de la rente pétrolière n’est guère équitable. Il avait été renversé au bout de deux ans par un autre général.

Jusque-là le Nigéria cumulait de bien mauvaises habitudes : l’instabilité politique, les guerres civiles (le Biafra !) et puis surtout, la corruption et la gabegie. Si le président sortant s’était révélé incapable d’en réduire l’ampleur, ni de vraiment lutter contre Boko Haram, il faut lui reconnaître deux mérites : le premier est d’avoir remis l’économie nigériane sur de bons rails, le deuxième est d’avoir accepté sa défaite, ce qu’est suffisamment exceptionnel en Afrique pour être souligné. Maintenant Buhari sera-t-il à la hauteur ?

 

2 Avril 2015

Lait