CyclOpe 2024

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Attendre et espérer"

Publication du Rapport

Cyclope 2024

14 Mai 2024 - Paris

CyclOpe 2023

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Les cavaliers de l'Apocalypse"

Publication du Rapport

Cyclope 2023

23 Mai 2023 - Paris

CyclOpe 2022

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Le monde d'hier »

Publication du Rapport

Cyclope 2022

8 Juin 2022 - Paris

CyclOpe 2021

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Cette obscure clarté qui

tombe des étoiles »

Publication du Rapport

Cyclope 2021

26 Mai 2021 - Paris

 

CyclOpe 2020

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Allegoria ed effetti
del Cattivo Governo -Ambrogio Lorenzetti 
»

Publication du Rapport

Cyclope 2020

09 juin 2020 - Paris

CyclOpe 2019

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Les illusions perdues »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2019

15 mai 2019- Paris

CyclOpe 2018

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Le ciel rayonne, la terre jubile »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2018

16 mai 2018 - Paris

CyclOpe 2017

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Vent d'Est, Vent d'Ouest »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2017

15 mai 2017 - Paris

CyclOpe 2016

 

LES MARCHES MONDIAUX

« A la recherche des sommets perdus »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2016

24 mai 2016 - Paris

CyclOpe 2015

LES MARCHES MONDIAUX

Pour qui sonne le glas ?

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2015

20 mai 2015 - Paris

CyclOpe 2014

LES MARCHES MONDIAUX

Dans le rêve du Pavillon Rouge

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2014

14 mai 2014 - Paris

Les billets du jour - le blog de Philippe Chalmin

photo philippe Chalmin

Diplômé d’HEC, Agrégé d’histoire et Docteur es lettres, Philippe Chalmin est professeur d’histoire économique à l’Université Paris-Dauphine où il dirige le Master Affaires Internationales.

Il est le président fondateur de CyclOpe, le principal institut de recherches européen sur les marchés des matières premières qui publie chaque année le rapport CyclOpe sur l’économie et les marchés mondiaux.

Il a été nommé en Octobre 2010, Président de l’Observatoire de la Formation des prix et des Marges Alimentaires auprès du Ministre de l’Agriculture et du Ministre de l’Économie et des Finances. Il a été membre du Conseil d’Analyse Économique auprès du Premier Ministre, du Haut Conseil des Biotechnologies et du Conseil des Ventes Volontaires.

Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages dont parmi les plus récents « Le monde a faim » (2009), « le siècle de Jules » (2010), « demain, j’ai 60 ans, journal d’un économiste » (2011), « Crises, 1929, 1974, 2008 Histoire et espérances » (2013)

17 janvier 2025


C’est un discours d’adieu émouvant que Joe Biden a délivré depuis le Bureau ovale de la Maison-Blanche. Bien sûr, il a raté sa succession, il a trop longtemps tergiversé avant de choisir de se représenter, puis il s’est retiré trop tard. Il restera à la postérité, malheureusement pour lui, l’homme qui a rendu possible l’improbable retour de Donald Trump.
 Ceci étant, son bilan économique est brillant, y compris en termes de réindustrialisation. Au plan international, après l’échec de Kaboul, il a plus subi les événements et Netanyhou lui aura fait un ultime pied de nez en ne cédant sur le cessez-le-feu à Gaza que sous la pression de Trump…
 Mais les paroles de ce vieux monsieur doivent être entendues lorsqu’il prévient contre le danger que représente « une oligarchie d’extrême richesse, de pouvoir et d’influence » avec une référence aux « barons voleurs » de la fin du XIXe siècle (Rockfeller, Carnegie…) qui furent l’objet des premières lois antitrust. Le « modèle » américain a aujourd’hui de quoi inquiéter et Musk, Bezos, Zuckerberg et quelques autres concentrent un pouvoir sans équivalent qui met en péril les fondements mêmes de la démocratie américaine. C’est peut-être là ce qui est le plus inquiétant avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir. Au-delà des provocations de Musk, c’est la réalité de la prise de pouvoir de l’univers des plates-formes désormais presque sans limites. Joe Biden a échoué et le monde a de quoi trembler.

16 janvier 2025


François Bayrou vient de passer son premier obstacle. En réalité, il ne risquait pas grand-chose dès lors que le RN avait décidé de ne pas s’associer à la motion de censure de LFI. Mais il a obtenu la neutralité du PS (à huit dissidents près), ce qui est la première fissure majeure dans le NFP.
 On peut certes saluer le pragmatisme des dirigeants socialistes, mais les ultimes concessions de Bayrou sont inquiétantes tant elles illustrent le clientélisme dans lequel versent désormais tant les socialistes que les centristes : recul donc sur le jour de carence des fonctionnaires dont on sait pourtant l’impact sur le fonctionnement des services publics ; recul aussi sur la suppression de 4 000 postes d’enseignants quand on sait là aussi que le problème de l’éducation nationale est tout sauf un problème d’effectifs ; maintien enfin de l’impôt sur les grandes fortunes, plus logique et motivé, certes, mais qui – isolé d’une nécessaire réforme de la fiscalité – est un signal inquiétant pour la nécessaire stabilité fiscale française.
 Ce ne sont là bien sûr que des hors-d’œuvre pour le grand débat budgétaire à venir. Mais les socialistes ont montré là leurs limites en défendant le précarré de leur clientèle, fonctionnaires et enseignants, sans se soucier des nécessaires équilibres budgétaires. Pour survivre, François Bayrou a lâché en contradiction totale avec le constat qu’il avait fait dans un premier discours de politique générale. Mais de ces marchandages sordides, il ne peut rien sortir de bon pour la France !


14 janvier 2025


François Bayrou a prononcé son discours de politique générale : une heure trente marquée au coin d’une émotion manifeste avec quelques belles envolées, des citations choisies, de Marc Sangnier à Pierre Mendes France, des passes de fleurets à peine mouchetés lorsqu’il s’agissait de faire le bilan de la dette, de Mitterrand à Macron. Mais une ligne un peu brouillonne tenant aussi aux lois de l’exercice qui oblige à tout aborder sans rien approfondir en renvoyant à d’autres échéances, à des rapports, des commissions voire à des « hauts commissariats ». Sur la question essentielle, celle des retraites, il n’a – semble-t-il –, rien lâché : ni pause, ni suspension, mais un « conclave » social sommé de se réunir dans les trois jours et de rendre ses résultats avant l’été sur la base d’une nouvelle évaluation réalisée par la Cour des Comptes. Sans rentrer dans les détails, il a confirmé l’orientation budgétaire sur un déficit de 5,5 % du PIB tout en lâchant la moitié de l’effort demandé aux collectivités locales, la réduction du remboursement de certains médicaments et en annonçant même le remboursement total des fauteuils roulants ! Enfin, sur le plan politique, il s’est engagé un peu plus vers la proportionnelle et a eu des paroles assez fortes (surtout venant d’un centriste) sur l’immigration et en particulier sur le cas de Mayotte. A-t-il convaincu ? Après la réponse des différents groupes parlementaires et le refus de la censure par le RN, il reste l’inconnue du PS, critique, mais peut-être pas jusqu’au bout même si écologistes et communistes se sont alignés sur LFI.


12 janvier 2025

 
Il y a quelque chose de surréaliste dans le débat actuel autour de la situation budgétaire de la France et d’une éventuelle motion de censure à l’encontre du tout nouveau gouvernement Bayrou. C’est bien sûr la question des retraites. Sur le fond du problème, personne ne peut nier qu’avec l’allongement de l’espérance de vie, le système français de retraite par répartition est condamné à des déficits abyssaux si, d’une manière ou d’une autre, le temps de la vie au travail n’est pas augmenté. Avec l’allongement de la durée des études, l’entrée dans la vie active se fait plus tard qu’autrefois. Cela veut dire que « volens, nolens », il faura travailler plus tard (l’auteur de ces lignes, comme François Bayrou a 73 ans…). Sans aller jusqu’à de telles extrémités, les termes de la loi actuelle (les fameux 64 ans) n’ont rien d’aberrant et seront même probablement insuffisants au milieu du siècle. La réforme avait été accouchée dans la douleur à coup de 49/3. Elle est un acquis qu’il est irresponsable de remettre en cause. C’est pourtant ce que semblent souhaiter les socialistes que l’on a connu moins aveugles. On parle ces jours-ci de « suspension », de « pause », de tour de passe-passe avec le fonds de réserve des retraites… Et tout cela avec un déficit public qui dépasse les 6 %.
Si le gouvernement cédait, ce serait là un message dramatique envoyé tant aux Français qu’au reste du monde. Et malheureusement, comme le disent crûment les Anglo-saxons : « There is no free lunch ».

 

9 janvier 2025

 

En ce début dannée 2025 Mar-a-Lago est le véritable centre du monde. Cest là que Donald Trump peaufine la constitution de l’équipe gouvernementale peut-être la plus atypique de lhistoire des États-Unis. Cest là que les patrons américains, de la « high tech » à la pharmacie viennent faire allégeance, que les anciens rebelles de la Silicon Valley viennent sincliner comme autrefois à Canossa sous l’œil critique dun Elon Musk, plus arrogant que jamais, que lon commence à comparer à Raspoutine et dont le rôle exact est la source de toutes les interrogations.

Dans quelques jours, pour la deuxième fois, Donald Trump va prêter serment comme président des États-Unis pour le meilleur – peut-être – et le pire, ce que peut quand même redouter le reste du monde. Il hérite en tout cas dune économie américaine en pleine forme (au moins 2,5 % de croissance pour 2025 contre 1 % au mieux en Europe) grâce à lefficacité des « Bidenomics » et notamment de lIRA. Si Joe Biden avait pris la décision raisonnable de ne pas solliciter un deuxième mandat, si les démocrates avaient eu de véritables primaires, le bilan économique, au-delà de linflation, aurait probablement permis à Kamala Harris – ou à un autre – de lemporter sur Trump. Mais on ne refait pas lhistoire.

Que va donc être la politique américaine, en Ukraine et au Moyent-Orient, vis-à-vis des voisins canadiens (exit Trudeau) et mexicains, à l’égard de lEurope et bien sûr de la Chine, sans oublier même le Groenland et Panama! Donald Trump a pu amuser la galerie avec ses déclarations tonitruantes, mais à partir du 20 janvier, sa parole sera celle de la première puissance de la planète.

Le trumpisme deuxième époque sannonce comme une curieuse mixture de culture libertarienne et de volonté den finir avec l’État-providence dune part, de protectionnisme et de barrières de toute nature dautre part : du libéralisme sans libre-échange condamnant dun même élan tant Keynes que Ricardo. Lexpérience pourrait être intéressante si elle ne tombait en période de ruptures géopolitiques majeures, de fractures au cœur de la mondialisation, de doutes aussi quant à la pérennité de la croissance de lautre grand pôle de l’économie mondiale, la Chine.

De toutes ces interrogations, de tous ces doutes, les marchés mondiaux de matières premières et de commodités en seront encore en 2025 le parfait révélateur au fil dembargos et de quotas, de probables guerres tarifaires, de véritables guerres aussi.

La page qui souvre en janvier 2025 a peu d’équivalents dans lhistoire. Nous sommes bien en tout cas au cœur de ce qui passera probablement à la postérité comme la grande crise des années vingt du XXIe siècle équivalente au siècle précédent à celles des années trente puis des années soixante-dix. La seule leçon en est leur durée…

 

8 janvier 2025

 

Quil est loin le temps des « gentils » inventeurs de Californie, lointains héritiers des hippies et autres « flower people » qui nous faisaient croire que leurs réseaux permettraient laccès libre à la fraternité universelle! Avec l’élection de Donald Trump, les dirigeants des « Magnificent Seven » ont bien vite retourné leur veste et font la queue pour baiser les babouches du futur président en son palais de Mar-a-Lago. Il y a bien sûr Elon Musk dont on ne sait quel sera exactement le rôle et qui met son réseau X au service de tous les populismes en particulier en Europe. De son côté, Jeff Bezos, le patron dAmazon, a mis au pas le Washington Post qui ne risque guère de déclencher quelque « watergate » trumpien que ce soit. Et voilà Mark Zuckerberg qui libère les derniers garde-fous de Facebook et dInstagram : bienvenue dans la jungle des réseaux dont la seule légitimité est la capitalisation boursière! Le ralliement de la Silicon Valley au versant le plus inquiétant de laventure trumpienne alors même que lintelligence artificielle ouvre la porte à toutes les manipulations possibles est un véritable défi au fonctionnement des démocraties ou de malheureusement ce quil en reste. Cest là une nouvelle version de la « Trahison des clercs ».

 

7 janvier 2025

 

Il y a donc dix ans que la rédaction de Charlie Hebdo était foudroyée par lattentat des frères Kouassi. Parmi les victimes, il y avait Bernard Marris. Bernard Marris était un économiste avec lequel pendant cinq années javais partagé une émission télévisée de débat économique (« ya pas que le CAC » sur i-télé, le prédécesseur bien différent de C.News). Bernard était un merveilleux mélange d’économiste plutôt classique dobédience keynésienne (il avait dailleurs écrit sur Keynes) et dimprécateur. Dans Charlie Hebdo, les chroniques dOncle Bernard étaient un délice dhumour disruptif. Alors quil avait atteint un incontestable succès médiatique et éditorial avec des chiffres de vente de ses « anti-manuels » à faire pâlir denvie, il souffrait dun manque de reconnaissance de ses confrères, lui qui n’était pas passé par la sacro-sainte agrégation de sciences économiques de l’époque. Notre duo, lun de gauche, lautre libéral, fonctionna bien et parfois nos rôles sinversaient au fil de débats passionnés.

Bernard écrivit aussi des romans, et au fond il en était un personnage avec ses contradictions, ses doutes et ses amitiés que des « fous de Dieu » fauchèrent avec lui il y a déjà dix ans.

 

Le retour des « fruits dor »

 

« Les navires qui arrivaient amenaient des gens nouveaux, des hommes et des femmes qui débarquaient en quête de lor facile qui naît sur larbre du cacao ». Ainsi, Jorge Amado décrivait la folie du cacao qui saisit la région de Bahia au Brésil dans les années vingt du siècle dernier. C’était bien alors, la « terre aux fruits dor ».

Aujourdhui, malgré la hausse des prix de lor et celle du dollar, il faut quatre onces dor pour acheter une tonne de cacao, quand, ces dernières années, il en fallait à peine deux. De toutes les matières premières, cest le cacao, qui, en 2024, a battu tous les records avec une hausse de 126 % de son prix moyen par rapport à 2023. Du début à la fin de lannée, les prix ont triplé de $ 4 034 la tonne à $ 12 931 courant décembre pour finir à $ 11 137. Dans le Mexique précolonial, les fèves de cacao servaient de monnaie d’échange plus encore que lor dont furent si avides les conquistadors qui ramenèrent quand même dans leurs bagages, le « cacahuatl », ce mélange de cacao et deau devenu notre chocolat.

De son berceau de la haute Amazonie, la culture du cacaoyer se diffusa donc vers lAmérique centrale puis se concentra au Venezuela qui, au début du XIXe siècle, représentait la moitié de la production mondiale. Le cacao passa ensuite en Équateur et au Brésil avant que de traverser lAtlantique vers la Côte de lOr (le Ghana) puis la Côte dIvoire et de faire enfin à la fin du XXe siècle une escapade vers lAsie. Entre-temps, le goût du chocolat avait saisi le monde.

Le marché mondial du cacao est donc déficitaire. Après une longue période dexcédents dans les années 2010, la campagne 2024/2025 pourrait être la quatrième déficitaire consécutive : en 20243/2024, le déficit a été proche de 500000 tonnes pour une production de 4,3 millions de tonnes. Des contrats de livraison ont dû être reportés, ce qui pèse sur la campagne actuelle qui, elle aussi donc, sannonce déficitaire. À cela plusieurs raisons : le climat, les maladies et les hommes. Le climat na pas été favorable, des périodes de sécheresse et de pluies alternant aux mauvais moments de lannée. Mais le cacaoyer est surtout un arbre sensible aux maladies qui par le passé ont pu éradiquer des plantations entières. Après « le balai de sorcières », cest aujourdhui l’œdème des pousses de cacao (swollen-shoot disease) qui est le plus menaçant puisquil infecterait jusqu’à deux tiers des arbres dAfrique de lOuest. La tendance à la baisse ou au moins à la stagnation de la production mondiale semble donc durable alors que la demande continue à augmenter avec, pour linstant, une faible sensibilité à la hausse des prix. Ajoutons à cela les incertitudes liées aux états d’âme européens en matière de déforestation qui pénalisent les investissements nécessaires au renouvellement des plantations. Et puis une pincée de spéculation, ces moments bien connus sur les marchés de matières premières où « lexubérance irrationnelle » prend le dessus.

Voilà donc les « fruits dor » qui retrouvent leur éclat. Cest une bouffée doxygène pour les pays producteurs, surtout en Afrique de lOuest où le cacao avec ses centaines de milliers de petits planteurs joue un rôle non négligeable de cohésion sociale. Au-delà, le cycle du cacao va reprendre avec de nouvelles variétés, le retour probable aussi de lAmérique du Sud.

Le cacao ne peut être considéré comme un produit essentiel ou stratégique comme peuvent l’être le blé et le riz, le cuivre et le pétrole. Mais il est à lui seul une illustration sur la longue période des multiples avatars de la mondialisation des marchés. Pour linstant, les producteurs ont passé « Noël au balcon ». Les œufs de Pâques ne seront certainement pas aux « tisons ». Mais dans deux ou trois campagnes?

 

2 janvier 2025

 

Ce siècle a vingt-cinq ans! Rarement, un quart de siècle aura été marqué de tant de bouleversements en une période pourtant de paix relative durant laquelle on se prit même à rêver de « fin de lhistoire » et de mondialisation heureuse. Le premier constat est démographique : durant ces vingt-cinq années, la population du monde sest accrue dun tiers; deux milliards dhommes supplémentaires, bien plus que la population du globe en 1900. Alors que, quand même, le taux de fécondité moyen diminuait (de 3,2 à 2,2), lespérance de vie sur terre augmentait de près de dix ans. Cest encore en Asie que les hommes sont les plus nombreux : mais comme en Europe et en Amérique du Nord, le temps du déclin démographique a commencé en Asie de lEst, en particulier, en Chine désormais dépassée par lInde comme pays le plus peuplé du monde.

Brillamment commencé du point de vue économique avec une croissance mondiale qui tutoya les 5 % pendant plusieurs années, ce quart de siècle a été marqué par une rupture majeure : non pas la crise financière de 2008, que lon oublia aussi vite que la crise asiatique de 1997, mais le double choc provoqué par le Covid et le déclenchement de la guerre en Ukraine. Limage rassurante de la mondialisation se craquela, la planète se fissura, les déséquilibres provoqués par lascension de la Chine et de quelques autres émergents apparurent au grand jour. Ce qui passera probablement à la postérité comme la « crise des années vingt » est au fond l’équivalent – mais à linverse – de la crise des années soixante-dix, un retour peut-être à celle des années trente du siècle dernier avec la même montée des protectionnismes, le retour du rôle de l’état, la remise en cause parfois même de l’économie de marché.

Ce quart de siècle se termine donc avec plus de 8 milliards d’êtres humains, une croissance mondiale de lordre de 3 % supérieure certes à la croissance démographique (1 %), mais laissant encore bien des régions et des populations du monde au bord de la route souvent au cœur de ces conflits qui ensanglantent la planète.

Quattendre maintenant du prochain quart de siècle? Nos seules presque-certitudes sont démographiques. Le monde comptera alors 10 milliards dhommes (dans une fourchette de 8,9 à 10,5 milliards). À elle seule, lAfrique subsaharienne comptera alors un milliard dhabitants supplémentaires avec des pays comme la RDC et l’Éthiopie doublant presque leur population à plus de 200 millions dhabitants. LInde sera – et de loin – le pays le plus peuplé (1,68 milliard) devant la Chine dont le déclin démographique (- 150 millions) pourrait être encore plus accentué quon ne le prévoit. À lexception des États-Unis, tout le « vieux monde » serait aussi en déclin. La question majeure sera donc celle du rééquilibrage économique de la planète : dun côté des « riches », moins nombreux et plus vieux (pour lessentiel lhémisphère nord, Chine comprise), de lautre des moins riches, mais surtout des plus « pauvres » en particulier en Afrique.

Si la question climatique se posera avec toujours plus dacuité, celle des ressources sera paradoxalement moins centrale. Le monde passera certainement son « Peak oil » (et de charbon aussi même en Chine) et l’énergie fossile dominante sera pendant quelques années le gaz naturel. Plus critiques seront les métaux de la transition énergétique à commencer par le cuivre qui sera, sans nul doute, la matière première la plus stratégique des années à venir. Et puis, il faudra aussi nourrir les hommes : un milliard dentre eux souffrent en 2025 sinon de la faim au moins de la pauvreté alimentaire. Combien seront-ils en 2050 alors que le changement climatique risque de rendre les récoltes plus aléatoires encore? Le défi alimentaire reste pour lhumanité le plus crucial à résoudre des décennies à venir.

Les vingt-cinq années passées ont été sans conteste marquées par lexplosion de la croissance chinoise. La Chine va rester à la une de nos préoccupations, mais dune manière différente. Dans un contexte de déclin démographique, avec une pyramide des âges en forme de toupie, pourra-t-elle échapper à un destin « à la japonaise » et surtout ses dirigeants en accepteront-ils laugure?

Et puis, il reste tant de questions pour linstant sans réponses. Quen sera-t-il de la gouvernance mondiale aujourdhui presque au point mort à limage de lOMC dont le « Doha round » reste le grand échec de ce quart de siècle? Comment va évoluer le « système » monétaire international et en son sein la place du dollar? Quen sera-t-il des guerres et des paix? Une phrase écrite par Raymond Aron en 1969 illustre bien ces interrogations : « Je crois que tout est toujours en question, que tout est toujours à sauver, que rien nest définitivement acquis et quil ny aura jamais de repos sur terre pour les hommes de bonne volonté ». Dix milliards dhommes de bonne volonté ?

 

1er janvier 2025

 

Une nouvelle année commence et cest le temps des vœux et des bilans. Emmanuel Macron na pas dérogé à la tradition avec une mise en scène qui, des Jeux à Notre-Dame, a eu le mérite de gommer quelques aspérités de 2024. À ce propos, il a – à moitié – battu sa coulpe admettant du bout des lèvres que la dissolution – mal comprise – avait apporté plus de chaos que de clarté : une faute presque vénielle à ses yeux.

Pour lavenir, il semblerait quil veuille revenir à ses idées jamais mises en pratique de referendums. Le dernier en France date de 2005 et son résultat pourtant clair navait pas empêché le président de l’époque de ne pas en tenir compte. On a beau admirer les « votations » suisses, il faut bien convenir quelles ne sont pas dans les mentalités françaises. Quant aux conventions citoyennes, leur légitimité démocratique laisse à désirer et il y a fort à parier que cette invention macronienne ne survivra pas à son auteur, ce qui serait une bonne chose. Le seul referendum qui pourrait séduire les Français serait, à limage de celui de 1969, celui qui mettrait en jeu le président lui-même. Mais il y a là peu de chance quEmmanuel Macron sy prête et dans l’équilibre politique actuel, ce ne serait guère souhaitable.

30 décembre 2024

 

Quel contraste entre Donald Trump et Jimmy Carter qui le précéda il y a quarante ans à la Maison-Blanche et qui vient de disparaître à l’âge de 100 ans !

La présidence de Carter, à la fin des années soixante-dix, ne fut pourtant guère marquante à la notable exception des accords de Camp David qui, sils avaient été appliqués, auraient changé la face du Moyen-Orient. Mais il fut aussi le président qui « lâcha » le shah en Iran et qui échoua à libérer les otages de lambassade américaine à Téhéran. Il y eut aussi lembargo céréalier.

Le jour de Noël 1979, Brejnev avait décidé de linvasion de lAfghanistan. Cette année-là, lURSS devait importer quelque 50 millions de tonnes de céréales (c’était une autre époque : aujourdhui la « mer Noire » est le premier bassin dexportations mondiales de céréales!). Jimmy Carter décida dun embargo partiel de livraisons de céréales à lURSS (partiel, car il ne revint pas sur un accord signé en 1973 qui portait sur une quinzaine de millions de tonnes). Les États-Unis demandèrent à leurs « alliés » (Australie, Canada, Argentine, France) den faire autant afin de frapper lURSS au ventre.

Mais lembargo fut un échec. Le marché mondial était excédentaire et les « alliés » des États-Unis furent trop heureux de prendre leur place sur le marché soviétique. Les généraux argentins ne furent pas mécontents de tailler des croupières à ce Carter qui leur faisait des remarques désagréables sur les droits de lhomme. En France, le « milliardaire rouge », le célèbre J. B. Doumeng activa ses réseaux. Et Australiens et Canadiens même profitèrent de laubaine.

LURSS trouva les céréales nécessaires, et un an plus tard, le successeur de Carter, Ronald Reagan, mit un terme à lembargo. Mais il était trop tard : durant les années quatre-vingt, larme alimentaire changea de camp : sur des marchés excédentaires, elle appartint au seul acheteur solvable, à lURSS! Chaque année, États-Unis et Europe rivalisèrent de subventions à lexportation pour gagner leur « campagne de Russie » : et cela dura toute la décennie, la question agricole bloquant les négociations de lUruguay Round du GATT qui avait débuté en 1986. Mais cest là une autre histoire…

Au-delà de ce malheureux embargo céréalier, retenons de Jimmy Carter, qu’à la différence de nombre de présidents – français en particulier –, il sut se retirer et que son plus bel hommage a été un des prix Nobel de la paix parmi les plus mérités.

 

24 décembre 2024

 

Voilà donc un gouvernement dans les souliers des Français au pied du sapin. On lattendait restreint et de combat : il y a finalement 35 ministres dont 19 appartenaient au gouvernement Barnier. On compte surtout un duo de choc danciens Premiers ministres, et là, le pari est jouable : Elisabeth Borne est la dame de fer dont peut avoir besoin une Éducation nationale à la dérive et donner lOutremer à Manuel Valls est un coup de génie. Il na en effet plus rien à perdre après une longue liste d’échecs de Barcelone aux législatives. Et de Mayotte à la Nouvelle-Calédonie en passant par la Martinique, il a du pain sur la planche.

Par contre, louverture à gauche est ratée, Valls et Rebsamen étant considérés comme des renégats macronistes chez les socialistes.

Et puis, il y a eu le cas Bertrand. Lexplication donnée par François Bayrou du refus de lui donner la place Vendôme était cousue de fil blanc. Le RN nen voulait pas. Bayrou lui aurait proposé lAgriculture quil a refusée, peut-être à tort. Certes, ce nest plus un grand ministère, mais dans l’état actuel des colères agricoles, larrivée dun « poids lourd » eût été un signal positif. Mais peut-être a-t-il jugé aussi que « Bayrou I » ne durerait guère.

 

22 décembre 2024

 

En ce dernier dimanche de lAvent, la salade politique française avait une saveur bien aigre. Le curieux système constitutionnel français a touché ses limites. Qui commande? L’Élysée ou Matignon? Dun côté un président au plus bas de tous les sondages possibles, mais dont la légitimité institutionnelle est incontestable même sil peut y avoir quelques doutes sur lampleur du périmètre régalien. De lautre, un Premier ministre désigné qui doit composer un gouvernement lui permettant d’échapper à toutes les motions de censure qui se profilent à lhorizon. Le tout dans un contexte de croissance économique nulle et dabîmes budgétaires. Dans un pays normal, ce serait lheure dun gouvernement dunion nationale, dune « grande coalition ». Rien de tout cela en France et au contraire même ceux qui se prétendent d’éventuels candidats à la présidentielle (Wauquiez, Philippe, Attal…) se contentent de souffler un peu plus sur les braises. Seul, semble-t-il, Xavier Bertrand serait prêt à y aller, mais on ne sait où le mettre pour ne pas provoquer le RN.

Ainsi va la France en ces derniers jours de 2024 : chaotique, indécise, velléitaire… Mais, les Français aussi ont la classe politique quils méritent.

 

20 décembre 2024

 

Mon Dieu, quil est dur de former un gouvernement! Plus dune semaine maintenant que François Bayrou essaie de résoudre la quadrature dun cercle qui avait étranglé Michel Barnier. L’équation est simple : il lui faut rallier suffisamment sinon de soutien au moins de silence tacite à gauche pour éviter de dépendre du bon vouloir du seul RN. Mais il a les mains en partie liées par Emmanuel Macron qui ne veut pas que lon touche au cœur de son héritage, cest-à-dire la loi sur les retraites (on peut le comprendre et même partager son point de vue… mais ce nest pas le cas dans le monde politique). Bayrou cherche donc à amadouer les socialistes en leur promettant de « rouvrir » un dossier qui ne serait plus tabou. Mais, en même temps, il promet à droite une loi sur limmigration dont les socialistes ne veulent pas entendre parler. Curieusement, personne ne parle du sujet pourtant le plus « chaud », celui du budget pour 2025, comme sil sagissait là dune formalité. La France, comme dailleurs les États-Unis, vient d’éviter la version locale du « shutdown ». Avec le président à Mayotte puis à Djibouti, les Français auront peut-être un gouvernement pour Noël, au pied du sapin…

 

16 décembre 2024

 

Le cyclone Chido ne pouvait faire pire : frapper le plus pauvre département de France en pleine période de vacances du pouvoir politique.

Lhistoire de Mayotte est celle de laccumulation derreurs politiques, de promesses non tenues, de lâchetés aussi mâtinées de démagogie. Cest l’échec de la décolonisation tant du côté des Comores quen ce qui concerne Mayotte dont le statut de département français aura été in fine un véritable piège. Mayotte française a attiré toute la misère des Comores et lapplication du « droit du sol » a incité à des migrations faciles, d’île en île, pour des populations similaires. On connaît la suite, laccumulation de migrants avec ou sans droits, les bidonvilles, la misère, la violence…

Cest là que ce cyclone, le plus violent depuis au moins un siècle, a frappé, détruisant tout, maisons en dur et abris de fortune. Le bilan humain ne sera connu que beaucoup plus tard, mais il sagira probablement plus de milliers que de centaines de victimes. Les secours durgence vont arriver, ministres et président aussi. Mais, au-delà de la nécessaire reconstruction, il faudra enfin poser la vraie question, celle de lavenir de Mayotte… sans a priori.

 

15 décembre 2024

 

Après trois journées de discussions, on quitte Abu Dhabi un peu déprimé : certes, leuphorie peut régner à Damas avec la chute du régime Assad dont on découvre un peu plus chaque jour les horreurs. La majorité sunnite va retrouver le pouvoir en Syrie et semble pour linstant respecter ses minorités ethniques et religieuses. LIran, de son côté, est affaibli, ce qui pousse le régime à se durcir, mais sa capacité de nuisance est réduite. Israël pourrait être tenté par une frappe visant les capacités nucléaires, mais il est peu probable que les États-Unis donnent leur feu vert (Elon Musk aurait rencontré lambassadeur iranien aux Nations unies…). Les grands perdants sont les Palestiniens; le monde arabe les a abandonnés; Israël rêve de sen débarrasser dans une solution « jordanienne » qui permettrait de légitimiser de facto lannexion de la Cisjordanie. Il est trop tard pour rêver encore de la solution à deux États. Comme la souligné un participant « Il ny a pas de position plus solitaire aujourdhui que celle dun Palestinien modéré ». Mais il en est presque de même pour un Israélien modéré.

 

14 décembre 2024

 

À Abu Dhabi se tient la World Policy Conference organisée par Thierry de Montbrial. En ce Moyen-Orient déchiré par tant de conflits, de la Syrie au Yémen sans oublier Gaza et le Liban, les Émirats sont un lieu hors du temps, artificiels, vivant de la rente du pétrole et du gaz, avec quelques privilégiés et des millions de serviteurs. À la différence de nombre de monarchies de la région, il faut reconnaître aux Émiratis une assez grande ouverture. Ainsi, la « maison dAbraham » réunit en un même lieu une église, une mosquée et une synagogue où hier soir nous avons pu entendre loffice de louverture du shabbat.

Sur les conflits actuels, les diplomates émiratis parlent à juste raison de tremblement de terre géostratégique. En Syrie, leur souci est d’éviter tant la résurgence dAl-Qaida que linfluence des Frères musulmans et ils forment des vœux pour une Syrie « laïque » (a secular state). Au Liban, ils souhaitent le retour de l’État tout comme ils estiment nécessaire un État palestinien. Mais, sur la solution à deux États que, comme bien dautres, ils préconisent, ils ne donnent guère de pistes, mettant toutefois Israël en garde contre lillusion de la victoire militaire et en estimant « excessives » les frappes contre les installations militaires syriennes. Tout ceci est à peu près raisonnable, mais labsence de solutions véritables montre bien la profondeur de limpasse dans laquelle se trouve la région.

 

13 décembre 2024

 

Voilà donc François Bayrou Premier ministre. Lattente a été longue et jusquau dernier moment, dans la matinée encore, la position de favori semblait être devenue un handicap pour le maire de Pau. À y bien réfléchir pourtant, il était le seul choix possible pour Emmanuel Macron, le seul effectivement capable de balayer assez large pour échapper à linévitable motion de censure que ne manquera pas de déposer LFI.

Comment aussi ne pas saluer la résilience de François Bayrou. Il est lritier ultime dun courant, la démocratie chrétienne qui eut son heure de gloire au début de la IVe république avec le MRP puis qui survécut au centre droit avec le CDS, devenu Force démocrate puis le Modem. Il fut ministre, trois fois candidat à la présidentielle, obtenant même 19 % en 2007, puis décidant en 2012 de voter au second tour pour François Hollande, ce qui lui valut lanimosité éternelle de Nicolas Sarkozy. Envers et contre tout, il maintint son indépendance et au plus bas son petit parti ne compta même presque plus de députés, sinon européens. En 2017, son ralliement à Emmanuel Macron fut décisif, mais, rattrapé par laffaire des assistants parlementaires européens, il ne fut garde des Sceaux que quelques semaines. Il ne dut sa survie politique qu’à son fief béarnais, à cette mairie de Pau quil avait obtenu grâce au soutien dAlain Juppé. Depuis, il faisait entendre une voix différente, peu courtisane, ce qui explique les réticences dEmmanuel Macron à son égard. À lui de jouer maintenant quil a tiré le gros lot du Vendredi 13, et en plus le jour de lanniversaire de son héros, Henri IV, un autre béarnais.

 

10 décembre 2024

 

La grande réunion aujourdhui à l’Élysée était une première, la solution dont pouvait rêver Emmanuel Macron : tout le monde sauf les extrêmes, le RN pas invité et LFI boycottant. Mais enfin, le PS, les communistes et même les écologistes ont levé la chape de plomb qui jusque-là pesait sur eux et semblent commencer à saffranchir de la tutelle de LFI. Le NFP vit peut-être ses derniers jours. Il reste maintenant à sentendre sur un modus vivendi : pas de 49-3 ni de motion de censure; un « gel » de la réforme des retraites avant une « conférence sociale » qui permettrait une sortie élégante par le haut (on peut toujours rêver); et puis un budget à négocier ce qui ne sera pas la moindre des tâches du prochain gouvernement.

Et puis à Matignon? On retrouve les incertitudes estivales. Des noms apparaissent, montent en puissance puis se dégonflent au gré des humeurs avec quand même une contrainte majeure : de « gauche » ou au moins compatible, mais susceptible quand même de garder Retailleau place Beauvau. Dans le désordre ont circulé les noms de Cazeneuve (qui ne serait donc plus blacklisté par ses amis), Bayrou (un temps favori, mais peut-être trop indépendant pour Macron), Le Drian (un vieux socialiste breton), Baroin, Vautrin, la seule femme de cet inventaire à la Prévert quEmmanuel Macron doit effeuiller ce soir avec mélancolie.

 

9 décembre 2024

 

Que faire pour surmonter la morosité provoquée par le chaos politique qui submerge la France? Prendre un café peut-être? Mais à quel prix! Sur le marché de New York, lArabica vient datteindre des niveaux inconnus depuis 1977, au lendemain des gelées qui avaient détruit plus de la moitié du parc de caféiers brésiliens; et après une sécheresse au Vietnam, le Robusta, le petit noir que lon consomme au comptoir, connaît lui aussi des records historiques. Un chocolat chaud, alors, ou au moins une belle plaquette avec 70 % de cacao? Pas de chance, là aussi : les prix du cacao sont au plus haut, les arrivées dans les ports africains sont plus faibles quanticipées et la maladie du « balai de sorcières » fait des ravages. À propos de maladie, si vous pensez à un verre de jus dorange, là cest celle du « dragon jaune » qui ravage les vergers. Et puis surtout, ne pensez pas à payer en bitcoin (du moins si vous nen avez pas) : à plus de $ 100 000 pièce, leffet Trump a joué. À la limite, quelques louis dor peut-être. En ce monde de futilités, la « relique barbare » a toujours ses adorateurs. En évoquant le cacao dailleurs, l’écrivain brésilien Jorge Amado ne parlait-il pas « de larbre aux fruits dor » ? Et à propos de fruit, la vedette la plus récente nest-elle pas une modeste banane transformée dun coup de baguette magique en œuvre dart (par Maurizio Cattelan) et croquée pour $ 6 millions par un gamin qui a fait fortune dans les cryptomonnaies?

Rassurons-nous quand même : le marché du pétrole, malgré tous les efforts des producteurs est orienté à la baisse : la Chine est proche du « Peak oil » avec la plus grande flotte de véhicules électriques de la planète. LInde transforme un peu plus de ses cannes à sucre en éthanol et lIndonésie utilise plus dhuile de palme comme biodiesel. Cela affaiblit le cours du baril, mais renforce au contraire un peu plus le sucre et les huiles végétales. Mais si on roule à l’électrique, on ne peut que se réjouir de la baisse, liée aux surcapacités, des prix des métaux contenus dans les batteries : lithium, cobalt, nickel en particulier.

Du café au pétrole, en passant par le nickel ou le bitcoin, linstabilité des marchés, héritée des grands bouleversements des années soixante-dix du siècle dernier, demeure une contrainte majeure dans la gestion des politiques publiques que ce soit bien sûr pour les pays producteurs, mais aussi pour les « vieilles » économies comme celle de la France. Au moins paierons-nous un peu moins cher notre essence pour les vacances de Noël, sans toucher pour autant aux taxes qui laffectent bien sûr.

Et voilà donc qui nous ramène à la morosité ambiante, à lincapacité manifeste, partagée par toutes les couleurs de larc-en-ciel politique, de comprendre ce que devrait être un équilibre raisonnable entre dépenses et recettes. Si les marchés évoluent en fonction de la relation entre loffre et la demande, entre linvestissement et la consommation, il doit en être de même pour nos budgets quils soient ceux des ménages ou celui de l’État.

Au fil de la lecture de cette chronique, la tasse de notre « cher » café a dû se refroidir. Il serait bon quil en soit de même des passions politiques, quun peu de raison revienne à la table de notre petit déjeuner qui, lui, restera à la merci des grands vents dune planète plus que jamais agitée de tensions géopolitiques et climatiques, mais aussi dans les couloirs dune Assemblée nationale en proie aux pires illusions démagogiques.

 

8 décembre 2024

 

La mosquée des Omeyyades à Damas est probablement le plus bel édifice religieux de lIslam, témoin dun temps où Damas était le pivot de la lutte contre les États francs de « Terre sainte ». Cest là que le nouveau maître de la Syrie a pris la parole après la chute inattendue, par sa rapidité, de la dynastie Assad, manifestement abandonnée par ses soutiens russes et iraniens. Quattendre désormais?

Jolani, qui a mené cette offensive éclair, a un passé islamiste militant (Al Qaeda, Daesch), mais pour linstant il se définit avant tout comme un nationaliste syrien. Passé la violence et les vengeances des premiers jours saura-t-il ouvrir la porte aux autres factions dopposition, aux minorités ethniques (Druzes, alaouites) et religieuses, les chrétiens en particulier qui, de facto, furent protégés par le régime des Assad, lointains héritiers du parti laïc du Baas? Tant de chutes de dictateurs ces dernières années ont débouché sur le chaos (Libye, Irak) au sur dautres dictatures (Tunisie, Égypte).

On a remarqué que Jolani shabillait un peu « à la manière » de Zelenski. Celui-ci a profité de la réouverture de Notre-Dame pour rencontrer Trump. Ce fut un joli succès pour une diplomatie macronienne qui vient de subir le camouflet de la signature du Traité UE/Mercosur par une Ursula von der Leyen, absente hier de Paris. En son temps, Obama avait lâché Hollande sur la Syrie. Que fera Trump tant en Ukraine quen Syrie ?

 

7 décembre 2024

 

Il est encore trop tôt pour faire un bilan de 2024, mais on en connaît déjà les grandes tendances : sur les marchés, cest incontestablement le petit déjeuner qui lemporte avec les folies récentes du café (qui a rappelé aux plus anciens la gelée historique de 1976 et l’épopée du groupe de Bogota), le rebond à nouveau du cacao, celui du jus dorange sans oublier la fermeté du sucre. Pour un tel festin, il faut aussi un peu dor qui lui aussi aura été au rendez-vous, dopé par les bruits de bottes qui, de lUkraine au Moyen-Orient et du Soudan au Sahel, auront tristement marqué cette année. Les tensions géopolitiques ont aussi pesé sur les cours du gaz naturel en Europe, sur les taux de fret pour les conteneurs, sur l’étain et de manière plus anecdotique sur lantimoine dont on fait des munitions. La boucle est bouclée! Ajoutons, enfin, que tout ceci peut être payé dans un dollar qui a continué à sapprécier ou mieux encore en un bitcoin qui dans les premiers jours de décembre a passé la barre des $ 100000. Cest peut-être dailleurs en bitcoin quun jeune startupper des cryptomonnaies a payé la désormais célèbre « banane » de Maurizio Cattelan quelques $ 6 millions.

Mais 2024 a été surtout une année de tensions géopolitiques comme le monde nen avait pas connu de ce siècle. Le compte des morts en est éloquent, que ce soit en Ukraine, autour dIsraël et maintenant aussi en Syrie, au Soudan et au Sahel. Ces dernières semaines pourtant, les dirigeants de la planète nont cessé de se réunir à Rio (G20), Lima (APEC), Kazan (BRICS), Bakou (COP29), Ryad (COP désertification), Genève (OMC), mais tout cela sans grand résultat tant la gouvernance mondiale est déficiente, tant les fractures sont chaque jour plus marquées. Il est vrai que les situations politiques nationales ne se prêtent guère à des avancées, au moins en ce qui concerne les démocraties (les dictatures – et elles sont de plus en plus nombreuses – ont lavantage dune certaine « stabilité »). En Europe, outre le chaos français et les incertitudes allemandes, la montée des populismes affaiblit et divise. En Asie, Japon et Corée du Sud sont affaiblis et les démocraties latino-américaines ne se portent guère mieux. Enfin, les États-Unis viennent de porter à nouveau Donald Trump au pouvoir en lui donnant en plus les clefs du Congrès. Ceci nous promet une accentuation des tendances protectionnistes déjà à l’œuvre, des guerres tarifaires, des embargos et autres boycotts : ainsi, la Chine vient-elle de décréter un embargo vis-à-vis des États-Unis pour le gallium, le germanium et lantimoine alors que lAlgérie décidait de boycotter le blé français… Et, emporté par son enthousiasme pour les « Tariffs », Doanld Trump monte en puissance de 25 % jusqu’à 100 % !

Il est vrai quil a de la chance en héritant le 20 janvier prochain dune économie américaine qui tourne autour de 2/2,5 % de croissance grâce au fond à des « Bidenomics » qui furent efficaces. On ne sait bien sûr quelle sera linfluence du « Doge de Mar a lago » (Elon Musk), mais rien ne semble impossible à lhomme qui fait atterrir les fusées! De lautre côté de lAtlantique par contre, lheure est au doute avec un homme malade (lAllemagne), un handicapé politique (France) et quand même un peu de soleil sur la Méditerranée. Mais entre les US et lUE, le différentiel de croissance (au moins 1 %) va se poursuivre encore en 2025. Euphorie américaine, morosité européenne, la vraie question, celle dont linfluence est majeure pour les marchés de matières premières, concerne la Chine. La croissance chinoise ne cesse de décevoir, plus proche de 4 % que des 5 % annoncés par le Parti. Le dernier plan de relance ($ 1400 milliards pour les collectivités locales, mais surtout pour purger leurs dettes) a déçu : la Chine vieillit et surtout, son modèle basé sur un modèle industriel alimenté par linvestissement ne trouve plus suffisamment de débouchés extérieurs et, faute de consommation locale, engendre excédents et surcapacités. La Chine reste pour linstant le premier consommateur mondial de presque toutes les matières premières, mais déjà dans bien des cas, comme le pétrole, on est proche dun « Peak China ». Le parallèle avec le Japon des années quatre-vingt-dix est encore un peu prématuré, mais ne cesse de gagner en pertinence.

2024 se termine donc avec infiniment plus dinterrogations que de certitudes. Le record de lannée aux enchères de New York a été, à $ 121 millions (on a connu mieux!), une toile de

Magritte, « Lempire des Lumières ». Mais cest bien dobscurité que nous parlons aujourdhui.

 

6 décembre 2024

 

Une fois de plus, Emmanuel Macron a fait… du Macron, en version courte (10 minutes) pour une fois ! À lissue de son intervention télévisée, les Français nen savent guère plus : un léger « mea culpa » de la part de lapprenti sorcier, lindignation contre ceux qui sèment le désordre « à quelques jours des fêtes de Noël » et qui vise implicitement le PS, le rappel (la seule certitude…) quil est encore président pour trente mois et quil na aucune intention de démissionner, lannonce, enfin, dun prochain gouvernement « dintérêt général », mais ne le sont-ils pas tous! Il y a quand même eu une légère ouverture, une main frileuse tendue peut-être vers les socialistes. Cela a renforcé pour les parieurs les chances dun François Bayrou, mais de toute manière, il faudra attendre le début de semaine prochaine après le sacre de Notre-Dame. Lhebdomadaire britannique « The Economist » na pu résister au plaisir de faire sa une sur la France avec une station de métro parisienne éclairée, mais métro étant remplacé par un très beau « M… ».

En attendant, la France recule de toute part. À Montevideo, Ursula von der Leyen en a profité pour signer laccord de libre-échange avec le Mercosur. Et il est cruel de constater que la France ne pèse plus guère à Bruxelles. Dans la nouvelle Commission qui vient dentrer en fonction, le commissaire français, Stéphane Séjourné, est un « second couteau » dont la vice-présidence ne doit pas faire illusion quant à sa perte de responsabilité par rapport à Thierry Breton. Merde, comme disent les Anglais !

 

5 décembre 2024

 

Il ny a pas eu de miracle ! 331 députés ont donc hier soir voté la censure du gouvernement Barnier qui restera dans lhistoire le plus bref gouvernement de la Ve République qui nous ramène aux temps chaotiques de la IVe République. Si le résultat était attendu, force est de constater que les opposants ont fait le plein, quil ny a pas eu de sursaut de conscience de la part de quelques derniers sociodémocrates.

Pour LFI comme pour le RN, depuis le procès fait à Marine, le budget nest au fond quun prétexte, car même eux savent que le déficit de 2024 est intenable et quil faut trouver quelque part moins de dépenses et plus de prélèvements. Leur objectif, et ils ne cessent de le répéter, cest de provoquer la démission dEmmanuel Macron et donc de rendre la France ingouvernable. Convenons que sur ce dernier point, cest une réussite…

Sans entrer dans la complexité de la personnalité du président, il y a peu de chances que pour linstant il se soumette à ce diktat. Dès lors, il va lui falloir trouver un autre volontaire pour ce qui devient presque une mission suicide. Des noms circulent (Lecornu, Bayrou, Retailleau…), mais nul ne sait sinon quil y a une échéance nouvelle, celle du 7 décembre et de Notre-Dame. Dans la France laïque, la couronne du monarque ne peut vaciller sous les voûtes de la cathédrale !

 

4 décembre 2024

 

Les trois mois du gouvernement Barnier auraient-ils pu se dérouler autrement? Cette question « post mortem » se doit d’être posée tant début septembre sa nomination avait pu paraître à nombre dobservateurs, à commencer par lauteur de ces lignes comme la moins mauvaise idée des solutions. Rapidement aussi, lhôte de Matignon a dû affronter toutes les chausse-trappes à commencer par celles de l’Élysée et de tous les partis du socle dit commun.

Sa première a été de constituer un gouvernement pléthorique pour satisfaire tout le monde avec pour la plupart de parfaits inconnus aux ordres de leurs commanditaires extérieurs. Une équipe ramassée et plus indépendante aurait été plus efficace.

Sa seconde erreur – celle de la méthode – a été jouer le jeu du débat parlementaire en faisant le parti de la maturité des partis politiques en France. Au fil des discussions et des concessions, il a peu à peu perdu toute crédibilité comme lont montré les derniers pitoyables marchandages avec le RN. En réalité, il aurait fallu couper court au débat parlementaire et, dans la foulée du discours de politique générale, présenter au vote un budget non négociable en tenant lobjectif des 5 % de déficit public et donc des € 60 milliards de baisse des dépenses et de hausse des prélèvements. Il nest pas certain qu’à l’époque une majorité se serait trouvée pour le renverser.

Car, au fond, tout le monde politique saccordait pour penser – in petto – quil était bien pratique de lavoir pour faire le « sale boulot ». Michel Barnier aura au moins mis en évidence – à ses dépens – la profonde irresponsabilité qui domine actuellement la scène politique française de la Présidence au Parlement.

 

3 décembre 2024

 

Le sort en est donc joué ! Michel Barnier a dû déclencher le 49-3 sur le projet de budget de la Sécurité sociale et fort logiquement, dans la foulée, deux motions de censure ont été déposées. La gauche ne votera peut-être pas celle du Rassemblement national (on a des principes quand même), mais le RN ne devrait pas avoir ces scrupules de fillettes. Le sort du gouvernement Barnier ne tient donc plus qu’à un fil, celui peut-être de quelques députés sociodémocrates qui pourraient reculer au dernier moment. Mais peut-on lespérer alors que François Hollande, que lon a connu plus responsable, a annoncé quil voterait la censure?

Quel ggâchis! Quelle irresponsabilité ! Lerreur bien sûr est celle de la dissolution décidée par Emmanuel Macron (mais ne nous faisons pas dillusion : il y aurait probablement eu une motion de censure à lautomne contre le gouvernement Attal). Mélenchon et Le Pen jouent au fond la partition que lon pouvait attendre deux. La responsabilité de limpasse actuelle est celle du marais des « petits chefs », de Ciotti à Faure, préoccupés de sauver leur « circos » et puis aussi des « grands » chefs qui simaginent incontournables dans laprès Macron.

La France va mal et son image dans le monde est au plus bas : quelle crédibilité MBS peut-il accorder à Emmanuel Macron? Quelle légitimité peut avoir encore la présence française au Sénégal et au Tchad?

Heureusement Trump sera à Paris pour la réouverture de Notre-Dame. Tout nest pas perdu.

 

1er décembre 2024

 

La proximité de larrivée de Donald Trump au pouvoir semble accélérer les recherches de solutions diplomatiques aux conflits en cours. Au Liban, Israël et le Hezbollah ont accepté, sous pression américaine, les termes dun « cessez-le-feu ». En Ukraine, Zelenski a ouvert la porte lui aussi à lidée dun « cessez-le-feu » plus ou moins sur la base de la ligne de front actuelle.

Dans lun et lautre cas, cest quand même un constat d’échec. Au Liban, tant Netanyahou que le Hezbollah estiment avoir gagné. Netanyahou a, en tout cas, un peu plus les mains libres à Gaza et surtout en Cisjordanie. Le Liban nest pour lui quun front secondaire et il profite même de laffaiblissement de la Syrie avec la prise dune partie dAlep par lopposition islamiste (mais sunnite…). En Ukraine, Poutine a lui aussi presque gagné : Zelinski est malheureusement réaliste et les aléas européens ont de quoi linquiéter entre la montée des populismes (en général russophiles) et la faiblesse du couple franco-allemand.

On le sait, un « cessez-le-feu » nest pas la paix et sur ces deux théâtres, le Moyen-Orient au sens large et les confins de lempire russe, les signes despérance sont bien faibles.

En ce premier dimanche de lAvent des chrétiens, le texte de l’Évangile (Luc 21-36) mentionne bien que « les nations seront affolées et désemparées… les hommes mourront de peur dans lattente de ce qui doit arriver au monde ».

 

Attendre et espérer…

 

27 novembre 2024

 

Peu à peu, l’étau se referme sur le gouvernement Barnier. Son état de grâce aura duré moins de deux mois. Il y a quelques semaines encore pourtant, dans les dîners parisiens (ceux du « microcosme »), les critiques restaient feutrées et lon saccordait à donner à ce gouvernement une espérance de vie qui lui garantirait un souffle au moins jusquen juin 2025 et peut-être même au-delà.

Le vent a manifestement tourné. Sur la scène politique, on sinterroge sur lattitude du RN alors même que se poursuit le procès intenté à Marine Le Pen désormais menacée dinéligibilité immédiate (ce que certains, que lon ne peut soupçonner de sympathie pour le RN, trouvent excessif de la part de magistrats en quête dun beau tableau de chasse). Alors que la base du RN est favorable à la censure, celle-ci est donc rentrée dans lordre du possible voire du probable. Ainsi, une coalition improbable de LFI et du RN auquel se joindrait un PS désormais vassalisé pourrait faire tomber un peu plus la France dans le chaos institutionnel. Certes, le gouvernement démissionnaire pourrait alors faire voter une loi prolongeant le budget 2024 sur 2025. Il ny aurait pas de « shutdown », mais une poursuite de laffaissement de ce qui reste de crédibilité de la France.

Déjà dailleurs, l’écart de taux avec lAllemagne (poche de 90 points de base) est au plus haut depuis la crise de 2021 et pendant quelques instants la Grèce a pu emporter moins cher que la France.

Mais cela ne semble pas affecter tous ceux qui critiquent désormais Michel Barnier et sa méthode. Le voilà accusé de manquer de fermeté, de ne pas « renverser la table », de lâcher trop de lest et au final de toucher bien peu aux dépenses tout en augmentant les impôts. Peut-être, effectivement, aurait-il dû ne pas ouvrir la boîte de Pandore dun débat parlementaire parasité non seulement par les extrêmes, mais plus encore par les ambitions des dirigeants dun « socle commun » qui ne cessent de se déchirer au profit de leurs illusoires ambitions présidentielles (Wauquiez, Attal, Philippe et même Bayrou). Le budget quil va présenter ne peut être parfait et il sera certainement insuffisant : on voit mal comment la France dont la croissance en 2025 sera au mieux de lordre de 1 % pourra échapper à un déficit public proche de 6 % (et un déficit primaire qui, à 4 %, est le pire de lEurope).

Michel Barnier a au moins le mérite de tenter de tenir la barre dun navire ivre dont le commandant théorique sest retiré dans sa cabine élyséenne. Pour tenir son cap, il ne cesse de tirer des bords. il y a des voies deau partout. Est-ce bien le moment de se déchirer?

 

26 novembre 2024

 

Voilà le café qui fait des siennes ! À New York, la livre dArabica doux a franchi la barre des $ 3 et se retrouve à des niveaux inconnus depuis… 1977. C’était il y a plus de quarante ans! Un an plus tôt, une gelée au Brésil avait détruit plus de 60 % du parc caféier (à l’époque au Brésil, les plantations de café se situaient plutôt en altitude et étaient donc plus sensibles quaujourdhui aux gelées). La flambée des cours avait été si spectaculaire que les producteurs avaient constitué un fonds, le groupe de Bogota, pour manipuler le marché. Par la suite, cela avait permis de relancer laccord international sur le café qui avait réussi à stabiliser les cours (entre 80 et 120 cents la livre) jusquen 1986 par un système de quotas dexportation.

La situation est différente aujourdhui. Depuis des gelées intervenues au Brésil en 2021 qui ont affecté 15 à 20 % du parc caféier, le marché mondial a été déficitaire et les stocks sont au plus bas. Là-dessus, en 2024, il y a eu une sécheresse historique au Vietnam qui a affecté le Robusta, une météo défavorable au Brésil au moment de la floraison, des problèmes en Amérique centrale (Costa Rica). La campagne 2024/2025 sera probablement à nouveau déficitaire et les torréfacteurs ont manifestement cherché à couvrir leurs achats à venir. Mettons là-dessus un zeste de spéculation et on a ce qui ressemble à une bulle qui éclatera un jour ou lautre…

 

24 novembre 2024

 

« Aujourdhui, ne maudissons pas les assassins. Que savons-nous de leur haine sauvage envers nous? Ils vivent depuis huit ans à Gaza dans des camps de réfugiés tandis que nous nous emparons sous leurs yeux des terres et de leurs villages où ils vécurent et où vécurent leurs ancêtres. Ce nest pas aux Arabes de Gaza quil faut demander le prix du sang, mais à nous-mêmes ».

Celui qui parle, cité ici par Jean-Pierre Filiu dans sa remarquable Histoire de Gaza (Fayard), nest aure que Moshe Dayan en avril 1956 aux obsèques dun responsable dun kibboutz proche de Gaza, assassiné par ceux que lon commençait à appeler alors des fedayins. Il était à cette époque le chef des opérations de l’État-major israélien et quelques jours plus tard, au moment de laffaire de Suez, pour la première fois, Israël occupera Gaza.

Nombre dIsraéliens aujourdhui adhèrent à pareille réflexion. Force est de constater quils sont emportés par la vague de fanatisme qui marque au plus haut le gouvernement israélien, et au quotidien, la vie non plus à Gaza (où lon ne vit plus…), mais en Cisjordanie. Que doccasions manquées entre gens de bonne volonté en soixante-dix ans dhistoire !

 

23 novembre 2024

 

Le hasard du calendrier diplomatique international a fait se chevaucher deux réunions dimportance cette semaine : le G20 à Rio et la deuxième semaine de la COP29 à Bakou : et lune et lautre sur fond de transition politique à Washington, de Biden à Trump alors que ce dernier constitue une équipe pour les affaires étrangères et lenvironnement plutôt « décoiffante ». On ne pouvait rien attendre de ces réunions, et de ce point de vue, il ny a guère de déception. Le communiqué du G20 évite tout ce qui fâche à limage dun Lula qui continue à faire le grand écart entre la Chine, la Russie et lEurope.

Quant à la COP, on a pu mesurer chaque jour combien lidée de la tenir à Bakou avait pu être saugrenue : lAzerbaïdjan et son dictateur en ont profité pour pousser leur propre agenda politique (lArménie…) tout en maintenant leur choix prioritaire pour les énergies fossiles ouvrant un boulevard à tous ceux, comme lArabie saoudite, qui voulaient revenir sur la déclaration de Dubaï lannée dernière. Après une discussion de « gros sous », il y a quand même eu un accord à minima : la contribution financière des pays du Nord est portée à $ 300 milliards, ce qui de lavis général est insuffisant (mais les pays émergents restent bien passifs), mais surtout, dans la déclaration finale, la « sortie des énergies fossiles » nest pas mentionnée alors que cela avait été lavancée majeure de Dubaï. On se retrouvera au Belem en 2025 et le Brésil sera à la manœuvre. Espérons…

 

22 novembre 2024

 

À New York, c’était la grande semaine de ventes aux enchères dart moderne et contemporain qui donne le « la » pour le marché mondial de lart. Globalement, les chiffres sont à la baisse avec une offre maîtrisée par le duopole qui domine le marché (Christies et Sothebys). Le record – qui sera probablement aussi celui de lannée – a été atteint par un Magritte (LEmpire des Lumières) pour $ 121 millions, le double de Nymphéas de Monet, une valeur sûre, mais quand même du « déjà vu ».

Mais lenchère la plus marquante est tout à fait symbolique dun monde marqué par le virtuel et l’éphémère. Maurizio Cattelan est un provocateur, une sorte de « fou du roi » qui amuse les riches. On se souvient de son météorite foudroyant Jean-Paul II. Mais là, il avait fait encore plus fort dans « lart » de la provocation : une banane fraîche scotchée au mur accompagnée quand même dun certificat de lartiste pour renouveler la banane. Il y a quelques années déjà, à la foire Art Basel Miami, un artiste probablement jaloux avait décroché et mangé la banane. « L’œuvre » valait alors quand même $ 250 000. Mais là, elle a fait $ 6,2 millions ! Lacheteur, un certain Justin Sun sest promis de la manger. Il a fait fortune avec Tron, une blockchain dans le domaine des cryptomonnaies. Au même moment, le bitcoin, dopé par Trump, frisait les $ 100 000.

            Magritte aurait trouvé cela… surréaliste !

 

20 novembre 2024

 

 

Alors que les débats budgétaires se poursuivent au Sénat sur fond de morosité économique (la Commission européenne nenvisage guère que 0,8 % de croissance pour la France en 2025 et évalue le déficit 2024 à 6,2 % du PIB), il devient presque évident que Michel Barnier ne pourra faire autrement que de « dégainer » le 49/3 pour mettre un terme à la cacophonie parlementaire. Ce sera donc lheure de vérité : droit dans ses bottes J.L Mélenchon – et donc LFI – va aller à la censure. Deux questions à ce stade : le Rassemblement national va-t-il suivre et que feront les partenaires LFI et notamment les socialistes? Dans les deux cas, cest lincertitude. Le RN, embourbé dans laffaire du Parlement européen, envoie des signaux contradictoires, mais pourrait bien franchir le pas pour la seule raison quil lui faut exister. Au sein du NFP, lambiguïté est totale. Olivier Faure ne peut que suivre Mélenchon dont il est devenu un vassal. Mais quid des verts et même des communistes? Et puis surtout, ne serait-ce pas loccasion pour les « socio-démocrates » de saffirmer enfin? François Hollande, comme à son habitude, distille des petites phrases. En réalité, mais ce nest là quun point de vue, personne na intérêt à renverser Michel Barnier qui fait « le sale boulot ». Il devrait passer Noël à Matignon.

 

6 novembre 2024

 

Qui l’eût imaginé ? Qui l’eût cru cet été encore alors que Kamala Harris dominait un Trump empêtré dans ses approximations ? Et pourtant, en ce 6 novembre au matin, c’est bien Donald Trump qui est sorti immense vainqueur des élections américaines : la majorité des grands électeurs certes et celles des « swing states », mais surtout le vote populaire (pour la première fois depuis vingt ans pour les républicains) et puis aussi le Sénat et peut-être même la Chambre des Représentants.

Il est facile d’épiloguer sur ce que furent les erreurs des démocrates et en particulier de Joe Biden dont la candidature puis le retrait trop tardif ont privé les démocrates d’une vraie campagne électorale loin des quelque 900 « meetings » tenus en deux ans par Donald Trump. Mais au-delà, il y a un mouvement de fond opposé aux dérives de ce que l’on englobe aujourd’hui dans la culture « woke » et dont Donald Trump est la parfaite antithèse. Et puis, même si l’économie américaine semble florissante, l’« Amérique d’en bas » souffre de la hausse des prix alimentaires, des loyers, des cotisations d’assurance… Donald Trump a au fond profité de ces « gilets jaunes » à l’américaine (zones rurales, latinos, noirs même) qui ont fermé les yeux sur ses excès et ses innombrables invraisemblances.

La période qui s’ouvre est faite d’incertitudes. L’administration Biden va probablement s’efforcer de sauver un peu de son héritage, en particulier en ce qui concerne l’IRA (mais qui, paradoxalement, a profité plus aux États républicains). Il y a de fortes chances ainsi que les États-Unis soient déjà en retrait à la COP29. Mais l’essentiel viendra à partir du 20 janvier avec des baisses d’impôts et des hausses de tarifs douaniers. Durant sa campagne, Donald Trump a brandi des menaces (10 % sur toutes les importations et 60 % pour les produits chinois) qu’il ne concrétisera peut-être pas en totalité s’il obtient des contreparties. Il y a quand même de fortes chances que les États-Unis quittent, d’une manière ou d’une autre, l’OMC.

En matière de politique internationale, là aussi l’incertitude est totale. L’Ukraine a perdu un soutien et c’est l’Europe qui se retrouve maintenant en première ligne, ce qui au fond n’est pas nouveau. Si B. Netanyahou a été le premier dirigeant « occidental » à féliciter Trump, il risque de trouver dans le futur président américain un partenaire plus difficile qu’il ne le pense et il n’est pas impossible que Trump réussisse là où Biden a échoué en imposant un cessez-le-feu à Gaza et au Liban. Quant à la Chine, là aussi, il ne faut pas sous-estimer la capacité de Trump à imposer et à gagner des bras de fer (on se souvient de l’accord agricole de janvier 2020, juste avant le Covid). Avec l’Europe, il aura en tout cas des marges de manœuvre en jouant des divisions et en s’appuyant sur ses « admirateurs » d’Orban à Meloni.

La moindre des incertitudes ne concerne pas la relation entre Trump et l’imprévisible Elon Musk dont l’impact et l’activisme dans les dernières semaines ont été incontestables sans parler du soutien du réseau X (ex-Twitter). Si l’on connaît le scepticisme environnemental de Trump, la présence de Musk à ses côtés pourrait renforcer au moins la cause des véhicules électriques (que Tesla fabrique en Chine…). Néanmoins, il faut s’attendre à un ralentissement de la transition énergétique aux États-Unis, notamment en ce qui concerne l’hydrogène. À l’inverse, les producteurs de pétrole et de gaz, tout comme les compagnies minières devraient avoir les coudées plus franches.

Sur les marchés à court terme, l’impact de l’élection de Donald Trump est difficile à mesurer : l’indicateur le plus sensible, le baril de pétrole a terminé la journée du 6 novembre au même niveau qu’il l’avait commencé ($ 75,4) : peut-être un peu plus de production américaine, mais aussi une consommation plus soutenue. Les marchés des métaux étaient, quant à eux, beaucoup plus influencés par le résultat de la réunion de l’Assemblée populaire de Chine et par l’annonce probable d’un nouveau plan de relance par les autorités de Pékin. C’est en fait le dollar qui a le plus réagi (+1,5 % le 6 novembre) tout comme d’ailleurs Wall Street à la perspective des diminutions anticipées des impôts sur les entreprises.

En 2020, l’illustration de la couverture du rapport CyclOpe était une fresque siennoise d’Ambrogio Lorenzetti, une allégorie du mauvais gouvernement dont le personnage central avait quelque ressemblance avec Donald Trump. Quatre ans plus tard, le voilà de retour ! À Sienne sur un autre mur, il y a une allégorie du bon gouvernement. À imaginer avec raison le pire, peut-être serons-nous surpris positivement par le quarante-septième président américain !

 

5 novembre 2024

 

Il y a quelques années encore, l’ambassade des États-Unis à Paris organisait une réception dans la matinée suivant les élections présidentielles. C’était un moment agréable, rarement marqué par la tension qui domine aujourd’hui.

Jamais, en effet, une élection américaine n’aura suscité autant de passion dans le monde entier. Cela tient avant tout de l’incertitude totale dans laquelle se trouvent tous les observateurs. Personne n’ose plus quelque pronostic que ce soit si ce n’est que le résultat final se jouera à quelques milliers de voix dans l’un ou l’autre des « swing states ». Les Français auront au moins découvert un peu de la géographie américaine et de la complexité et des particularismes du système électoral américain.

Mais au-delà du résultat, il y a aussi la personnalité des candidats : un ancien président qui ne compte plus les casseroles, un peu fasciste (même si ce qualificatif européen n’a guère de sens aux États-Unis) peut-être, mégalomane certainement, mais une vraie bête de scène, contre une femme de couleur pas vraiment afro-américaine, sortie de l’ombre il y a seulement quelques semaines. Les programmes sont différents pour les États-Unis, mais assez peu au fond pour le reste du monde (à l’exception de l’Ukraine).

Les Américains votent. Attendons et cette attente pourrait être longue.

 

3 novembre 2024

 

Pendant que l’on se déchirait en France sur le budget et le subtil équilibre entre hausses d’impôts et économies, au Royaume-Uni, il n’y a pas de tels états d’âme au sein du gouvernement travailliste assuré d’une forte majorité aux Communes. La chancelière de l’Échiquier (une femme pour la première fois en 800 ans d’une histoire qui remonte en fait à la Normandie de Guillaume le Conquérant) a annoncé £ 40 milliards de hausses d’impôts visant essentiellement les entreprises (et indirectement le coût du travail) et les riches. Pour ces derniers, la pilule est amère, qu’il s’agisse de la fiscalité des écoles privées (les célèbres « public schools » au cœur des inégalités sociales britanniques) que de celle des « non-doms » (les riches étrangers vivant au Royaume-Uni, mais échappant à toute taxation sur leurs revenus extérieurs). Avec ces mesures qui ne devraient pas prêter à discussion tant la majorité de Keir Starmer est large, les prélèvements obligatoires représenteront au Royaume-Uni 38,2 % du PIB. On est encore loin des 43,2 % français en 2023. Ceci étant, sur nombre de domaines (santé, éducation) l’État-providence à la française fonctionne mieux et est plus efficient à gommer les inégalités. Mais la détermination britannique a de quoi faire rêver quand on pense aux atermoiements français.

 

2 novembre 2024

 

Les entreprises ont une vie, faite de croissance, de déclin, voire de disparition et dans certains cas de survie sous anesthésie.

L’auteur de ces lignes a consacré plusieurs années de sa vie pour son doctorat ès lettres à travailler sur l’histoire de Tate and Lyle. Cette entreprise britannique était au XIXe siècle, un raffineur de sucre et elle connut à partir des années cinquante une prodigieuse croissance et devint le premier acteur mondial du sucre depuis les plantations aux Caraïbes et en Afrique jusqu’au raffinage, à l’agro-industrie et au trading. En 1935, elle faisait partie de la première liste de l’indice FT30 et après la guerre, le gouvernement travailliste avait même voulu la nationaliser. Elle était encore, dans les années quatre-vingt, dirigée par des Tate et des Lyle.

La suite fut moins glorieuse. Peu à peu, Tate and Lyle abandonna toutes ses activités sucrières (la marque qui existe encore avec le célèbre Lyle’s Golden Syrup appartient désormais à un autre groupe). L’entreprise se concentra dans l’univers des sucrants industriels, attirant de moins en moins l’attention : sa faible capitalisation boursière (£ 2,8 milliards) a attiré par contre un fonds américain de « private equity » qui vient de lancer une OPA. Quel qu’en soit le résultat, cela risque d’être le point final de deux siècles d’histoire : un dernier paragraphe pour une thèse soutenue en 1981 !

 

1er novembre 2024

 

En ce jour de la Toussaint, la liturgie catholique offre un des plus beaux textes des Évangiles : les Béatitudes dans Saint-Mathieu (5,1- 12) : « Heureux les pauvres de cœur… ». Et puis ensuite, au fil de neuf versets, ce sont « ceux qui pleurent, les doux, les miséricordieux, les cœurs purs, les artisans de la paix… ».

Comment ne pas vivre ces paroles en ce 1er novembre 2024 en pensant au Liban et à Gaza, au front ukrainien, aux misères du Soudan et du Sahel ? Le mot de paix a-t-il aujourd’hui quelque sens dans le confort européen alors que meurent encore ceux qui cherchent à traverser les mers pour rejoindre nos paradis bien artificiels ?

Sont-ils heureux ceux qui souffrent ainsi de la folie des hommes aux esprits tout embrumés par des fondamentalismes ineptes ? Non, mais heureux sont-ils ceux qui sont capables de réagir, de ne pas subir. Le message des Béatitudes est celui de l’Espérance, du souffle qui permet de réagir, moins de condamner que d’aimer.

Puisqu’en ces jours nous célébrons les morts, ceux de nos familles, de ceux qui nous furent chers, comment ne pas s’indigner de ces massacres d’innocents qui continuent à se perpétuer aux quatre coins du globe. Bien sûr, notre parole, ces lignes même, ne pèsent guère, mais elles font écho à ces Béatitudes : « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés ».

31 octobre 2024

 

Les autorités chinoises interdisent la célébration d’Halloween en estimant que les déguisements d’origine occidentale pouvaient exprimer en filigrane une critique de la ligne du Parti et de son dirigeant à vie. Cela peut faire sourire, mais l’observateur ne peut qu’être surpris de l’extraordinaire succès de ce rituel anglo-saxon non pas tant en Chine, mais dans un pays comme la France.

En France, en effet, la tradition peut-être la plus ancrée est celle de la Toussaint, mais en réalité du culte des morts que l’on va honorer dans les cimetières, ce qui en fait un des week-ends les plus chargés de l’année puisqu’il implique des migrations vers les lieux d’origine familiaux que l’on va fleurir. Sur ce culte des morts est venue se greffer la fête catholique de la Toussaint (dont la plupart des Français retiennent avant tout que c’est un jour férié…).

Mais que dire des sorcières, des araignées, des citrouilles dont l’invasion est quand même récente, une trentaine d’années au plus ! On est là au croisement de vieilles superstitions et d’Harry Potter, dans une plongée vers l’irrationnel qui permet aussi d’exorciser notre malaise face à la mort. Les fantômes, les sorcières, les tombes, les esprits qui se manifestent concourent à transformer une période de mémoire en une fête païenne sans racines. Pour une fois, Xi Jinping n’a pas tout à fait tort et on peut comprendre qu’il préfère encore le culte des ancêtres inscrit dans la tradition confucéenne que Mao ne renia jamais complètement.

 

28 octobre 2024

 

Après la Moldavie, la Russie vient de marquer des points en Géorgie et en Bulgarie. En Géorgie, le parti au pouvoir – prorusse – aurait emporté 54 % des suffrages. En Bulgarie, la situation est plus complexe, mais là aussi la montée du populisme prorusse est sensible. Pas à pas, le modèle autocratique russe postsoviétique s’étend et reconstitue le champ de l’ex-URSS. La Russie s’autorise tous les moyens à sa disposition de la force brute au bourrage des urnes ou aux achats de votes. Trente ans après leur « libération », les démocraties de tous ces pays restent fragiles et le renversement d’alliances, de l’Est vers l’Ouest, plus délicat que jamais. En Moldavie, en Géorgie, mais aussi en Arménie, ce sont des oligarques téléguidés par Moscou qui mènent le jeu. Souvenons-nous que c’est aussi ce qui avait failli se passer en Ukraine. La stratégie russe est aussi de diviser y compris au sein de l’Europe. Il est paradoxal que le rôle de « l’idiot utile » soit exercé par Viktor Orban, trop jeune pour avoir connu « Budapest 1956 ». Il s’est précipité ce matin à Tbilissi pour apporter son soutien à des résultats pour le moins douteux tout comme il soutient la Serbie et bien entendu la Bulgarie.

Manifestement, Poutine est beaucoup plus à l’aise sur ce terrain-là que sur le champ de bataille ukrainien malgré l’apport de chair à canon nord-coréenne.

 

26 octobre 2024

 

La riposte israélienne aux attaques iraniennes a été pour le moins mesurée : quelques objectifs militaires mettant en évidence la vulnérabilité de l’Iran, mais aucune frappe sur des installations nucléaires ou pétrolières. Quoi que puisse penser Netenyahou des élections américaines, il n’était pas question de toucher au pétrole à quelques jours du scrutin.

Le résultat en a été une forte baisse du prix du baril (de $ 3  à $ 4) et surtout le renforcement d’une tendance tirée des fondamentaux. L’élément essentiel en est la baisse de la consommation chinoise. Sur les neuf premiers mois de l’année, les importations chinoises de pétrole ont diminué de 350 000 barils/jour (bj). À cela, il faut ajouter que la demande a été encore plus faible au point que les stocks chinois (publics et privés) ont probablement augmenté de 1 mbj (la Chine en septembre a produit et importé 15,2 mbj). Sur le plan pétrolier, au moins la Chine, grâce au développement des véhicules électriques, a probablement dépassé son « Peak oil ».

À cela, il faut ajouter l’augmentation programmée au 1er décembre des quotas de l’OPEP. Même si celle-ci est reculée dans le temps, le marché reste largement excédentaire. Et personne ne croit plus vraiment à un blocage du détroit d’Ormuz dont au fond l’Iran serait la première victime. Alors le baril de Brent en dessous de $ 70 ? Probablement.

 

23 octobre 2024

 

La malédiction des matières premières (The commodity curse) est une réalité bien connue tant des historiens que des économistes. Elle remonte au moins à l’Espagne de Philippe II, ruinée par l’or des Amériques, et s’applique aujourd’hui à des pays comme le Venezuela, l’Algérie ou la RDC. Les économistes en ont décliné une version plus « soft » avec la « Dutch disease », le mal néerlandais sur le modèle de ce qui affecta les Pays-Bas au début de l’exploitation du gaz de Groningue.

Mais un pays au moins a échappé à cette malédiction, la Norvège bien sûr. Le fonds souverain norvégien alimenté par l’exploitation du pétrole et du gaz affichait fin septembre un total de 1630 milliards d’euros avec une hausse de 265 milliards d’euros sur les trois premiers trimestres de 2024. Le fonds est alimenté par les recettes pétrolières et gazières de la Norvège. Les seules sorties éventuelles peuvent représenter 3 % des actifs (€ 48 milliards donc) pour combler le déficit budgétaire du pays (on en rêverait en France !). L’essentiel est conservé pour les générations futures lorsque les ressources norvégiennes seront épuisées. Avec un brin d’hypocrisie, le fonds mène une politique stricte d’investissements « verts », ce qui peut surprendre étant donné l’origine de ses capitaux.

Parfois copié, le modèle norvégien reste unique tant presque partout ailleurs la malédiction des matières premières reste une réalité.

 

21 octobre 2024

 

« L’affaire » Doliprane n’en finit plus de pourrir les premières semaines du gouvernement Barnier. Et il est vrai que Sanofi dépasse les bornes par la médiocrité de son management et surtout par son apparent détachement de son pays d’origine.

Qui se souvient, en effet, que c’est en 1973 à Mourenx, sur le bassin gazier de Lacq que Jean-François Dehecq, cadre de la Société nationale des Pétroles d’Aquitaine (qui deviendra Elf), créa à la demande de son président, Pierre Guillaumat, l’Omnium financier pour la Santé qui prendra quelques mois plus tard le nom de Sanofi. Filiale donc d’une société d’économie mixte, Sanofi absorba Labaz, Clin Midy, Synthelabo et enfin Aventis. Sanofi a réalisé en 2023 € 43 milliards de chiffre d’affaires, certes à 95 % hors de France, ce qui est logique pour un groupe pharmaceutique mondial. Un quart de son activité provient du Dupixent, un médicament qui tombera dans le domaine public en 2031. Et comme on le sait, Sanofi a raté le virage du vaccin du covid. Paul Hudson, son patron actuel s’est plus fait remarquer par son manque de tact que par sa vision stratégique et le parachutage à la présidence du CA de Frédéric Oudéa, l’ancien patron de la Soxciété Générale n’arrange rien. Quand on ne sait que faire, on vend les bijoux de famille. C’est bien ce qui se passe avec le Doliprane : du poker pharmaceutique !

 

20 octobre 2024

 

La Moldavie votait aujourd’hui dans le cadre d’un referendum pour ou contre l’Europe. Le « oui » l’a emporté de 11 000 voix seulement (50,38 %) grâce aux suffrages des Moldaves de l’étranger, pour l’essentiel disséminés en Europe. L’argent russe a coulé à flots et a acheté plusieurs dizaines de milliers de votes (au moins !).

Il est vrai que face à une Europe affaiblie et prenant eau de tout côté, Vladimir Poutine joue sur du velours. À partir de demain, il accueille à Kazan le sommet des BRICS, élargi au Sud global : 36 pays y participent et il devrait y avoir 24 chefs d’État dont Narendra Modi et Xi Jinping et, cerise sur le gâteau, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guttierez (qui ne s’était pas déplacé cet été pour le Sommet de la Paix en Suisse organisé avec l’Ukraine). Curieusement, les BRICS qui à l’origine, au début de ce siècle, regroupaient des pays que l’on croyait alors émergents (certains le sont restés) sont devenus une sorte d’anti G7 doté d’une forte américanophobie et cela quel que soit le locataire de la Maison-Blanche. Ceci étant, une absence au moins peut surprendre, celle de Mohamed Bin Salman et donc indirectement de l’Arabie saoudite qui ménage ainsi sa position au Proche-Orient face à l’Iran. Quoiqu’il en soit, Poutine peut triompher et fragiliser un peu plus l’Europe en attendant dans quelques jours le scrutin géorgien.

 

18 octobre 2024

 

Avec la mort de Yahya Sinwar, c’est le responsable majeur du 7 octobre qui disparaît enfin après une traque qui aura duré un an et qui aura emporté, au passage, l’essentiel de l’Etat-Major du Hamas et par effet collatéral du Hezbollah sans oublier quelques responsables iraniens.

Tout le monde s’accorde à reconnaître l’intelligence de Sinwar, sa connaissance d’Israël aussi (il avait même appris l’hébreu durant ses années de prison). Il savait qu’au lendemain du 7 octobre, la riposte israélienne serait impitoyable. Peut-être espérait-il entraîner l’ensemble de la région dans le chaos en obligeant l’Iran à s’impliquer directement. Il est, en effet, fort probable qu’il a mené seul la longue préparation du 7 octobre et qui ni la direction du Hamas au Qatar, ni le Hezbollah, ni Téhéran n’ont été prévenus si ce n’est au dernier moment. En homme impitoyable (surnommé le boucher de Khan Younes), les victimes civiles lui importaient peu, mais imaginait-il la mise en pièces de tout son arsenal militaire et la destruction tant de Gaza que du Sud Liban. Il était prêt à fabriquer des martyrs pour sa cause, peut-être même à se sacrifier. Sa folie l’a mené au bout de sa logique pour le malheur aussi des siens.

 

 

17 octobre 2024

 

On peut ne pas aimer Elon Musk et estimer qu’il est un être pervers et dangereux dont la nocivité se révèle enfin avec son soutien à Donald Trump. En conséquence, comme l’auteur de ces lignes, on peut décider de ne jamais acheter une Tesla et de boycotter X. Il faut cependant lui reconnaître quelque génie et surtout celui de réaliser l’impossible, « to get things done ».

Qui aurait ainsi imaginé qu’il était possible de créer « ex nihilo » le premier constructeur mondial de voitures électriques (dépassé maintenant par le chinois BYD) et d’en faire aussi la première capitalisation mondiale du secteur. Qui aurait cru dans les chances d’aboutir dans le domaine du spatial là où la NASA, Arianespace, les Russes, Boeing n’avançaient qu’à petits pas et accumulaient même les échecs. Non seulement Space X est efficient dans la mise en orbite de satellites, mais voilà la réussite d’une première : le retour sur sa base de lancement d’une partie de la fusée et de ses moteurs. Musk a su imprimer à ses entreprises une dynamique hors du commun.

 

Ceci ne peut faire oublier ses outrances, la dérive de Twitter devenu X, son engagement au côté de Donald Trump. Là où Trump est populiste, Musk est fasciste au sens propre du terme et il n’en est que plus dangereux.

 

13 octobre 2024

 

Hier, lensemble du peuple juif célébrait Yom Kippour, la fête du Grand Pardon, le sommet de lannée religieuse : un temps de jeûne et dabstinence, de pardon et damour aussi.

Rarement, les circonstances en auront été aussi dramatiques : il y a toujours une centaine dotages détenus à Gaza. La guerre fait rage à Gaza encore, mais aussi au Liban. LIran, le Yémen ont frappé et tous sont dans lattente de la réaction israélienne. Face à ladversité, Israël a fait bloc, mais cela nempêche pas les plus réalistes de se désoler de limpasse dans laquelle les entraînent Netanyahou et surtout ses soutiens les plus extrémistes qui rêvent de la colonisation entière de la Cisjordanie (la Judée et la Samarie) et de l’élimination par le vide du problème palestinien.

Dans toutes les synagogues, dans toutes les familles juives de la planète, on a prié et ces prières doivent être aussi celles des autres religions du Livre qui pourtant ne cessent de se déchirer. Puissent ces prières porter dun côté comme de lautre, les hommes et les femmes de bonne volonté.

 

12 octobre 2024

 

Aux États-Unis, la campagne électorale se poursuit avec toujours, semble-t-il, un léger avantage pour Kamala Harris. Il nest dailleurs pas sûr que le soutien affiché et même excessif dElon Musk à Donald Trump soit un avantage pour ce dernier et il risque même de se transformer en « baiser de la mort » tant la personnalité de lhomme le plus riche du monde est clivante et risque daliéner à Trump une partie de son électorat conservateur et évangélique.

Mais au fond, vu du reste du monde, tout ceci importe-t-il? Dans un excellent article,

The Economist estime, en effet, que la « Trumpification » de lAmérique est déjà une réalité (« American policy is trumpified »). Sur le front du commerce extérieur, Biden est déjà allé aussi loin que Trump pouvait le souhaiter en matière de protectionnisme. La panne de lOMC remonte à Obama, mais Biden na rien fait pour débloquer la situation. Sur le front de limmigration, la situation est identique. En matière de politique internationale, le soutien à Israël ne changerait pas, Netanyahou sen trouverait par contre un peu plus conforté. La divergence la plus profonde porte sur lUkraine et la relation avec Poutine. Enfin, lEurope ne doit pas se faire dillusion sur K. Harris. Trump était plus brutal, mais dObama à Biden, le vieux continent est bien passé au second plan. La Trumpification de lAmérique est au fond la version locale du populisme.

 

11 octobre 2024

 

Voici donc enfin la copie du budget 2025. Sous la pression dun déficit désordonné, lambition est de gagner € 60 milliards avec grossièrement € 20 milliards de hausses dimpôts et € 40 milliards d’économies. Sur le constat, tout le monde est à peu près daccord, mais ensuite cest le grand bal des hypocrites : pas de hausses dimpôt, dit-on à droite, Darmanin en rajoutant un peu dans le registre gaulliste de gauche; pas touche au coût du travail invective Gabriel Attal, bien oublieux du fait quil est quand même responsable de la situation budgétaire antérieure; noubliez pas le pouvoir dachat et limpact tant du report de la hausse des retraites (le RN nen veut pas) que de la hausse de la taxe sur l’électricité honnie par la gauche et les écologistes; quant à contraindre les collectivités locales de dépenser € 5 milliards de moins, ce nest pas possible tant maires et présidents de conseils généraux ou régionaux – de droite comme de gauche – se prétendent déjà touchés « jusqu’à los ».

La vacuité du pouvoir fait que chacun se limite à sa paroisse et à sa clientèle électorale. Parti de pareille manière, on voit mal comment ce budget, même amendé (mais les marges de manœuvre sont faibles) pourra échapper au 49-3, sachant, mais ce nest là quune hypothèse que personne ne voudra se débarrasser de ce Monsieur Barnier, au fond bien pratique pour toutes ces basses œuvres qui salissent les mains et les carrières politiques.

 

9 octobre 2024

 

En quelques semaines, la bande dessinée française vient de perdre trois de ses personnalités les plus emblématiques icônes dune époque faste, celle de la deuxième génération après Hergé et Jacobs (la ligne claire), et contemporaine ou presque de son élargissement à dautres maîtres comme Hugo Pratt : Christin,Juillard et Job.

Pierre Christin fut probablement le plus grand scénariste de BD de la fin du XXe siècle. Il est notamment le créateur de la série des Valerian. Ses albums avec Bilal dont le célèbre Partie de chasse sur les débuts de la Perestroika sont devenus des classiques (sans Christin, Bilal par la suite a mal évolué dans une fumeuse science-fiction).

Pierre Christin a croisé Pierre Juillard pour une série remarquable, Lena, que celui-ci a dessinée. Juillard était avant tout un dessinateur dans la tradition de la ligne claire modernisée à son point de perfection. Juillard s’était surtout illustré dans la BD historique, de Masquerouge aux Sept Vies de l’épervier. Mais il sut aussi raconter ses propres histoires comme avec le Cahier Bleu. Enfin, il a signé quelques-uns des meilleurs « remake » de Blake et Mortimer.

Job – André Jobin – était un scénariste suisse, père de lun des plus célèbres personnages de la BD « jeunesse » (mais aussi appréciée des adultes), Yakari lenfant indien avec son cheval « Petit Tonnerre » et son grand aigle protecteur. Dans la BD, les personnages survivent en général à leurs créateurs (Tintin est une exception). Mais ce nest plus la même chose.

 

7 octobre 2024

 

Un an déjà, que lattaque du Hamas et le massacre de civils israéliens ont plongé le Moyen-Orient dans le fracas des armes et des bombes. Gaza tout dabord, le Liban désormais, ont été entraînés dans une spirale mortifère que nul ne semble capable darrêter. La responsabilité des dirigeants du Hamas est totale tout comme de ceux qui lont soutenu au Liban, en Syrie et bien sûr en Iran et puis aussi de tous les « compagnons de route » qui en Occident véhiculent lantisémitisme le plus fétide. La riposte dIsraël était légitime même si on savait que le risque dembourbement dans les souterrains de Gaza était immense. Sur le font libanais aussi, au-delà de la réussite des premières frappes, lenlisement guette Tsahal sur fond de dilution de ce qui reste de l’État libanais. Le drame est quIsraël na pas su sen tenir à la seule élimination de ses adversaires et de ceux qui de près et de loin avaient rendu possible le 7 octobre. Benyamin Netenyahou en a profité pour conforter son pouvoir chancelant en donnant carte blanche à ses alliés les plus conservateurs en Cisjordanie éloignant un peu plus la solution à deux états que dailleurs nul nimagine plus guère : triste Israël, pauvre Palestine…

Mais le conflit va plus loin tant la main de lIran a été à l’œuvre ces trente dernières années du Liban à lIrak, de la Syrie au Yémen. L’élimination dHassan Nasrallah a entraîné une réaction iranienne beaucoup plus forte quanticipé même si lessentiel des missiles se sont heurtés au « Dôme de fer » israélien. Malgré les appels occidentaux à la prudence, le risque est grand quil y ait une riposte israélienne probablement pas sur les installations nucléaires (veto américain), mais peut-être pétrolières : une raffinerie ou bien le terminal de l’île de Kharg. Au-delà, lescalade serait celle de lirrationnel, mais dun côté comme de lautre les « fous de Dieu » sont à l’œuvre.

Un an donc et lanniversaire est celui avant tout du massacre aveugle dinnocents (qui dans leurs kibboutz étaient souvent des adversaires de Netanyaou) alors que dautres – de moins en moins nombreux – sont encore retenus en otages dans les souterrains de Gaza.

Loin du fracas de la guerre et des bombes, cest le silence de la prière qui simpose alors que le peuple juif sapprête à célébrer Yom Kippour.

 

6 octobre 2024

 

Connaissez-vous lEUDR ? Dans le langage technocratique bruxellois et en anglais, cest lEuropean Union Deforestation Regulation, la réglementation européenne sur la déforestation, dont la caractéristique est lextraterritorialité en ce sens quelle sapplique à tous les pays fournisseurs de lUnion européenne. Cest lexemple type dune bonne intention transformée en monstre réglementaire, illustrant aussi la manière dont la bonne conscience occidentale justifie un véritable néocolonialisme écologique.

À lorigine, il y a incontestablement un vrai problème, celui de la déforestation, un phénomène ancien lié à lexpansion de lagriculture, mais qui touche aujourdhui les dernières forêts primaires de la planète, qui diminue aussi lemprise forestière de bassins, de lAmazonie au Congo et à Bornéo, qui sont des puits de carbone pour les équilibres climatiques ainsi que des réservoirs à biodiversité. Une partie de la déforestation est liée à la croissance démographique, comme ce fut le cas dailleurs en Europe depuis le début du Moyen Âge et le temps des moines défricheurs. En France, la tendance est désormais inverse et la forêt a repris sa croissance avec 31 % du territoire et 85000 hectares supplémentaires chaque année. Mais cest là une autre histoire.

Dans de nombreux pays en développement, labsence de cadastre, lincertitude sur le droit du sol, larbitraire des décisions publiques, pour ne pas dire la corruption, ont fait de la gestion des forêts un maillon faible de la gouvernance environnementale. Lattribution de concessions forestières se faisait aux dépens des populations locales et dans des conditions dexploitation douteuses.

Plusieurs régions dans le monde ont concentré lattention en matière de déforestation : lAmazonie avec la poussée de la culture du soja, repoussant elle-même l’élevage jusque-là implanté sur le Cerrado; lIndonésie et surtout Sumatra et Java avec le développement de lhuile de palme; le bassin du Congo enfin concerné jusque-là surtout par lexploitation forestière.

Pour certains produits, la prise de conscience des dangers et des dérives de la déforestation est déjà ancienne : cest le cas notamment des bois tropicaux, de lhuile de palme, plus récemment du soja. Des certifications et des labels existent. Dans cette logique, linitiative européenne permet de passer du volontaire à lobligatoire. Mais la systématisation pour des produits jusque-là peu concernés par la déforestation pose problème en particulier pour le café et le cacao.

La notion même de déforestation peut faire sourire tous ceux qui ont parcouru des « plantations » de cacao en Côte dIvoire ou au Ghana. Les cacaoyers y prospèrent en effet sous le couvert dautres arbres. Il sagit pour lessentiel de petites plantations de deux ou trois hectares au plus dont la main-d’œuvre est familiale. Certes, le front du cacao a repoussé la forêt de toute manière déjà minée par lexploitation du bois comme combustible. Mais il ny a rien de comparable avec les plantations industrielles dhuile de palme en Indonésie notamment.

Mais lEUDR met dans le même sac café, cacao tout comme huile de palme, caoutchouc, bois, soja et y ajoute pour faire bonne mesure l’élevage bovin. Brésil et Indonésie sont les premiers visés, mais en réalité le vrai problème se pose pour lAfrique et lAsie du Sud-Est. Le règlement a été voté par le Parlement européen en 2023 et devait entrer en vigueur le 1er décembre prochain. Devant les protestations des pays producteurs, il semblerait que la Commission et le Parlement puissent transiger pour un délai dun an supplémentaire. Cest que les contraintes sont considérables : tout produit pénétrant dans lUE (matière première et certains produits transformés, mais pas tous…) doit provenir de terres dont la déforestation est antérieure à 2020. Ceci doit être certifié dans le cadre dune « diligence raisonnée » faisant appel en particulier à la géolocalisation des parcelles. Jusque-là, lexigence de traçabilité était limitée à des productions bio ou « équitables » dans une démarche de volontariat. Là, on passe à un système coercitif.

Paradoxalement, les grandes entreprises, les producteurs dhuile de palme en Indonésie, de soja au Brésil, les quelques exploitants forestiers qui exportent encore vers lEurope ont pu se préparer et répondre aux demandes européennes. Toute autre est la situation des producteurs de café et de cacao pour lesquels on commence enfin à prendre conscience de labsurdité de cette EUDR.

Café et cacao jouent un rôle essentiel du point de vue économique, mais surtout social en Afrique, en Amérique latine et plus récemment en Asie comme au Vietnam (le deuxième producteur mondial de café). Des centaines de milliers de petits producteurs sont aux antipodes de réglementations européennes qui ne sont au fond que la délocalisation de notre bonne conscience. Au minimum, il serait souhaitable de séparer café et cacao des autres produits, de leur appliquer une logique différente, dans lidéal peut-être de les laisser en paix.

Le sujet va revenir en discussion à Strasbourg puisquil va falloir adopter la prolongation des délais de mise en œuvre du règlement. Cest là une occasion de le modifier, de le rendre plus réaliste, moins « à charge » pour les producteurs, den exempter aussi café et cacao… et puis aussi de sinterroger quant à la légitimité de lEurope de donner des leçons au reste du monde.

 

5 octobre 2024

 

Rarement, les « sanglots longs des violons de lautomne » auront été aussi déchirants quen ce début dautomne 2024 : de Gaza à lUkraine, du Liban au Soudan et même à la mer de Chine, tout nest que tensions, guerres ouvertes, massacres… Les quelques véritables démocraties vacillent même avec la montée des populismes alors que partout les autocraties se renforcent.

Parler d’économie et de marchés dans ce contexte peut paraître dérisoire même si – nous le savons – la vie et les échanges se poursuivent : le conflit en Ukraine na pas empêché la pérennité des flux céréaliers de la mer Noire; la menace autour du détroit dOrmuz paraît encore lointaine; certes la mer Rouge est moins fréquentée et il en coûte de faire le détour par le cap de Bonne Espérance (un mot qui prête à sourire quand on pense à la situation de lAfrique du Sud); et la grève des dockers américains na duré que quelques jours…

Ne nous étonnons pas quand même que le meilleur indicateur des malheurs du monde, le prix de lor, ne cesse de battre des records : plus de $ 2 600 lonce! Il y a certes la saison des mariages en Inde, la baisse des taux de la Fed et de la BCE, lappétit de quelques banques centrales asiatiques, mais il y a surtout la peur et le réflexe dultime protection des « investisseurs ». Car pour le reste, les marchés de matières premières – à lexception de celles du petit déjeuner – nont pas brillé ces dernières semaines par leur euphorie. Il est vrai que deux interrogations majeures pèsent : l’élection américaine et la croissance chinoise.

Il est probable que l’élection du 5 novembre se jouera à bien peu de choses, à quelques voix dans le comté dun état déterminant. Kamala Harris a remarquablement remonté le retard de Joe Biden et les deux candidats sont « neck and neck ». Bien sûr, une victoire de Donald Trump aurait des conséquences difficilement prévisibles sur la scène mondiale. Mais, en ce domaine, Kamala Harris est aussi une débutante…

Lautre interrogation concerne la Chine : non pas ses moulinets au large de Taïwan, du Vietnam ou des Philippines, mais la situation économique qui, malgré les annonces de mesures de relance, ne saméliore pas suffisamment pour rendre crédible les 5 % de croissance annoncées au printemps dernier. On scrute donc avec attention l’évolution des importations chinoises de matières premières : le minerai de fer pour la construction, le cuivre et bien sûr le pétrole. Sur les neuf premiers mois de lannée, les importations de pétrole brut sont en recul. Peut-être la Chine a-t-elle atteint son « peak oil » avant même le « peak coal » ?

Le résultat en est un tassement de la plupart des marchés sauf menaces géopolitiques. Les fondamentaux du pétrole sont ainsi franchement orientés à la baisse avec le tassement de la demande mondiale et la montée en puissance de nouveaux producteurs aux Amériques. À la veille des frappes israéliennes au Liban, le baril de Brent était à moins de $ 70. La plupart des marchés des métaux restent moroses : le cuivre auquel on promet lavenir le plus brillant à moyen terme reste pour linstant marqué par des excédents. Seul l’étain tire son épingle du jeu grâce à linstabilité birmane. Dexcellentes récoltes un peu partout (sauf en France!) maintiennent les marchés des grains à des niveaux déprimés pour les producteurs. Les seules tensions significatives affectent les produits tropicaux du fait de maladies (oranges, cacao) ou de sécheresse (café, sucre).

Lautomne, donc, commence à peine et sur le front géopolitique tout autant que dans le champ économique, il ny a guère de promesse d’été indien. Plus que jamais, par leur volatilité accrue et parfois désordonnée, les marchés sont « le vain bruit à lentrée du silence des vrais conflits » (RM Rilke).

 

3 octobre 2024

 

Lescalade se poursuit au Moyen-Orient. Après la mort du chef du Hezbollah et de nombre de responsables du mouvement et alors que Tsahal a pénétré au sud du Liban, lIran ne pouvait pas se contenter de journées de deuil à la mémoire dHassan Nastallah. La frappe sur Israël, qui sest heurtée au « dôme de fer » na pas été symbolique même si les dégâts provoqués ont été limités.

Mais la balle est maintenant dans le camp dIsraël, attaqué cette fois directement par lIran et non par ses créatures dans la région. Le rêve de Netanyaou est bien sûr de frapper les installations nucléaires iraniennes et ce dautant plus que lIran est probablement très proche de disposer des quantités duranium enrichi nécessaires à la réalisation dune arme nucléaire. Mais là, il se heurte au veto des États-Unis que Biden a renouvelé de manière très claire. Un autre objectif pourrait être les infrastructures pétrolières : lIran produit 3,4 mbj et en exporte la moitié (pour lessentiel vers la Chine). Israël pourrait aussi sattaquer aux raffineries (il y en a trois), ce qui perturberait lapprovisionnement du pays en carburants. Perdu pour perdu, lIran pourrait alors bloquer au moins partiellement le détroit dOrmuz, ce qui serait le scénario catastrophe pour les marchés du pétrole et du gaz. Pour linstant, la probabilité en est faible et le baril de Brent na pris que $ 2 ou $ 3 ces deux derniers jours. Mais lengrenage est bien là !

 

2 octobre 2024

 

Alors que la campagne électorale bat son plein aux États-Unis (avec un débat entre les candidats à la vice-présidence qui a été plutôt remporté par le républicain Vance), cest un conflit «social» qui vient perturber la vie économique américaine. Depuis hier, les ports américains de la Côte Est, de Boston à Houston sont paralysées par une grève des dockers, la première dune pareille ampleur depuis une cinquantaine dannées. Les 25 000 dockers affiliés à lILA (International Longshoremens Association) qui sont déjà parmi les cols bleus les mieux payés des États-Unis ($ 100 000 à $ 200 000) se sont mis en grève faute de renouveler leur accord salarial signé, il y a six ans, avant le Covid et la flambée des taux de fret conteneurs. Ce sont en effet les porte-conteneurs qui sont les premiers affectés et qui déjà font la queue au large des ports.  À quelques semaines des fêtes de fin dannée, la peur de manquer commence à gagner les étals que ce soit de jouets, de textiles, mais aussi de pièces détachées pour automobiles. La Côte Est représente 57 % des importations américaines de biens manufacturés.

Ce conflit intervient au pire des moments pour ladministration Biden à quelques semaines des élections (a priori les déguisements pour Halloween doivent déjà être arrivés). Déjà tendus avec le blocage de la mer Rouge et les problèmes de Panama, les taux de fret ont bondi à la hausse et limpact sur le PIB américain pourrait ne pas être négligeable.

 

1er octobre 2024

 

En arrivant à Dauphine ce matin, je pensais à Philippine, cette étudiante assassinée à quelques mètres de là dans le bois de Boulogne. Elle était en troisième année, mais jaurais pu lavoir lannée prochaine parmi les candidats à notre master et séduit par ses engagements (le scoutisme!), elle aurait pu être parmi nous.

Rien de cela, mais des larmes et de la colère et puis ladmiration pour la dignité des siens soutenus par la profondeur de leur foi : elle est entrée dans lEspérance, mais quand même trop vite, trop tôt et de manière si violente.

On peut bien sûr polémiquer sur les lenteurs et les failles de la justice en France, mais de grâce épargnons-nous polémiques et récupérations politiques. Nous ne saurons jamais ce qui sest passé en cet après-midi dans les fourrés du bois de Boulogne si près et si loin de notre université : la folie dun homme, un engrenage que nulle prière ne pouvait interrompre.

Ailleurs, dans le monde, tant de folies sont encore quotidiennes, mais elles sont lointaines. Mais là, écoutons dans son homélie à lenterrement de Philippine, le père Grosjean : « que le monde comprenne que le mal na pas gagné et quil ne gagnera jamais… servir, croire et aimer portera toujours du fruit ». La Foi, lEspérance, lAmour, les vertus cardinales de toutes les religions. 

6 novembre 2024

 

Qui l’eût imaginé ? Qui l’eût cru cet été encore alors que Kamala Harris dominait un Trump empêtré dans ses approximations ? Et pourtant, en ce 6 novembre au matin, c’est bien Donald Trump qui est sorti immense vainqueur des élections américaines : la majorité des grands électeurs certes et celles des « swing states », mais surtout le vote populaire (pour la première fois depuis vingt ans pour les républicains) et puis aussi le Sénat et peut-être même la Chambre des Représentants.

Il est facile d’épiloguer sur ce que furent les erreurs des démocrates et en particulier de Joe Biden dont la candidature puis le retrait trop tardif ont privé les démocrates d’une vraie campagne électorale loin des quelque 900 « meetings » tenus en deux ans par Donald Trump. Mais au-delà, il y a un mouvement de fond opposé aux dérives de ce que l’on englobe aujourd’hui dans la culture « woke » et dont Donald Trump est la parfaite antithèse. Et puis, même si l’économie américaine semble florissante, l’« Amérique d’en bas » souffre de la hausse des prix alimentaires, des loyers, des cotisations d’assurance… Donald Trump a au fond profité de ces « gilets jaunes » à l’américaine (zones rurales, latinos, noirs même) qui ont fermé les yeux sur ses excès et ses innombrables invraisemblances.

La période qui s’ouvre est faite d’incertitudes. L’administration Biden va probablement s’efforcer de sauver un peu de son héritage, en particulier en ce qui concerne l’IRA (mais qui, paradoxalement, a profité plus aux États républicains). Il y a de fortes chances ainsi que les États-Unis soient déjà en retrait à la COP29. Mais l’essentiel viendra à partir du 20 janvier avec des baisses d’impôts et des hausses de tarifs douaniers. Durant sa campagne, Donald Trump a brandi des menaces (10 % sur toutes les importations et 60 % pour les produits chinois) qu’il ne concrétisera peut-être pas en totalité s’il obtient des contreparties. Il y a quand même de fortes chances que les États-Unis quittent, d’une manière ou d’une autre, l’OMC.

En matière de politique internationale, là aussi l’incertitude est totale. L’Ukraine a perdu un soutien et c’est l’Europe qui se retrouve maintenant en première ligne, ce qui au fond n’est pas nouveau. Si B. Netanyahou a été le premier dirigeant « occidental » à féliciter Trump, il risque de trouver dans le futur président américain un partenaire plus difficile qu’il ne le pense et il n’est pas impossible que Trump réussisse là où Biden a échoué en imposant un cessez-le-feu à Gaza et au Liban. Quant à la Chine, là aussi, il ne faut pas sous-estimer la capacité de Trump à imposer et à gagner des bras de fer (on se souvient de l’accord agricole de janvier 2020, juste avant le Covid). Avec l’Europe, il aura en tout cas des marges de manœuvre en jouant des divisions et en s’appuyant sur ses « admirateurs » d’Orban à Meloni.

La moindre des incertitudes ne concerne pas la relation entre Trump et l’imprévisible Elon Musk dont l’impact et l’activisme dans les dernières semaines ont été incontestables sans parler du soutien du réseau X (ex-Twitter). Si l’on connaît le scepticisme environnemental de Trump, la présence de Musk à ses côtés pourrait renforcer au moins la cause des véhicules électriques (que Tesla fabrique en Chine…). Néanmoins, il faut s’attendre à un ralentissement de la transition énergétique aux États-Unis, notamment en ce qui concerne l’hydrogène. À l’inverse, les producteurs de pétrole et de gaz, tout comme les compagnies minières devraient avoir les coudées plus franches.

Sur les marchés à court terme, l’impact de l’élection de Donald Trump est difficile à mesurer : l’indicateur le plus sensible, le baril de pétrole a terminé la journée du 6 novembre au même niveau qu’il l’avait commencé ($ 75,4) : peut-être un peu plus de production américaine, mais aussi une consommation plus soutenue. Les marchés des métaux étaient, quant à eux, beaucoup plus influencés par le résultat de la réunion de l’Assemblée populaire de Chine et par l’annonce probable d’un nouveau plan de relance par les autorités de Pékin. C’est en fait le dollar qui a le plus réagi (+1,5 % le 6 novembre) tout comme d’ailleurs Wall Street à la perspective des diminutions anticipées des impôts sur les entreprises.

En 2020, l’illustration de la couverture du rapport CyclOpe était une fresque siennoise d’Ambrogio Lorenzetti, une allégorie du mauvais gouvernement dont le personnage central avait quelque ressemblance avec Donald Trump. Quatre ans plus tard, le voilà de retour ! À Sienne sur un autre mur, il y a une allégorie du bon gouvernement. À imaginer avec raison le pire, peut-être serons-nous surpris positivement par le quarante-septième président américain !

 

5 novembre 2024

 

Il y a quelques années encore, l’ambassade des États-Unis à Paris organisait une réception dans la matinée suivant les élections présidentielles. C’était un moment agréable, rarement marqué par la tension qui domine aujourd’hui.

Jamais, en effet, une élection américaine n’aura suscité autant de passion dans le monde entier. Cela tient avant tout de l’incertitude totale dans laquelle se trouvent tous les observateurs. Personne n’ose plus quelque pronostic que ce soit si ce n’est que le résultat final se jouera à quelques milliers de voix dans l’un ou l’autre des « swing states ». Les Français auront au moins découvert un peu de la géographie américaine et de la complexité et des particularismes du système électoral américain.

Mais au-delà du résultat, il y a aussi la personnalité des candidats : un ancien président qui ne compte plus les casseroles, un peu fasciste (même si ce qualificatif européen n’a guère de sens aux États-Unis) peut-être, mégalomane certainement, mais une vraie bête de scène, contre une femme de couleur pas vraiment afro-américaine, sortie de l’ombre il y a seulement quelques semaines. Les programmes sont différents pour les États-Unis, mais assez peu au fond pour le reste du monde (à l’exception de l’Ukraine).

Les Américains votent. Attendons et cette attente pourrait être longue.

 

3 novembre 2024

 

Pendant que l’on se déchirait en France sur le budget et le subtil équilibre entre hausses d’impôts et économies, au Royaume-Uni, il n’y a pas de tels états d’âme au sein du gouvernement travailliste assuré d’une forte majorité aux Communes. La chancelière de l’Échiquier (une femme pour la première fois en 800 ans d’une histoire qui remonte en fait à la Normandie de Guillaume le Conquérant) a annoncé £ 40 milliards de hausses d’impôts visant essentiellement les entreprises (et indirectement le coût du travail) et les riches. Pour ces derniers, la pilule est amère, qu’il s’agisse de la fiscalité des écoles privées (les célèbres « public schools » au cœur des inégalités sociales britanniques) que de celle des « non-doms » (les riches étrangers vivant au Royaume-Uni, mais échappant à toute taxation sur leurs revenus extérieurs). Avec ces mesures qui ne devraient pas prêter à discussion tant la majorité de Keir Starmer est large, les prélèvements obligatoires représenteront au Royaume-Uni 38,2 % du PIB. On est encore loin des 43,2 % français en 2023. Ceci étant, sur nombre de domaines (santé, éducation) l’État-providence à la française fonctionne mieux et est plus efficient à gommer les inégalités. Mais la détermination britannique a de quoi faire rêver quand on pense aux atermoiements français.

 

2 novembre 2024

 

Les entreprises ont une vie, faite de croissance, de déclin, voire de disparition et dans certains cas de survie sous anesthésie.

L’auteur de ces lignes a consacré plusieurs années de sa vie pour son doctorat ès lettres à travailler sur l’histoire de Tate and Lyle. Cette entreprise britannique était au XIXe siècle, un raffineur de sucre et elle connut à partir des années cinquante une prodigieuse croissance et devint le premier acteur mondial du sucre depuis les plantations aux Caraïbes et en Afrique jusqu’au raffinage, à l’agro-industrie et au trading. En 1935, elle faisait partie de la première liste de l’indice FT30 et après la guerre, le gouvernement travailliste avait même voulu la nationaliser. Elle était encore, dans les années quatre-vingt, dirigée par des Tate et des Lyle.

La suite fut moins glorieuse. Peu à peu, Tate and Lyle abandonna toutes ses activités sucrières (la marque qui existe encore avec le célèbre Lyle’s Golden Syrup appartient désormais à un autre groupe). L’entreprise se concentra dans l’univers des sucrants industriels, attirant de moins en moins l’attention : sa faible capitalisation boursière (£ 2,8 milliards) a attiré par contre un fonds américain de « private equity » qui vient de lancer une OPA. Quel qu’en soit le résultat, cela risque d’être le point final de deux siècles d’histoire : un dernier paragraphe pour une thèse soutenue en 1981 !

 

1er novembre 2024

 

En ce jour de la Toussaint, la liturgie catholique offre un des plus beaux textes des Évangiles : les Béatitudes dans Saint-Mathieu (5,1- 12) : « Heureux les pauvres de cœur… ». Et puis ensuite, au fil de neuf versets, ce sont « ceux qui pleurent, les doux, les miséricordieux, les cœurs purs, les artisans de la paix… ».

Comment ne pas vivre ces paroles en ce 1er novembre 2024 en pensant au Liban et à Gaza, au front ukrainien, aux misères du Soudan et du Sahel ? Le mot de paix a-t-il aujourd’hui quelque sens dans le confort européen alors que meurent encore ceux qui cherchent à traverser les mers pour rejoindre nos paradis bien artificiels ?

Sont-ils heureux ceux qui souffrent ainsi de la folie des hommes aux esprits tout embrumés par des fondamentalismes ineptes ? Non, mais heureux sont-ils ceux qui sont capables de réagir, de ne pas subir. Le message des Béatitudes est celui de l’Espérance, du souffle qui permet de réagir, moins de condamner que d’aimer.

 

Puisqu’en ces jours nous célébrons les morts, ceux de nos familles, de ceux qui nous furent chers, comment ne pas s’indigner de ces massacres d’innocents qui continuent à se perpétuer aux quatre coins du globe. Bien sûr, notre parole, ces lignes même, ne pèsent guère, mais elles font écho à ces Béatitudes : « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés ».

 

30 septembre 2024

 

Retour sur la planète foot ! Largent qui y circule na pas dodeur. En Europe, les clubs changent de mains au gré des caprices financiers et ce sont souvent des fonds qui investissent (parfois quand même à fonds… perdus). Everton en Angleterre vient ainsi d’être racheté. En 2022, cela avait été le cas de lAC Milan (le « club » de Berlusconi) par Redburn Capital Partners dirigé par un ancien de Goldman Sachs pour la modique somme de € 1,2 milliard. Alors, bien sûr, il faut meubler le maillot de publicités diverses. Et en la matière, lAC Milan vient de faire très fort en enrôlant pour quelques centaines de milliers deuros… la République démocratique du Congo.

La RDC, lancien Zaïre, lex-Congo belge, le lieu de toutes les exploitations : un scandale géologique riche en cuivre, cobalt, coltan, diamants qui depuis son indépendance et surtout depuis la chute de Mobutu na connu quinstabilité et guerre civile. LEst du pays en proie aux milices et aux armées privées échappe au contrôle de Kinshasa. À tous les niveaux, la corruption est la norme, mais elle saccompagne de désordres et de violence. La RDC est lexemple caricatural de cette malédiction des matières premières quanalyse souvent CyclOpe au fil de ses pages.

Officiellement, le sponsoring de lAC Milan vise à promouvoir le tourisme en RDC. Mais qui serait assez inconscient aujourdhui pour imaginer faire du tourisme en RDC? Le potentiel est certes immense des réserves danimaux aux croisières sur le Congo. Mais le risque pays est trop grand et on se prend à penser que cet argent-là serait mieux dépensé en RDC que dans les finances dun club de football italien contrôlé par un fonds américain. À moins que certaines poches nen profitent aussi à Kinshasa ou à Genève (là où se trouvait autrefois la fortune de Mobutu…).

            Le foot fait rêver en Afrique, mais là il y a de quoi pleurer.

 

29 septembre 2024

 

Une semaine déjà pour le gouvernement Barnier. Les ministres se sont installés, ont découvert leurs bureaux et leurs crayons, ont commencé à former leurs cabinets (le choix des « dircabs » est en général imposé à tous ces débutants et pour le reste, on ne se presse pas au portillon pour des emplois plus que précaires…).

Le sujet majeur est celui du budget et comme dhabitude les entrants chargent un peu plus la barque des sortants : ainsi, le déficit budgétaire de 2024 va bien dépasser la barre des 6 %, toutes les mesures proposées par Bruno le Maire pour le contenir ayant été, au printemps, balayées par le tandem Attal/Macron. Il est clair que ce nest pas tenable et la sanction des marchés est déjà impitoyable : lEspagne, le Portugal et même la Grèce (le « Clubmed » autrefois si méprisé) empruntent moins cher que la France! Mais que faire? Réduire les dépenses, mais tout paraît si indispensable (il suffit de voir les collectivités locales) et puis cela prendra du temps. Alors, augmenter les impôts et prélèvements : là aussi, les collectivités locales ne sen privent pas (les avis de taxes foncières qui tombent ces jours-ci en sont la preuve). Mais faire payer un peu plus les riches et les entreprises restera bien insuffisant tout en faisant de la France le champion toutes catégories des prélèvements publics. On frémit à imaginer ce quaurait été dans un pareil contexte lapplication du NFP. Mais quand on aime, on ne compte pas les milliards !

 

28 septembre 2024

 

Coup de tonnerre au Liban avec la frappe israélienne au sud de Beyrouth sur le quartier général du Hezbollah qui a coûté la vie à son chef politique et spirituel, Hassan Nasrallah.

La compassion doit aller aux innocentes victimes de telles frappes plutôt qu’à celui qui de son refuge libanais en avait lui-même tant ordonné. Qui vit par le glaive et les bombes doit périr par le glaive et les bombes. Inféodé à lIran, pilier du soutien à Bachar el Assad en Syrie, destructeur des fragiles équilibres libanais, Nasrallah avait fait du Hezbollah une puissance militaire et pratiquement un état indépendant au Liban. Sa rhétorique enflammée ne pouvait quentraîner tous les fanatismes, ceux de ses disciples, mais aussi ceux des extrémistes israéliens.

Israël, cette fois-ci, a vengé le 7 octobre en éliminant les chefs du Hamas et du Hezbollah, mais en prenant le risque den faire des martyrs. Mais au-delà de l’élimination dune tête, le problème reste entier, celui de laprès Gaza et espérons-le bientôt de laprès Netanyahou.

Une chose est claire en tout cas : cest le Liban qui est la principale victime et dans les mille vies du chat libanais, il y a peu de chances que cette fois-ci il retombe sur ses pattes; un million de personnes sont déplacées, les ressources essentielles manquent, les cèdres sont déracinés.

 

27 septembre 2024

 

Au nord du Maroc, face à lEspagne et à Gibraltar, Tanger a une longue et complexe histoire depuis les temps phéniciens jusqu’à l’époque de linternationalisation de la ville durant la première moitié du XXe siècle avant que de redevenir marocaine. Depuis quelques années, Tanger est une des vitrines du développement économique du pays avec son pôle automobile (Peugeot et Renault) et surtout son port, Tanger Med, devenu le premier port africain et qui est entré dans les vingt premiers ports mondiaux de conteneurs en 2023 avec plus de 8 millions de « boîtes » transbordées. Du haut de la Kasbah qui domine les colonnes dHercule, on assiste au ballet dune noria de porte-conteneurs dautant plus nombreux qu’à lautre bout de la Méditerranée, Suez et la mer Rouge sont pratiquement fermés du fait des attaques houthis.

La médina est belle, peut-être plus « authentique » que bien dautres au Maroc. On y croise bien des témoins du passé international de la ville, des synagogues du mellah aux églises espagnoles et, bien sûr, aux légations et consulats : celui des États-Unis est le seul monument historique américain en dehors des frontières américaines. Il est resté dans son « jus » du XIXe siècle et comporte même la station de communication de lOSS (la CIA actuelle) au temps où Tanger était aussi un nid despions. Et en prenant un café au « Gran Café Central » du petit Socco, on se prend à rêver aussi au grand voyageur Ibn Battouta, un Marco Polo tangérois du XIVe siècle qui parcourut le monde jusquen Chine.

 

23 septembre 2024

 

Une dizaine de jours en Grèce, de Thessalonique à Athènes sur les pas de Saint-Paul avec quand même quelques détours obligés vers les Météores et Delphes. Un premier constat matériel simpose : l’économie touristique tourne à plein régime et frôle parfois même la saturation. Larrivée de quelques excursions de croisières aux Météores transforma ainsi ces merveilleux monastères en caricature de Disneyland !

Sil est un lieu pourtant, un peu ignoré du tourisme de masse, qui séduit tant l’œil que lesprit, cest bien Mystra, au cœur du Péloponnèse, la capitale de ce qui fut au XVe siècle le dernier bastion de Byzance. Cest là quen janvier 1449 fut couronné Constantin XI, le quatre-vingt-huitième et dernier empereur dOrient, le basileus qui quatre ans plus tard devait disparaître dans la fièvre de la bataille qui marqua la chute de Constantinople. Cest à Mystra que s’épanouit une dernière fois lart byzantin, cette manière de représenter « lesprit de Dieu » qui avait su traverser le millénaire de lhistoire byzantine. Mystra qui domine la ville moderne de Sparte nest quun champ de ruines au flanc dune colline, mais plusieurs églises et un monastère encore offrent au regard par leurs fresques, le dernier éclat dun monde qui allait disparaître. Seuls quelques chats aujourdhui hantent ces murs effondrés, derniers témoins du rêve byzantin.

 

21 septembre 2024

 

La France a enfin un nouveau gouvernement. Dire que celui-ci suscite lenthousiasme serait un doux euphémisme. Il est en effet constitué dhommes et de femmes politiques (députés ou sénateurs) pour la plupart inconnus provenant manifestement de la « réserve » des partis politiques qui ont donné leur soutien à Michel Barnier. Il ny a quune seule prise de gauche, fort honorable dailleurs, en la personne de Didier Migaud qui devient garde des Sceaux. Pour le reste, cest un subtil équilibre de LR et de macronistes mais, à quelques exceptions près (Retailleau), il sagit de « seconds couteaux » dont les compétences pour les portefeuilles dont ils héritent ne sautent pas aux yeux. Le comble en la matière est atteint à l’Éducation nationale et, dans une moindre mesure, pour lAgriculture. On peut se rassurer en se disant que rien ne vaut un regard neuf sur un sujet complexe et quen son temps René Monory, nanti de son seul certificat d’études fut un grand ministre de l’Éducation nationale. Mais son poids politique était tout autre.

Voilà donc un gouvernement plutôt de droite, mais dans lequel les principaux leaders, de Wauquiez à Philippe en passant par Bayrou, ont tellement peu confiance quils ont refusé de sy engager.

Rendez-vous maintenant devant lAssemblée.

 

19 septembre 2024

 

Fumée blanche à Bruxelles avant Paris. Ursula von der Leyen a dévoilé larchitecture complexe de « sa » Commission : 27 commissaires aux mandats souvent bien vagues et se chevauchant les uns les autres. Il y a bien six vice-présidents exécutifs censés cornaquer les commissaires « juniors ». Mais leurs portefeuilles restent là aussi quelque peu confus et ils risquent de se marcher dautant plus sur les pieds que ces « super commissaires » sont des novices à Bruxelles à limage du Français Christophe Séjourné dont le portefeuille (« industrie et stratégie ») est le prix de labsence de soutien à Thierry Breton.

La réalité est que cet organigramme complexe ne peut que renforcer la prééminence de la présidente. Le deuxième mandat dUrsula von der Leyen sera celui de la monarchie presque absolue. On ne voit aucune personnalité capable de lui résister et la position centrale de la présidence en matière darbitrages ne fera que la renforcer. Cela devrait aussi contribuer à donner un peu plus de pouvoir à la technocratie des directions générales. Tout ceci promet en tout cas des moments tendus sur des questions (Greendeal, PAC…) sur lesquelles les orientations de Madame von der Leyen peuvent être différentes de celles du Parlement.

 

17 septembre 2024

 

La composition dune Commission est un art subtil. La présidente na pas le choix des commissaires et doit donc même supporter des individualités critiques voire opposantes. Tel était, semble-t-il, le cas de Thierry Breton et Ursula von der Leyen a tout fait pour sen débarrasser. Après quelques hésitations, elle a trouvé loreille dEmmanuel Macron dont la fidélité en amitié nest pas la principale qualité. Quoique Madame von der Leyen eut préféré larrivée à Bruxelles dune Française pour donner un peu plus de parité à sa Commission, elle a dû accepter le recasage de son piteux ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, ce qui donne un peu dair à Michel Barnier pour la composition de son propre gouvernement.

Tout ceci, ce bricolage darrière-cour, fait perdre à la Commission un de ses rares « poids lourds » et contribue à diminuer un peu plus la crédibilité française à Bruxelles. Mais au-delà du pitoyable cas de la France, cet épisode, ajouté à quelques autres, montre bien les limites dune gouvernance européenne sans poids politique ni véritable légitimité. On voudrait détruire lEurope que lon ne ferait pas autrement.

 

12 septembre 2024

 

Il y a maintenant près de cent jours que des élections européennes dont au fond le résultat était parfaitement prévisible ont déclenché, à partir de la dissolution de lAssemblée nationale par Emmanuel Macron, un bouleversement dont la France risque de mettre longtemps à mesurer les conséquences. Il y eut donc quatre semaines de campagne électorale suivies de trois semaines dincertitude puis de deux semaines des Jeux olympiques rallongées encore de deux semaines de pause estivale et puis encore quelques semaines pour que la France retrouve un gouvernement sur lequel pèsera toutefois l’épée de Damoclès dune censure parlementaire.

Bien dautres pays ont connu des périodes plus longues dincertitude et de paralysie de leur exécutif national. Mais cela pouvait être atténué par lexistence de gouvernements régionaux responsables. Rien de tel dans le modèle français centralisé : comment imaginer une rentrée scolaire sans ministre de l’Éducation nationale, un attentat sans réaction du ministre de lIntérieur, un budget sans locataire permanent à Bercy. La pesante mécanique administrative française peut certes continuer à tourner, mais plus quailleurs, le risque est grand que cela soit à vide.

À vrai dire, la situation économique durant ces cent jours na rien eu de bien surprenant. Globalement, la croissance économique française devrait en 2024 rester dune honnête médiocrité de lordre de 1 %. Après un ralentissement au printemps, la croissance du troisième trimestre profitera dun effet JO qui ne sera pas compensé à lautomne. La France se trouvera dans la moyenne européenne, ce qui ne met pas la barre très haut, ce dont sinquiète à juste raison Mario Draghi (sans pour autant proposer de solutions). En réalité, nous sommes plus proches du syndrome allemand que de la quasi-euphorie espagnole… Mais lessentiel nest pas là, on le sait. Certes inquiétant notamment en ce qui concerne lactivité industrielle et le commerce extérieur, ce pour cent de croissance serait suffisant si les comptes publics naffichaient une dérive dangereuse partant déjà dune situation insoutenable et le risque de 6 % de déficit public (le double du célèbre critère de Maastricht) est bien réel. La France bat en effet des records tant en termes de dépenses que de prélèvements publics. Raisonnablement, on ne peut faire plus ni dans un sens ni dans lautre. Ce nest pourtant pas là le discours qui a été dominant durant ces quinze semaines. Passons sur les excès – même corrigés – du programme NFP. Mais sur presque tous les bancs de cette nouvelle assemblée, lheure est à la dépense – un peu électorale – plus quaux économies. Et il est vrai que nombre de services publics sont au bord de lasphyxie souvent plus par excès de normes, de règles et de rigidités que par manque de moyens. Mais la stérilité du débat actuel est confondante et cest bien limmobilité qui a dominé ces quinze semaines.

En France, les grandes élections ont presque toujours lieu en mai et juin. Depuis le célèbre New Deal de Roosevelt en 1933, on scrute les « cent jours » du nouvel exécutif, le temps de l’été justement : une sorte d’état de grâce dont il faut profiter pour agir et imprimer la direction des années à venir. Soyons honnêtes, en France, la théorie des cent jours na jamais vraiment fonctionné et pour citer quelques exemples célèbres récents, tant Nicolas Sarkozy que François Hollande les avaient gâchés. Mais là, ces cent jours ont été gaspillés et la faute en incombe un peu à tout le spectre politique. Et au vu des fragiles équilibres parlementaires, le nouveau gouvernement na guère despérances au-delà des affaires courantes et dun budget quil faudra accoucher dans la douleur.

Au fond, ces cent jours-là ont moins bouleversé quils nont enfoncé la France. Un temps, les Jeux olympiques ont entretenu lillusion, mais la page en est bien tournée. Le seul mérite pourtant de cette dissolution malvenue est dobliger les Français à ouvrir les yeux sur quelques réalités quils ont voulu trop longtemps ignorer. Mais que de larmes !

 

11 septembre 2024

 

À Bruxelles comme à Paris, lheure est à la composition de gouvernement et dun côté comme de lautre cela réclame tact et diplomatie.

Ursula von der Leyen a gagné quelques jours de répit grâce au retard mis par la Slovénie pour confirmer son choix de commissaire. Mais sa tâche demeure complexe tant il faut satisfaire les desiderata des pays, respecter les équilibres politiques, promouvoir les femmes sachant que cette commission sera loin de la parité et enfin tenir quand même compte des compétences des commissaires désignés par leurs pays respectifs. Une fois nommé, chaque commissaire devra être confirmé par le Parlement européen. Mais tout ce processus achevé, la Commission sera là pour cinq ans…

Michel Barnier a presque les mêmes contraintes entre hommes et femmes, jeunes et vieux, représentants des partis et personnalités plus libres, compétences aussi quand même. Les rumeurs circulent alimentées parfois par les intéressés eux-mêmes. Cest en tout cas, semble-t-il, à Matignon que tout se décide et non plus à l’Élysée. Les candidats de droite et du centre ne manquent pas, mais cest le panachage vers la gauche, y compris chez les macronistes, qui semble plus problématique. Et puis, à la différence de la Commission, combien de temps durera le gouvernement Barnier?

 

9 septembre 2024

 

Il y a des pays où, avec une bonne armée, on peut faire dire à peu près ce que lon veut dans les urnes et se prétendre quand même démocrate. Pendant quEmmanuel Macron se débattait dans les filets quil avait lui-même tendus, de lautre côté de la Méditerranée, le président Abdelmadjid Tebboune pouvait rester serein. Après avoir éliminé tous les opposants un peu crédibles, il vient effectivement d’être réélu par 95 % des votants (et un taux de participation officiel de 48 % et en réalité plus proche de 20 %). Il nest même pas sûr quil ait fallu bourrer les urnes pour arriver à ce score pharaonique : les quelques votants lont fait de bonne foi tant le souvenir des années noires et de la terreur islamique reste prégnant. Que lAlgérie soit mise en coupe réglée par les généraux et les derniers descendants du FLN reste presque secondaire tant que la rente énergétique permet de colmater un peu les brèches sociales. Mais le prix du pétrole baisse… Peu avare de sa rente mémorielle vis-à-vis de la France, le président Tebboune ne viendra probablement pas à Paris cet automne. Les leçons de ce grand démocrate auraient probablement été utiles…

Au Venezuela, Nicholas Maduro, dont Jean-Luc Mélenchon a toujours affiché la proximité, a plus de mal à imposer sa lecture de la démocratie. Le véritable vainqueur des élections vient d’être exfiltré vers lEspagne et, comme Tebboune, Maduro survit grâce au soutien de larmée.

Au fond, même chaotique comme aujourdhui en France, la vraie démocratie a du bon.

 

8 septembre 2024

 

Clap de fin pour les Jeux paralympiques. Certes, moins médiatisés que les jeux classiques, ils ont profité des mêmes infrastructures à Paris et en Île-de-France et lengouement des spectateurs a été presque aussi intense même en ce dernier jour pour les marathons. Plus complexe, lorganisation en a éré toute aussi parfaite. Mais voilà, une semaine après la rentrée des classes, la parenthèse olympique est définitivement fermée.

Venu de nulle part, appartenant à la catégorie des grands séniors (plus de 70 ans…), un concurrent a coiffé tous les autres pour emporter lor de Matignon. Ses principaux adversaires ont buté sur les derniers obstacles tandis que dautres remettaient en cause le principe de cette course lancée il y a bientôt trois mois. Entre-temps, la piste sest détériorée, des inondations budgétaires se sont déclarées et lon risque de ne pouvoir même faire la fin de saison.

Lexercice olympique a montré ce que la France pouvait faire de mieux. Lexercice politique montre le pire, un pays auquel il manque avant tout la confiance des uns vis-à-vis des autres, ce que déjà avait analysé le philosophe américain Francis Fukuyama dans son livre « Trust » qui expliquait que faute de cette confiance, les Français demandaient tout à l’État.

Redonner confiance à des Français qui sont les premiers adeptes du « French bashing », voilà là aussi ce que na pas su réaliser Emmanuel Macron.

 

7 septembre 2024

 

Les manifestations organisées un peu partout en France par les Insoumis nont eu guère de succès au-delà du cercle des militants. Cest que les Français sont las de ce feuilleton politique estival et que – les sondages semblent le montrer – sans déborder denthousiasme, ils saccommodent pour linstant de la solution Barnier. Bien sûr, une majorité aurait préféré lautre solution de « centre gauche », celle de Bernard Cazeneuve. Mais celle-ci a été littéralement sabotée par la ligne majoritaire au sein du PS qui a préféré saligner sur la position insoumise et donc sur la censure préalable. La page en est tournée et il ne sert à rien den cultiver les regrets, semblent dire les Français.

Ignoré de toutes les tractations de ces dernières semaines, le RN revient de fait au centre du jeu, sarrogeant même une position darbitre quil ne manquera pas de monnayer notamment sur la question dune part plus importante du gâteau électoral dévolue à la proportionnelle. Dans le jeu de rôle qui sinstalle, on aura donc le RN dans la posture de lopposant constructif et LFI dans celle de lopposant à tout va. Combien de temps ses alliés dans le NFP se rendront-ils compte quil ny a rien à gagner sur cette ligne si ce nest de renforcer un peu plus Jean-Luc Mélenchon?

Sans parler vraiment d’état de grâce, Michel Barnier a devant lui un court moment de respiration.

 

6 septembre 2024

 

L’été 2024 a été chaud! Il la été du point de vue climatique avec des records de température au niveau mondial. Il a été étouffant du point de vue politique en France malgré lincontestable « sans fautes » des Jeux olympiques. Mais dans le reste du monde, les tensions nont cessé un peu partout de sexacerber : ouverture dun nouveau front en Russie autour de Koursk (le lieu emblématique de la plus grande bataille de chars de la Seconde Guerre mondiale); poursuite de la guerre à Gaza, échec des pourparlers pour un cessez-le-feu et frappes israéliennes à Téhéran et au Liban; manipulation d’élection au Venezuela et verrouillage du pouvoir par Maduro; tensions entre la Chine et les Philippines autour de quelques îlots; tentative dassassinat de Donald Trump, retrait de Joe Biden et spectaculaire remontée du ticket démocrate Harris/Walz; chute de la Première ministre au Bangladesh; et puis encore et toujours la guerre au Soudan (la pire catastrophe humanitaire de ce siècle) et linstabilité chronique de la bande sahélienne. La fraternité de façade des Jeux olympiques naura pas fait longtemps illusion (mais en a-t-il jamais été autrement?).

Malgré toutes ses limites et limbroglio français, lEurope fait quand même bonne figure. Certes divisé, le Parlement européen a renouvelé le mandat de Madame von der Leyen qui sattaque maintenant à la subtile composition de « sa » Commission. Dans un contexte international difficile, la mécanique européenne fonctionne et parvient même (enfin!) à tenir la dragée haute à la Chine sur un dossier comme celui des véhicules électriques. Le retour au pouvoir des travaillistes au Royaume-Uni est aussi de bon augure même si au plan économique lEurope au sens le plus large continue à peiner. La croissance pour 2024 y sera probablement inférieure à 1 % plombée par le zéro allemand. Et là, le contraste avec les États-Unis nen est que plus frappant : les craintes de récession se sont évanouies et le bilan de Biden sur le plan économique est excellent au point que lon peut déjà anticiper des baisses de taux à lautomne, ce qui serait favorable à la candidature de Kamala Harris face à un Donald Trump plus imprévisible que jamais et que lon aurait tort en Europe de sous-estimer.

Mais du point de vue économique, la principale interrogation, celle qui agite les marchés et en particulier ceux de commodités, concerne la Chine. Au deuxième trimestre 2024, la croissance chinoise na été « que » de 4,7 %, cest-à-dire inférieure aux objectifs annoncés. Nombre dindicateurs sont orientés à la baisse à commencer par ceux de limmobilier et donc de la construction, ce qui se retrouve dans les prix de lacier et du minerai de fer. Le « modèle chinois », celui d’énormes surcapacités inondant la planète ne commence-t-il pas à trouver ses limites? Les partenaires de la Chine en tout cas réagissent, mais la demande intérieure chinoise peine à assumer le relais. Alors même si les importations chinoises de matières premières fluctuent et au fond baissent moins quanticipé, le sentiment sur les marchés aura été orienté à la baisse à de rares exceptions près.

Quil sagisse en effet des métaux, du pétrole ou des grains, les ours (bears) lont emporté sur les taureaux (bulls). Ainsi, le baril de Brent qui cotait encore $ 86,54 le 5 juillet ne valait plus que $ 73,75 le 3 septembre. En Chine, le minerai de fer était passé en dessous de $ 100 la tonne. Parmi les métaux non ferreux au-delà des affres du nickel et du lithium, le cuivre lui-même chancelait à peine au-dessus de $ 9 000 la tonne. Pour les produits agricoles, ce sont les perspectives dexcellentes récoltes (la France est là une exception) des États-Unis à lAustralie qui ont maintenu la pression à la baisse sur les marchés. Les produits tropicaux ont quand même fait exception avec des situations toujours tendues pour le café (Robusta surtout), le cacao et même le sucre. Et puis le véritable record de 2024 est à mettre au compte de lantimoine utile pour les panneaux solaires et surtout pour les munitions malheureusement fortement demandées par les temps qui courent !

La Chine et le climat ont ainsi pesé plus lourd que les affres géopolitiques et même les incidents autour de la mer Rouge et le détour nécessaire par le cap de Bonne Espérance (augmentant ainsi les délais et les tonnages « en mer ») nont eu quun impact mineur si ce nest sur les taux de fret des conteneurs qui ont plus que doublé.

Sil est en fait une malheureuse vedette de cet été 2024, cest bien lor qui a battu de nouveaux records au-delà de $ 2 500 lonce. Il reste au fond, au-delà de la saison des mariages en Inde et des achats des banques centrales, le meilleur indicateur des peurs de la planète, la « relique barbare » de Keynes qui nous rappelle à tout instant que lhumanité nest pas sortie de la barbarie.

 

5 septembre 2024

 

Finalement, cest le dernier nom sorti du chapeau présidentiel qui prend le chemin de Matignon. Michel Barnier va remplacer Gabriel Attal. Dire que ce choix ne fait pas lunanimité serait un euphémisme. Jean-Luc Mélenchon en a profité – en étant le plus rapide à réagir comme dhabitude – pour refaire à son profit lunité dun NFP qui commençait à se lézarder. Ailleurs, les réactions, y compris chez les macronistes, étaient plus nuancées. Et cest bien le RN qui a donné un paradoxal feu vert en ne brandissant pas une censure de principe comme il lavait fait de Xavier Bertrand. Pour autant, Michel Barnier nest pas un pis-aller. En un moment crucial de la vie politique européenne, il apporte à la France une incontestable crédibilité et une expérience bruxelloise qui avait cruellement manqué aux précédents locataires de Matignon. Dans la grande famille gaulliste, il a été un des proches de Jacques Chirac et par la suite a mené sa barque à Bruxelles tout en imaginant régulièrement pouvoir être un recours pour sa famille politique qui pourtant ne la jamais beaucoup aimé. Son âge (73 ans, celui de lauteur de ces lignes) est une garantie contre toute ambition présidentielle. Après avoir négocié le Brexit avec Boris Johnson, on peut imaginer quil saura gérer tant Marine Le Pen que les socialistes, Mélenchon se mettant hors-jeu de lui-même.

Ce choix est peut-être le moins mauvais que pouvait faire Emmanuel Macron. Il reste à former un gouvernement crédible et à passer l’écueil de lAssemblée nationale.

 

4 septembre 2024

 

Les jours se suivent… et se ressemblent tant limpitoyable arithmétique des sièges à lAssemblée nationale coupe les têtes même les plus prometteuses. Éliminée des instances de lAssemblée, le RN se réveille en position darbitre ultime : Xavier Bertrand en est la principale victime et il ne peut guère espérer récupérer à gauche les voix nécessaires. Quant à Bernard Cazeneuve qui pourrait bénéficier de la neutralité des LR, il se heurte à lhostilité dOlivier Faure qui craint à juste raison que son arrivée à Matignon ne contribue à ébranler un peu plus ce qui reste du PS. De fait, ni Bertrand ni Cazeneuve ne passeraient le cap dune motion de censure et seraient renversés par lalliance improbable des extrêmes. Comme il est impossible damadouer les mélenchonistes, il faut trouver un profil qui ne déclenche pas un tir de barrage immédiat du RN. En cette journée deux noms ont circulé : celui de David Lisnard et surtout celui de Michel Barnier, certes un politique, mais relativement éloigné de la scène nationale et tout auréolé de sa réussite dans la négociation du Brexit avec le Royaume-Uni. Cest incontestablement un homme de consensus dont le profil un peu terne ne ferait pas trop dombre au château… Il faisait la une des journaux télévisés du soir. Jusque-là ce n’était pas un bon présage pour les interessés.

 

3 septembre 2024

 

Toujours pas de fumée blanche, mais au contraire quelques nuages noirs, ceux du déficit budgétaire et donc de la dette. À Bercy, on envisage, en effet maintenant, non plus 5,1 %, mais 5,6 % de déficit public. La faute nen est pas à la croissance qui reste dune honnête médiocrité (1,1 %) avec un petit effet JO qui seffacera bientôt. Cependant, les recettes (TVA, impôt sur les sociétés) sont un peu inférieures aux attentes. Mais, lessentiel est la dérive des dépenses et en particulier celles des collectivités locales, notamment les communes et les départements : il est vrai quen ce domaine, le millefeuille territorial français sen donne à cœur joie tant sur le fonctionnement que sur linvestissement. Bruno Le Maire avait bien essayé de « raboter », mais dès le printemps, les péripéties politiques ont commencé à paralyser lexécutif. Il reste effectivement des crédits gelés pour 2024 (€ 16 milliards soit l’équivalent de la dérive des collectivités locales) et le gouvernement à venir devra arbitrer et répondre quand même aussi aux légitimes injonctions bruxelloises.

Certains des visiteurs de l’Élysée sont conscients de la situation. Tel nest pas le cas de tous, ni à gauche ni à droite. Les promesses – le programme du NFP en particulier – sont dans ce contexte plus surréalistes que jamais alors que, à politiques inchangées, la France sinstallerait au-dessus des 6 % de déficit public dès lannée prochaine ! Pendant ce temps, le ballet des visiteurs se poursuit au palais. Surréaliste aussi…

 

2 septembre 2024

 

Jour de rentrée. Les Jeux paralympiques se poursuivent dans une remarquable ambiance populaire. À l’Élysée, les consultations ont repris et Cazeneuve et Bertrand, Sarkozy et Hollande ont eu droit à leur audience. Mais rien, si ce nest une nouvelle « fuite » en la personne dun quasi-inconnu, Thierry Beaudet, un ancien instituteur qui a fait ses classes dans le monde mutualiste et qui est le président dune institution dont lutilité peut laisser dubitatif (si ce nest pour y placer danciens amis), le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Celui-ci rejoint donc la liste déjà longue des noms de quasi-inconnus dont l’étoile sest levée avant que de disparaître de lhorizon.

Centre droite (Bertrand?), centre gauche (Cazeneuve?) ou bien personnalité de la société civile plus malléable aux directives de l’Élysée et surtout moins prompte à détricoter ce qui reste de lhéritage macroniste. Emmanuel Macron manifestement ne sait, ne peut, ni ne veut trancher. Mais le temps fait son œuvre et il nest plus le maître des horloges. Cest désormais sa crédibilité qui est en jeu et son indécision nest plus seulement une faute, mais un crime politique, lassassinat en règle de la constitution.

31 août 2024

 

Fallait-il aller en Serbie pour vendre quelques Rafales à un pays pour le moins ambigu dans son jeu de balance entre lEurope et la Russie (ce qui na rien de nouveau, la Serbie ayant eu des responsabilités majeures dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale…)? Mais, au moins, ce déplacement aura-t-il eu le mérite de changer les idées dun Emmanuel Macron qui ne cesse de retarder le choix fatidique du locataire de Matignon. La décision devait être prise avant louverture des Jeux paralympiques, mais point de fumée blanche alors. Une chose en tout cas semble sûre : le miracle dapaisement des JO ne se reproduira pas. Les vacances sont terminées; les enfants vont rentrer en classe; la météo elle-même est capricieuse; lopinion se retourne contre un maître des horloges dépassé par les conséquences de cette dissolution qui lui file entre les doigts.

Alors dans le calme du pavillon de la Lanterne, il ne peut que retourner les termes dune équation impossible. Aucune combinaison ne pourra être à labri dune motion de censure tant en France les ambitions politiques personnelles lemportent sur lintérêt commun qui devrait être celui dune « grande coalition ». Celle-ci semblant exclue, on en revient à la tentation dune personnalité indépendante à l’écart du bourbier politique. Certains pensent ainsi à Christine Lagarde, mais il lui faudrait une bonne dose dabnégation pour quitter la quiétude de Francfort (et linfluence française en Europe sen trouverait un peu plus diminuée).

Une certitude semble en tout cas peu à peu simposer. La réalité du pouvoir va quitter l’Élysée et se trouver à Matignon avec l’épée de Damoclès dune motion de censure et donc la nécessité de compromis avec le Palais Bourbon. De lautre côté de la Seine, en son palais jupitérien, Emmanuel Macron ne pourra que « regarder monter en un ciel ignoré du fond de la Seine des étoiles nouvelles »

(pardon à J.M de Heredia de ce plagiat des Conquérants).

 

26 août 2024

 

La dernière semaine daoût commence avec toujours un gouvernement « démissionnaire ». Ce qui apparaît presque normal en Belgique (où la recherche de gouvernement a commencé le 9 juin…) devient de plus en plus inconfortable en France. Le président a reçu tous les partis politiques. Certes J. L. Mélenchon a avancé le principe dun gouvernement NFP sans ministres LFI (pardon pour les acronymes) sur le modèle de 1936 sans le PCF, mais cela ne trompe personne. La nouvelle échéance serait celle de louverture des Jeux paralympiques, mais on commence à douter et la réalité est celle dune impasse. Des noms circulent, vont et viennent : Bertrand, Cazeneuve, dautres encore…

Les vacances se terminent. Les Jeux et leurs parenthèses magiques sont déjà oubliés. Cest lheure des « universités d’été », des rassemblements de partis ou de ce quil en reste. Les hypothèses les plus incongrues circulent. À lexception de quelques ultimes fidèles, Emmanuel Macron est seul face à une feuille blanche dont il a gommé toutes les solutions. Les échéances approchent notamment celle du budget, mais au fond rien ne semble altérer limpression de vide qui a saisi la France.

Dormez en paix, bonnes gens, mais les dernières lumières vacillent.

 

24 août 2024

 

En ce jour de la Saint-Barthélemy, en labbaye de Randol, au cœur de la chaîne des Puys, Alexis, un jeune moine bénédictin, petit neveu de lauteur de ces lignes, était ordonné prêtre. Dans la France chrétienne de ce XXIe siècle, cest en effet chose bien rare que dassister à pareil engagement, et cela dans une communauté fidèle aux plus anciennes traditions monastiques, loin des temps modernes, dans un repli sur le travail et la prière (ora et labora !).

Le choix monastique a de quoi interpeller tant il tranche sur la frénésie de nos vies quotidiennes. Certes les monastères sont visités et on aime à y faire de courtes retraites. Mais lengagement à vie dans une communauté soumise à laustérité de la règle bénédictine est autre chose. On touche là un mystère, celui de la place de la prière dans lexistence, celui de linfluence mystique, celui aussi du don de soi dans le silence dune abbaye. Cette interrogation, cet émerveillement aussi, est commun à lensemble des expériences religieuses.

Sur ces monts auvergnats, en cette chaude journée soufflait lEsprit et puis aussi une main tendue vers labsolu.

 

22 août 2024

 

Il a été longtemps lhomme politique le plus marquant du Pays basque. Didier Borotra vient de décéder à l’âge de 87 ans. Il était exemplaire de ces hommes politiques pour lesquels lancrage territorial était essentiel. Sénateur-maire de Biarritz pendant plus de vingt ans, un cumul aujourdhui malheureusement impossible, il a été à lorigine de la renaissance dune station balnéaire dont l’étoile navait cessé de pâlir depuis le temps de sa gloire impériale. Il avait permis que Biarritz échappe en partie aux bétonneurs qui ont massacré tant de rivages du Touquet à La Baule. Il avait su donner à Biarritz une nouvelle stature internationale en louvrant un peu plus vers lAmérique latine en profitant de tous les réseaux de limmigration basque. Ancré dans la démocratie chrétienne, il avait su composer avec toutes les tendances politiques, nhésitant pas par exemple à sallier aux « abertzale » pour conquérir Biarritz.

Lors de nos conversations (nous étions beaux-frères par alliance), il me rappelait toujours la vanité des carrières politiques « parisiennes » et limportance de réaliser du concret, sur le terrain dans « sa » ville. En France, trop de grands féodaux lont oublié en rêvant des ors de la capitale. Avec Didier, cest un peu de ce bon sens qui disparaît.

 

19 août 2024

 

Retour donc sur terre après le week-end du 15 août (se souvient-on quil sagit dune fête catholique, lAssomption de Marie?). Emmanuel Macron a décidé de manifestement prendre son temps puisque ce nest que vendredi quil recevra les chefs de partis et de groupes parlementaires. Alors que LFI le menace dune bien improbable procédure « dimpeachment » et que, malgré elle, Lucie Castets sert désormais de repoussoir, des noms plus « sérieux » continuent à circuler : à Xavier Bertrand et Bernard Cazeneuve sont venus sajouter Valérie Pécresse et puis aussi le maire de Saint-Ouen, Karim Bouamrane, un socialiste de terrain. La vérité est que nul ne sait. Certes, Emmanuel Macron a la « main », mais cette main est contrainte par larithmétique parlementaire. Si on peut estimer presque acquise la participation des LR à une coalition plus ou moins centriste, celle-ci na de chance de passer l’écueil dune motion de censure que dans lhypothèse où suffisamment de socialistes la soutiennent ou sabstiennent. Le paradoxe est bien celui-là : certes moribond, le PS est la clef de toutes les combinaisons politiques à venir et plus exactement la capacité des sociodémocrates à saffranchir du joug dOlivier Faure.

            Faites vos jeux…

 

16 août 2024

 

La bataille fait rage sur la route de Koursk, plus de quatre-vingts ans après ce qui fut la plus importante bataille de troupes blindées de lhistoire. Durant l’été 1943, lAllemagne, après l’échec de Stalingrad, chercha à reprendre loffensive en éliminant le « saillant » de Koursk par une manœuvre en pinces en attaquant à la fois par le nord et le sud. Trop tardive, sans effet de surprise, cette attaque fut un échec dans lequel lAllemagne engloutit un armement précieux (dun côté comme de lautre, plus de 2000 chars furent engagés).

Cest donc là, vers Koursk et Belgorod, que lUkraine a frappé, créant un front de diversion par rapport au Donbass et surtout portant la guerre sur le territoire russe. Il semble bien qu’à la différence de 1943, leffet de surprise ait joué, illustrant aussi la faible capacité de réaction dune armée russe toute concentrée sur le sud. On est là, bien entendu, dans le symbolique, mais lUkraine avance des pions dans la perspective dune future négociation de paix dont pour linstant on ne voit guère les contours.

À Koursk, lAllemagne avait perdu toutes ses capacités doffensive. Espérons que lUkraine nait pas surestimé ses propres capacités et surtout la volonté de ses alliés.

 

12 août 2024

 

Voilà… les derniers feux de la fête olympique se sont éteints. Le bilan est extraordinairement positif, bien au-delà des rêves les plus fous des organisateurs et surtout des prévisions des cassandres qui s’étaient accumulées ces derniers mois.

Aucun accroc sécuritaire, une organisation parfaite, une météo optimale, quoique peut-être un peu trop chaude, un public enthousiaste même pour les « petits » sports, Paris et sa région sous leurs plus beaux atours. Dans leuphorie, certains nhésitaient pas à proposer Matignon à Tony Estanguet, le grand organisateur de ces jeux et, au fond, lidée est moins absurde quil ny paraît tant il a su concilier presque toutes les tendances politiques en faveur dun seul objectif : la réussite de ces Jeux.

Leffet « organisateur » et pays hôte a aussi joué au classement des médailles malgré de cruelles déceptions en athlétisme, aviron et cyclisme sur piste. La Marseillaise a retenti, on sest passionné pour le ping-pong, lescalade, le BMX ou le pentathlon moderne… On sest tant passionné que lon en a oublié la situation politique. La trêve olympique a tourné au miracle, mais il faut bien maintenant revenir sur terre.

Il y a encore le long week-end du 15 août propice à de nouvelles commémorations (le débarquement de Provence et une occasion de célébrer ce qui reste du précarré africain) et puis dans une semaine, il faudra bien trancher et envoyer à Matignon un volontaire à la recherche dune improbable majorité de compromis.

Cest que, aussi ailleurs, la trêve olympique na pas existé : lUkraine vient de lancer une offensive de diversion sur la Russie; à Gaza, la situation senlise et lon attend aussi la riposte iranienne à la frappe israélienne sur le chef du Hamas à Téhéran; la seule bonne nouvelle est la remontée de Kamala Harris dans les sondages américains sur fond de bonnes nouvelles économiques.

Les marchés dailleurs hésitent : les bourses viennent de connaître une correction majeure, mais au fond assez légitime; la crainte e récession aux États-Unis nest guère fondée, mais par contre, celle dun ralentissement chinois est plus légitime. La plupart des marchés de matières premières, à commencer par le pétrole, sont orientés à la baisse…

Dormez en paix, bonnes gens… mais il serait temps dorganiser la relève de la garde…

 

août 2024

 

Le Bangladesh? 170 millions dhabitants pour lessentiel musulmans (mais dun islam très souple) sur le quart de la France, un gigantesque delta du Gange, du Brahmapoutre et de la Meghna, quelques montagnes au nord vers Sylhet et des collines au sud vers la Birmanie. Au lendemain de la partition de lInde, ce fut dabord le Pakistan oriental qui gagna son indépendance en 1971 avec le soutien de lInde. C’était alors le pays le plus pauvre du monde. Son père fondateur, Mujibur Rahman, se révéla incapable de limiter la corruption et fut assassiné en 1975. Par la suite, lhistoire du Bangladesh a été fertile en coups d’État et lun des successeurs de Mujib, le général Ziaur Rahman fut assassiné en 1981. En 1991, on assista à un retour à la démocratie parlementaire et depuis, la scène a été dominée par deux femmes, Khaleda Zia (la veuve de Ziaur Rahman) à la tête du BNP (Bangladesh National Party) de 1991 à 1996 puis de 2001 à 2008, et Sheikh Hasina (la fille de Mujibur Rahman) à la tête du parti historique lAwami League, de 1996 à 2001 et depuis 2009.

Au-delà de leur antagonisme, elles ont réussi à transformer le pays qui est probablement lune des plus belles – et les plus méconnues – histoires de développement de ces cinquante dernières années : le Bangladesh a ainsi le revenu per capita le plus élevé de toute lAsie du Sud. Dune économie essentiellement agricole (riz et jute), ne disposant de pratiquement aucune ressource naturelle, le Bangladesh est devenu lun des principaux pôles de lindustrie textile mondiale. Le taux de pauvreté qui était de 80 % en 1971 n’était plus que de 13 % en 2021 et le contraste était grand avec le chaos qui régnait au Pakistan.

Peu à peu cependant, le régime se transforma et Sheikh Hasina se comporta de plus en plus comme une autocrate, nhésitant pas à faire condamner sa rivale Khaleda Zia à de la prison. LAwami League monopolisa les prébendes avec des systèmes de quotas de postes réservés aux familles des combattants de la guerre de 1971 (un peu comme se comporte le FLN en Algérie). Hasina poursuivit aussi de son animosité le bengali le plus célèbre au monde, le prix Nobel de la paix, Mohamed Yunus, celui qui avait développé le microcrédit et fondé la célèbre Gramecen Bank. Par contre, elle décida daccueillir les réfugiés musulmans de Birmanie, les Rohingyas, persécutés par la majorité bouddhiste de ce pays.

Cest une révolte étudiante qui finalement a renversé Sheikh Hasina. Après plusieurs jours d’émeute et alors que larmée – et même la police – commençait à labandonner, elle sest enfuie vers lInde. Larmée sapprêtait à confier le pouvoir à Mohamed Yunus qui apparaît un peu comme lhomme providentiel capable de sauver la démocratie, mais en même temps de prolonger et le miracle économique bengali et de conjurer une éventuelle menace islamique.

Cinquante ans à peine après son indépendance, le Bangladesh a donc eu une histoire politique chaotique comme nombre de pays issus de la décolonisation. Mais, à la différence de la plupart dentre eux, il raconte aussi une histoire de développement économique réussi. Sa chance aujourdhui est davoir un homme providentiel qui pourra peut-être enfin permettre de conjuguer démocratie et croissance économique. Il réalisera ainsi le rêve dun autre prix Nobel bengali, Tagore (le premier prix Nobel de littérature non occidental) dont André Gide avait traduit « Loffrande lyrique ».

 

août 2024

 

« La France apaisée, premier miracle olympique ». La une, ce matin, du journal de Genève « Le Temps », résume bien lespèce de béatitude dans laquelle se trouve plongé lhexagone après une semaine de Jeux.

Les médailles saccumulent et les Français se passionnent pour les exploits de Léon et de Teddy sans oublier ceux des frères Lebrun qui donnent une nouvelle jeunesse à notre vieux ping-pong. Et que dire du cyclisme et de la course dans Paris avec lascension de la célèbre rue Lepic et le passage devant la basilique de Montmartre (et là encore, deux médailles françaises)? Pour linstant, lorganisation est parfaite, les lieux choisis, de la Concorde au Champ-de-Mars, emblématiques et seule la qualité de leau de la Seine est venue gâcher un peu la fête. Nos amis suisses s’étonnent de la capacité des Français de passer aussi vite de lautodénigrement à la ferveur (et il est exact que lenthousiasme du public en est contagieux). Les hommes et femmes politiques ont presque disparu des ondes et des antennes. La France est heureuse, un peu comme à l’époque dAmélie Poulain, le film qui avait lui aussi transformé Paris. Sachons profiter de ces instants, car il nest pas sûr que les Jeux paralympiques suscitent la même ferveur. Et reviendront vite les sanglots de lautomne.

 

1er août 2024

 

Les Jeux olympiques et la canicule ont eu, comme anticipé par Emmanuel Macron, un effet anesthésiant sur la vie politique française. Léon Marchand et quelques autres ont contribué à redonner aux Français une certaine fierté et à faire oublier les problèmes de lheure tant nationaux que mondiaux.

Si la France se gorge de médaille, la scène politique française affiche un calme presque plat. La tournée de Lucie Castets na pas rencontré le succès escompté. Quelques noms, celui de Xavier Bertrand, notamment, circulent pour essayer de composer à Matignon un gouvernement de coalition. Car les dossiers saccumulent : on a oublié par exemple la Nouvelle-Calédonie où la fermeture désormais inéluctable de Koniambo, lusine du nord, celle de la province indépendantiste, va accentuer un peu plus le marasme économique et les tensions politiques. Il va falloir aussi préparer les échéances budgétaires, mais qui va envoyer les lettres de cadrage préparées à Bercy? La seule initiative a été celle dEmmanuel Macron de reconnaître – de facto – la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental et de changer ainsi son fusil d’épaule entre Rabat et Alger.

Et à linternational, les tensions saccumulent et la trêve olympique nexiste pas autour dIsraël dont les frappes à Beyrouth et Téhéran risquent davoir de lourdes conséquences dans toute la région. En Ukraine, la guerre se poursuit avec une lente, mais inexorable progression de loffensive russe. Autour de quelques îlots, la Chine teste la résistance des Philippines et donc des États-Unis. La Chine et la Russie ont dailleurs reconnu la réélection de Maduro au Venezuela dans une véritable solidarité des autocraties (le Brésil a quand même pris ses distances).

Quel contraste entre ce monde-là et celui – presque de bisounours – des Jeux olympiques !

28 juillet 2024

 

Voilà ! Il y a cinquante jours au soir d’élections européennes calamiteuses pour les siens, Emmanuel Macron décidait de dissoudre lAssemblée nationale. Rien ne ly obligeait si ce nest la forte probabilité dune motion de censure qui renverserait le gouvernement Attal à lautomne au moment du débat budgétaire. Le pari était aussi de profiter du désarroi à gauche, du bon score, de Glucksmann au recul des Insoumis et des Verts. Rien ne sest déroulé comme prévu : si la grand peur du RN ne sest pas concrétisée, un inattendu Front populaire sest constitué en quelques jours et a instrumentalisé à son profit le rejet suscité dans l’électorat modéré par la « droite nationale ». Mais surtout, Emmanuel Macron a perdu le contrôle de ses troupes, nombre de « marcheurs » des origines ne se reconnaissant plus dans les filets distendus de la macronie. De facto, la France sest trouvée paralysée, fonctionnant seulement sur son élan, ce qui, du moins, aura pu sauver lorganisation des JO et là limage de la France, qui pour le reste fait bien sourire le reste du monde qui avait tant subi son arrogance passée.

Oh, certes, si Emmanuel Macron est bien le responsable ultime de ce chaos, il nest pas pour autant le seul coupable. Que dire, en effet, de Jean-Luc Mélenchon qui entraîne ses troupes dans une sorte de nihilisme économique irrespirable? Mais, à la limite, il est dans son rôle, tout comme à lautre extrême, le sont Marine Le Pen et Jordan Bardella. Dans cette tragi-comédie du pouvoir, ils sont bien les seuls – ou presque – à avoir tenu la place que lon pouvait attendre deux.

Car pour tout le reste, que de petitesses, que de trahisons et de coups bas motivés par linstinct de survie propre aux politiques, mais aussi par des ambitions en particulier pour la présidentielle de 2027… ou avant.

Emmanuel Macron, aidé quelque peu par la chance, avait réussi à éviscérer les deux partis de gouvernement qui avaient dominé la vie politique française depuis les années soixante. Mais il fut incapable de faire des Marcheurs puis dEnsemble (la pauvreté des mots en dit long dailleurs sur le caractère secondaire du projet) un véritable mouvement politique. Sur ce champ déjà dévasté, la dissolution na fait que semer un peu plus le chaos. Les Jeux ont à peine commencé que dans les couloirs dune Assemblée ouverte aux quatre vents, tractations et discussions reprennent pour trouver quelque improbable « minorité de compromis » en mesure de mener la discussion budgétaire de lautomne.

Le récit de ces tâtonnements et autres retournements devient quelque peu vain et la chronique quotidienne bien lasse. Ces cinquante journées ont effectivement bouleversé la France et, au-delà de la trêve olympique, lhorizon est bien bouché avec une chambre tirée à hue et à dia, au moins jusquen juin 2025.

Il y a quelques jours, Hervé Gaymard, le président de la fondation Charles de Gaulle, citait dans son éditorial un extrait de celui qui fut dans les années cinquante limpitoyable observateur du marécage français. Dans son bloc-notes du 23 avril 1958, François Mauriac écrivait : « Comment ce peuple supporte-t-il encore lespèce de ballet dansé autour de l’Élysée, sur le thème de la crise, et qui excite la risée du monde (…) suspendue à cette chorégraphie élyséenne, à ce quadrille dansé par des bourgeois de Labiche qui sappellent président”, se congratulent, se ménagent, se haïssent, à cette partie dont la règle comporte comme premier article quil faut prendre son temps pour gagner du temps : la crise est là comme une grosse citrouille pas mûre. Lunivers doit attendre quelle ait mûri. Doù les tours de piste pour rien, les consultations, non, bien sûr en vue dune politique, mais dun accord sur une formule, la recherche de l’équivoque bénie qui permettra à des adversaires irréductibles de feindre de sentendre dans les mots, et de former une équipe dont lunique pensée commune sera quil est tout de même bel et bon d’être ministre, mais où dès le premier jour chacun tirera à hue et à dia; et ce temps gagné pour la citrouille est perdu et peut-être à jamais perdu… »

Quelques semaines plus tard, la France sortait par le haut avec le général de Gaulle, mais hérita plus tard aussi dune constitution dont nous subissons aujourdhui toutes les ambiguïs.

Alors que la chaleur et même la canicule sabattent sur la France, cest un été bien étrange qui se poursuit, à la recherche dune espérance perdue.

 

27 juillet 2024

 

Les Jeux ont bien commencé et effectivement la politique est passée au second plan. Emmanuel Macron a quand même visité quelques athlètes, mais en de multiples endroits en Île-de-France et dans quelques stades du reste du pays, cest le sport qui a repris le dessus. Et cest surtout le moment de gloire des « petits » sports, ceux qui sont peu médiatiques et dont les champions sont presque de vrais amateurs. Certes, on peut se passionner pour le basket ou le tennis, mais comprendre le tir à larc, le badminton ou même lescrime, cest autre chose. Et pourtant, ce sont ces athlètes-là qui font lessentiel des délégations qui ont « défilé » hier soir sur la scène.

Cette journée a apporté quatre médailles à la France puisquil est difficile de ne pas se prêter à ces comptes quelque peu chauvins. Il y eut surtout la médaille dor du rugby à 7, une version « light », mais très rapide du rugby aux antipodes (au propre et au figuré puisquil est surtout pratiqué en Océanie) du rugby rugueux pratiqué en nos terres du Sud-Ouest. Tant mieux, mais on en était presque désolé pour ces Fidjiens qui ont vu senvoler leur seule chance dor olympique.

Mais en cette journée, on ne peut sempêcher de penser à un pays qui se prépare demain pour une élection capitale : on va en effet, voter au Venezuela et il y a des chances que Maduro, un ami de Mélenchon, qui na apporté que ruines à son pays, soit battu. Mais acceptera-t-il le verdict des urnes?

 

26 juillet 2024

 

Le grand jour est donc arrivé, celui de louverture des Jeux et de la célébration de Paris en majesté. Mais commençons quand même par les mauvaises nouvelles : au petit matin, quatre attentats parfaitement orchestrés ont paralysé une grande partie du réseau TGV français. En des endroits clefs, à un moment où aucune victime ne serait déplorée, des fibres optiques indispensables à la signalisation ont été sabotées. Par qui? On pense bien sûr à la Russie, à certains mouvements dultragauche…

Un peu plus tard, lUE lançait formellement une procédure pour déficit excessif contre sept pays, dont la France.

Enfin, il y eut la pluie! Un crachin dabord, puis une pluie drue, mais qui ne parvint pas à gâcher le spectacle. Celui-ci fut à la hauteur des attentes. Certes, il y aura toujours des esprits chagrins pour critiquer, avec raison, certain choix : réduire la Conciergerie à la seule Marie-Antoinette tenant sa tête dans ses mains sur fond de « heavy metal » était tout aussi excessif que certaines sènes excessivement « genrées » : on débattra longtemps de savoir si linspiration de la scène dont les personnages étaient des « drag queens » était la Cène de Léonard de Vinci ou un banquet des dieux autour de Bacchus. Jean-Luc Mélenchon que lon ne peut taxer de partialité a dailleurs regretté tant le choix de Marie-Antoinette que loffense faite aux milliards de chrétiens de la planète. Il aurait pu fustiger aussi le passage dans les ateliers Vuitton, sponsors des Jeux! Mais le final autour de la tour Eiffel fut grandiose et Céline Dion interprétant Piaf était poignante. Malgré quelques fautes de goût, paradoxalement oubliées grâce à la pluie, la mise en scène de Paris, devenu le personnage principal des Jeux fut une réussite et la politique enfin se trouva quelque instant relégué au second plan.

 

25 juillet 2024

 

Peu à peu, limbroglio politique français semble sestomper au profit de lagenda des J.O., ce qui nest pas pour déplaire à un Emmanuel Macron qui préfère manifestement appeler par leur prénom organisateurs et athlètes que ses éventuels partenaires politiques.

Après les patrons des grandes entreprises partenaires des Jeux reçus à déjeuner, ce fut le dîner de gala offert aux chefs d’État et aux apparatchiks du CIO et des fédérations sportives internationales. La « trêve olympique » a bien commencé… Pour autant, les discussions se poursuivent en coulisse. Il semblerait que quelques fissures commencent à apparaître chez les sociodémocrates, notamment chez des proches de François Hollande. Par contre, Lucie Castets maintient une position que lon peut qualifier de mélenchonienne… Quelques noms circulent aussi pour une coalition de centre un peu gauche : Xavier Bertrand, Bernard Cazeneuve, François Bayrou même… On a aussi parlé de Louis Gallois pour un profil « techno de gauche », mais son âge (80 ans) paraît disqualifiant. Certains vont jusqu’à imaginer un retour de François Hollande en citant le précédent de Raymond Poincaré, il y a un siècle…

Au même moment, des économistes du Conseil danalyse économique (le CAE) viennent de publier une note évaluant les efforts que devrait faire la France pour ramener son déficit primaire à zéro voire pour dégager un léger surplus : il faudrait économiser 112 milliards deuros (4 points de PIB) sur un horizon de sept ans et cela en privilégiant les baisses de dépenses aux hausses dimpôts. On est là bien loin du programme du NFP !

 

24 juillet 2024

 

Avant même que les Jeux ne soient officiellement ouverts, certaines compétitions ont déjà commencé dans les stades de province : en football, les « Bleuets » ont ainsi difficilement battu les États-Unis et en rugby à 7, les tricolores ont fait match nul avec ces mêmes Américains. Signe du destin?

Sur le plan politique, Emmanuel Macron ne bouge donc pas et le NFP, fort de sa candidate, est à la manœuvre au moins en ce qui concerne les Insoumis. Cest la question des retraites qui est devenue lobjet dune véritable course à l’échalote entre Insoumis et RN, les uns et les autres faisant assaut de démagogie en un moment pourtant où tant le COR que le Comité de suivi des retraites (CSR) insistent sur laugmentation des risques de déficit du système à moyen terme. Qu’à cela ne tienne, tant nos populistes sont persuadés de tenir là un sujet qui balaie large dans leur électorat. Limportant est de savoir qui va tirer le premier : les Insoumis ont déposé une proposition de loi portant sur labrogation de la réforme de 2023. Mais, en fait, cest le RN qui pourrait en avoir la primeur en utilisant sa niche parlementaire prévue le 31 octobre. Manifestement, Marine Le Pen a enterré les doutes de Jordan Bardella lorsque celui-ci se préparait pour Matignon et commençait à remettre en cause ses promesses les plus dispendieuses. Et effectivement, la coalition NFP/RN pourrait lemporter même si quelques socialistes « réalistes » sen abstenaient. On comprend dailleurs là le choix de Lucie Castets dont les premières déclarations ont porté sur labrogation de cette malheureuse loi, accouchée aux forceps, insuffisante déjà et que des inconscients voudraient rayer dune plume rageuse en faisant miroiter le retour à 60 ans, cet âge symbolique issu du Programme commun de 1981. Le problème est que sur ces quarante dernières années, lespérance de vie à la naissance a gagné dix ans, atteignant désormais 80 ans pour les hommes (le rythme est dailleurs régulier depuis le début du XXe siècle : un trimestre de mieux chaque année!). En France aussi, malgré un taux de fécondité longtemps resté un des plus élevés dEurope, la pyramide des âges ressemble de plus en plus à une toupie !

Tout ceci, on le sait et Madame Castets a dû aussi lapprendre sur les bancs de lENA. Mais en ce domaine comme en bien dautres, le temps nest plus à la raison et lenvironnement politique sy prête moins que jamais.

 

23 juillet 2024

 

Emmanuel Macron avait programmé un entretien télévisé ce soir pour faire le point de la situation politique et surtout parler des Jeux olympiques, de leur cérémonie douverture, de la flamme ultime peut-être portée par Marie-Josée Perec et même la présence signalée à Paris de Céline Dion. Pour quelques semaines, le président reprenait la main et pouvait même soffrir le luxe de donner des conseils en matière de constitution de coalition : un satisfecit presque parfait de la part de notre apprenti sorcier qui put même le luxe de regretter labsence de représentation du RN dans les instances de lAssemblée, pourtant cautionnée par les « macronistes ».

Mais voilà, le NFP sest enfin réveillé pour gâcher la fête, deux heures avant la prestation dEmmanuel Macron : une fumée blanche est sortie de la cuisine de gauche; Lucie Castets. Cest à vrai dire une parfaite inconnue et on peut soupçonner les Insoumis davoir accepté de mettre en avant cette énarque, haut fonctionnaire à la mairie de Paris (où elle est responsable de finances peu exemplaires…) et même professeur associée à Dauphine, pour mettre l’échec de la gauche au compte dEmmanuel Macron. En écoutant un peu plus tard Marine Tondelier, on se dit que, puisque le NFP voulait absolument une femme, la représentante des Verts eut été beaucoup plus difficile à balayer dun revers de la main par Emmanuel Macron.

Pour le reste, Macron a donc fait du Macron, intelligent, mais hors sol, ambigu et renvoyant à août, voire septembre, toute décision, mais en tendant quand même de manière assez appuyée la main à droite. Mais pour linstant, place aux Jeux et Céline Dion éclipse Lucie Castets !

 

22 juillet 2024

 

La comparaison entre la France et les États-Unis trouve ses limites. En quelques heures, Kamala Harris a pris son destin en main. Elle est pratiquement assurée dobtenir linvestiture démocrate et, signe qui ne trompe pas, les engagements financiers sont plus que jamais de retour. Il lui reste à choisir son colistier, probablement un gouverneur démocrate de lun des « swing states » de lEst qui permettra d’équilibrer ses racines californiennes. Pour linstant, elle fait la course derrière Trump, mais en cent jours, bien des choses peuvent évoluer avec des questions brûlantes comme celle de lavortement.

En France, par contre, cest toujours le marécage. Laurence Tubiana a pris acte du refus des Insoumis de ladouber et sest retirée de la course à linvestiture. Malgré un appel à un vote des députés du NFP, il y a peu de chances que la gauche soit capable de sortir un nom de son chapeau. À droite, les choses ne sont guère plus claires. Les républicains (qui ont encore changé de nom) ont proposé les grandes lignes dun pacte législatif, mais Laurent Wauquiez – qui a 2027 en point de mire – refuse de sengager à quelque exercice gouvernemental que ce soit. Dans les faits, la France reste paralysée et ingouvernable avec aux manettes un « exécutif » qui ne peut rien exécuter. Au fond, les Jeux olympiques sont une chance et un prétexte pour passer l’été et remettre à lautomne des choix dont on peine aujourdhui à imaginer les contours.

 

21 juillet 2024

 

Un dimanche de juillet presque calme. Les Insoumis, désormais déchaînés, reprennent leurs provocations gratuites cette fois à l’égard des athlètes israéliens qui, dans quelques jours, vont participer aux Jeux olympiques. Ce serait puéril si lon navait pas en mémoire Septembre noir et les JO de Munich en 1972. Ce sont les mêmes qui, il y a deux jours, refusaient de serrer des mains…

Aux États-Unis, par contre, tout est en ébullition avec lannonce du retrait de Joe Biden de la course à la présidence : une lettre sobre et puis dans un second temps le soutien à Kamala Harris, sa vice-présidente et colistière. Joe Biden a pris la bonne décision, certes un peu tard et sous la contrainte. Il restera en tout cas un grand président. Il avait mal commencé avec le catastrophique retrait dAfghanistan, mais par la suite, il a bien géré la barque américaine en de nombreuses tempêtes. Il a contribué à la relance de l’économie et na pas hésité à tenir un langage de fermeté face à la Russie et à la Chine. À lheure du bilan, Biden lemporte paradoxalement sur Obama. Mais, comme Obama, il na pas su gérer sa succession, ouvrant lui aussi, la voie à Trump. Il faut maintenant attendre la convention démocrate de Chicago en août pour savoir si Kamala Harris sera confirmée. Quelques semaines difficiles pour les États-Unis, un peu au fond comme celles que traverse la France depuis la dissolution !

 

20 juillet 2024

 

La mise à l’écart du RN sest donc poursuivie et finalement le plus important groupe parlementaire de lAssemblée naura rien obtenu, pas le moindre strapontin, là où les Insoumis ont deux vice-présidences et conservent pour Eric Coquerel la présidence de la commission des Finances (les Insoumis et donc le NFP sestimant donc dans lopposition…). On voudrait faire des élus du RN des martyrs pour leur électorat que lon ne sy prendrait pas autrement. On pense bien sûr à la phrase apocryphe de Voltaire : « Je ne suis pas daccord avec vous, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire ». Linscrire aujourdhui au fronton de lAssemblée serait une œuvre pie !

Pour le reste, à une semaine des Jeux, la fièvre monte et cela aura au moins le mérite de mettre une sourdine aux jeux politiciens. La France, selon toute probabilité, va passer l’été aux « affaires courantes » et Emmanuel Macron en son palais, aura tout loisir danalyser la nouvelle donne quil a provoqué et dont il reste paradoxalement le « maître des horloges ».

Sous le soleil provençal, en tout cas, et devant des foules toujours aussi impressionnantes, Tadej Pogacar a continué à dominer le Tour de France en gagnant les deux dernières étapes de montagne et en écrasant toute concurrence, au point de semer dans son sillage bien des doutes… Un autre maître des chronos !

 

19 juillet 2024

 

LAssemblée nationale – encore une fois – a été au centre de toutes les attentions, avec les élections aux différents postes (vice-présidents, questeurs, secrétaires) qui composent le bureau de lAssemblée. La tradition – et aussi lesprit du règlement interne de lAssemblée – veut que tous les groupes politiques soient représentés. Mais, après leur échec de la veille, les Insoumis et dans leur sillage tout le NFP et donc même « leau tiède » des sociodémocrates ont fait barrage au Rassemblement national qui na obtenu aucun poste, pas même le moindre strapontin. On retrouve là la vieille stratégie léniniste que Jean-Luc Mélenchon applique à la lettre. Le NFP détient donc la moitié des sièges au bureau de lAssemblée. Mais dans le même temps, il se réclame toujours de lopposition pour garder la présidence de la Commission des Finances…

Après laffaire lamentable des poignées de mains, le refus de donner au RN sa juste représentation est non seulement un déni de démocratie, mais aussi une erreur qui ne manquera pas de renforcer un peu plus l’électorat lepéniste à la prochaine présidentielle. Pour linstant, restons dans lambiguïté constitutionnelle avec un ministre élu vice-président de lAssemblée (Roland Lescure), ce qui est inédit, cocasse et absurde au sens de la séparation des pouvoirs, cardinale dans toute démocratie.

La suite – on la dit – est difficile à anticiper. Peut-il y avoir une fumée blanche du côté du NFP? Cela paraît peu probable dautant que les Insoumis ont relancé en Vendée le « front » des bassines. Le plus réaliste serait la poursuite des « affaires courantes » le temps des Jeux et peut-être même au-delà.

Pendant ce temps, un autre parlement tout aussi divisé, mais un peu plus mature a élu Ursula von der Leyen pour un deuxième mandat à la présidence de la Commission européenne. Là aussi, il a fallu discuter, concilier et maintenir à l’écart une extrême droite divisée entre Orban, Bardella, Meloni et lAFD allemande. Mais au moins dans son curieux système, lEurope va-t-elle avoir un gouvernement !

En France, enfin, une grande figure, un morceau dhistoire allant de la Résistance à lHiver 54, des compagnons dEmmaüs aux jumelages avec le Bangladesh, est tombée de son piédestal post mortem. Labbé Pierre, qui navait jamais caché quil n’était pas un saint, est donc accusé – avec preuves à lappui, semble-t-il – de harcèlement sexuel. Il y a quelques années, une autre icône de la charité – Jean Vannier – avait connu le même sort, un peu plus sordide même. Mais lArche quil avait fondé a surmonté la crise et les Français en 2024 ont fait un triomphe au film « Un petit truc en plus » dont les héros véritables sont des pensionnaires de lArche! Gageons quEmmaüs saura aussi surmonter cette crise.

 

18 juillet 2024

 

il y avait certes une belle étape de montagne sur le Tour de France, mais laprès-midi à lAssemblée nationale avec ses trois « votes » de première catégorie, la stratégie de ses gruppettos et puis – in fine – le sprint final en vue du perchoir, tout cela a presque, pour la première fois depuis des lustres, remis le Palais Bourbon au centre de lactualité nationale.

Six candidats, puis quatre, puis trois et in extremis, la victoire de la sortante Yaél Braun-Pivet à laquelle pourtant il y a quelques jours encore on naccordait guère de chances de succès tant elle semblait être tombée en disgrâce auprès du Prince. Au premier tour, André Chassaigne est logiquement passé en tête avec le plein des voix du NFP. Au second tour, les LR se sont reportés sur Yaél Braun-Pivet, mais il restait 12 voix à Charles de Courson qui pouvaient faire la différence. Celles-ci se sont plutôt reportées au troisième tour sur Yaél Braun-Pivet qui a fait la différence sur André Chassaigne avec une dizaine de voix davance. Si la personnalité dAndré Chassaigne pouvait faire consensus, il est clair que le comportement des Insoumis a encore une fois servi de repoussoir. Non seulement ceux-ci sopposaient à ce que le Rassemblement national obtienne même un seul poste de vice-président, de questeur ou de président de commission, maintenant un strict front républicain au mépris tant du règlement que des traditions de lAssemblée. Mais le comportement des élus insoumis a été encore une fois plus que discutable. La tradition veut que lAssemblée en sa première séance de nouvelle législature soit présidée par le doyen d’âge et que le benjamin accueille tous les députés auprès de lurne au moment du vote. Le hasard fit que lun et lautre soient du RN. Notre benjamin devait donc à chaque tour de vote serrer quelque six cents mains. Les Insoumis lui ont allégé cette peine en refusant la main tendue et pour certains, de manière insultante. Ce puéril déni de courtoisie vis-à-vis dun élu de la nation, même sil ne partage pas vos idées, en dit plus long que bien des discours sur le sectarisme qui règne en ces extrêmes (mais le sympathique François Ruffin refusa lui aussi la main tendue…).

Après le vote final, le NFP na pas manqué de sindigner, parlant même de vol. Sans oublier la question ambiguë des ministres/députés, il y a bien eu une alliance – celle dont rêvait un peu Macron – entre macronistes et LR. En soi, cela na rien de choquant : en Allemagne, les socialistes et les verts gouvernent bien avec le petit parti libéral du FDP. Mais cela sentait un peu la manœuvre pour obtenir quelques postes au bureau de lAssemblée…

LAssemblée a donc une présidente. Il reste à se répartir les principales fonctions et puis à attendre…

 

17 juillet 2024

 

Le NFP s’est enfin décidé à désigner un candidat : pas pour Matignon, mais pour le perchoir. Et là, pour une fois, l’auteur de ces lignes, que l’on ne peut accuser de sympathies pour les excès tant des Insoumis que de nombreux verts et autres socialistes et qui estime que le programme mis en place à la va-vite en juin serait une catastrophe pour la France, ne peut que se réjouir d’un choix de bon sens avec André Chassaigne.

Comment, un communiste ? Et oui, et André Chassaigne, fils d’un ouvrier chez Michelin raconte combien il se passionna pour les conquêtes spatiales de l’URSS dans les années soixante. Il fut instituteur puis donc député d’une circonscription ruralo-industrielle du Puy-de-Dôme qui l’a réélu en juin alors que le RN y avait récolté 40 % des voix aux Européennes. À l’Assemblée, il présidait un groupe un peu hétéroclite composé de communistes et d’élus ultra-marins. Il est considéré comme l’un des meilleurs spécialistes des questions agricoles à l’Assemblée (il est vrai qu’ils sont de plus en plus rares) et il s’est battu sur la question des retraites agricoles qu’il a enfin permis de résoudre (non sans que le gouvernement de l’époque ne s’en attribue les lauriers).

Avoir un communiste à la présidence de l’Assemblée nationale en France en 2024 ! La perspective peut paraître incongrue, mais pas plus que ne le fut cette malheureuse dissolution. Avec André Chassaigne, on serait en tout cas, aux antipodes du comportement des Insoumis dans la législature précédente. Et avec un vote à bulletin secret…

 

16 juillet 2024

 

Si la mécanique politique en France a des ratés, tout se passe à peu près comme prévu au niveau européen : à Strasbourg, la Maltaise Roberta Metsola a été élue présidente du Parlement européen avec près de 90 % des votes provenant donc de tout le spectre politique à l’exception de la gauche extrême (une candidate espagnole issue de Podemos, des cousins des insoumis français…). Il reste maintenant à Ursula von der Leyen à obtenir l’investiture du Parlement ce qui aura lieu jeudi, le jour même où à Paris on se déchirera pour l’élection à la présidence de l’Assemblée.

La France, en tout cas, n’a plus de gouvernement. Par une curiosité constitutionnelle, Gabriel Attal et dix-sept ministres vont pouvoir siéger à l’Assemblée nationale tout en expédiant les affaires « courantes » de leurs ministères respectifs. C’est une situation qui risque de durer dans la mesure où la « trêve des Jeux » risque quand même de paralyser un peu la vie politique française. À partir d’aujourd’hui tourne un compteur dont – faut-il le rappeler – le record est détenu par la Belgique avec 541 jours ! À gauche, en tout cas, pas de fumée blanche. Attal de son côté aura bien du mal à tenir ses troupes écartelées entre la droite et la gauche comme c’est le destin de tous les centres. Et la situation est d’autant plus complexe que nombre de « premiers couteaux » songent en réalité à 2027 et ne veulent pas se brûler les ailes dans une mission suicidaire à Matignon en cet été 2024. Autant, comme Amélie Oudéa et bientôt Anne Hidalgo, aller se jeter dans la Seine.

 

15 juillet 2024

 

L’actualité continue d’être dominée par les suites de l’attentat contre Donald Trump aux États-Unis. Celui-ci a reçu un accueil triomphal à la Convention républicaine de Milwaukee. Mais déjà, circulent des théories conspirationnistes allant d’un attentat simulé par l’entourage même de Trump à une conspiration des démocrates… Rien de tout cela probablement, mais un acte individuel facilité par la libre disposition des armes aux États-Unis, un « droit » que Donald Trump a toujours défendu.

En France, il n’y a pas besoin de permis de port d’armes pour tirer en politique et les « snipers » sont légion ! À gauche les négociations sont rompues, les Insoumis préférant officiellement se concentrer sur les élections à la présidence et au bureau de l’Assemblée nationale. Leurs « partenaires » au sein du NFP ont sorti un nouveau nom de leur chapeau, celui de Laurence Tubiana. Contemporaine de l’auteur de ces lignes, elle a fait ses premières armes à l’INRA à Montpellier avant de monter à Paris, de s’attacher à la cause du climat auprès de Jospin, de Chirac, de Hollande pour la COP21, puis de Macron pour la Convention citoyenne pour le climat avec une capacité d’adaptation et de rebond qui a toujours fait l’admiration amusée. Manifestement, cela ne plaît guère aux Insoumis qui pour l’instant n’ont pas donné suite.

Ceci étant, l’idée se renforce, à droite comme à gauche, de trouver une personnalité « technique » peu marquée et moins susceptible de faire de l’ombre aux chapeaux à plume et bien sûr au premier d’entre eux, Emmanuel Macron, bien silencieux pour l’instant.

La question des trois jours à venir va donc être celle du « perchoir ». Un nom là aussi circule – et il est candidat : celui de Charles de Courson, un centriste dont l’indépendance est chevillée au corps et que l’on ne peut soupçonner de macronisme puisqu’avec le groupe parlementaire LIOT il avait été à deux doigts et quelques votes de renverser le gouvernement Borne. Ce grand travailleur dont par exemple la maîtrise des dossiers agricoles est remarquable pourrait effectivement réunir un court instant une majorité relative dans une Assemblée dont la première réunion, le 18 juillet, promet d’être bien houleuse.

 

14 juillet 2024

 

La tentative d’assassinat de Donald Trump a incontestablement dominé le « Bastille Day ». En soi, les tentatives d’assassinat de présidents américains ne sont pas une nouveauté : quatre présidents en exercice ont ainsi disparu, le dernier en date étant Kennedy sans compter les tentatives dont furent victimes Ford et Reagan (en 1981). Mais c’est moins l’attentat que le « fighting spirit » de Donald Trump, dont le poing levé restera dans l’histoire, qu’il faut saluer. C’est peut-être aujourd’hui qu’il a gagné sa réélection…

En France, on a assisté à un 14 juillet plutôt « light » sur l’avenue Foch à Paris, un défilé non mécanisé, déjà tourné vers les J.O, comme une sorte d’ultime message d’unité aux Français. Le gouvernement Attal y a fait sa dernière apparition publique autour du président et on peut imaginer toutes les rancœurs accumulées derrière les sourires.

À vrai dire, l’ambiance est à peu près identique à gauche. L’hypothèse Bello a été levée faute d’accord du PS. Manifestement, la candidature Faure ne plaît pas à ses partenaires ni à nombre de ses « camarades » socialistes. On a l’impression qu’en réalité la gauche ne veut pas vraiment de ce pouvoir, que Mélenchon, en s’acharnant à présenter un LFI, bloque toute discussion afin de préserver sa pureté révolutionnaire. La balle est au centre, mais il ne sait qu’en faire.

Les Espagnols ont en tout cas su la jouer en remportant Wimbledon et l’euro de football… et en marquant des buts !

 

13 juillet 2024

 

En cette veille de 14 juillet, Emmanuel Macron faisait en l’hôtel de Brienne son traditionnel discours aux forces armées. On doit lui reconnaître un incontestable talent oratoire même si ce soir, il sonnait un peu creux. Il y eut, en effet, quelques beaux passages et puis une comparaison appuyée avec l’Ukraine, un pays capable de se défendre et de s’unir face à l’ennemi. Sans le dire, il visait bien entendu, la France dont il souhaite ainsi le sursaut.

L’autre grand orateur du moment, Jean-Luc Mélenchon, s’est quelque peu fourvoyé. Saluant la candidature éventuelle d’Huguette Bello à Matignon, il a souligné que c’était une « femme racisée, féministe et anti raciste ». Racisée ? Comme beaucoup d’habitants de La Réunion, Madame Bello est l’héritière de lignages différents, mais il est peu probable qu’elle ait subi les discriminations et « l’alterisation », pour reprendre le jargon des sociologues, qui caractérise les personnes ou les communautés « racisées ». En tout cas, Jean-Luc Mélenchon semble en faire un argument positif en n’hésitant pas au passage à privilégier la dimension raciale sur toute autre considération. Il voudrait torpiller la candidature éventuelle de Madame Bello qu’il n’agirait pas autrement. À tout prendre, on le préfère quand il cite Jean Ferrat !

La campagne politique tombe là dans le sordide à gauche, mais aussi à droite et au centre où les couteaux sont aiguisés.

 

12 juillet 2024

 

À Washington, pendant qu’Emmanuel Macron s’efforçait de rassurer ses partenaires de l’OTAN sur la situation politique française, Joe Biden peinait à convaincre ses partisans de la pertinence de la poursuite de sa campagne présidentielle avec quelques lapsus – de Poutine à Trump – à la clef.

De retour à Paris, le président aura les mêmes difficultés à convaincre les éventuels partenaires de son front républicain. Il est clair qu’il cherche à gagner du temps et le NFP lui en offre un peu en tardant à se mettre d’accord sur un – ou des – noms. Rarement d’ailleurs, les textes fondateurs de la Constitution auront été autant consultés. Chacun cherche à comprendre toutes les subtilités d’un gouvernement démissionnaire dont les ministres peuvent siéger comme députés, mais qui continue à expédier les affaires courantes. Et que sont vraiment ces affaires courantes ? A priori, en tout cas, la démission du gouvernement devrait être acceptée le 16 ou le 17 juillet, au moins d’ailleurs pour permettre à Gabriel Attal de devenir président du groupe parlementaire « macroniste ». Du côté de la gauche un nouveau nom circule, celui d’Huguette Bello, la présidente du Conseil régional de La Réunion, qui semble avoir des attaches tant du côté de LFI que du PC : un choix quand même curieux qui illustre toutes les tensions au sein de cette improbable « majorité minoritaire ». C’est peut-être la raison pour laquelle les syndicats – CGT mais aussi CFDT – s’engagent de manière aussi marquée en appelant à manifester. Curieux week-end du 14 juillet en perspective : noir sur les routes et en politique !

 

11 juillet 2024

 

Que nous sommes-nous moqués du désarroi des Britanniques au lendemain du Brexit de 2016 ! Qu’avons-nous souri des bourdes de Boris Johnson, de la brièveté du mandat catastrophique de Liz Truss ! Mais voilà que les rôles sont renversés comme le remarque un éditorialiste du Financial Times. Jeudi, les Britanniques ont élu un gouvernement Labour que le FT lui-même qualifie de « pragmatic centrist » et Keir Starmer, le nouveau Premier ministre n’a manifestement pas la fibre jupitérienne ! Quant aux Français, ils ont élu un parlement dans l’impasse « a deadlocked parliament » au sein duquel les extrêmes se sont renforcés. Le Royaume-Uni peut espérer sortir du chaos (Écosse comprise). La France vient d’y entrer. Et de ce point de vue, les dernières heures n’ont apporté guère de clarté. On se demande quels seront les membres du gouvernement présents dans la tribune présidentielle le 14 juillet ! Chacun y va de sa petite déclaration, mais la répartition des postes et prébendes à l’Assemblée nationale sera dans huit jours un premier test. Mon Dieu, qu’une coalition, quelle soit de gauche ou du centre, c’est difficile. Nos voisins belges, dont l’expérience en la matière est immense avec 541 jours et une coalition arc-en-ciel à sept partis avec toutes les subtilités entre Wallons et Flamands, ne manquent pas de quelques conseils taquins.

L’arrogance française a ces dernières années suffisamment irrité nos partenaires européens pour que ceux-ci ne puissent résister à un peu de « Schadenfreude ».

 

10 juillet 2024

 

D’habitude, Emmanuel Macron aime les allocutions solennelles depuis sa table jupitérienne de l’Élysée. Mais là, c’est par une simple lettre publiée dans la PQR (un choix destiné probablement à tous ceux qui ne lisent pas la presse nationale et qui se contentent des nouvelles locales de journaux aux ambitions de plus en plus limitées). Il y résume sa vision du problème français, privilégiant comme on pouvait s’y attendre une solution « républicaine » et souhaitant donner du temps aux discussions politiques tout en confiant à Gabriel Attal la gestion des affaires courantes.

Le « nouveau » Front populaire ne l’entend pas de cette oreille. Il semble même qu’il veuille présenter son projet de gouvernement d’ici la fin de la semaine. Le nom d’Olivier Faure est de plus en plus mis en avant pour le diriger : à puiser dans la médiocrité, on touche là le fonds avec un des artisans de la NUPES et de l’effondrement du PS, sauvé par Glucksmann. Il se dit cependant que des macronistes « de gauche » ne seraient pas insensibles à une telle manœuvre. Faure/Kerenski manipulé par notre Lénine mélenchonien, voilà en tout cas une perspective qui a de quoi faire frémir.

Mais aussi l’élection de Laurent Wauquiez à la tête des députés LR n’a rien de bien réjouissant tant son silence de ces dernières années fut coupable. Cela n’augure rien de bon de ce bloc centre/droit dont manifestement rêve Emmanuel Macron dans son sommeil américain.

 

9 juillet 2024

 

Voilà donc la France qui perd face à l’Espagne en demi-finale de l’euro de football. Ce match clôt une série de prestations insipides, décevantes pour une équipe qui aligne quand même quelques-uns des plus gros « budgets » de la planète foot. Comme à l’habitude on s’interroge sur l’avenir du sélectionneur, Didier Deschamps dont le contrat ne vient pourtant à échéance qu’en 2026.

À l’Élysée, un autre sélectionneur est aussi contesté alors que son contrat va théoriquement jusqu’en 2027. Pour l’instant, il consulte — dit-on — d’anciens joueurs et entraîneurs, mais ses options en matière de sélection sont limitées. C’est incontestablement son côté gauche qui est le plus puissant, mais derrière la façade d’unité, que de lézardes et on peut craindre que le jeu peine à être collectif. Et puis, cette équipe-là restera loin de la majorité des supporters et sa proposition de ne fonctionner qu’aux tirs au but n’est guère dans les logiques des règles et des institutions.

Alors ? La balle au centre ? Mais lequel ? Sur le papier, on peut former une équipe avec Ensemble et les LR en grappillant peut-être quelques joueurs de gauche. Ce serait l’option la plus raisonnable, celle qui en tout cas a aujourd’hui le plus agité les vestiaires. Mais le danger là aussi, est que l’addition d’individualités ne forme pas une équipe d’autant plus que les virages de droite comme de gauche, frustrées de leur victoire risquent de s’agiter. Notre sélectionneur s’envole pour Washington. Là-bas, on joue au football américain, mais entre vieillards !

 

8 juillet 2024

 

Le jour d’après la tempête. La France est devenue donc un régime parlementaire. Les députés se sont succédé ce matin au Palais Bourbon pour ramasser cocarde et écharpe. Et puis surtout, dans tous les quartiers généraux on se réunit pour essayer d’anticiper les prochains coups. On aimerait bien être une petite souris au moins en deux endroits : au Front populaire et plus particulièrement chez les Insoumis. Là, le problème est celui du choix d’un candidat à Matignon (une candidate peut-être tant la secrétaire des Verts, Marine Tondellier, a percé les écrans ces derniers jours et permettrait de neutraliser l’antagonisme Insoumis/PS). Au centre, le terme désormais utilisé pour définir l’ensemble hétéroclite de feu la macronie, les soucis sont différents : on y parle moins d’hommes que de survie. Le paradoxe est que le centre compte en réalité à peine moins d’élus que le NFP surtout si on tient compte d’un certain nombre d’électrons libres. Mais le problème humain y est aggravé par le rejet presque unanime du président qui sera pourtant celui qui devra décider à la dernière heure du locataire de Matignon. Au fond, il n’y a qu’au RN qu’il n’y a aucun problème de leadership : mais le vote d’hier a été clair sur ce point.

Alors manœuvres, réunions, ambitions plus ou moins avouées, voilà le lot de cette journée avec quand même quelques focales sur des éléments de programme avec un retour en première ligne de l’éternelle question des retraites.

 

7 juillet 2024

 

Jour de vote avec, semble-t-il, une participation record en ce premier dimanche de vacances. Le Tour de France fait aujourd’hui une belle et originale étape sur les « chemins blancs » de Champagne, un clin d’œil local aux célèbres pavés de Paris-Roubaix. Sous le soleil, les coureurs dégagent un nuage de poussière et dans les rues de Troyes, c’est un Français qui l’emporte au sprint dans un groupe d’échappées (et en plus il appartient à l’équipe française Total Energies !). Est-ce un clin d’œil pour la fin de la journée alors que commencent à fermer les bureaux de vote.

Et puis, un peu avant 20 h, le coup de tonnerre et la confirmation de la dérive des sondages derniers jours poussée encore plus loin : le RN n’arrive plus qu’en troisième position et le bloc qui vire en tête est celui du Nouveau Front populaire. Au fil de la soirée, les résultats vont s’affiner. Le front républicain a fonctionné de manière beaucoup plus large qu’anticipée et toutes les autres tendances en ont profité. Finalement donc, le NFP compte 182 députés, le centre autrefois macroniste 168 et le RN avec ses alliés 143 (ces chiffres peuvent varier avec une trentaine d’élus plus difficiles à situer sans compter une cinquantaine de LR).

Dès 20 h 5, Jean-Luc Mélenchon était sur les écrans pour célébrer sa victoire. Le vieux trotskyste a trouvé alors des accents qui ne pouvaient que rappeler le Lénine de 1917, celui qui à la tête d’un parti minoritaire, les bolcheviks, réclamait « Tout le pouvoir aux soviets » afin de s’affranchir de la Douma. Ce soir J. L. Mélenchon a fait de même en scandant « tout notre programme, rien que notre programme ». Et le vieux tribun, au meilleur de sa forme, lui qui en 2022 célébrait le temps des cerises, de terminer avec les vers de Jean Ferrat dans « Ma France » : « Au grand soleil d’été qui courbe la Provence… et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche ». Jean-Luc Mélenchon est probablement le meilleur orateur de la scène politique française. Dans un genre différent, Olivier Faure, le secrétaire général du PS, n’a pas dit autre chose. Mais pour filer la comparaison avec 1917, il avait tout de Kerenski, qui voulut se maintenir au pouvoir en s’appuyant justement sur les bolchéviques.

Car la « victoire » du NFP est moins celle de l’adhésion à son programme qu’un rejet du Rassemblement national. Et c’est là toute l’ambiguïté qui a dominé les débats en cette soirée électorale. Le programme du LFP est-il gravé dans le marbre ou bien peut-il faire l’objet d’adaptations pour former une majorité de gouvernement ? C’est la question posée aux socialistes et manifestement, Glucksmann et Hollande ne sont pas sur la même ligne qu’Olivier Faure.

Dans la logique institutionnelle, le président de la République devrait faire appel à un représentant du bloc arrivé en tête pour essayer de former un gouvernement.

 

6 juillet 2024

 

À nouveau le silence politique à la veille du second tour de ces législatives… historiques ! Certes, dans les états-majors on continue à réfléchir, à imaginer, à bâtir d’improbables coalitions. Emmanuel Macron prépare ses valises pour le sommet de l’OTAN à Washington où l’accueillera un Joe Biden affaibli, mais qui pour l’instant résiste à la pression de ses « amis ». Quant aux Français, ils partent en vacances sous un temps d’automne. La victoire de la France sur le Portugal à l’Euro de football aux tirs au but ne les a pas rassurés : une équipe incapable de marquer un but et sans panache n’est-ce pas le reflet de la vie politique française.

Ailleurs dans le monde Vladimir Poutine marque des points. Au Kazakhstan s’est tenu cette semaine le sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai qui réunissait à l’origine la Russie, la Chine et les quatre républiques ex-soviétiques d’Asie Centrale. L’Inde, le Pakistan et plus récemment l’Iran s’y sont ajoutés. Et à Astana, en l’absence notable de Narendra Modi, Poutine a fait admettre son allié bélarusse. L’entente Chine-Russie semble pleine et entière. Un peu plus tard, Poutine a reçu la visite à Moscou de Viktor Orban : une visite bien ambiguë puisque la Hongrie a pris depuis quelques jours la présidence de l’UE. Orban a fait son coup tout seul sans prévenir ses petits camarades et malgré les protestations le mal est fait.

La seule presque bonne nouvelle serait l’élection en Iran du candidat « réformateur » à la présidence de la république. Mais la réalité du pouvoir est celle du Guide suprême et ses marges de manœuvre seront limitées. L’abstention a été de 50 % ce qui au moins ne sera pas le cas demain en France !

 

5 juillet 2024

 

Les Britanniques viennent de voter. Les élections tenues un jeudi n’auront duré qu’une journée et dès le lendemain – aujourd’hui - le roi Charles demandait au leader du Labour Sir Keistarmer (Sir Keir avait déjà été anobli dans la première partie de sa vie professionnelle) de prendre les clefs du 10 Downing Street. Quel contraste avec la France et ce qui nous attend dans les prochaines semaines.

Il est vrai que le système britannique (un seul tour et tout au gagnant) est impitoyable. Au final, le Labour n’a réussi que 34 % de voix, mais avec 412 sièges (sur 650), il dispose aux Communes d’une majorité absolue de 63 % ! Les conservateurs ont obtenu 23 % des suffrages et seulement 121 sièges (ils en ont perdu 251 !). Mais si l’on ajoute les 17 % de Reform UK, le parti de Nigel Farage qui fait d’ailleurs son entrée au Parlement pour la première fois avec quatre députés, la droite britannique réunit quand même 40 % des votes.

Avec un tel système appliqué aux législatives françaises, il y aurait eu près de 500 députés du Rassemblement national dimanche dernier… Mais revenons à la France. Les derniers sondages en termes de sièges semblent exclure la possibilité pour le Rassemblement national, même avec les LR dissidents, de réunir une majorité. Le microcosme s’agite donc pour un gouvernement d’union nationale allant des écologistes et des communistes au LR en passant par les macronistes (un label de moins en moins approprié) dont le résultat pourrait être moins catastrophique qu’imaginé il y a quelques jours. Mais même en balayant le plus large possible cet assemblage hétéroclite n’aurait probablement pas de majorité et serait à la merci d’une motion de censure partagée par le RN et les LFI !

Et puis comment imaginer même un plus petit dénominateur commun entre des programmes aussi différents sur des questions comme les retraites, le nucléaire, la fiscalité et tant d’autres. La seule discussion budgétaire promet d’être un calvaire et aucune réforme de fond n’est susceptible d’aboutir. Le temps d’ailleurs de former un tel attelage, Gabriel Attal risque d’administrer les affaires courantes pendant de longues semaines !

Si l’exemple britannique n’est guère extrapolable pour la France, on peut peut-être regarder vers la Suisse. Là aussi, on a quatre blocs : la droite et la gauche avec 28 % aux législatives de 2023, le centre avec 22 % et les libéraux avec 14 %. Mais en Suisse, on sait s’asseoir autour d’une table, faire des compromis pour gouverner quitte à redonner la parole aux Suisses par le biais d’innombrables votations.

Il reste enfin le cas belge et en partie aussi néerlandais où il faut des mois, voire plus d’un an pour former les gouvernements. À moins que l’on ne préfère l’Italie et son instabilité chronique digne de notre chère vieille IVe République.

La France en tout cas risque de rentrer en « Terra incognita » et nul ne sait de quoi sera fait cet été 2024.

 

3 juillet 2024

 

Le couperet est tombé et 218 candidats éligibles au second tour se sont finalement désistés parfois un peu contraints et forcés par la logique du « Front républicain » qui comporte quand même quelques trous. Il y aura donc plus de 400 duels avec, dans la quasi-totalité des cas, un candidat du Rassemblement national face au Front populaire (162) ou aux macronistes (137) et quand même quelques LR (52).

Tout ceci pourrait quelque peu enrayer la vague RN, mais il est bien difficile d’extrapoler sur le comportement des électeurs. Il n’est pas certain que les consignes des états-majors soient suivies tant la désaffection pour les partis politiques est grande au sein de l’électorat. Déjà, les scénarii d’après commencent à circuler. La probabilité d’une majorité NFP est très faible. Celle d’une majorité RN s’éloigne un peu. On en reviendrait donc à un gouvernement qui devra se former à l’Assemblée avec deux options possibles : d’un côté le RN et quelques alliés de circonstance signant au passage l’éclatement définitif de LR. L’autre scénario, dont on rêve manifestement à l’Élysée serait celui d’une large union des « démocrates » dont le pivot serait formé par les restes de la macronie, par les « raisonnables » du parti socialiste et par les derniers gaullistes. Pour l’instant, les comptes n’y sont pas et il faudrait un véritable sursaut dimanche prochain pour y parvenir.

À vrai dire, personne ne sait vraiment ce qui peut se passer, ce que sera l’Assemblée nationale et quel sera lundi matin le champ des possibles. Trois jours encore d’incertitudes, de supputations et certainement déjà de contacts et conciliabules.

 

4 juillet 2024

 

Il est toujours difficile de se faire l’historien du temps présent. On se trouve dans la position du grimpeur dans une façade de montagne. Il sait les difficultés qu’il vient de traverser, mais il connaît mal la suite surtout si quelque surplomb lui ôte toute perspective. Il en est de même aujourd’hui pour l’historien qui ne peut que se retourner sur les sept longueurs de corde qu’il vient de franchir. Mais au moins peut-il analyser les difficultés de la voie choisie.

Il paraît clair en effet que vient de se clore une période de l’histoire de France, celle du « septennat » d’Emmanuel Macron sur lequel, un peu « à chaud » certes, on peut essayer de porter un regard critique. Il y a sept ans, Emmanuel Macron faisait la conquête d’une maison un peu délabrée. Le « modèle français » était à bout de souffle. La France battait déjà en Europe des records tant de dépenses publiques que de prélèvements obligatoires. Pourtant, les fameux services publics, longtemps orgueil de notre pays, se dégradaient progressivement à l’image de la santé, de l’éducation, de la justice et même des transports. Au fil des années 2010, la croissance était restée bien morne autour de 1 % et la production industrielle avait stagné. Certes, le chômage avait commencé à baisser et l’État-providence permettait de gommer les inégalités malgré une nette augmentation de la précarité. C’est que la France restait marquée par une logique de la demande beaucoup plus que de l’offre.

Dans un premier temps, Emmanuel Macron s’est essayé à inverser les ordres de priorité de la société française et assez logiquement il s’est heurté aux pesanteurs et aux incompréhensions qui la caractérisent qu’illustra le désormais célèbre épisode des « gilets jaunes ». La situation politique lui était pourtant favorable avec l’effacement progressif des deux partis traditionnels de gouvernement. Mais la pédagogie eut du mal à suivre sans véritable relais de la part des corps intermédiaires de plus en plus bousculés. Là-dessus deux chocs majeurs, deux surplombs, pour reprendre l’image de l’escalade, vinrent mettre à mal ces efforts : le Covid, avec la mise à l’arrêt de l’économie puis la reprise et le choc inflationniste qui s’en suivit tout d’abord, la guerre en Ukraine et le choc énergétique qu’elle provoqua ensuite. La stratégie adoptée, celle du fameux « quoi qu’il en coûte », marqua un retour à la politique de la demande, mais permit d’éviter toute casse sociale majeure. Elle fut aussi un frein incontestable à toutes les réformes de structure comme celles des retraites, entreprises trop tard à contre conjoncture tant politique qu’économique.

Le bilan est pourtant loin d’être négatif. Par rapport à la période d’avant le Covid, la France a créé 1,3 million d’emplois, dont près d’un million de CDI. L’amélioration de l’environnement social et fiscal de la France en a fait la principale destination des investissements directs étrangers en Europe. On a même assisté à un léger rebond de l’activité industrielle après un déclin qui semblait irrémédiable depuis le début du siècle. Enfin, contrairement aux idées reçues, le pouvoir d’achat du revenu des ménages par habitant a poursuivi sa progression, malgré la montée de l’inflation à la notable exception toutefois des classes moyennes. Mais là encore, le ressenti par les Français fut tout différent persuadés qu’ils étaient que leur situation ne cessait de se dégrader dans la totale indifférence des élites. À la lecture des programmes présentés aujourd’hui par les deux blocs, désormais prépondérants sur la scène politique, on voit bien que c’est cette émotion qui domine encore.

Au-delà donc de quelques réussites incontestables, on touche bien là l’échec du septennat Macron, celui de ne pas être parvenu à « emballer » les Français faute probablement de relais efficaces. Devant nous maintenant, la roche est lisse sans beaucoup de prises ni d’assurance et il n’y a plus de chef de cordée.

 

2 juillet 2024

 

Pendant qu’en France, l’heure est aux désistements plus ou moins gracieux et qu’une certaine fébrilité commence à régner dans les rangs du RN dont le raz de marée électoral pourrait avoir passé son point d’étiage, la situation politique aux États-Unis semble tourner largement en faveur de Donald Trump. Dans un arrêt historique, la Cour suprême (dont Trump avait assuré la majorité conservatrice) a décidé que les présidents des États-Unis ne pouvaient être poursuivis en justice pour ce qu’ils ont fait dans le cadre de leurs fonctions. Dans les faits, ceci exonère Donald Trump de tout ce qu’il a pu faire avant la transmission de pouvoir à Biden en janvier 2021. Les poursuites engagées n’ont aucune chance d’aboutir avant les élections de novembre prochain. Pour Donald Trump, la voie est libre.

Pour Joe Biden, elle est de plus en plus bouchée. On commence à découvrir la forte influence de ses proches à commencer par son épouse. Pour l’instant, c’est Jill Biden qui pousse son mari à maintenir sa candidature alors qu’une bonne partie des dirigeants du parti démocrate cherchent à freiner, voire à trouver un autre candidat. Mais manifestement, les démocrates ont pour l’instant perdu la main alors même que leurs dépenses « publicitaires » s’élèvent déjà à $ 250 millions contre « seulement » $ 86 millions pour Trump (chaque candidat ayant dépensé plus de $ 50 millions dans la seule Pennsylvanie, le « swingstate » par excellence.

Alors que la vague porte moins le RN, elle continue à favoriser Trump : le populisme a de beaux jours encore devant lui.

 

30 juin 2024

 

On avait beau sy attendre, mais le choc est quand même là. Le Rassemblement national vire en tête avec un tiers des scrutins exprimés devant le « Nouveau » Front populaire (28 %) et la « majorité » présidentielle (20 %). Certes, la droite nationale fait moins quaux européennes lorsque tout cumulé elle avait atteint les 40 %. Mais on savait que le RN, faute dancrages locaux en maint endroit, ferait moins bien aux législatives. Un peu partout, les candidats du RN (et des quelques LR « ciottiens ») sont largement qualifiés pour le second tour. Ce qui est encore plus frappant ce sont les élus dès le premier tour : une quarantaine de RN concentrés dans les Hauts-de-France et sur la Méditerranée et puis quand même une trentaine de NFP, pour lessentiel des LFI, dans leurs fiefs de la région parisienne. Nombre de ministres ou danciens ministres sont tombés ou très mal placés. Tout comme – et cest la grande surprise de ce premier tour – le secrétaire général du PCF, Fabien Roussel.

Mais le revers le plus marquant se trouve au centre avec la déroute des macronistes qui, partis à plus de 250, seront probablement moins dune centaine dimanche prochain, avec dailleurs une meilleure résistance du Modem et dHorizon.

Voilà donc une première page de tournée. La question majeure est de savoir si le RN peut transformer lessai et obtenir la majorité absolue – ou au moins relative – avec quelques défections à droite. Tout dépendra donc des désistements, des consignes de vote et puis aussi de la manière dont celles-ci seront suivies.

Officiellement, les principaux leaders à gauche et au centre en tiennent pour le « front républicain ». Mais Jean-Luc Mélenchon, en prenant la parole avec à ses côtés la députée européenne franco-palestinienne, rima Hassan, na rien fait pour gommer les aspérités. Et puis, sur le terrain, tout dépendra des affinités des uns et des autres sachant que LFI – à lexception de quelques individualités comme François Ruffin – fait figure d’épouvantail. Les triangulaires seront nombreuses (entre 200 et 300) et tout se jouera dans nombre de cas à quelques voix.

Une chose est certaine de toute manière. Ce soir Emmanuel Macron en a fini de son septennat. Son bilan est beaucoup moins négatif que lon se comptait à le décrire. Il a traversé deux crises majeures, a contribué à relancer l’économie française et surtout lattractivité de la France. Il laisse des dettes, certes, mais il aura été surtout victime de lui-même, de son manque dempathie y compris pour ceux qui lont suivi, de son incapacité à créer un parti qui lui survive et encore plus dimaginer quelque successeur que ce soit. Un brin cruel, les Français viennent de le dire : « Le roi est nu ».

 

29 juin 2024

 

Et soudain, le silence se fit ! La courte campagne électorale est terminée et les chaînes dinformation doivent trouver dautres sujets : le temps et les orages, le départ du Tour de France depuis Florence (et la superbe victoire à Rimini de Romain Border pour son dernier tour), le triomphe de Toulouse au Championnat de France de rugbyet puis quand même bien dautres élections.

Au début de lannée, lhebdomadaire anglais «The Economist» avait fait de 2024 «a time of ballots ands bullets», durnes et de balles. Du côté des urnes, il navait anticipé ni la France, ni lIran, ni même – aussi tôt – le Royaume-Uni. LIran a à peine fini de voter pour des présidentielles bien encadrées qui ne laissent guère despoir aux réformateurs. Dans quelques jours, les Britanniques vont selon toute vraisemblance mettre fin à près de quinze années de pouvoir conservateur et les travaillistes de Keir Starmer auront la lourde tâche de gérer laprès-Brexit (alors que l’économie britannique semble retrouver quelque couleur). Mais ce sont les élections américaines qui ces jours-ci préoccupent le plus. Après sa catastrophique prestation télévisée, Joe Biden sest relancé dans sa campagne de collecte de fonds. Mais le quotidien plutôt démocrate, le New York Times, lui a demandé de se retirer, une opinion que partagent apparemment nombre de notables du parti démocrate. Mais est-il encore temps de mettre en place un contre-feu face à un Donald Trump que rien ne semble à battre.

Du côté des balles, les guerres se poursuivent : en Israël Benjamin Netanyahou saccroche au pouvoir et entraîne son pays dans une impasse tant à Gaza que désormais en Cisjordanie et vers le Liban. En Ukraine, on attend avec angoisse les grandes manœuvres de l’été et rien ne semble pouvoir infléchir Vladimir Poutine. En Asie, la Chine accentue sa pression navale sur les Philippines. Et puis, en Afrique, tandis que les massacres se poursuivent au Soudan, au Sahel, linfluence russe se renforce.

À tout prendre, bien sûr, les urnes valent mieux que les balles et si nous revenons un peu en Occident, elles en sont le meilleur pare-feu. Silence donc ! Le vote va commencer.

 

28 juin 2024

 

En France, tous les yeux sont braqués sur les élections nationales, mais en Europe, avant les premières réunions du Parlement, l’heure est au partage des principaux postes. Comme on pouvait s’y attendre, Ursula von der Leyen a obtenu le renouvellement de son mandat à la présidence de la Commission. Le PPE est sorti vainqueur des élections et elle profite de l’affaiblissement de l’influence française : le LR lui était opposé, mais il ne pèse plus guère et Emmanuel Macron qui ne lui était plus très favorable a lui aussi perdu beaucoup d’obtenir un portefeuille large pour le commissaire français qui devrait être encore Thierry Breton qui au fond aura quitté Atos au bon moment Madame von der Leyen reste ce qu’elle est, un plus petit dénominateur commun, bien incapable de donner à l’Europe le petit grain de folie dont elle a tant besoin. La future ministre des Affaires étrangères, la Première ministre estonienne, Kaja Kallas, est en première ligne face à la Russie et on peut espérer qu’elle tiendra haut le flambeau de l’Europe au moment où vont commencer les négociations d’adhésion de l’Ukraine et de la Moldavie. Quant au Portugais Antonio Costa, il hérite du poste éminemment ambigu de président du Conseil européen. Comme il ne loccupera qu’à partir de décembre, il échappera aux six mois de la présidence hongroise qui va commencer dans quelques jours.

Il reste encore nombre de miettes à partager comme les présidences de commission au parlement européen et les portefeuilles des commissaires. En ces moments cruciaux, la France se trouve affaiblie et ce d’autant plus que la majorité de ses parlementaires va découvrir les méandres de Bruxelles et de Strasbourg alors que pour nombre d’entre eux, seule compte la scène nationale à commencer par un certain Jordan Bardella.

Pourtant, en ces temps quelque peu chaotiques pour la France, l’existence des garde-fous bruxellois a quelque chose de rassurant face à toutes les démagogies de droite comme de gauche.

 

27 juin 2024

 

Ce soir, le dernier débat de la campagne électorale française précédait de quelques minutes à peine le premier débat de la campagne électorale américaine. Quel contraste ! Côté français, ce fut encore une fois l’affrontement de deux jeunes coqs, l’un et l’autre assez maladroits dans leurs coups et réunissant à mettre le représentant du Front populaire, le terne Olivier Faure du Parti socialiste, en position d’arbitre ce qui ne manquait quand même pas de sel. Quelque peu gênée, la chaîne organisatrice (le « Service public » de la 2) avait ensuite invité Xavier Bertrand, représentant LR « canal historique », mais surtout grand élu de terrain, qui fut à la limite plus à l’aise pour défendre ce qui reste de la droite de gouvernement. Au total, tous ces débats et d’interventions qui se bousculent sur les chaînes de télévision ne changeront guère le résultat final tant les sondages semblent converger. La seule « erreur » du RN, son seul dérapage concerne le statut des binationaux, un faux pas qui révèle un peu de la réalité de fonds de commerce et qui pourrait lui coûter cher en termes de votes !

Du côté américain, on avait affaire à des octogénaires et le débat sur CNN était beaucoup plus encadré. Il fut tout aussi sordide, mais le plus « jeune » la emporté. Joe Biden a en effet plus que marqué son âge, ses difficultés à s’exprimer et même à suivre ses idées. À la sortie, les élus démocrates en étaient si catastrophés qu’ils commençaient à chercher un plan B. La convention démocrate d’investiture n’a pas encore eu lieu et il serait encore possible de désigner un autre candidat, si Biden accepte de se retirer. Mais personne ne fait l’unanimité et encore moins la vice-présidente Kamala Harris. À suivre

 

26 juin 2024

 

Faut-il brandir la menace de « guerre civile » pour faire barrage aux extrêmes? C’est en tout cas ce que vient de faire Emmanuel Macron, un peu comme un adolescent qui a allumé un feu pour faire place nette et qui soudain crie à l’incendie. Le mot est bien sûr excessif. La dernière « vraie » guerre civile en France remonte en fait à la Commune il y a un peu plus de cent cinquante ans. Il y eut ensuite des attentats (des anarchistes à Action directe), des émeutes, des manifestations dégénérant comme au temps des Gilets jaunes, des quartiers parfois hors de contrôle, mais jamais de guerre civile à proprement parler. Il y eut bien sûr le putsch d’Alger et les dérives de l’OAS, mais là encore, dans un contexte bien différent. Et en Europe occidentale la dernière guerre civile fut celle d’Espagne, peut-être la plus cruelle de toutes.

Pourquoi alors agiter pareil chiffon rouge? Pourquoi supposer de la part des Français pareille manque de maturité pour leur faire prendre les armes si le résultat des urnes ne leur convient pas? Pourquoi surtout employer une expression aussi forte de la part de celui même qui est à lorigine d’une telle situation?

Certes, on ne peut exclure quelques agitations au lendemain des résultats dans la chaleur (?) de juillet. Mais il faut faire confiance aux fortes démocratiques (syndicats, partis) pour accepter le verdict des urnes, quel qu’il soit.

 

25 juin 2024

 

Les débats à rois demandent de la part des organisateurs une grande attention non seulement en termes de temps de parole, mais surtout de direction des échanges. Cela na pas été vraiment le cas ce soir pour le premier débat télévisé entre Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard (LFI) qui était censé représenter le Nouveau Front populaire. Ce fut en réalité une aimable cacophonie au cours de laquelle les représentants des trois « blocs » se sont battus à coups d’âge de la retraite et de promesses – ou de menaces – fiscales. Le Premier ministre qui au fond faisait le moins de promesses des trois sen est plutôt mieux tiré, mais sans pouvoir renverser la tendance des sondages qui continuent à favoriser ses adversaires.

Au même moment, deux tribunes dans Le Monde pointaient du doigt le véritable enjeu de lentre-deux tours : celui des triangulaires (il pourrait y en avoir plus dune centaine) et du comportement à avoir pour les candidats arrivés en troisième position, celui aussi du choix à faire en cas de duel entre le RN et le NFP, surtout lorsque celui-ci sera représenté par un LFI. les uns, surtout des personnalités de gauche, mais aussi de la gauche macroniste, défendent le principe du Front républicain, quitte à se « boucher le nez » en votant LFI comme la écrit Dominique Strauss Kahn depuis son exil fiscal marocain. Les autres menés par deux anciens Premiers ministres socialistes, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve sont partisans du ni-ni. Ils représentent ce qui reste dun centre gauche social-démocrate dont l’émergence est lun des seuls signes despérance dune scène politique française qui nest plus quun champ de ruines.

 

24 juin 2024

 

On la oublié, mais il y a aussi des élections au Royaume-Uni. Outre-Manche, les jeux sont pratiquement faits dautant plus que le système électoral y est impitoyable pour les perdants. Le Labour va lemporter dans ce qui risque d’être un véritable raz de marée et probablement les trois quarts des députés aux Communes. Ainsi se paient les excès des conservateurs, de Boris Johnson à Liz Truss sans oublier David Cameron à lorigine du fatidique referendum sur le Brexit. Mais les électeurs y ont quelque responsabilité qui ont pensé que ce serait mieux sans lEurope, qui ont voulu jouer la seule carte qui navait pas été essayée. Pris de court, les conservateurs nont rien su faire de leur « victoire » et les Anglais en sont réduits aujourdhui à confier les clés du 10 Downing Street à un travailliste pragmatique qui a su exclure du Labour son prédécesseur Jeremy Corbyn, le pendant britannique de Jean-Luc Mélenchon.

Par lassitude, les Français sont sur le point de faire le même pari que les Britanniques avec le Brexit : tout a échoué (du moins ce qui est ressenti) alors pourquoi ne pas donner les rênes du pouvoir à ceux qui ne lont jamais exercé, la « nouvelle » droite nationale? Quimporte queux aussi naient guère de programme au moins sur le plan économique et que la situation à la mi-juillet risque d’être tout aussi chaotique que celle du Royaume-Uni au lendemain du Brexit. David Cameron avait à l’époque choisi de tenir un referendum dans la certitude de lemporter. Emmanuel Macron tente le même coup de poker, mais ils étaient bien peu nombreux à partager sa certitude. Les Britanniques regrettent en majorité leur décision de 2016. Combien de temps faudra-t-il aux Français pour regretter la leur?

 

23 juin 2024

 

Le hasard du calendrier liturgique catholique donne en ce dimanche l’évangile dit de la tempête apaisée (Mc4, 35-41) : une tempête sur la mer de Galilée tandis que Jésus dort. Les disciples affolés, le réveillent « Maître, nous sommes perdus ». « Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer silence, tais-toi”… et il se fit un grand calme ».

La France est bien au cœur de la tempête et force est de constater quil ny a personne pour imposer le silence. Cest au contraire le brouhaha le plus total en particulier à gauche et au centre. À gauche, on ne sait comment se débarrasser ou au moins mettre sur la touche Mélenchon. Au centre, il en est un peu de même avec Macron. Il ny a qu’à droite (extrême ou populiste) que le tandem Bardella-Le Pen (mais dans quel ordre) nest pas contesté. Lambiance la plus fétide règne au centre dans un climat de sauve-qui-peut général où les fleurets ne sont plus mouchetés. Edouard Philippe accuse Macron davoir « tué » sa majorité et Bruno Le Maire parle – avec raison, mais un peu dexcès – des « cloportes » qui hantent les couloirs de l’Élysée. Sur les affiches électorales, Emmanuel Macron a disparu tout comme dailleurs les emblèmes tant des républicains que la rose des socialistes. Il y a encore une semaine à passer, à se déchirer sur des programmes dont chacun sait dans son for intérieur quils ne seront jamais mis en œuvre tant ils contiennent de promesses irréalisables, à enfoncer un peu plus les Français dans leur propension naturelle à la critique de toutes leurs institutions. La barque ne coulera pas, mais elle prend leau et plus personne nen tient le gouvernail.

 

22 juin 2024

 

Cest maintenant sur le terrain que se jouent les législatives. Étant en convalescence au Pays basque, il est intéressant de se plonger dans les arcanes des trois circonscriptions basques (lune est à cheval sur le Béarn). On y compte à chaque fois entre six et dix candidats. Il y a en effet partout des candidats de Lutte ouvrière ainsi que du Parti national basque. Les députés sortants étaient deux Modem et un socialiste. Lun des sortants Modem ne se représente pas. Comme ailleurs en France, le Rassemblement national a viré en tête le 9 juin dans les Pyrénées atlantiques, mais avec un score (25 %) inférieur à la moyenne nationale. Dans les trois circonscriptions, les candidats du RN sont relativement inconnus et ont peu de chances d’être élus (ce qui illustre bien la faiblesse du RN sur le terrain dans nombre de régions). Par contre, ils peuvent se qualifier pour le second tour et provoquer des triangulaires. La seule personnalité « nationale » est Jean Lassale qui est sur ses terres et qui au second tour pourrait lemporter sur le député sortant socialiste. Noublions pas aussi que nous sommes là sur le territoire de François Bayrou, certes béarnais, mais qui a son mot à dire dans les investitures basques.

Il est difficile à ce stade de faire des pronostics. Le RN devrait repartir bredouille. Les surprises pourraient venir dun retour de Jean Lassale (qui battrait donc un socialiste), de la première élection dun « abertzale » (nationaliste basque de gauche) investi par le Front populaire face à un Modem, maire de Cambo. Mais dans les trois circonscriptions, aucun résultat nest assuré et les jeux ne sont pas faits dautant plus que dans deux dentre elles on peut sattendre à des triangulaires.

Si les enjeux sont bien nationaux, sur le terrain cest le local qui lemporte, ce sont les alliances de circonstance (ici avec les partis basques), ce sont les hommes et les femmes pour la plupart déjà élus locaux et puis aussi pour certains issus de dynasties politiques locales. On est loin de Paris !

 

21 juin 2024

 

Qu’y a-t-il de commun entre les campagnes électorales françaises et américaines ? La réponse est simple et peut paraître surprenante : le prix de l’essence !

Surprenant, car la fiscalité sur le carburant est beaucoup plus douce aux États-Unis. Le gallon d’essence y coûte en moyenne actuellement $ 3.78 soit l’équivalent de 0,86 euro le litre, ce qui ferait rêver tous les Européens. Mais aux États-Unis, on a été longtemps habitué à une essence à $ 2 le gallon et aujourd’hui en Californie ou au Texas, on est au-dessus de $ 4. Joe Biden a peu de marges de manœuvre si ce n’est de puiser dans la réserve stratégique pour jouer sur les prix du pétrole sur le marché américain. Il l’a déjà fait en 2021 et 2022 dans d’autres circonstances, mais là les républicains l’accusent de manipulation électoraliste et Donald Trump a fait du prix de l’essence un de ses arguments de campagne.

Rien de tel en France où, là aussi, les marges de manœuvre sont limitées par les affres budgétaires et les contraintes européennes. Néanmoins, le RN propose de réduire la TVA et le Front populaire de bloquer les prix des biens de première nécessité, dont les carburants. Dans l’un et l’autre cas, on ne se préoccupe guère des contingences budgétaires. Or, un centime d’euro de moins à la pompe prélevé sur la part fiscale, ce sont € 500 millions de recettes en moins en année pleine. Ainsi, supprimer la TVA sur la TICPE (l’aberration d’un impôt sur l’impôt) coûterait quelques € 6 milliards. Est-ce bien le moment ? À tout prendre, l’idée de « chèques carburants » identiques aux chèques-restaurant rejetée par la complexité de sa mise en œuvre serait plus raisonnable.

Mais qui parle de raison dans cette campagne ?

 

20 juin 2024

 

Une enfant de 12 ans, violée par deux « adolescents » de 13 ans ! Avant même de parler de la dimension antisémite de cet acte, comment imaginer que pareil drame ait pu arriver tout simplement ? 12 ou 13 ans, c’est à peine la sortie de l’enfance. Tous ceux d’entre nous qui ont des enfants ou des petits-enfants de cet âge peuvent comprendre l’horreur d’actes dont les intéressés eux-mêmes n’avaient probablement pas conscience baignés qu’ils étaient dans des univers virtuels qui les fascinent, sans repères familiaux et peut-être aussi à l’écoute de « grands frères » eux-mêmes à la dérive et suffisamment crédules pour s’imbiber de toutes les propagandes.

Et, si ce « fait divers » n’était pas assez monstrueux, il y a sa dimension antisémite : l’enfant était juive comme l’étaient d’autres femmes et d’autres enfants le 7 octobre aux portes de Gaza. Mais là nous sommes en banlieue parisienne, à deux pas de la Défense… L’antisémitisme a de multiples racines en France. On pensait en avoir arraché certaines ; mais les dernières sont les plus profondes, instrumentalisées par des partis politiques qui se sont plu à souffler sur les braises.

Devant pareille horreur, on eût aimé une pause politique, une journée au moins de silence dans la fournaise de la campagne électorale. Il n’en a rien été au-delà de quelques communiqués et autres tweets. Du silence et de la prière pour ceux qui le peuvent, quelle que soit leur confession. 

 

19 juin 2024

 

C’est l’heure des comptes. Derrière les blocs, il y a des programmes et donc des promesses qu’il faut quand même chiffrer. Les marges de manœuvre sont faibles, voire inexistantes, et pourtant, un peu partout, l’imagination est au pouvoir. Le programme du Front populaire coûtera quelque part entre 100 et 250 milliards d’euros. Et en face, même en taxant d’importance les riches et les entreprises, le déficit budgétaire explose. Le Rassemblement national était parti sur les mêmes bases, mais l’éventualité de son arrivée au pouvoir l’a amené à reculer nombre de ses mesures à un audit des finances publiques bien inutile. Il reste quand même des deux côtés l’accent mis sur le prix de l’énergie et sur une partie de la TVA. En fait, aux deux extrêmes, on continue à raisonner en économie de la demande (augmenter le pouvoir d’achat pousserait à acheter…) quitte à handicaper la dynamique de l’offre. Remarquons que les modestes mesures présentées par le Premier ministre vont, elles aussi, dans le même sens.

On a l’impression d’une fête foraine où le chaland est interpellé de manèges en jeux par les promesses les plus mirobolantes alors que derrière, les décors de carton-pâte, il n’y a que du vide. Malheur à ceux qui croient encore en ces boniments. Mais on ne peut qu’être choqué de voir des économistes « sérieux », comme Duflot et Piketty à gauche, apporter leur caution à ces miroirs aux alouettes auxquels heureusement les Français eux-mêmes ne croient guère. 

 

18 juin 2024

 

Encore un anniversaire ! Et Emmanuel Macron qui aime tant les célébrer a fait aujourd’hui le grand écart entre le Mont Valérien et l’île de Sein. On ne peut que se réjouir d’avoir un président autant attaché ainsi au culte de la et des mémoires.

Dans une bande dessinée qui rencontra un grand succès à la fin du siècle dernier, « Balade au bout du monde » (Makyo et Vicomte, ed. Glénat), le souverain d’un royaume perdu est réveillé chaque matin par ses trois mémoires, un office exercé par des conteurs dont il ne peut se débarrasser. Il en serait de même un peu aujourd’hui à l’Élysée où le conseiller « mémoire » aurait, disent certaines gazettes, joué un rôle important dans la décision de dissolution.

Un historien, comme l’auteur de ces lignes, ne peut que saluer la place donnée aux célébrations historiques. Mais nous sommes quelques-uns, sans nous concerter, à avoir convoqué un autre historien, l’un des maîtres de la « nouvelle histoire », pour analyser les jours que nous vivons. Certes, l’appel du 18 juin fut admirable tant il était isolé. Car le reste est bien contenu dans la conclusion que fait Marc Bloch du récit de « sa » campagne en France et de l’analyse de « l’étrange défaite » qui s’abattit sur le pays en 1940 : « la léthargie intellectuelle des classes dirigeantes et leurs rancœurs, les illogiques propagandes… » Tout est dit… et se répète.

 

17 juin 2024

 

Entre les deux « blocs », celui du Rassemblement national et celui du Front populaire, on retrouve désormais le terme quelque peu désuet de « Centre ». Longtemps, le centre fut une réalité politique française sous des étiquettes variées allant des radicaux (de toutes obédiences) aux démocrates-chrétiens (le MRP dans sa version de l’après-guerre). Avec la Ve République, on assista peu à peu à une bipolarisation de la scène politique française ne laissant aux « centristes » qu’un rôle d’appoint en général de la droite gaulliste et post-gaulliste. Jean Lecanuet en maintint le flambeau aux élections de 1965 avant que n’apparaisse l’UDF, fusion improbable de mouvements plutôt à droite opposés à l’hégémonie gaulliste. François Bayrou en fut l’héritier et il faut lui reconnaître le mérite d’en avoir entretenu la flamme parfois à la limite de l’extinction. La modernisation de la vie politique française ne passait-elle pas comme au Royaume-Uni ou en Allemagne par l’alternance de deux partis de gouvernement, l’un à droite, l’autre à gauche ? L’exemple britannique en particulier avec l’échec des Libéraux (Libdem) n’était-il pas la preuve des difficultés d’un système tripartite ? En sera-t-il de même demain en France ?

Voilà, en tout cas, pour quelques jours, le centre réhabilité : on y retrouverait les macronistes, les deux partis alliés (Horizon et Modem avec un Bayrou inoxydable) et puis les restes « raisonnables », tant des républicains que des socialistes. C’est là certes un centre imposant, mais qui risque d’être balayé dans la mécanique cruelle du second tour. La vieille malédiction du Centre !

 

16 juin 2024

 

Une semaine déjà ! Voilà donc le septième jour depuis la dissolution et ce soir les derniers candidats déposeront avec fébrilité leurs dossiers en préfecture. Devant nous, quinze jours de campagne.

Cette crise politique a renversé toutes les barrières et il n’est pas exagéré de la comparer à « l’étrange défaite » de 1940 analysée par Marc Bloch : incompétence des états-majors et lassitude des Français. Mais tout a été dit et commenté en ces quelques jours et pendant ce temps, le reste du monde continuait à vivre.

En Europe, Olaf Scholtz a subi un revers tout aussi cuisant que celui d’Emmanuel Macron, mais l’Allemagne, habituée aux cohabitations, n’a pas vacillé. Au Parlement européen, le PPE est même renforcé et Ursula von der Leyen a de fortes chances de poursuivre à la présidence de la Commission d’autant plus qu’elle est soutenue par Giorgia Meloni.

Giorgia Meloni est sans conteste la grande gagnante de ces élections européennes et elle a pu sans vergogne battre froid à Emmanuel Macron au sommet du G7. Le président français et le chancelier allemand n’étaient pas les seuls d’ailleurs à souffrir d’aléas électoraux : au Royaume-Uni, Rishi Sunak va vers une défaite historique et dans les derniers sondages, les conservateurs sont dépassés par les populistes de l’UKIP de Nigel Farage, un vieil ami de Marine Le Pen.

On a un peu oublié que se tenait à Bari la réunion du G7. Le choix de Bari dans les Pouilles n’est pas neutre : c’est là que sont vénérées les reliques de Saint-Nicolas, très populaire en Russie et sur le parvis de la cathédrale se trouve une statue du saint offerte par un certain Vladimir Poutine ! Cela n’a pas empêché les dirigeants du G7 de décider un emprunt de $ 50 milliards pour soutenir l’Ukraine. Mais Giorgia Meloni a aussi réussi à faire venir au G7, le pape François, tout comme son adversaire argentin, le président Javier Milei. Tout un symbole !

Après Bari, la plupart des dirigeants se sont retrouvés en Suisse pour un sommet de la Paix. Imaginez trois hôtels de la Belle Époque suspendus au-dessus du lac des Quatre Cantons. En l’absence de la Russie et de la Chine, le sommet du Bürgenstock n’a pas eu de résultats concrets, mais il au moins permis de clarifier les positions des uns et des autres.

Ailleurs en Suisse, s’ouvrait à Bâle la grand-messe de l’art contemporain, Art Basel. On parle là en millions de dollars tout comme à Paris où une nature morte de Chardin « Le melon entamé » a été vendue plus de 26 millions d’euros. Et quand on parle de « riches » comment ne pas mentionner Eon Musk dont le conseil d’administration de Tesla vient de confirmer la mirobolante rémunération de $ 56 milliards ! On est bien là dans un autre monde.

C’est bien un autre univers, celui des « manipulateurs de symboles », de ceux qui rêvent d’immortalité tandis qu’ailleurs on tente de survivre, qu’en France le débat politique majeur reste celui du pouvoir d’achat.

Une charmante vignette circule sur les réseaux, tirée du « Crabe aux pinces d’or » d’Hergé. On y voit le capitaine Haddock déprimé devant un verre d’eau. Tintin lui demande : « Enfin, capitaine, pourquoi avez-vous voté pour votre lave-linge ? ». Et le capitaine de répondre : « C’est le seul qui respecte le programme ».

Bricolés sur des coins de table dans la hâte, les programmes ne sont guère que des miroirs aux alouettes qui, pour l’instant, font la fortune des imprimeurs. Autour de nous, le monde impose son propre calendrier et le petit village gaulois n’en a jamais été aussi éloigné.

 

15 juin 2024

 

Passé le temps des grands discours, des embrassades et des serments solennels, voilà celui de la cuisine politique et c’est encore le Front populaire qui fait la une : chez les Insoumis, c’est donc la purge dans la plus pure tradition trotskyste (mais en cela Trotsky n’était guère différent de Staline). Le vieux chef tient ses troupes qui n’existent au fond que par lui. Chez les Socialistes, la grande nouvelle est celle du retour de François Hollande, candidat en Corrèze, et qui semble ainsi cautionner le programme du Front populaire, aux antipodes pourtant de la politique qui fut la sienne durant sa présidence. Pendant ce temps, le « peuple de gauche » manifestait dans le calme contre le Rassemblement national. La dynamique du Front populaire connaît en tout cas ses premiers ratés.

Du côté des Républicains, l’imbroglio autour de la présidence de Ciotti se poursuit et paralyse le gros du parti qui refuse le mouvement vers le RN. Mais en réalité, l’essentiel semble se passer sur le terrain par des accords de non-agression entre macronistes et républicains comme c’est déjà le cas dans un certain nombre de départements. La faiblesse tant de Renaissance que de LR est de ne pas avoir de dirigeants incontestables susceptibles de signer un accord national ; la force au moins de LR est de disposer encore d’un solide maillage d’élus locaux soucieux de « sauver les meubles ».

Encore quelques heures avant que les trois lignes se mettent en ordre de bataille. L’heure est aux ultimes flottements.

 

14 juin 2024

 

À la maison de la Chimie, à Paris, à deux pas de l’Assemblée nationale, avait lieu le lancement officiel du « nouveau » Front populaire. Toute polémiques et critiques mises à part, on ne peut que saluer la performance. Dans la décision de dissolution d’Emmanuel Macron, il y avait la quasi-certitude de l’incapacité de la gauche à reconstituer quelque unité que ce soit tant les divergences apparaissaient profondes et tant les noms d’oiseaux avaient volé de part et d’autre. Parvenir à un accord entre les Insoumis et l’aile réformiste des socialistes autour de Raphaël Glucksmann semblait impossible. Mais le réalisme l’a emporté sur les grands principes et les apparatchiks du PS n’ont pas dû trop se forcer à sacrifier Glucksmann sur l’autel de la Realpolitik.

En quatre jours donc, la gauche s’est unie comme elle ne l’avait jamais été presque depuis… 1981. Bien sûr, il ne faut pas trop regarder dans les détails : nombre de promesses ne sont pas réalistes au vu des contraintes économiques et on a souvent pratiqué le principe du « plus grand commun multiplicateur ». Sur des questions comme le nucléaire ou l’OTAN, un voile pudique est maintenu et les ambiguïtés demeurent tant sur le Hamas et Israël que sur l’Ukraine et la Russie. Enfin, la question du « leader » n’est pas tranchée, le nom de Mélenchon étant à peine prononcé. Et, au vu des premières investitures annoncées par LFI (et l’exclusion en particulier d’Alexis Corbière), on peut douter de l’ambiance de franche camaraderie affichée. Un observateur un peu cynique ne peut d’ailleurs qu’être frappé de la capacité de tant de donneurs de leçons à fermer les yeux et même à se renier. Quoiqu’il en soit, le Front populaire constitue désormais la deuxième force politique française. Qui l’eût imaginé il y a seulement une semaine ?

 

13 juin 2024

 

Au quatrième jour d’après la dissolution, les positions semblent se clarifier de la manière la plus inattendue qui soit y compris pour les apprentis sorciers qui ont déclenché ce séisme. À gauche s’est formé un Front populaire : les socio-démocrates y ont laissé leur âme et tout espoir de reconstituer un Parti socialiste quelque peu responsable. À droite, le Rassemblement national enregistre les ralliements d’Eric Ciotti et de Marion Maréchal et commence le grand toilettage de son programme de manière à faire espérer aux Français un scénario « à la Meloni ». Au centre, ce ne sont que ruines : celles des Républicains bien sûr dont une partie de la base est attirée par le RN ; celles des macronistes aussi confrontés au vide existentiel de leur parti et soucieux quand ils le peuvent de marquer leur différence sans que toutefois ni Horizon, ni le Modem ne puissent représenter une alternative crédible à court terme. Emmanuel Macron a imposé un calendrier que ses propres troupes ne peuvent suivre alors que la droite comme la gauche on réussi à se mettre en ordre de bataille.

Trois blocs, mais dans un système électoral qui au second tour ne peut en compter que deux et le risque de duels mortifères entre les extrêmes. À droite comme à gauche, les lignes sont désormais claires. Le seul espoir du troisième bloc serait de balayer large des déçus de la social-démocratie aux derniers gaullistes. Mais est-ce encore possible et Emmanuel Macron est-il capable d’un peu d’humilité ?

 

12 juin 2024

 

Conférence de presse de « combat » d’Emmanuel Macron : un long exposé programmatique sans vraiment rien de nouveau et un catalogue de chantiers en cours, mais un peu à la marge de la question du jour. Par contre, surtout en réponse aux questions des journalistes, il s’est révélé percutant et pertinent en soulignant toutes les contradictions des extrêmes tant de droite que de gauche. L’appel est clair pour la formation d’un centre allant des sociodémocrates aux gaullistes. La crise des Républicains et la probable éviction d’Eric Ciotti ont au moins le mérite de clarifier les choses de ce côté-là et un scénario d’un gouvernement de coalition mené par une personne « non-alignée » devient presque imaginable du moins si les électeurs suivent ce qui est loin d’être garanti. Car pour l’instant, l’heure fiévreuse est celle des investitures qui doivent être bouclées pour la fin de la semaine. À gauche, LFI a la part belle surtout en termes de circonscriptions gagnables. À droite et au centre (et chez les macronistes bien sûr), les choses sont moins claires : la stratégie des débauchages individuels qui a toujours été celle d’Emmanuel Macron montre bien ses limites d’autant plus qu’une bonne partie des électeurs de LR sont plutôt sur la ligne Ciotti.

À l’issue de cette conférence de presse, la situation n’apparaît pas plus claire. Le sursaut républicain souhaité par Emmanuel Macron peut-il se concrétiser ? Rien n’est moins sûr.

Ces élections sont en tout cas les plus importantes, mais aussi les plus incertaines que la France ait connues dans la mesure où aucun scénario n’apparaît vraiment crédible.

Qu’il est loin le temps où au cœur de la république gaullienne (dont la constitution est bien inadaptée aujourd’hui), Françoise Hardy décédée hier soir chantait « Tous les garçons et les filles ». C’était en 1962.

 

11 juin 2024

 

L’immense avantage d’avoir été opéré aujourd’hui aura été de suivre presque en continu sur toutes les chaînes d’information les péripéties politiques qui affectent la France depuis dimanche soir. En sortant de salle d’opération et à peine réveillé, je découvrais la décision d’Eric Ciotti de briser le tabou de l’alliance avec le RN. Drôle de réveil !

Emmanuel Macron vient en tout cas de parachever ce qui sera son « grand œuvre » : faire disparaître les deux grands partis de gouvernement en dispersant un peu plus les cendres de Charles de Gaulle et de François Mitterand.

À gauche d’abord, la seule « bonne » nouvelle du 9 décembre avait été le bon score de la liste menée par Raphaël Glucksmann et l’enterrement probable de la NUPES. On pouvait espérer la renaissance d’un pôle social-démocrate en France. Rien de tout cela avec le nouveau « Front populaire » (n’épiloguons pas sur l’escroquerie historique que représente l’utilisation de cette expression marquée en particulier par Léon Blum en un temps où l’antisémitisme était une réalité… en France aussi). À peine vainqueur, Glucksman, a été marginalisé et la NUPES reconstituée avec LFI en position de force et Olivier Faure prêt à nouveau à aller à Canossa. L’hypothèse évoquée par Glucksmann de faire appel à l’ancien dirigeant de la CFDT, Laurent Berger semble avoir fait flop. Il est resté à voir ce que feront les orphelins de la social-démocratie comme Bernard Cazeneuve ou Manuel Valls. Mais ils ne pèsent plus guère.

Et puis à droite, voilà donc Ciotti qui franchit le Rubicon, à titre personnel, mais aussi pour l’instant en tant que président des républicains. La décision est certes « niçoise », mais elle sonne le glas de ce qui restait du vieux parti gaulliste déjà largement dévoyé de Chirac à Sarkozy.

Le RN a logiquement préféré les républicains aux approches de Marion Maréchal estimant que de toute manière les votes de Reconquête lui étaient acquis.

Exit donc le rêve de la reconstitution des deux pôles qui ont marqué la vie politique française depuis un demi-siècle. La balle est à la « droite nationale » (plus ou moins extrême selon les goûts) et au centre. Les nouveaux (Horizon) et anciens (Modem) centres peuvent-ils avec un si bref délai assurer le relais d’un macronisme essoufflé sans véritable alternative à son fondateur.

La chambre qui sera élue le 7 juillet risque d’être « introuvable » sauf à ce que le RN trouve suffisamment de républicain pour atteindre la majorité. En tout état de cause, le président pourrait appeler un membre du RN (Bardella ?) pour former un gouvernement en espérant peut-être comme Mitterand et Chirac autrefois qu’il se brûle les ailes comme ce fut le cas en d’autres dissolutions de Balladur et de Juppé. Mais, cette fois, Macron ne peut se représenter et peut-on tout jouer sur l’échec du RN au gouvernement malgré la totale vacuité de son programme économique.

En 1933, l’entourage conservateur du président Hindenburg fit un pari identique et décida de confier un gouvernement de coalition au NSDAP et à Hitler. On connaît la suite, mais bien sûr, cette comparaison n’a guère de sens quatre-vingt-dix ans plus tard…

 

10 juin 2024

 

La surprise nest pas venue de là où on lattendait. Les résultats des élections européennes sont conformes aux attentes : une écrasante victoire du RN, la liste de Glucksmann qui talonne sans la dépasser la liste macroniste (dont le score est quand même plus bas quattendu), les Verts et Marion Maréchal passant de justesse le « cut » et les Insoumis faisant un peu mieux et le LR un peu moins quespéré. Grossièrement, la droite nationale – tout cumulé – compte pour 40 % et la gauche extrême un peu plus de 10 %, ce qui fait quand même au total la moitié de l’électorat (un Français sur deux sest déplacé) pour le vote protestataire. Jusque-là; rien de malheureusement bien surprenant.

Mais comment interpréter la réaction dEmmanuel Macron et sa décision de dissoudre lAssemblée et de convoquer des élections à la fin du mois? Coup de poker titrent ce matin la plupart des journaux. Le président joue manifestement la carte du sursaut républicain en espérant empêcher que puisse se reconstituer une union de la gauche, façon NUPES. Il espère que puisse se constituer une majorité parlementaire capable de gouverner en sappuyant sur les trois partis de gouvernement de droite, du centre et de gauche « responsable ». Sur le papier, cest jouable, mais dangereux : les électeurs français sont en général plus cohérents quon ne le pense dans leurs votes et le risque est grand quil en sorte une assemblée ingouvernable avec un RN certes peu susceptible de détenir une majorité absolue, mais capable de bloquer toute solution viable surtout si, à droite chez les républicains, les tentations de rapprochement avec le RN se concrétisent.

Dune manière ou dune autre, la France va entrer dans une période de cohabitation, mais Emmanuel Macron affaibli et peu crédible aura bien du mal à en faire une transition ordonnée pour les trois années à venir. Il est bien difficile dimaginer quoi que ce soit de positif pour la France dans les semaines et les mois à venir.

Au niveau européen, la poussée des droites populistes est incontestable, mais les grands équilibres sont à peu près respectés et l’éclatement des groupes dextrême droite permettra probablement à Madame von der Leyen de poursuivre à la tête de la Commission. La France est cependant la grande perdante de ces élections. Emmanuel Macron sera de moins en moins écouté ce qui est grave quand on pense au dossier ukrainien. Elle perd nombre de députés sortants expérimentés (tous ses spécialistes des questions agricoles par exemple).

Comme au poker, Emmanuel Macron vient de faire « Tapis ». Mais, il ny aura pas de poker magique qui permettrait de sortir la France de son désarroi et de son marasme tant politique qu’économique.

  

9 juin 2024

 

En ce dimanche d’élections européennes, il fait beau sur la France. La perspective du vote a probablement un peu retenu les Français et les marchés parisiens fourmillaient ce matin plus qu’à lordinaire (il semble pourtant que le taux de participation soit faible. La préparation des J.O. et ces jours derniers, la venue à Paris de Joe Biden ont perturbé la vie des Parisiens.

Lactualité est sportive : les Bretons fêtent la montée du RC Vannes dans le TOP 14 en rugby, une première pour la Bretagne. En cyclisme, cest le Slovène Primoz Roglic qui a remporté le Dauphiné Libéré, mais labsence des grands favoris du moment, lautre Slovène Tadej Pogacar qui vient de survoler le Giro et le Danois Jonas Vingegaard que lon retrouvera pour le Tour de France. À Rome ont lieu les championnats dEurope dathlétisme et à paris, à Roland Garros, un Allemand et un Espagnol se disputent la finale. Un beau dimanche de printemps donc. Dans les bureaux de vote, on comptait une bonne vingtaine de bulletins possibles sur les 38 listes en compétition. Retenons le superbe chat du parti animaliste et dans un genre différent la prose des communistes révolutionnaires du NPA qui veulent « renverser le capitalisme pour sauver la planète et en finir avec les oppressions ». La liste est conduite par une conductrice dautobus et un postier licencié sur le thème « Urgence révolution ». Un peu de fraîcheur face au cynisme qui a prévalu à la composition des « grandes listes ».

 

7 juin 2024

 

Cest après-demain que vont se dérouler les élections au Parlement européen. Pour beaucoup, il sagit dune étape – presque secondaire – dans un parcours électoral national quelque peu chaotique qui culminera en 2027.

Et pourtant, comment ne pas apprécier à sa juste valeur le fait de tenir ainsi des élections à l’échelle de – presque – tout le continent européen. En son temps, Victor Hugo lavait rêvé, mais c’était avant que lEurope ne se déchire par deux fois au siècle dernier. Qui aurait cru, dans les ruines laissées par la Seconde Guerre mondiale, que linitiative de Robert Schuman et de Jean Monnet en 1950 de placer charbon et acier sous une même « Haute Autorité » porterait de tels fruits (à l’époque, les États-Unis du Plan Marshall en furent un fervent soutien). Au fil des ans, des élargissements, des avancées et des reculades, lEurope est devenue une réalité, complexe certes, mais qui, de leuro à Schengen, a profondément marqué la vie quotidienne de ses citoyens. Cest sans nul doute le plus grand apport que les deux générations daprès-guerre ont fait aux générations suivantes, celles du XXIe siècle.

Comment expliquer alors que ce scrutin européen ne suscite que de maigres passions nationales? Il est vrai que, faute de constitution véritable, la gouvernance européenne peine à convaincre. Comment expliquer ainsi la subtilité des « trilogues » entre la Commission (non élue), le Conseil des chefs d’État et le Parlement? Trop souvent, lexigence de la subsidiarité a cédé le pas aux tentations bureaucratiques inhérentes à tout exécutif qui nest pas directement responsable devant des électeurs. Dautres États-Unis, ceux dAmérique, rencontrent les mêmes problèmes et on y fustige tout autant Washington quen Europe, Bruxelles. Mais au moins, tous les quatre ans, y a-t-il place pour un vote. Ce devrait être le cas en Europe avec les élections du 9 juin, mais celles-ci tournent à un affrontement stérile où les enjeux nationaux prennent la pas sur toute autre considération dans un vote presque « secondaire » qui laisse la place libre aux protestataires par principe.

La France ne fait pas exception à ce constat. Il est vrai quen France, les parlementaires européens ont presque un statut de « seconds couteaux ». La composition des listes des candidats a toujours favorisé le repêchage des échecs des scrutins nationaux et cette année encore les parlementaires sortants sérieusement impliqués dans leur travail à Bruxelles et Strasbourg nont pas été les plus favorisés, toutes tendances politiques confondues. Comment se passionner pour un scrutin dans lequel les « vedettes » – sauf exception – ne sengagent guère si ce nest pour préparer leur atterrissage national?

LEurope vaut mieux que tout cela tant elle est une chance immense que par négligence nous commençons à laisser filer entre nos doigts. Dans les années cinquante, les Britanniques avaient préféré à la CEE leur propre association de libre-échange. On connaît la suite avec ladhésion puis le Brexit. Le danger de la dilution de lEurope, il est aussi dans les votes du 9 juin et Victor Hugo ne comprendrait guère notre mal européen, lui qui le 21 août 1849 sexprimait ainsi :

« Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage dun grand Sénat souverain qui sera à lEurope… ce que lAssemblée législative est à la France ».

Ce jour est venu, mais le méritons-nous?

 

6 juin 2024

 

Quatre-vingtième anniversaire du débarquement du 6 juin 1944, le « D Day ». La France – et son président actuel – ne sont pas avares de commémorations, certaines anecdotiques, mais celle-là est légitime, même sil faudra encore presque une année pour mettre lAllemagne à genou, et cela grâce surtout à la pression soviétique.

Cette année, lanniversaire prend une dimension particulière. Il y a dix ans, Vladimir Poutine était presque présent tout comme son homologue ukrainien Petro Porochanko. La Russie venait dannexer la Crimée. Ce fut loccasion de négociations en « format Normandie », lAllemagne et la France jouant les bons offices sans grand succès. Il est vrai qu’à l’époque, Angela Merkel pensait encore possible dattacher un peu plus la Russie à lEurope (cela passant aussi par lachat de gaz russe et la construction de Nordstream).

Cette année, Vladimir Poutine na pas été invité et les réunions qui se tiennent autour de la Normandie nont plus le même « format ». Cest loccasion de renforcer entre Européens et Américains le soutien à lUkraine en franchissant de nouveaux interdits comme lutilisation des armes occidentales pour frapper la Russie. Joe Biden est là et Emmanuel Macron sentend à bousculer un Olaf Scholz toujours aussi timoré.

Il reste le souvenir, les derniers vétérans, lhommage dans les cimetières, la mémoire de la dernière guerre sur le sol français : quatre-vingts ans de paix ensuite grâce à lEurope !

 

4 juin 2024

 

Deux pays membres des BRICS viennent de tenir leurs élections générales. Dans les deux cas, il sagit de démocraties et malgré quelques doutes en termes de moyens utilisés par les partis au pouvoir, les résultats en sont éloquents : en Inde, le BJP de Narendra Modi a perdu sa majorité au Parlement tout comme en Afrique du Sud, lANC de Cyril Ramaphosa. Dans lun et lautre cas, ils ne pourront rester au pouvoir quen salliant, en Inde avec des partis régionaux, en Afrique du Sud peut-être avec des dissidents de lANC.

La relative défaite de lANC était attendue en Afrique du Sud tant l’échec économique et social y est patent, tant la corruption y est endémique. Ce qui est inquiétant, cest que le seul parti à vraiment progresser est celui de lancien président Jacob Zuma dont le bilan fut pourtant accablant. La transition post-ANC sera difficile.

Le recul du BJP est beaucoup plus surprenant et cest le premier revers de Narendra Modi qui jusque-là régnait sans partage en poussant un agenda de plus en plus hindouiste et xénophobe. Certes, lopposition est émiettée et le Congrès nest plus lombre de ce quil fut au temps de Nehru et dIndira Gandhi. Mais lalliance probable du BJP avec des partis régionaux va probablement mettre un frein à la dérive hindouisante de Modi.

En Inde et en Afrique du Sud, en tout cas, le réflexe démocratique a joué. Il nest pas sûr que cela incite Poutine et Xi à faire de même.

 

2 juin 2024

 

Après le cacao autour de Pâques, le mois de mai – bien frais et humide en Europe – a été marqué par quelques folies sur le marché du cuivre, par un record pour le jus d’orange et un autre pour l’or et par un frémissement des prix du blé. On pourrait y ajouter l’antimoine tiré par la demande de l’industrie de l’armement, mais aussi des panneaux solaires. À chaque fois, on retrouve les mêmes ingrédients : la météo et le climat (cacao, jus d’orange), la géopolitique et bien sûr la spéculation nourrie par un intérêt accru des investisseurs et des fonds pour nos chères matières premières. Ce dernier point n’est pas nouveau : une légende des hedge funds américains, Jim Simons, le fondateur de Renaissance technologies, qui vient de disparaître à 86 ans, n’avait-il pas fait ses premiers pas de mathématicien sur les marchés dans les années soixante-dix sur le soja et le sucre !

Alors que les marchés de l’énergie sont plutôt calmes et raisonnables (ce qui pourrait être trompeur pour le gaz naturel), l’intérêt se focalise sur les métaux, tout particulièrement ceux liés de près ou de loin à la transition énergétique (et au premier chef le cuivre), et sur les produits agricoles. Le climat et les guerres en sont les principaux vecteurs.

Pour les métaux, après l’excitation provoquée par le squeeze sur le marché de New York, le cuivre devrait revenir à la logique de ses fondamentaux, rester probablement jusqu’à la fin de l’année au-dessus de $ 10 000 la tonne au LME en « en gardant sous le pied » pour les années suivantes. Pour les autres métaux, les perspectives restent marquées par des excédents. Quant aux métaux précieux, ils montent en ligne « au bruit du canon ». Remarquons que la mise sous le boisseau de l’OPA de BHP sur Anglo ne règle pas le sort de cette dernière, le « maillon faible » des géants de la mine.

Dans le domaine agricole, la principale inquiétude concerne la Russie avec les gelées tardives qui devraient réduire un peu plus la production de blé. Les perspectives chinoises sont par contre bonnes, ce qui pose le problème du niveau des importations de grains sur la prochaine campagne. Il reste enfin notre petit déjeuner quotidien : outre le jus d’orange, café, cacao et même sucre demeurent tendus.

L’un des « investisseurs-spéculateur » les plus connus de la planète, le Français Pierre Andurand qui a fait sa fortune et sa renommée sur le pétrole, prévoit depuis son exil fiscal à Malte que le cacao pourrait atteindre $ 20 000 la tonne et le cuivre $ 40 000. Tous deux étaient à

$ 10 000 il y a quelques semaines ! On peut rêver.

 

1er juin 2024

 

Au petit matin, dans le cœur de la monstrueuse caserne construite à Bercy pour abriter le ministère français des Finances, le général Standard et le colonel Poors sapprochent du capitaine Macron et du lieutenant Le Maire. Un roulement de tambour et ils leur arrachent leurs épaulettes…

Voilà donc la France « dégradée » par S and P ! À vrai dire, on reste dans le champ du symbole et, déjà, sous Sarkozy, elle avait perdu son AAA, puis sous Hollande son AA+. La voilà maintenant reléguée en AA-. Parallèlement, la dette de la France na cessé daugmenter alors que les déficits budgétaires dérapaient de plus en plus. Ce qui était tolérable au temps du Covid et du « quoi quil en coûte » ne lest plus aujourdhui et il faut convenir que la France est retombée dans ses vieilles ornières dépensières. Certes, le gouvernement cherche à faire des efforts, mais dans le mille-feuille administratif français, chacun attend de lautre quil fasse le premier des économies. À ce petit jeu, les collectivités locales – tenues pour lessentiel par des partis dopposition – ne sont pas les dernières. À les entendre, presque tous les budgets devraient être sanctuarisés alors quil nest pas question daugmenter encore les impôts.

S and P a probablement raison et il nest même pas sûr que, à droite comme à gauche, la leçon soit entendue et comprise.

28 mai 2023

 

En cette fin du joli mois de mai (frais et pluvieux en Europe), la scène géopolitique mondiale aura été rarement aussi tendue : mort – apparemment accidentelle – du président iranien Ebrahim Raisi et incertitudes quant à la succession du Guide suprême; élections en Afrique du Sud et possible perte de la majorité détenue par lANC; dissolution du Parlement et élections au Royaume-Uni et probable victoire des travaillistes; visite de Vladimir Poutine en Chine alors que les armées russes progressent en Ukraine; poursuite des frappes e actions israéliennes dans la bande de Gaza alors que de nouveaux pays européens reconnaissent l’État palestinien; procès de Trump à New York; et puis quand même des élections européennes qui, dans la plupart des pays, font le lit des droites populistes…

Nous sommes loin – très loin – de cette fin de lhistoire dont nous rêvions au début du siècle, en un temps que lon aurait presque pu qualifier de « Belle époque ». En réalité, tous les craquements actuels sont lhéritage des plaies mal cicatrisées du siècle dernier. Même lEurope, la seule réussite incontestable de la deuxième partie du XXe siècle, sessouffle faute de projets. Partout ou presque, les démocraties souffrent et les totalitarismes obtus, qui sappuient sur les extrémistes de tous bords, prospèrent.

Pessimiste? Non, malheureusement réaliste.

 

24 mai 2023

 

Après le cacao, ce sont maintenant les métaux qui font preuve dagitation avec des records historiques pour lor (près de $ 2 500 lonce), le cuivre (à plus de $ 11 000 la tonne à New York), mais aussi des tensions pour largent, l’étain et même le nickel (en partie « grâce » à la Nouvelle-Calédonie).

Chaque marché a bien sûr sa propre histoire. Pour lor, cest laccumulation des bruits de bottes et puis aussi la perspective de baisses des taux dintérêt. Pour le cuivre, la demande est là et le marché est déjà déficitaire. Mais le dernier accès de fièvre à New York est lié à une banale affaire de spéculation dans laquelle quelques « shorts » se sont fait piéger. Le rebond du nickel (modeste en réalité) est lié aux événements en Nouvelle-Calédonie tandis que l’étain dépend de la guerre dans les provinces du nord de la Birmanie. À cette liste, on pourrait ajouter le jus dorange qui, à limage de lor, a battu un record de prix victime tant de maladies que de la météo.

À nouveau, les matières premières attirent les « investisseurs », au même titre dailleurs que le bitcoin dont la cotation sur le marché de Chicago (le CME) vaut lettre de noblesse. Mais les matières premières, au moins, cest du concret, ce sont des histoires et derrière les « charts » il y a des hommes.

 

22 mai 2023

 

La décision de la CPI de La Haye de sattaquer tant aux dirigeants du Hamas quau Premier ministre israélien est une première dont on ne peut que saluer le rare équilibre. Alors que certains, à lONU en particulier, senflammaient en parlant de génocide (ce qui dans ce contexte na guère de sens), la CPI a su raison garder en mettant au même niveau les principaux « coupables » : les dirigeants du Hamas en premier lieu, eux qui ont tout déclenché en cherchant à relancer leur cause en se fabriquant à bon compte des « martyrs » ; B. Netanyahou ensuite dont la politique de provocation a éloigné toute chance de solution à deux états et qui a cautionné une riposte disproportionnée, faisant dailleurs en réalité le jeu du Hamas.

Bien entendu, la décision de la CPI reste du champ du symbolique (Poutine en sait quelque chose). Mais elle ne peut que renforcer, dun côté comme de lautre, les hommes et les femmes de bonne volonté. En Israël, tous ceux qui, il y a un an encore, manifestaient contre la mainmise de Netanyahou et de ses soutiens sur une politique de confrontation et dexclusion. En Palestine, tous ceux – inaudibles pour linstant – qui ne cautionnent ni la violence du Hamas ni la corruption de lAutorité palestinienne. Quelques colombes bien isolées, assourdies par le fracas des armes et les vociférations des uns et des autres. Que dire, que faire de plus?

 

21 mai 2023

 

De toutes les métropoles italiennes, Gênes est la moins connue alors même que son histoire la longtemps placée au premier rang. Gênes fut en effet la grande adversaire de Venise, présente à Byzance, mais aussi par ses comptoirs en mer Noire. Cest par lun deux à Caffa en Crimée quarriva à Gênes la Peste noire en 1348. Gênes avait perdu la première manche face à Venise, mais dès le XVIe siècle, elle prit sa revanche. Alors que Venise voyait la route de la soie et du poivre coupée par les conquêtes mongoles, Gênes finançait au contraire les grandes découvertes portugaises et espagnoles. Les banquiers génois – plus encore que les Fugger dAugsbourg – assurèrent les arrières financiers de Charles Quint puis de Philippe II. Ce fut l’âge dor de Gênes, le moment où se construisirent ses plus beaux palais (Doria, Spinola…) avec les plus grands artistes (Rubens…). Mais à la différence de Venise, Gênes ne put conserver son indépendance et tomba sous le joug autrichien.

Cest aujourdhui le premier port italien qui dame le pion à Marseille et Barcelone. Mais de sa splendeur passée, la ville na conservé que quelques lambeaux, un dédale de rues étroites accrochées à la montagne, un port qui continue à grouiller au vent de toutes les migrations et des palais donc où lon peut trouver des portraits de négociants génois peints à Anvers au XVIe siècle au temps dune autre mondialisation dont Gènes fut un temps un des centres.

 

19 mai 2023

 

Il y a exactement cinquante ans, Valéry Giscard dEstaing battait François Mitterand et devenait le plus jeune président élu de la république (depuis, Emmanuel Macron a fait mieux). À l’époque, Raymond Depardon avait suivi la campagne de VGE et le film quil en a fait est une plongée dans un océan de souvenirs pour la génération de septuagénaire auquel appartient lauteur de ces lignes. On loublie, mais ce furent alors les premiers pas de « lunion de la gauche » qui devait lemporter en 1981. Mais on nen était pas là à l’époque et à la porte de Versailles on chantait encore lInternationale le poing levé avec les camarades François (Mitterand), Georges (Marchais) et Robert (Fabre).

Jacques Chaban Delmas était alors le candidat naturel des gaullistes et il pouvait séduire aussi une partie de la gauche : navait-il pas été lhomme de louverture, de la « nouvelle société » au lendemain de Mai 68, sentourant de collaborateurs comme Jacques Delors. Mais Chaban accumula les maladresses et fut aussi trahi par un jeune loup nommé Jacques Chirac. VGE donna une impression de jeunesse face à ces hommes de la IVe qu’étaient Chaban et Mitterand.

La malchance de Giscard fut darriver en pleine crise économique, de navoir guère de marges de manœuvre et de ne laisser de son septennat que bien peu de choses (la loi Veil sur lavortement) alors quil aurait pu faire infiniment mieux et plus. La haute estime (souvent justifiée) quil avait de lui-même le coupa rapidement des Français et ce même Mitterand l’élimina sept ans plus tard.

 

15 mai 2023

 

Émeutes en Nouvelle-Calédonie. Un projet de réforme et d’élargissement du corps électoral a mis le feu aux poudres. La situation est la plus grave quait connue le « caillou » depuis quarante ans. Il est vrai que depuis la situation politique et surtout économique ne sest guère améliorée. À l’époque, tous les espoirs avaient été placés dans le nickel avec une « doctrine nickel » privilégiant la transformation du minerai sur place. Deux nouvelles usines – Goro et Koniambo – avaient vu le jour, appuyées par deux des principaux groupes miniers mondiaux, Vale et Glencore. Mais la scène du nickel a changé avec l’émergence dun pays – lIndonésie qui pèse aujourdhui plus de la moitié de loffre minière et métallurgique mondiale. Les cours erratiques se sont effondrés depuis deux ans et le nickel calédonien (au stade du métal) nest plus rentable. Lusine du nord est à larrêt, celle du sud accumule les pertes et lexportation du nickel reste entravée par les contraintes aveugles dune « doctrine nickel » qui tourne à labsurde.

Lerreur de tous, indépendantistes comme loyalistes, a été de croire que le nickel était lavenir et la chance de la Nouvelle-Calédonie. Il en a été au contraire une malédiction comme dailleurs tant de matières premières pour les pays producteurs. Le nickel a éteint toutes les velléités de diversification de l’économie. Personne, à la dangereuse exception de la Chine, nimagine y investir et lironie est grande dentendre fustiger le colonialisme dune France dont le soutien financier se perd dans ce tonneau des Danaïdes.

 

14 mai 2023

 

Présentation du rapport CyclOpe 2024. Cest donc notre trente-huitième édition, dune aventure qui a commencé en un autre monde, en plein contre-choc pétrolier et alors que le premier importateur mondial de céréales était lURSS et que la Chine était pratiquement absente de tous les marchés.

En 2024, cest la Russie qui est le premier exportateur mondial de blé, lOPEP+ se bat pour maintenir les cours du blé et la Chine est partout des métaux critiques aux viandes ou au sucre. Mais le plus important aujourdhui, cest la place occupée par les incertitudes géopolitiques.

Ce qui a marqué en effet ces quarante années, cest la montée de linstabilité et de la volatilité des marchés qui réagissent au moindre aléa climatique, mais surtout politique et géopolitique. Il suffit de citer la guerre en Ukraine (pétrole, gaz, grains, engrais), les conflits du Moyen-Orient (pétrole, gaz, fret maritime), les tensions avec la Chine (métaux électriques et bien dautres), mais aussi les élections en Inde (riz, sucre), la crise du Sahel (uranium). Le monde tangue de partout au gré dimprobables fragmentations et les marchés de commodités en sont le témoin.

Le sous-titre de CyclOpe cette année est emprunté à Alexandre Dumas : « Attendre et espérer », ce qui résume bien nos impuissances. Lattente semble bien longue tant les conflits actuels paraissent inextricables (sans oublier linterrogation majeure de l’élection américaine). Il reste lespérance : « Sans espérance, tout ça ne serait que cimetière » écrivait Charles Péguy.

 

13 mai 2023

 

Alors quen France de plus en plus de concessionnaires automobiles jouent la carte chinoise en distribuant des véhicules électriques à des prix imbattables, aux États-Unis on agit. Utilisant larticle 301 de la loi commerciale, ladministration américaine a décidé de quadrupler les droits de douane sur les automobiles chinoises et de les faire passer de 25 % à 100 %. Les droits sur les batteries sont aussi augmentés.

Alors quen Europe on est encore au stade de lenquête (ce qui avait suscité une violente réaction chinoise et une contre-enquête sur le dumping du cognac), les États-Unis agissent de manière brutale, parlant en réalité la seule langue que peuvent aujourdhui comprendre les Chinois, celle de la force. Et en fait, la menace chinoise sur le dossier automobile est beaucoup plus grande pour lEurope que pour les États-Unis. Le passage aux véhicules électriques y sera beaucoup plus rapide et les modèles chinois sur le marché sont de qualité égale ou supérieure aux modèles européens, avec un incontestable avantage sur les prix liés à une meilleure intégration de la chaîne autour des batteries et de leurs composants et aussi grâce à du dumping pour prendre des parts de marché. LEurope est-elle capable de parler aussi durement à la Chine? On peut le souhaiter, mais en douter.

 

10 mai 2023

 

LAllemagne est bien lhomme malade de lEurope. Non seulement sa croissance est à peu près nulle, son industrie – y compris lautomobile – est en crise et même le célèbre « Mittelstand » (les grosses PME) souffre, ses dirigeants politiques à commencer par le fade Olaf Scholz ninspirent aucune confiance, mais – preuve ultime du malaise – la démographie allemande est en berne comme jamais. En 2023, les naissances en Allemagne ont diminué de 6,2 % par rapport à 2022, au plus bas depuis 2013. Quant aux mariages, ils saffichent en baisse de 7,6 %, un niveau qui nous ramène à 1950. Longtemps, la démographie allemande avait souffert dune vision traditionnelle de la femme. Les jeunes Allemandes ne se reconnaissaient pas dans le modèle des trois K de leurs mères : « Kinder, Küche, Kirche » (enfants, cuisine, église). Et il est vrai que lAllemagne est très en retard sur la France dans la prise en charge de lenfance, des crèches par exemple.

Mais là, le mal est plus profond et lAllemagne est aux prises avec un sentiment « dungemütlichkeit » (malaise ou mal-être) probablement accentué par sa proximité de lUkraine et son impuissance militaire. À la différence dautres pays européens comme la France, cela ne profite pas trop politiquement aux extrêmes, mais la réalité est celle dun pessimisme allemand que confirme la chute des naissances. Et cette paralysie allemande est un peu aussi celle de lEurope.

 

8 mai 2023

 

La France se met au vert! Le hasard du calendrier fait se cumuler la célébration de la « victoire » de la Seconde Guerre mondiale puis le jeudi de lAscension et enfin un petit pont pour cinq jours de vacances. Est-ce bien raisonnable pour un pays qui peine à sortir de la croissance zéro? Mais en France, on ne badine pas avec les jours fériés même si ceux-ci nont plus guère de signification.

La France a-t-elle gagné la Seconde Guerre mondiale? Rendons grâce au général de Gaulle davoir réussi à faire un peu oublier lignominieuse défaite de Juin 1940 tout comme le comportement veule dune bonne partie des Français au moins jusquau début de 1944. Remercions aussi Churchill de lavoir soutenu contre Roosevelt (qui ne mérite guère une station de métro et une avenue à Paris…). Mais, comme les Britanniques, on aurait pu se contenter du 11 novembre.

Quant au jeudi de lAscension, sil reste important pour les catholiques, il faut admettre ce paradoxe dune France laïque et de plus en plus déchristianisée qui continue à « fêter » toutes les fêtes chrétiennes même si le vocabulaire du politiquement correct prohibe de plus en plus Noël (fête de fin dannée) et Pâques (vacances de Printemps). Il nous reste bien la Pentecôte, le 15 août (lAssomption) et la Toussaint, concurrencée, il est vrai, par Halloween. Mais foin de scepticisme et vivent les vacances !

 

5 mai 2023

 

Emmanuel Macron a eu une drôle didée. Pour amadouer Xi Jinping, il a eu linitiative de le convier là où cet homme dAmiens considère avoir ses racines à la Mongie dans les Pyrénées. La Mongie est en fait une création récente, une station de ski qui remonte aux années soixante sur le flanc du col du Tourmalet de cycliste mémoire. De lautre côté du col se trouve Barèges où fut installé le premier téléski pyrénéen ainsi quun tremplin, mais qui, bien avant, avait accueilli Madame de Maintenon, venue faire prendre les eaux au petit duc du Maine.

Les deux chefs d’État ont été déjeuner à lauberge du Col du Tourmalet, malheureusement dans la neige et le brouillard, ce qui na pas réchauffé des relations qui restent fraîches même si Xi Jinping semble avoir lâché un peu de lest symbolique sur le cognac et quelques morceaux de viande. À vrai dire, la visite européenne de Xi avait bien dautres motivations et son passage en France était une simple étape entre la Serbie et la Hongrie, deux pays qui ne cachent pas leur soutien à Vladimir Poutine (que Xi va recevoir à Pékin dans quelques jours). En matière internationale, que ce soit vis-à-vis de la guerre en Ukraine ou du conflit entre Israël et lIran, la Chine demeure dune totale ambiguïté, soucieuse seulement davancer ses pions et profitant du brouhaha pour traiter à sa manière ses propres problèmes de Hong Kong aux Ouïghours. LEurope pèse bien peu dans les préoccupations chinoises et il est si facile de jouer de ses divisions.

 

4 mai 2023

 

Le 14 mai sera publié le trente-huitième rapport CyclOpe. Jean-Louis Gombeaud et moi avions en fait commencé cette aventure en 1985 avec un premier livre sur les Marchés mondiaux en 1984/1985, issu de nos chroniques hebdomadaires sur Radio France Internationale. À l’époque, celle du contre-choc pétrolier, de la chute des accords internationaux du café et de l’étain, des guerres commerciales céréalières entre les États-Unis et lEurope (lURSS était le plus important importateur mondial de céréales…), les matières premières n’étaient pas vraiment le sujet à la mode et bientôt on allait se passionner pour la « nouvelle économie », celle en particulier de limmatériel et des technologies de linformation.

En ces presque quatre décennies, CyclOpe a traversé bien des cycles et des chocs : les trente glorieuses de la « mondialisation heureuse », les crises asiatique et celle dinternet, le choc financier de 2008, lenvolée des marchés mondiaux de 2008 à 2012, l’émergence de la Chine et puis ces dernières années avec le Covid puis la guerre en Ukraine, lentrée dans une nouvelle « époque » de lhistoire de notre planète.. Les perspectives sur les matières premières ont évolué de labondance de la fin du XXe siècle, aux craintes actuelles de pénuries liées aux contraintes de la transition énergétique. De manière symbolique, deux produits bien différents ont franchi la barre des $ 10000 la tonne ces derniers jours : le cacao et le cuivre, les deux vedettes de ce début de printemps 2024.

CyclOpe a connu les derniers feux de la guerre froide et en 2024, son sous-titre « Attendre et espérer » illustre bien les craintes suscitées par de nouvelles guerres et par une nouvelle guerre froide au moins sur le plan économique avec la Chine.

Sur cette période, le monde a aussi connu la généralisation de « linstable ». Avec le recul de lhistorien, on peut estimer que le passage du « stable à linstable » aura été la grande mutation de ces années. Après les devises et les produits financiers, toutes les matières premières sont devenues des « commodités » et bien au-delà, à limage du fret maritime (et surtout les conteneurs), de l’électricité et de la plupart des produits de la première transformation industrielle. Les marchés des commodités mesurent ainsi à tout moment la température de la planète, ils sont, au fond, la partie émergée de toutes les tensions géopolitiques et, plutôt que de fustiger la spéculation (réelle avec parfois ses égarements « dexubérance irrationnelle » comme cest le cas actuellement pour le cacao), il faut savoir aussi en écouter les messages, attendre, espérer, mais aussi agir! Il ne sert à rien de casser le thermomètre pour avoir plus chaud ou plus froid. Et force est de constater – aujourdhui beaucoup plus quhier – lintervention des États est souvent bien maladroite et que la gestion internationale des crises, politiques et économiques, est dune cruelle inefficacité.

CyclOpe raconte lhistoire des marchés. Un jour, peut-être, les hommes connaîtront la « fin de lhistoire ». Mais pour linstant, ce vieux rêve tant dHegel que des contes de fées est bien oublié.

29 avril 2023

 

Les chiffres tombent et ne cessent de nourrir les argumentaires politiques dans la perspective des élections européennes. LEurope en général – et la France même un peu plus – voient augmenter leur retard tant économique quindustriel et technologique par rapport aux États-Unis. Et certains emploient à nouveau le titre dun « bestseller » de 1967, « Le défi américain ».

Signé par Jean-Jacques Servan Schreiber et en grande partir rédigé par Michel Albert, « Le défi américain » fut un livre prémonitoire tant ses prévisions se concrétisèrent deux décennies plus tard avec la troisième révolution industrielle en grande partie née aux États-Unis, des garages de la Silicon Valley aux laboratoires de la région de Boston. Et cest au fond cette vague que les États-Unis continuent à chevaucher dans lapprofondissement continu des technologies de la communication (les Magnificent Seven et bien dautres) et des biotechnologies.

Depuis le Covid, le rebond américain impressionne alors que lEurope stagne, plombée notamment par un véritable problème existentiel allemand. Et force est de constater que le fonctionnement de lUE avec ses lourdeurs institutionnelles et politiques est devenu un véritable handicap. Même la guerre en Ukraine peine à relancer lindustrie de défense européenne alors que lessentiel des crédits votés par le Congrès américain en faveur de lUkraine va soutenir un peu plus lindustrie américaine! Le défi américain indeed !

 

28 avril 2023

 

Médée de Marc Antoine Charpentier était donné aujourd