CyclOpe 2024

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Attendre et espérer"

Publication du Rapport

Cyclope 2024

14 Mai 2024 - Paris

CyclOpe 2023

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Les cavaliers de l'Apocalypse"

Publication du Rapport

Cyclope 2023

23 Mai 2023 - Paris

CyclOpe 2022

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Le monde d'hier »

Publication du Rapport

Cyclope 2022

8 Juin 2022 - Paris

CyclOpe 2021

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Cette obscure clarté qui

tombe des étoiles »

Publication du Rapport

Cyclope 2021

26 Mai 2021 - Paris

 

CyclOpe 2020

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Allegoria ed effetti
del Cattivo Governo -Ambrogio Lorenzetti 
»

Publication du Rapport

Cyclope 2020

09 juin 2020 - Paris

CyclOpe 2019

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Les illusions perdues »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2019

15 mai 2019- Paris

CyclOpe 2018

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Le ciel rayonne, la terre jubile »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2018

16 mai 2018 - Paris

CyclOpe 2017

 

LES MARCHES MONDIAUX

« Vent d'Est, Vent d'Ouest »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2017

15 mai 2017 - Paris

CyclOpe 2016

 

LES MARCHES MONDIAUX

« A la recherche des sommets perdus »

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2016

24 mai 2016 - Paris

CyclOpe 2015

LES MARCHES MONDIAUX

Pour qui sonne le glas ?

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2015

20 mai 2015 - Paris

CyclOpe 2014

LES MARCHES MONDIAUX

Dans le rêve du Pavillon Rouge

A l'occasion de la publication du Rapport Cyclope 2014

14 mai 2014 - Paris

3 novembre

             L’ouverture du G20 à Cannes s’est transformée en sommet de crise pour les Européens. Face au tollé suscité par l’initiative référendaire de Papandreou tant en Europe qu’en Grèce, le premier ministre grec semble avoir reculé. En fin de soirée il se confirmait que finalement il n’y aurait pas de referendum, mais un vote au Parlement suivi probablement de la démission de George Papandreou qui a atteint toutes les limites de sa fonction. L’inconnue grecque reste en tous cas totale.

             La seule bonne nouvelle de la journée est venue de Francfort : Mario Draghi y présidait la première réunion du comité de politique monétaire de la BCE « post Trichet ». Super Mario n’a pas déçu en diminuant de 25 points de base les taux directeurs européens. Le geste est symbolique tant Jean-Claude Trichet nous avait peu habitués à pareils gestes. Pourtant la BCE conserve encore des taux anormalement élevés quand on les mesure à l’aune de l’atonie économique européenne. Il faudrait poursuivre dans cette voie, vite et fort.

             Mais au fond que pensent tous les dirigeants réunis à Cannes pour sauver le monde de cette Europe qui les reçoit et qui se montre incapable de se sauver elle-même.

 

5 novembre

Que retirer de ce G20 cannois? Sur le plan mondial bien peu de choses au fond : Barack Obama et Hu Jin Tao ont profité du pataquès européen pour éviter tout engagement sur les sujets les plus brûlants de la scène internationale : le dossier monétaire a été à peine abordé et les Chinois n’ont fait aucune promesse à propos du yuan et de son statut éventuel de devise de référence : c’est d’ailleurs probablement mieux ainsi, car la convertibilité du yuan serait aujourd’hui prématurée étant donné la situation du secteur bancaire et financier chinois. Quant aux États-Unis, ils ont réitéré leur opposition à toutes espèces de taxe sur les transactions financières. Les Britanniques leur ont emboîté le pas, David Cameron ne pouvant s’empêcher de se féliciter à mots couverts de la fin imminente de l’euro. Il est toujours réconfortant de se sentir entouré de vrais « amis » européens!

             Que restait-il alors de ce G20 au-delà des déclarations lénifiantes : une liste de 29 banques à risque « systémique » à surveiller tout particulièrement (mais par qui?); une autre liste de 11 paradis fiscaux à éviter absolument; à peine un mot sur les problématiques agricoles qui resteront les grandes oubliées de ce sommet.

             La France a passé le relais au Mexique. Étant donné l’état des relations franco-mexicaines, il y a fort à craindre que la page de cette présidence française ne soit brutalement tournée.

 

6 novembre

Retour sur Terre après les flonflons cannois. L’heure est à la rigueur en France. Se fondant sur une prévision de croissance pour 2012 de 1 % (mais les économistes les plus pessimistes sont entre 0,2 et 0,5 %), le gouvernement a présenté un ensemble de mesures pesant encore 7 milliards d’euros. Comme d’habitude, on parle plus de recettes supplémentaires (5,2 milliards) que d’économies nouvelles (1,8), mais pour une fois c’est assez logique dans la mesure où à court terme impôts et taxes supplémentaires sont plus faciles à lever. Au chapitre donc des recettes, la hausse de la TVA de 5,5 % à 7 % pour certaines dépenses comme le bâtiment ou la restauration et même le livre ou le cinéma, le plafonnement des niches fiscales, la désindexation des barèmes des impôts, la majoration de l’impôt sur les sociétés. Plus contestées, des mesures avançant d’un trimestre le passage à la retraite à 62 ans ou la limitation de la revalorisation de certaines aides sociales.

             Au total, l’effort est louable et relativement équitable, les riches étant quand même les plus touchés. Bien sûr, le taux de prélèvement va atteindre 45 % du PIB et ce tour de vis fiscal va limiter un peu plus les perspectives de croissance. Mais à six mois des élections et en plein chaos financier, on ne peut exiger de miracle d’un gouvernement qu’il soit de droite ou de gauche d’ailleurs.

 

10 novembre

Papandreou et Berlusconi n’auront donc pas passé la semaine. L’un et l’autre se sont retirés bon gré mal gré (et de très mauvais gré pour « Il Cavaliere »). Ils vont être remplacés par des technocrates, ce qui pousse certains milieux politiques à y voir la « main des marchés ».

             Et en réalité, ils n’ont pas tort, car ce sont bien les marchés qui ont fait sombrer des gouvernements incapables de la moindre cohérence politique et économique : le vote contre Berlusconi était clair avec des taux italiens à dix ans passés d’octobre 2010 au 4 novembre 2011 de 3,83 % à 7,24 %. Mais doit-on en vouloir aux marchés qui ne sont –faut-il le rappeler– que la somme des anticipations des opérateurs sur l’avenir proche et lointain. Et les opérateurs, ce sont des « institutionnels » qui gèrent notre épargne, nos retraites, nos assurances…

             Le miroir des marchés est bien utile même si parfois on peut déplorer leur comportement moutonnier derrière la première agence de notation venue. Aujourd’hui justement S. and P. a laissé circuler une rumeur de dégradation du AAA de la France. Ce n’était qu’une fausse manœuvre, mais elle illustre bien la puissance et la faiblesse de ces marchés qui nous fascinent et font tomber des gouvernements.

 

11 novembre

Barack Obama vient de repousser à 2013 la décision de mise en chantier d’un nouvel oléoduc, Keystone XL. Il s’agissait d’un projet destiné à sortir le pétrole des sables bitumeux de l’Alberta vers l’Oklahoma (Cushing, le point de livraison du contrat de New York) et puis vers le Golfe du Mexique. Mais ce nouveau tuyau devait traverser des zones sensibles du point de vue environnemental dans le Nebraska. Face à une campagne de protestations de plus en plus forte et à un an des présidentielles, Obama, fidèle à son habitude a choisi de botter en touche.

             Comme l’auteur de ces lignes, les Américains sont de plus en plus nombreux à afficher leur déception vis-à-vis de ce président dont ils attendaient des miracles. Un sondage récent révélait que la moitié des Américains s’identifiait soit au Tea Party, soit au mouvement des « indignés », « Occupy Wall Street ». D’une manière ou d’une autre c’est la revanche de Main Street et de Joe le plombier le personnage inventé par John Mac Cain, l’adversaire républicain d’Obama en 2009. Pour l’instant la chance d’Obama est que les primaires républicaines s’enlisent autour de candidats médiocres sans charisme ni compétences. Mais une victoire par défaut en 2013 ne serait pas un bon signe ni pour les Etats-Unis ni pour le reste du monde.

 

13 novembre

Une centaine de kilomètres seulement séparent Gerone en Catalogne et Perpignan dans le Roussillon : deux villes de taille à peu près comparable, Gerone dans l’ombre de Barcelone et Perpignan dans celle de Montpellier; deux villes qui ne sont pas des escales touristiques majeures bien qu’elles soient l’une et l’autre proches de la Méditerranée, de la côte vermeille et de la Costa Brava. Mais quel contraste entre les deux, comme si on passait du nord au sud de la Méditerranée…

             La vieille ville de Gerone autour de sa somptueuse cathédrale a été admirablement restaurée et mise en valeur tout en conservant une forte activité commerciale : musées et fondations côtoient toute une activité artistique et aussi gastronomique. Malgré la crise économique, ce morceau de Catalogne dégage une impression de prospérité tout à fait remarquable.

             Le patrimoine architectural de Perpignan n’est pas de la même qualité, mais de toute manière tout est fermé, de la cathédrale aux églises et musées. Mais ce qui frappe le visiteur c’est l’état de dégradation de la vieille ville que ses communautés gitanes et maghrébines maintiennent dans un état avancé de saleté. Perpignan donne au visiteur d’une après-midi l’impression d’un morceau de Tiers-Monde. Et Dali qui en avait fait le centre du monde!

 

15 novembre

Le nouveau gouvernement italien réunit des personnalités « apolitiques ». Remarquons en premier lieu la place importante des universitaires à commencer par Mario Monti lui-même qui préside la Bocconi, la première université italienne en économie et gestion, l’équivalent milanais de Dauphine, mais dans une Italie où il n’y a pas de grandes écoles et encore moins d’ENA. L’université y occupe donc une place centrale dans la formation des élites ce qui n’a jamais été le cas en France. Il faut remonter d’ailleurs aux années soixante-dix et à Raymond Barre pour trouver un équivalent français de Mario Monti (soyons honnête DSK était lui aussi universitaire… après HEC). Durant sa traversée du désert Alain Juppé est allé faire quelques cours au Canada, mais de là à en faire un universitaire…

             L’autre élément marquant de ce gouvernement est la création d’un ministère de la coopération internationale confié au fondateur de la Communauté de San’t Egidio, une communauté catholique qui est devenue un acteur majeur des médiations internationales à la fois politiques et spirituelles. Après Berlusconi, on ne pouvait rêver contraste plus flagrant. Chapeau « Super Mario »!

 

16 novembre

             Le parti socialiste a donc capitulé au chantage des Verts sur le nucléaire! Le P.S. ou son candidat, François Hollande, la chose n’est pas claire. Alors que la candidate des Verts, Éva Joly, s’enlise et ne décolle pas dans les sondages montrant bien les limites réelles de la pensée « écologique dure », fallait-il ainsi sacrifier la cohérence énergétique à un accord électoral que les plus durs des Verts trouvent déjà insuffisant.

             Certes, François Hollande a « résisté » sur l’EPR de Flamanville dont les travaux largement entamés seront poursuivis. Mais il a cédé sur la fermeture de 24 centrales dans la foulée de l’emblématique Fessenheim réduisant ainsi à 50 % la part du nucléaire dans l’électricité française et cela à un horizon relativement court (2015). Or le « temps » de l’énergie est un temps long qu’il s’agisse du nucléaire, des énergies renouvelables ou des réseaux intelligents (Smart grid). La seule chose facile sur le court terme c’est de construire des centrales thermiques fonctionnant au charbon comme en Allemagne ou au gaz naturel, lui-même importé ce qui aggravera déficits et dépendance (dans cette débâcle écologique, on n’ose pas parler des gaz de schiste, car ce serait de la provocation).

             Enfin, on sonne le glas d’une filière industrielle d’excellence sacrifiée sur le vain autel des calculs électoraux.

 

17 novembre

             À Chantilly se tenait un séminaire organisé par le pôle de compétitivité IAR (industries des agroressources) qui regroupe l’agro-industrie de Picardie et de Champagne-Ardennes. Le thème en était celui de la bio-raffinerie : le « cracking » des produits agricoles ou de leurs déchets pour produire de l’énergie ou des bases chimiques. L’aréopage est de qualité avec une trentaine d’industriels internationaux et de scientifiques, dont deux prix Nobel français de chimie.

             L’un des problèmes majeurs de la « chimie verte » est la gestion de ses approvisionnemts en termes de coûts (l’instabilité des prix) et de logistique, celle-ci étant liée à leur caractère pondéreux notamment lorsqu’il s’agit des déchets. Étant donné les contraintes de la demande alimentaire mondiale, le développement des agrocarburants de première génération sera limité et il faudra recourir aux bio technologies : sur le sujet brûlant des OGM, l’un des participants rappelle que le dossier des anti-OGM est du point de vue scientifique totalement vide. Durant la discussion, je suis frappé de la totale incompréhension de ces hommes de science pour les débats français sur les OGM. Aucun représentant de la « Société civile » n’avait d’ailleurs été invité. C’est dommage, mais quand on connaît l’intégrisme vert en la matière un débat eut-il été seulement possible !

 

18 novembre

             L’accord entre le PS et les Verts a été l’occasion d’un véritable psychodrame au sein des deux partis tant sur les termes mêmes de l’accord que sur ses conséquences politiques en termes de parachutages électoraux.

             Sur l’accord nucléaire, un paragraphe essentiel de l’accord, celui qui concernait les usines de retraitement des déchets (la filière « mox ») avait été purement et simplement supprimé par l’équipe de François Hollande à la suite –semble-t-il– de pressions des industriels concernés à commencer par Areva. Les Verts ont brutalement réagi et le paragraphe incriminé a été réintroduit. On peut donc bien parler d’une certaine capitulation nucléaire des socialistes qui n’auront finalement sauvé de manière un peu symbolique que l’EPR de Flamanville dont l’arrêt alors que la construction en est bien avancée eut été une ineptie économique.

             Mais les parachutages ont aussi suscité des grincements de dents notamment à Paris. En bons apparatchiks politiques, les dirigeants verts veulent des circonscriptions garanties pour lesquelles ils n’auront pas à se battre, dans une logique de scrutin de liste. On peut les comprendre même si on est loin de l’esprit des institutions françaises.

             Quoi qu’il en soit, ce mauvais accord n’augure rien de bon pour 2012 et la suite…

 

19 novembre

             Benoit XVI est en Afrique, au Bénin, l’un des pays les plus catholiques du continent noir et qui fut longtemps considéré comme le « Quartier Latin »

 de l’Afrique.

             S’adressant aux élites locales, il a été d’une rare franchise : « Trop de scandales et d’injustices, trop de corruption et d’avidité, trop de mépris et de mensonges, trop de violences qui conduisent à la misère et à la mort ».

             Et il a lancé un appel vigoureux : « Ne privez pas vos peuples de l’espérance! Ne les amputez pas de leur avenir en mutilant leur président! Ayez une approche éthique courageuse de vos responsabilités et, si vous êtes croyants, priez Dieu de vous accorder la sagesse… Soyez vous aussi des semeurs d’Espérance!

             En parlant ainsi, le pape a osé briser un non-dit, celui de la malgouvernance qui a « plombé » le développement africain depuis des décennies et qui continue à être la règle de l’Algérie à l’Afrique du Sud. Aucun dirigeant occidental n’avait jamais tenu pareil discours, trop soucieux de ne pas heurter les dictateurs en place.

             Loin de l’image caricaturale que les médias projettent de lui, Benoît XVI continue à tracer un sillon original et a su là retrouver les accents de Paul VI à l’époque de « Populorum Progressio » ; c’était il y a une cinquantaine d’années.

 

20 novembre

             Raz de marée de la droite aux élections espagnoles : les socialistes de Zapatero perdent le pouvoir et sont battus à peu près partout à l’exception de quelques régions d’Andalousie. La droite revient au pouvoir, mais peut au fond remercier Zapatero d’avoir fait une bonne partie du « sale » boulot. L’Espagne est en récession avec un taux de chômage qui dépasse les 20 % et pourtant ce n’est pas le chaos à la grecque ou même à l’italienne. Le gouvernement a bien géré la crise bancaire et malgré le poids de l’endettement immobilier aucune caisse d’épargne –les fameuses « cajas » n’a fait faillite. Certaines banques espagnoles sont d’ailleurs parmi les plus prospères au monde. Le déficit budgétaire espagnol compte tenu des circonstances reste presque modéré et les mesures de rigueur prises par Zapatero feraient pâlir Nicolas Sarkozy.

             Mais il est du destin des politiques que d’être renvoyé par des peuples souvent injustes et inconstants. La droite pourra-t-elle faire mieux? Rien n’est moins sûr.

             Cette élection est aussi marquée par la montée aux Cortes des nationalistes les moins modérés qui rappelle aussi que la construction espagnole demeure fragile.

             Pourtant, c’est sous un gouvernement de gauche, profitant certes de l’épuisement des protagonistes que la violence basque aura été enfin éradiquée.

 

22 novembre

             On peut toujours brocarder la malgouvernance européenne. Mais les États-Unis ne font guère mieux comme le montre l’échec du « supercomité » créé au lendemain de l’accord qui en août avait plafonné la dette américaine. Ce super comité réunissait des démocrates et des républicainsdu Congrès et devait trouver des solutions afin de réduire les dépenses publiques de manière coordonnée en évitant des coupes aveugles. Mais au bout de quatre mois de débats, le « supercomité » a rendu son tablier. Le président Obama a immédiatement pointé du doigt l’irresponsabilité des républicains les plus radicaux : à court terme, il est le grand bénéficiaire de cet échec et ce d’autant plus que ses adversaires républicains pour 2012 manquent singulièrement de consistance : pour le moment il resterait Mike Romney, l’ancien gouverneur mormon et Newt Gingrich, l’ancien « speaker » (président)  de la Chambre des Représentants qui fait un spectaculaire retour sur le devant de la scène politique. Ni l’un ni l’autre ne pèseront bien lourd face à un Obama qui aura pourtant bien déçu et qui –s’il est réélu– aura à démêler un imbroglio institutionnel à côté duquel le problème européen paraît presque simple!

 

23 novembre

             Au déjeuner du Cercle CyclOpe nous employons pour la première fois le mot de « récession ». Et techniquement l’Europe est effectivement en récession tant il est probable que le dernier trimestre de 2011, puis le premier de 2012 s’inscriront en négatif pour de très nombreux pays européens et plus largement pour la zone euro (je préfère toujours parler d’Eurolande).

             Ce constat ne peut surprendre : la plupart des indicateurs avancés comme le moral des chefs d’entreprise ou celui des ménages ont plongé ces dernières semaines. Partout ou presque le chômage augmente et là où il recule (l’Allemagne) l’heure est à la rigueur. En dehors de l’Allemagne justement, la hausse des taux d’intérêt commence à paralyser l’activité. La crise institutionnelle débouche sur la récession.

             Aux États-Unis, la situation est bien différente. Il y a une Banque Centrale accommodante, un Trésor fédéral qui peuvent relancer l’économie, un budget et même des entreprises disposant de liquidités et qui profitent de la situation du marché du crédit pour investir. Sans grand effort, le différentiel de croissance entre l’Europe et les États-Unis sera en 2012 de 1 % à 1,5 %. C’est là bien cher payé notre désordre institutionnel.

 

25 novembre

             Jean-Jacques Annaud a commis de bien meilleurs films et notamment « Le nom de la rose ». Son dernier opus « L’or noir » est un navet à grand spectacle qui sera vite oublié même s’il pose une vraie question à propos des racines de la « malédiction du pétrole ». L’histoire est simpliste : dans une Arabie de pacotille deux émirs se disputent une bande de désert où quelques années plus tard des géologues texans découvrent du pétrole. L’un des émirs saute sur l’occasion et découvre rapidement les joies de la civilisation occidentale. L’autre se mure dans la tradition -celle de l’Islam- et détruit les puits de pétrole. Finalement leurs enfants les réunissent dans une acceptation raisonnée de la modernité sur fond de revenus du pétrole. Et le film se termine sur le bonheur de ce jeune couple alliant tradition et modernité.

             Malheureusement, si le choc de cultures a bien eu lieu, il s’est rarement terminé de manière aussi harmonieuse et cela même dans le cas de l’Arabie Saoudite. Le pétrole et l’argent qu’il a rapporté ont bouleversé les structures sociales provoquant tous les excès et tous les replis. Avec le pétrole, l’Arabie n’a plus jamais été heureuse…

 

26 novembre

             Promenade à Paris dans le bas des Champs-Élysées où se tient le désormais traditionnel « marché de Noël ».

             Les marchés de Noël nous viennent d’Allemagne et d’Alsace. Il s’agit de marchés où se vendent les objets nécessaires aux décorations de Noël et de la Saint-Nicolas : guirlandes, santons pour les crèches. Par extension, on peut y trouver aussi quelques cadeaux à mettre au pied de l’arbre. Noël est en effet une fête ambigüe : fête chrétienne avant tout, elle a des racines païennes (le solstice d’hiver) et a récupéré bien d’autres traditions de Saint-Nicolas au Père Noël.

             Mais rien de tout cela sur les Champs-Élysées : un seul stand vendait des santons de Provence; une crèche quand même présentée par les moniales de Bethléem de manière très discrète (il y aurait eu à ce sujet un débat à la Mairie de Paris sur le caractère nécessairement « laïc » de Noël). Pour le reste à côté de nombreux stands alimentaires, cadeaux et autres objets sans grand intérêt. Seuls les haut-parleurs qui diffusent quelques chants de Noël peuvent faire croire à la foule qui se presse que c’est bien là un marché de Noël.

             Quelle trahison pour tous les enfants que nous sommes restés!

 

28 novembre

             Débat sur France Inter à propos des agences de notation avec Jacques Généreux le conseiller économique de Jean-Luc Mélenchon, le candidat du Parti de Gauche aux présidentielles. Il est professeur à Sciences Po et ne cède pas –ou peu– aux outrances médiatiques. Nous sommes donc assez d’accord sur le jugement que les agences de notation portent sur les grands pays avancés les trouvant même un peu timorées : à l’heure actuelle par exemple les marchés font payer à la France un AAA qu’elle n’a pas encore officiellement perdu. Le « thermomètre » ou le « miroir » (les deux expressions que nous utilisons) est presque en retard sur la réalité. Paradoxalement, cependant l’impact du jugement des agences demeure inégal : les États-Unis ont perdu leur AAA et pourtant leurs conditions d’emprunt n’ont guère changé. En Europe, c’est tout le contraire.

             Sur ce plan, les propositions de J.Généreux sont au fond cohérentes et hétérodoxes. Il propose de faire appel à l’épargne nationale (ce qui se fait de manière spontanée en Italie), d’augmenter les impôts et surtout d’augmenter la création monétaire par la ou les banques centrales. En clair, cela reviendrait à engager un processus inflationniste qui est effectivement l’une des solutions pour sortir de la crise de la dette. D’un point de vue historique, c’est d’ailleurs la seule solution qui ait jamais marché.

 

29 novembre

             Les chiffres du chômage nous ramènent aux pires jours de la récession de la fin du XXe siècle. On compte en France 2,8 millions de chômeurs au sens du BIT, mais en fait plus de quatre millions de personnes sont affectées par le chômage ou le sous-emploi. Le chômage français autour de 10 % de la population active est à peu près celui d’eurolande, mais l’écart est impressionnant entre les 4,1 % autrichiens, les 6,9 % allemands et les 22,8 % espagnols!

             Dans le cas de la France, la remontée du chômage est intervenue assez tard puisque l’économie française était encore créatrice nette d’emplois au premier semestre 2011. La dégradation apparaît nettement à partir de la fin du printemps, mais c’est surtout au début de l’automne que le sentiment de crise a pénétré aussi le marché du travail avec des annonces de vagues de licenciements massifs par quelques-unes des plus grandes entreprises françaises de PSA à Areva.

             Pendant ce temps-là, le chômage allemand continue à diminuer et l’écart aujourd’hui ne peut s’expliquer ni par la démographie ni par le différentiel de croissance entre les deux pays, mais bien par les réformes courageuses lancées par le chancelier Shröder au début du XXe siècle au moment où la croissance forte permettait de les rendre un peu moins douloureuses. Pendant ce temps-là, en France, on rêvait de cagnottes à partager, on sanctifiait les 35 heures, on s’arcboutait sur les avantages acquis. Le résultat est là.

 

30 novembre

             Le Maroc a donc entamé sa transition démocratique en mettant en œuvre la nouvelle constitution promulguée par le roi Mohammed VI. Comme en Tunisie et en Égypte, les élections ont placé en tête –mais sans la majorité– un parti islamiste « modéré », le PJD et son dirigeant, Abdelillah Ben Kirane, sera donc le prochain premier ministre marocain. Les islamistes, réunis au sein d’un seul parti (avec quelques divergences) ont –là comme ailleurs– profité de l’éparpillement des partis laïcs de gauche comme de droite.

             Si on les additionne, en effet, les partis « laïcs » sont au Maroc comme en Tunisie majoritaires.

             Au Maroc, la situation est bien sûr plus complexe : le roi est en effet « commandeur des croyants » (et descendant du prophète) et s’est révélé ces dernières années fort progressiste en ce qui concerne par exemple le droit de la femme ou celui du mariage. Il représente le principal obstacle à la montée d’un islam radical qui chercherait à marquer la société marocaine de son empreinte. Il est aussi la principale chance de concilier islam et laïcité (au moins relative) dans un Maroc, certes en plein décollage économique, mais où les inégalités sont criantes.

             Le « modèle » de l’AKP turc vient immédiatement à l’esprit malgré ses propres ambiguïtés. Le défi du Maroc va être de le dépasser et de marquer son propre sillon.