1er Janvier 2014
Vœux
A l’occasion d’une « galette » quelques amis sont réunis. Ils ont répondu à deux questions : les trois événements marquants de l’année passée et ce qui devrait être selon eux le plus important en 2014. Bien entendu il ne s’agit pas d’un échantillon représentatif de la société française : des sexagénaires plutôt bien installés, la plupart catholiques pratiquants et pour l’essentiel de droite (j’ai longtemps parmi eux fait figure de … gauchiste !)
A la première question le choix unanime se porte sur l’élection du Pape François (et pas un mot sur la démission de Benoît …). Vient ensuite le couple Mariage pour tous / Manif pour Tous et puis loin derrière la mort de Nelson Mandela et l’opération Serval au Mali. On a cité ensuite le cyclone aux Philippines, l’implantation d’un cœur artificiel et l’échec de la politique suivie par François Hollande.
Pour 2014 les choix sont beaucoup plus hexagonaux et « marqués » politiquement. C’est la démission de François Hollande qui vient en tête devant la dissolution de l’Assemblée Nationale et l’échec de la gauche aux élections avec, aux européennes, une montée des extrêmes. Une seule voix sur la cinquantaine des suffrages s’est portée sur la Coupe du Monde de football.
On ne peut bien sûr tirer de conclusions tranchées de pareil exercice se ce n’est le fossé qui existe entre toute une partie de la France et un pouvoir tout aussi personnalisé qu’à l’époque de Nicolas Sarkozy. La rupture est là totale.
3 Janvier
Classements
En début d’année c’est le temps des classements issus de l’année écoulée : les plus fortes hausses des marchés boursiers avec la performance étonnante de la bourse de Caracas
(+ 480%) devant celle de Dubaï (+ 107 %) ; les plus importantes capitalisations boursières (Apple à $ 504 milliard devant Exxon Mobil, Google et Microsoft) ; et puis, un grand classique, les plus grandes fortunes de la planète. Là il n’y a pas de changement au sommet : Bill Gates ($ 78 milliards) devant le mexicain Carlos Slim. Mais ensuite en dehors des « classiques » comme Warren Buffett et les frères Koch, on trouve les fondateurs de Zara, Ikéa et Oracle. Au fond c’est un subtil mélange d’héritiers et de créateurs d’entreprise que celles-ci soient de la nouvelle économie ou de bonnes vieilles activités de distribution plus ou moins intégrées. Au total les 300 plus grandes fortunes de la planète pèsent $ 3 700 milliards et se sont accrues de 15 % en 2013. C’est peut-être ce chiffre là qui est le plus inquiétant car il montre bien que les très riches ont augmenté leur part du gâteau. Certains comme Gates et Buffet en sont conscients et mettent leur forme au service du Bien Commun. Malheureusement ils sont bien rares notamment dans un pays comme la France.
Un dernier classement est plus affligeant encore : de la « valeur » au prix du marché des effectifs des clubs de football européen, de 583 millions d’euros pour le Real Madrid à 361 millions pour le PSG. Cela ne fait guère sourire.
5 Janvier
Mondialisation
« La mondialisation nous rend proches mais ne nous rend pas frères. En outre, les nombreuses situations d’inégalités, de pauvreté et d’injustice signalent non seulement une carence profonde de fraternité, mais aussi l’absence d’une culture de la solidarité. Les idéologies nouvelles caractérisées par un individualisme diffus, un égocentrisme et un consumérisme matérialiste affaiblissent les liens sociaux en alimentant cette mentalité du « déchet » qui pousse au mépris et à l’abandon des plus faibles, de ceux qui sont considérés comme « inutiles ». »
Ce diagnostic lucide et sévère est extrait du message du pape François publié le 1er Janvier 2014. Il vaut d’être compris et médité. La mondialisation est par essence créatrice d’inégalités car la croissance ne peut-être égale pour tous. Il est bien sûr du rôle des états de limiter les effets les plus nocifs de ces inégalités mais on voit un peu partout – notamment dans les pays avancés – que l’état ne peut tout faire. Au-delà des solidarités publiques, il doit y avoir cette fraternité dont parle François, une fraternité qui doit déborder nos propres cercles pour aller vers les inutiles, vers les « déchets » de nos sociétés. Que ce mot de déchet d’ailleurs est fort, violent même fait pour nous interpeller. Au moment où l’on cherche à organiser des économies pratiquant le « zéro-déchet », ce sont des hommes que nous abandonnons ainsi. En ce début d’année, alors que nos trottoirs sont pleins de sapins de Noël aux pieds desquels hier encore il y avait des cadeaux, n’oublions pas ces inutiles qui sont aussi nos frères.
8 Janvier
Réformes
Le microcosme ne cesse de s’interroger. François Hollande a-t-il ou non décidé de prendre un virage « social-libéral » ? On n’en finit pas de faire l’exégèse de ses vœux aux français du 31 Décembre dernier. Le ton était certes martial et volontariste mais les vœux apparaissaient bien… pieux. Certes il y avait la main tendue aux entreprises désormais baptisée « pacte de responsabilité » mais au-delà des mots, on ne voit guère de marges de manœuvre, une bonne partie des munitions ayant été brulées avec le malheureux CICE.
Un nouvel engagement a été pris en matière de finances publiques, à hauteur semble-t-il de 50 milliards d’euros d’ici 2017. Mais en année d’élections municipales pourra-t-on par exemple toucher au trou sans fond des dépenses des collectivités locales ?
Bien entendu on pense au virage pris par François Mitterrand en 1983. Mais François Hollande est trop fin politique pour ne pas savoir que cela c’était terminé par l’alternance politique de 1986. Avec le quinquennat, le temps politique a changé. Le véritable modèle est en fait celui des réformes allemandes de Gerhard Schröder qui ont quand même couté le pouvoir aux socialistes allemands.
Or la France ne peut s’offrir le luxe de quelques mesures isolées cristallisant le mécontentement sans changer profondément la donne économique et sociale. Une refonte « sociale libérale » (pour reprendre le vocabulaire choisi) du modèle français est nécessaire. Mais pour aller au bout de sa logique, il faut être prêt à tout sacrifier, à commencer par son avenir politique. Est-ce le cas ?
9 Janvier
OGM
Ah qu’il est doux d’être grand père et le soir de garder une adorable petite fille de quatre mois. La maman de Jeanne nous a fourni les couches à utiliser pour la changer. C’est une marque suédoise jouant à fond la carte du « naturel » : des couches pour enfants de « bobos » : bien entendu les matériaux sont naturels et « renouvelables » (ce qui parait évident pour des produits forestiers) mais surtout on insiste pour signaler que le « film est à base d’amidon de maïs sans OGM ». Jusqu’où la bêtise ne va-t-elle pas se loger : jusque dans les couches de ma petite fille, « développées en Suède » mais en réalité fabriquées en Turquie (il faut d’ailleurs vraiment chercher les caractères minuscules du « made in Turkey »).
J’avoue que le lien entre les OGM et les fesses de ma petite fille m’échappe. J’avais eu l’occasion de défendre en Haut Conseil des Biotechnologies le dossier d’une pomme de terre OGM plus riche en amidon et destinée aux utilisations non-alimentaires et notamment papetières. En dehors des plus doctrinaires des opposants, ceux pour lesquels les OGM sont un crime contre la nature (et qui rejettent aussi les OGM pour le coton), la discussion avait été relativement sereine. Mais là en quoi l’utilisation d’amidon issu de maïs OGM dans la production de films de papier hygiénique représente-t-elle un risque ? Il n’y a là qu’un argument commercial pour citadins en mal de nature. Mais alors, chers amis, revenez donc aux langes en tissus !
11 Janvier
France
En France, alors que la situation économique demeure préoccupante (et la saison des soldes ne parait pas très bien partie), le sordide, le vaudeville et même la tragicomédie font diversion auprès des français, occupent la une des journaux et du net et montrent bien l’insondable légèreté de nos concitoyens et de ceux qui les manipulent.
Il y eut d’abord l’affaire Dieudonné, triste histrion antisémite que l’acharnement du ministre de l’intérieur a presque réussi à transformer en martyr. Il y a aussi la vie privée – tumultueuse et complexe – du président de la République qui laisse au fond assez indifférent des français relativement blasés en matière de frasques sexuelles de leurs dirigeants.
Malheureusement un autre incident n’a pas suscité les réactions d’indignation qu’il méritait : il s’agit de la profanation de l’Eglise de la Madeleine à Paris par une militante « Fenem » mimant un avortement avant que d’uriner près de l’autel. Vis-à-vis de toute religion minoritaire, un tel acte aurait provoqué des condamnations immédiates. Mais en France – état laïc mais de culture catholique – l’Eglise catholique est perçue comme une institution que l’on peut contester à loisir y compris par la violence. Curieux pays au fond qui fait du « French bashing » pour son propre compte et qui peine à distinguer l’essentiel de l’accessoire.
14 Janvier
France
Les français sombrent dans une « dépression collective ». Tel est le résultat du baromètre de confiance publié par le CEVIPOF de Sciences Po.
On y découvre une image des français de plus en plus repliés sur eux même dans un véritable égoïsme : 75 % des français ne font ainsi pas spontanément confiance aux autres, surtout lorsqu’ils sont différents, ce que l’on peut qualifier « d’hétérophobie ». Cette absence de confiance n’est pas nouvelle : Francis Fukuyama avait depuis longtemps classé la France parmi les sociétés de défiance, remarquant que dans le cas de notre pays, toutes les intermédiations passaient par les puissances publiques : le cœur du modèle français était bien le rôle central de l’état dans les rapports entre les citoyens. Et l’état ayant été longtemps en France d’une remarquable efficacité, ceci pouvait nourrir la confiance des citoyens. Tel n’est plus le cas aujourd’hui et les français ne font plus guère confiance aux institutions publiques : si l’hôpital, l’armée et la police font encore presque l’unanimité, on n’attend plus rien du monde politique à la seule exception de l’échelon le plus proche de la vie quotidienne, le conseil municipal.
Moroses, méfiants, doutant de l’avenir, fatalistes et cyniques dans leur rapport au politique, les français seraient par contre un peu plus libéraux sur le plan économique. Mais il n’est pas certain qu’ils accepteraient pour autant la réforme de ce modèle français qui est aujourd’hui un véritable piège.
15 Janvier
Régulation
La nouvelle directive sur les marchés financiers (MIF-2) vient d’être adoptée par les instances européennes après un long marchandage entre les états, la Commission et le Parlement européen. Globalement elle va dans le bon sens, celui de la transparence et de la régulation : l’Europe ne dispose pas en effet de commissions de contrôle comparable à la CFTC américaine et en bien des domaines l’Autorité Européenne des Marchés Financiers demeure balbutiante.
Le champ des marchés de matières premières est aussi concerné avec la mise en place de limites de position sur les marchés. Les ONG – Oxfam en tête – se sont beaucoup agitées sur cette question faisant de la lutte contre la « spéculation financière » un de leurs axes majeurs de communication. Le thème est, il est vrai, facile, simpliste et … totalement erroné ! Sur des marchés transparents et bien régulés (avec effectivement des limites de position et une surveillance régulière des marchés comme le fait la CFTC aux Etats-Unis), la spéculation a le mérite d’apporter la liquidité nécessaire pour permettre à tous les opérateurs – y compris les producteurs agricoles – de gérer leurs risques. A la limite plus les volumes spéculatifs sont importants, plus efficients sont des marchés dont les prix demeurent – in fine – déterminés par la logique des fondamentaux. Voila un raisonnement difficile à faire comprendre et en tout cas Bruxelles s’est un peu trompé d’objectif : il faut réguler plutôt qu’interdire.
16 Janvier
Allemagne
En 2013, la croissance économique allemande n’a été que de 0.4 %. Le chiffre est décevant et même surprenant pour tous ceux qui voyaient dans l’Allemagne le moteur économique de l’Europe. De manière plus étonnante encore la principale source de croissance allemande a été la consommation des ménages (+2.5 %) alors que l’investissement des entreprises a régressé (- 0.3 %). De même la contribution du commerce extérieur allemand à la croissance a été négative (- 0.3 %) alors que l’Allemagne dégage le premier excédent commercial de la planète (200 milliards d’euros soit 7.3 % du PIB). Tout ceci va à l’encontre de l’idée reçue qui porte aux nues les entreprises allemandes et qui fustige la mollesse de ses consommateurs.
En fait le modèle allemand est de plus en plus « externalisé » : les entreprises y compris les ETI du Mittelstand délocalisent leurs activités tant en Asie que chez les voisins de l’Est. Ainsi il y a plus de voitures « allemandes » fabriquées hors d’Allemagne qu’entre le Rhin et l’Oder. Les entreprises investissent certes mais hors d’Allemagne : « Deutschland AG » ne s’est jamais aussi bien portée alors que l’Allemagne tout court, malgré un niveau d’emploi qui n’a jamais été aussi élevé, ne progresse que de manière fort médiocre.
Tout ceci rappelle la situation qui est celle du Japon depuis une dizaine d’années. Mais au cœur de l’Europe, cette langueur allemande est inquiétante …
17 Janvier
Australie
Quel lien y a-t-il entre les internationaux de tennis d’Australie et le prix des céréales ? La chaleur tout simplement ! Cette semaine à Melbourne, les internationaux d’Australie ont du être interrompus à plusieurs reprises, la température dépassant par moments les 45° à l’ombre. Mais la canicule australienne n’affecte pas que les hommes. Les récoltes de céréales devraient être touchées même si la sécheresse intervient au moment de la récolte. Et puis il y a surtout l’élevage avec une diminution de la production laitière et surtout une augmentation des abattages qui risque donc de réduire le cheptel de l’un des plus importants producteurs de viande au monde.
Ce n’est pas la première fois qu’à Melbourne les joueurs de tennis tombent comme des mouches. Et il faut donc bien parler d’un phénomène récurrent et de la réalité d’un réchauffement climatique qui risque de transformer en déserts des régions agricoles parmi les plus fertiles du monde. Et les jeux du stade sont bien secondaires quand on les compare aux enjeux alimentaires de la planète. A tous ceux qui ne rêvent que de cultures bio et qui fauchent les OGM, il faut répondre qu’au contraire jamais il n’a été aussi important de pousser les biotechnologies végétales vers des plantes capables de résister à des stress hydriques et thermiques. N’est ce pas d’ailleurs ce que l’on fait avec les joueurs de tennis !
19 Janvier
Migrations
Ce dimanche est pour l’Eglise catholique celui de la journée mondiale des migrants. Il s’agit de la centième journée puisque celle-ci avait été instituée par le pape Benoît XV juste avant la Première guerre mondiale. Les migrations étaient alors importantes : celles des européens vers les Amériques, celles des chinois et des indiens dans le Pacifique. Ils quittaient la misère en rêvant d’avenirs meilleurs. En ces derniers années de la première mondialisation, les hommes circulaient librement – ou presque – sur la planète. Il y avait encore des espaces vierges à conquérir, des places à se faire.
Un siècle plus tard les migrations sont moins importantes, plus contrôlées, voire dans nombre de cas impossibles. Le migrant n’est plus le bienvenu sauf s’il est riche et bien éduqué. Les pays riches se claquemurent de barrières, le long du Rio Grande ou autour de Ceuta ou de Melilla. Les marchandises n’on jamais circulé aussi facilement et aussi vite. Les informations, les communications se font en temps réel. Mais cette deuxième mondialisation se fait sans les hommes, sans la liberté pour les hommes de circuler. Les barrières ne sont plus celles de l’espace ni même de la langue : elles sont celles de la peur et de l’égoïsme, de l’incompréhension vis-à-vis de l’autre, de sa culture et de sa religion. Il y a encore là bien du chemin à faire.
21 Janvier
Peugeot
Peugeot va changer d’actionnaires dans un montage qui ménage la chèvre (le chinois Dong Feng) et le chou (l’état français). Ce « lion à trois têtes » suscite de nombreuses interrogations quand au rôle et à l’influence exacte des trois partenaires. Le retrait progressif de la famille (qui malgré des erreurs a joué son rôle de manière fort honorable et presque trop « française »), la montée en puissance du chinois qui fait presque figure de « gendre idéal » tout ceci parait assez logique. Mais que dire de l’état français qui va quand même prendre près de 15 % d’un groupe, certes en difficultés mais qui est loin de quelque dépôt de bilan que ce soit. Les précédents d’Alstom ou de General Motors aux Etats-Unis ne sont pas comparables, Général Motors étant même passé par la faillite (le chapitre 11).
Dans le cas de Peugeot, on assiste bel et bien à la renaissance de l’intervention publique dans la stratégie d’une grande entreprise dans la grande tradition du dirigisme industriel qui a caractérisé en France la deuxième partie du XXe siècle et auquel notre pays doit quelques uns de ses plus beaux succès du nucléaire au TGV sans oublier Airbus. Mais les temps ont changé et il n’est pas certain que l’entrée de l’état au capital de Peugeot soit autre chose que la survivance anachronique d’un temps révolu. La faiblesse de Peugeot tient en effet a son caractère trop hexagonal que paradoxalement Renault a su éviter. On ne peut raisonner seulement en termes d’emplois en France. Cela l’état stratège le sait et devra en tirer les conséquences.
22 Janvier
Matières Premières
Présentation des prévisions de Cyclope pour les marchés mondiaux en 2014. C’est un exercice qui commence par la correction de nos prévisions de l’année précédente. En 2013 nous n’avions « globalement » pas été trop mauvais, anticipant un recul de 3 % des prix mondiaux qui finalement a été de 5 %. Il y a quelques erreurs que l’on peut expliquer par des accidents climatiques (la forte hausse des produits laitiers à la suite de la sécheresse du printemps en Océanie) ou, comme pour le nickel, par la prise en compte insuffisante de la hausse de la production de fonte de nickel en Chine.
Pour 2014, outre les classiques interrogations sur le climat et la géopolitique, la principale question porte sur la croissance chinoise puisque la Chine est – plus que jamais – l’importateur, le transformateur et le consommateur le plus important de presque toutes les matières premières (et secondaires). Avec une prévision de 8 % en 2014 (supérieure à un consensus plus timide autour de 7.5 %), les marchés devraient rester soutenus. Ceci n’empêchera pas une poursuite de la baisse des marchés des grains (notamment le soja) ou la poursuite du marasme du marché de l’aluminium. Globalement les prix devraient baisser en moyenne de 4 %, de 8 % si l’on ne tient compte ni du pétrole – qui resterait stable autour de $100 le baril – ni des métaux précieux. Ainsi le choc sur les marchés, commencé en 2005/2006 se poursuivrait encore tiré par l’appétit des pays émergents. Gare cependant au moindre dérapage notamment chinois.
23 Janvier
Bretagne
Locarn est à peu près exactement au centre de la Bretagne. C’est là dans un hameau dont les maisons les plus anciennes remontent au XVIe siècle que Joseph Le Bihan, âgé aujourd’hui de 84 ans a créé l’institut de Locarn – Joseph Le Bihan, a été une figure majeure de l’émergence de ce que l’on peut appeler le modèle agro-alimentaire breton. Fils de petit paysan, il fut chercheur à l’INRA et-il y a exactement quarante ans – mon professeur à HEC, l’un des rares « maîtres » qui ait marqué ma formation. Il m’avait demandé aujourd’hui de venir porter un regard extérieur sur ce modèle en crise au cœur d’une Bretagne elle-même en proie au doute et à la contestation à l’image d’un mouvement des « bonnets rouges » dont Locarn est un des fiefs les plus importants.
L’exercice, devant un parterre de dirigeants et d’anciens dirigeants de l’agro-alimentaire breton, était périlleux : les faiblesses actuelles tiennent pour une partie aux contraintes nationales mais aussi à des spécificités bretonnes : difficile relève d’une génération formée pour l’essentiel à la JAC, absence de véritables pôles économiques, faible dynamique régionale même. Mais la critique amicale d’un étranger a suscité – comme je le craignais – après un moment de déni, une réaction « bretonnante » à la limite même du sécessionnisme au moins fiscal. Ce n’est pas la meilleure manière d’affronter l’avenir.
Locarn va se doter d’un institut de prospective « Jules Verne ». C’est là une réflexion plus féconde que le retour vers l’illusion de l’indépendance bretonne.
24 Janvier
Chine
Pendant toute la semaine, « Le Monde » et quelques uns des plus importants quotidiens mondiaux ont fait leurs unes avec les résultats d’une vaste enquête menée par un consortium de journalistes indépendants (l’ICIJ basé à Washington) sur la corruption des familles des dirigeants chinois, ceux que l’on surnomme les « princes rouges ». Ceci a suscité des autorités de Pékin les réactions habituelles en matière de blocage des sites des journaux concernés.
L’enquête en elle-même n’apprend rien à tous ceux qui, familiers de la Chine, se sont intéressés à cette nouvelle aristocratie qui domine l’Empire du milieu. En 2012, l’affaire Bo Xilai et plus récemment la chute de Zhou Yong Kang, l’ancien chef de la sécurité issu des milieux pétroliers, en avaient révélé les côtés les plus nauséabonds voire criminels. Même la presse « people » suit en Chine les amours princiers de la jeunesse dorée.
Néanmoins on change là de dimension avec la mise en évidence de tout un réseau de sociétés installées dans les paradis fiscaux comme les Iles Vierges britanniques. On voit aussi de véritables cas de corruption impliquant les familles des dirigeants les plus importants comme l’ancien premier ministre Wen Jia Bao et même l’actuel président Xi Jin Ping, celui là même qui, depuis son accession au pouvoir, a fait de la lutte contre la corruption un de ses chevaux de bataille. On est là bien loin de l’idéal confucéen du prince éclairé que le régime cherche à mettre en avant. Encore un nouveau risque chinois.
25 Janvier
SDF
Plongée dans l’univers des SDF avec le superbe film – documentaire de Claus Drexel, « Au bord du monde ». Le film est beau d’un point de vue esthétique : Paris en hiver la nuit, autour des plus beaux monuments, des images somptueuses au cœur desquelles on trouve ceux que si souvent nous voulons ignorer, les SDF ou plus précisément dans ce cas les « clochards », le monde de la « cloche » que l’on aurait presque tendance à qualifier de traditionnel, par opposition avec la paupérisation des plus jeunes : une quinzaine de « personnages » qui vivent au bord de notre monde dont ils ont décroché en général depuis de nombreuses années. Le film ne porte aucun jugement moral si sur eux, ni sur nous. Il nous montre simplement un envers du décor que nous côtoyons au quotidien, que je croise si souvent au détour des campements de fortune du bois de Boulogne. Sa force vient aussi du contraste entre le brillant de la « ville lumière » et l’obscurité de ceux qui en sont exclus. On est là bien loin de la question des politiques publiques d’assistance, loin de l’analyse rationnelle des problèmes d’exclusion. On s’interroge sur les chemins qui ont mené à pareille séparation de la société, à l’absence, probablement à des moments cruciaux de leur vie, d’une main ou même d’un regard. De cette projection – la plus forte qu’il m’ait été donnée de voir depuis longtemps – on sort petit, humble, impuissant. « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens … »
28 Janvier
Chômage
Il n’y a donc pas eu de miracle et la France comptait à la fin de 2013 le nombre record de 3.3 millions de chômeurs (en catégorie A), 177 000 de plus qu’un an plus tôt. Seul le chômage des jeunes diminue depuis le mois d’Avril, cela grâce au dispositif des emplois d’avenir. Par contre il y a désormais plus de 2 millions de chômeurs de longue durée (plus d’un an pour les catégories A, B et C), la moitié d’entre eux apparaissant sur les listes de Pôle Emploi depuis plus de deux ans. Le constat est malheureusement implacable et trouve sa logique dans une croissance française proche de zéro au-delà des aléas saisonniers.
François Hollande a perdu un pari qui tenait de la méthode « Coué » tant il paraissait irréaliste. Il ne sert à rien de demander la démission d’un ministre du travail qui ne pouvait faire l’impossible et dont le dispositif des emplois d’avenir a quelques mérites dans la mesure où il touche des populations en voie d’exclusion. Il est dangereux aussi de trop espérer du désormais célèbre « pacte de responsabilité » : globalement les entreprises françaises sont en situation de sur-effectif dans la mesure où elles ont privilégié ces dernières années le maintien de l’emploi. Les engagements solennels (un million d’emplois nouveaux) sont tout aussi irréalistes que les promesses des politiques. Il faut être réaliste : avec une croissance en 2014 qui ne pourra atteindre 1 %, la situation va continuer à se détériorer.
C’est la croissance qui – in fine – détermine la dynamique du marché du travail. Le traitement social est nécessaire mais pas suffisant. L’heure n’est plus aux demi-mesures !
30 Janvier
Etats-Unis
Barak Obama a de la chance, ce qui est essentiel pour un homme politique. La reprise de la croissance américaine vient sauver un second mandat bien terne. Au second semestre 2013, la croissance a dépassé les 3.5 % notamment grâce au dynamisme des exportations. Les Etats-Unis profitent à plein de leur nouvelle compétitivité énergétique. Dans son discours sur l’Etat de l’Union il pourra aborder de manière sereine la question économique. Tout n’est pas rose pour autant. Le retour de la croissance n’est pas homogène et les inégalités ne cessent d’augmenter : sur les vingt dernières années, la part de revenus des 10 % les plus riches est passée de 35 % à 50 %. Les classes moyennes –« blue » ou « white collars »- sont de plus en plus laminées. Du côté de l’emploi, le bilan est certes favorable mais à la fin de 2013, les Etats-Unis n’avaient toujours par retrouvé le niveau de 2007 : si le taux de chômage baisse tel n’est pas le cas du taux de participation au marché du travail.
Il y a enfin la menace de la diminution progressive de la politique de liquidité de la Fed. Demain Ben Bernanke va céder la présidence de la Fed à Janet Yellen qui aura la lourde tâche de gérer progressivement le sevrage de l’économie américaine dont les doses de « médocs » (les injections de liquidité) vont être peu à peu réduites.
La sortie de crise des Etats-Unis est donc bien réelle et a de quoi faire rêver les européens mais elle reste bien fragile au-delà des records de Wall Street.
31 Janvier
Chine
Pour célébrer le passage en l’année du Cheval, Lenovo vient d’offrir à la Chine pour un peu moins de $ 3 milliards le mythique Motorola, le fabricant de téléphones mobiles qui fut un pionnier, bien avant Nokia, et qui avait totalement raté le passage aux téléphones intelligents et autres « Smartphones ». Même Google, qui avait pris le contrôle de Motorola il y a quelques années, avait été incapable de relancer le fabricant américain. Voila donc Lenovo à la manœuvre : le chinois avait déjà racheté les ordinateurs portables de IBM et a su faire de la mythique marque « Thinkpad » une référence sur un marché désormais en perte de vitesse.
Lenovo donne ainsi de la Chine une image dynamique et conquérante bien différente de celle de l’assembleur de produits conçus en Occident, comme les I phones, et I pads, à laquelle nous sommes habitués. La montée en puissance de la Chine en tant que concepteur et créateur de produits « mondialisés » est un des enjeux majeurs derrière les débats récurrents sur la résilience de la croissance chinoise. La Chine a pour l’instant absorbé comme une éponge nombre de produits et symboles occidentaux. Le temps du calque et de la copie est passé quitte à racheter quelques vieilles icones.