Un grand vent de tempête a soufflé durant tout l’été sur les marchés financiers.
Le scénario de 2008 -encore bien vivace dans les mémoires- a marqué tous les esprits alors que s’accumulaient des signes de ralentissement économique poussant le vieux monde sinon vers la récession au moins vers la stagnation. Mais à la différence de 2008, les marchés de matières premières ont à peine plié et restent en ce début de Septembre 2011 à des niveaux pour la plupart historiquement élevés.
Il y a eu bien entendu le cas de l’or et plus largement des métaux précieux. La « relique barbare » est encore une fois apparue comme le refuge idéal contre tous les aléas monétaires et financiers : entre 1800 et 1900 dollars l’once, l’or se trouve presque en situation d’apesanteur. Mais il en est de même pour l’argent au-delà des 40 dollars l’once et pour les platinoïdes. Nous sommes là loin des fondamentaux économiques et il y a longtemps que l’or n’est plus un indicateur conjoncturel sérieux.
Tél n’est pas le cas des métaux non ferreux et de la sidérurgie : or le cuivre à 9000 dollars tout comme le minerai de fer, les ferrailles ou l’acier (à plus de 700 dollars la tonne) ont à peine fléchi durant l’été notamment grâce à la dynamique de la demande chinoise. Dans le domaine industriel, la baisse la plus forte a été enregistrée pour le coton qui a perdu la moitié de sa valeur la plus haute en quelques mois du fait d’une forte augmentation de la production mondiale. Dans une moindre mesure cela a été aussi le cas du caoutchouc.
Par contre dans le domaine alimentaire les tensions sont demeurées fortes : une légère détente du marché du blé a été plus que compensée par les inquiétudes pesant sur le maïs et le soja, alors que le sucre rénouait avec des sommets de 30 cents (américains) la livre. Les petits déjeuners estivaux ont continué à être fort onéreux.
Il n’y a pas eu enfin d’effondrement du marché pétrolier même si la lecture en est de plus en plus perturbée par le différentiel de quelques 25 dollars qui s’est crée entre le brut européen (le Brent) et celui coté sur le marché américain (le « West Texas Intermediate ») : 110 à 115 dollars pour le baril de Brent et 85 à 90 dollars pour celui de WTI. Au-delà de raisons techniques il faut quand même voir là les conséquences d’une certaine atonie de la consommation aux Etats-Unis ainsi que l’impact du prix du gaz naturel déprimé par le développement de la production des gaz non conventionnels (shale gas).
Au-delà d’explications liées aux aléas du climat ou de la géopolitique, la principale raison de la fermeté des marchés est à mettre au compte de la demande et tout particulièrement de la demande chinoise. Contrairement à beaucoup d’anticipations, la Chine ne donnait encore, début Septembre, aucun signe de ralentissement : la croissance de la production industrielle demeurait aux alentours de 13 % à 14 % en rythme annuel et le niveau des importations de matières premières ne cessait d’augmenter. A quelques exceptions prés comme le blé ou le sucre, les marchés mondiaux en sont venus à être totalement dépendants du débouché chinois ce qui leur a permis de traverser la crise mais qui les place dans une situation de totale dépendance vis-à-vis des moindres hoquets de l’économie de l’Empire du Milieu. Au même moment les cotations des marchés ou des ports chinois prennent de plus en plus d’importance et concurrencent les références américaines et européennes. Même le marché du fret maritime a profité de la vigueur des importations chinoises.
Alors même que dans les réunions du G 20, dont le chapitre sur les matières premières est considéré comme capital par la présidence française, on s’inquiète de l’influence de la « spéculation financière » sur les marchés de matières premières, le comportement de ces derniers durant les semaines estivales montre bien les limites de cette analyse à l’exception notable des marchés des métaux précieux. Toutefois le déplacement du centre de gravité de la demande vers l’Asie ainsi que le développement de nouveaux marchés dérivés mettent en évidence les besoins d’une gouvernance internationale mieux adaptée. C’est là l’un des enjeux majeurs des négociations du G20.
Au même moment enfin une partie du monde, la Corne de l’Afrique, connaissait une famine dramatique, certes due beaucoup plus à la folie des hommes qu’à l’ampleur de la sécheresse. Au-delà de la relative indifférence de la communauté internationale, de son impuissance aussi, elle nous rappelle qu’au-delà des marchés, il y a des besoins essentiels qui tiennent à d’autres logiques, non plus de la spéculation mais de la compassion. Plus que jamais on se prend à méditer une merveilleuse phrase de Jean Paul II (dans son encyclique « économique », Centesimus Annus) : « avant toute logique des échanges à parité de marché, il y a un certain dû à l’homme parce qu’il est homme en raison de son éminente dignité ». Ne l’oublions pas en cet été 2011.