Longtemps les rois de France furent thaumaturges et par le toucher des écrouelles au moment de grandes fêtes religieuses ils pouvaient contribuer à la guérison des malades par la célèbre formule « Le roi te touche, Dieu te guérit ». Cette coutume disparut sous la Restauration mais apparemment elle a laissé quelques traces au sein même de l’actuel gouvernement qui par sa seule volonté prétend s’imposer aux éléments déchainés des marchés de l’énergie : poussé par l’opinion publique malade des hausses de prix, le « prince » doit toucher les écrouelles des budgets des ménages et si possible les guérir en leur garantissant un horizon politique qui ne peut être celui des marchés mondiaux : ainsi en est-il de cet engagement absurde et « ridicule » (au sens philosophique) de « pas de hausse du prix du gaz avant les présidentielles » ! Et que dire du prix de l’électricité qu’il ne faudrait pas toucher en plein débat sur le nucléaire. Enfin faut-il vraiment se pencher sur le sort des automobilistes par quelques nouveaux cadeaux fiscaux ?
Il n’est peut-être pas inutile de rappeler quelques vérités fondamentales. La France importe tout son pétrole et tout son gaz naturel, en fait toute son énergie fossile. En un lieu largement dématérialisé appelé « marché » cette énergie fait l’objet d’échanges sur la base de l’offre et de la demande. Le produit de référence demeure le pétrole et une bonne partie des échanges de gaz demeurent indexés sur le prix du pétrole même si commence à se développer un marché international du gaz notamment pour le gaz naturel liquéfié.
La fonction du marché est d’anticiper et le résultat de cette anticipation – le prix – est un signal pour tous les acteurs, du producteur au consommateur, sur ce que sera dans les mois et années à venir le rapport entre l’offre et la demande. Depuis l’automne 2010, le prix du pétrole a augmenté d’au moins $40 le baril. Cette hausse est liée bien sûr aux tensions géopolitiques et au printemps arabe qui, de la Lybie au Yémen, affecte des pays producteurs de pétrole et de gaz et surtout fait peser sur toute la région une menace de contagion dont on perçoit mal les limites. Mais les premières semaines de hausse, avant les événements tunisiens, devaient beaucoup à l’augmentation de la consommation mondiale (une croissance du PIB mondial de 5 % ne peut-être neutre) et aussi à la montée en puissance des besoins chinois. Et puis au lendemain de Fukushima il y a les interrogations sur l’avenir du nucléaire et sur son remplacement éventuel à la fois dans les « vieilles » économies (Allemagne) et dans les besoins à venir des pays émergents.
Tous ces facteurs ont joué et expliquent la hausse du prix que l’on aurait presque tendance à trouver « raisonnable ». Il faut bien entendu ajouter à ces considérations le rôle des monnaies : l’euro est moins fort qu’au printemps 2008 mais il pourrait se renforcer dans les semaines à venir (ou le dollar s’affaiblir ce qui revient au même) ce qui ne serait pas une bonne nouvelle du point de vue macro économique.
L’important c’est bien le message du marché : les énergies fossiles demeurent rares, couteuses à extraire et proviennent de régions que la malédiction du pétrole a rendu dangereuses et instables. Ces énergies polluent aussi et il faut d’une manière ou d’une autre payer le prix de la rareté et de la saleté. Voila ce qu’il faut dire aux français plutôt que de leur faire croire en ces temps de disette budgétaire que les princes qui nous gouvernent peuvent faire des miracles économiques et par leur seule parole calmer les marchés : « Le prince te touche, le marché te guérit ! »