Dans les semaines à venir, une introduction en bourse à Londres et Hong Kong risque de faire couler beaucoup d’encre : c’est celle d’une société suisse, basée dans le canton de Zug, pratiquement inconnue du grand public mais qui devrait se valoriser à plus de $ 50 milliards. Glencore est la plus importante entreprise au monde de négoce de matières premières et de commodités.
Le négoce international a une longue histoire. Il connut un premier âge d’or au temps de la Renaissance avec l’ouverture des grandes routes commerciales et des premières découvertes de nouveaux mondes. Au début du XVIe siècle, la maison Fugger d’Augsbourg dominait à la fois le commerce du cuivre et celui du poivre et des épices, les matières premières stratégiques de l’époque sur lesquelles s’affirma la puissance des Hasbourg. Cet âge d’or se termina au début du XVIIe siècle avec le renforcement des états occidentaux et surtout la monopolisation des échanges dans le cadre des Compagnies des Indes.
Il fallut attendre les années soixante dix du siècle dernier pour assister à un renouveau de l’activité de négoce international : dans un contexte de déstabilisation du système monétaire international, de disparition des oligopoles et cartels qui géraient les prix producteurs des métaux ou de l’énergie, de remise en cause des politiques agricoles, les négociants redevinrent incontournables dans la gestion des risques du commerce international de ce que l’on commença a appeler les commodités : ce fut le cas dans le domaine agricole d’entreprises comme Cargill ; Bunge, Louis Dreyfus ou Sucres et denrées. Le monde des métaux était alors dominé par une entreprise américaine, Philipp Brothers. Sous l’impulsion du dirigeant de sa filiale espagnole, un certain Marc Rich, Phibro fut à l’origine du développement du « Trading » de pétrole. Passé indirectement sous la coupe de maisons de Wall Street (Salomon Brothers puis Citigroup) Phibro a aujourd’hui disparu.
Marc Rich connut par contre un prodigieux développement malgré nombre de problèmes avec les autorités américaines. Cédée à ses cadres par les fondateurs, Richco devint Glencore qui occupe aujourd’hui le premier rang mondial dans le domaine de l’énergie et des minerais et métaux, qui possède 35 % du capital de l’un des plus grands mineurs mondiaux, Xstrata, qui est aussi présent sur les marchés agricoles.
Une entreprise comme Glencore détient bien sûr d’importants actifs. Mais là n’est pas l’essentiel. Une entreprise de négoce ce sont avant tout des hommes, des équipes capables de prendre et de gérer des risques sur des marchés par nature instables. L’activité du négoce est par essence aléatoire, liée à l’évolution des marchés et c’est là que le bat d’une cotation boursière commence à blesser. La plupart des grandes entreprises « privée », au sens anglo-saxon du terme (« privape company ») ne faisant pas appel à des capitaux extérieurs et ne se soumettant donc pas au jeu des résultats annuels voire trimestriels. Par le passé celles qui ont sauté le pas, à l’image de Phibro, ont disparu à moins que de se concentrer sur leurs bases industrielles.
C’est peut-être ce qui arrivera à Glencore qui est déjà un acteur minier incontournable. D’autres « purs » négociants se développeront alors comme cela à toujours été le cas au gré des migrations des équipes de négoce entre Zug et le lac Leman et puis aussi Singapour et bientôt la Chine. Les institutions chinoises, déjà actionnaires de Noble, un négociant basé à Hong Kong regardent aussi le dossier de Glencore comme au WVIe siècle les Hasbourg s’appuyèrent sur les Fugger pour fonder et financer leur empire. Il y aura toujours en effet des… « Marchands de Venise ».